mercredi 25 novembre 2020

Derrière la porte 20 !

 

L'aquarium de l'accueil

À l'hôpital, une fois que vous êtes enregistré, vous pouvez poser tranquillement vos petites affaires, sortir votre journal, consulter votre téléphone, bien remettre votre masque, essuyer vos lunettes embuées, vous y êtes, il n'y a plus qu'à attendre la consultation... Tout est parfait !

Derrière la porte 20 de l'hôpital, il y a tout un monde, le pire comme le meilleur. Quelques personnes attendent comme vous, les personnes maigres comme des clous vous inspirent de la compassion, bon, je n'en suis pas là, ouf ! Chacun doit, peut-être, faire comme moi : évaluer la situation en fonction de ce que je vois, le jugement du patient qui attend est très suspendu à ce qu'il observe, plutôt qu'à ce qu'il sait, il doit se souvenir qu'il n'a pas de diplôme de médecin pour le diagnostic. Le service où je suis s'appelle Proust, ça tombe bien, c'est mon auteur préféré, bon signe !

Le personnel est parfait, un accueil hors classe toutes catégories, certains même ont de l'humour, détente totale... Si vous pouvez venir avec un proche, un ami, l'attente devient très confortable !

"Les merveilles de Danielle" ? À vous ! On se déshabille là, je viens vous chercher. Ah ! Ça marche comment, cette grande machine ? Ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer, vous ne bouger pas du tout, bien, parfait. Des petites mains, légères comme des ailes de papillons, s'activent autour de moi. Un petit peu à gauche, voilà, juste un peu à droite, impeccable, on y va, vous ne bougez pas, on revient vers vous dans pas longtemps. Je reste seule avec la grande machine, elle tourne autour de moi bruyamment, des lumières s'allument, clignotent, comme des feux rouges sans le rouge, des vertes et des blanches, les bras du monstre s'animent, des yeux mécaniques s'ouvrent et je suppose que le rayon de soleil va faire son effet... Comme je ne peux pas tourner la tête, je ne vois pas grand chose du spectacle, le manège de la médecine nucléaire m'a embarquée sur son grand 8, le train fantôme fait son office !


L'aquarium de l'accueil

Tous les jours, je fais le même chemin, quand j'arrive dans le jardin, je me demande bien ce que je vais retenir de neuf. Ah ! Cet érable, avec ses toutes petites feuilles rouges, dans le soleil, cette petite  serre adorable, rien ne m'échappe, il faut que je garde des images pour les prochaines sorties... Il faut inventer...


L'érable ensoleillé à l'heure de la sortie

Au retour, dans le métro, un homme d'un certain âge, nécessiteux, faisait la manche, avec le sourire. Il improvisait un très petit discours de quelques mots à l'oreille de chaque voyageur, un peu obséquieux mais sans plus, et beaucoup lui donnaient la pièce, ni reproche, ni agacement, il allait furtivement de place en place. J'avais sorti promptement une pièce et j'attendais mon tour, inévitablement, puisque nous étions encore loin de la station : vous avez de beaux yeux, j'arrive trop tard, hélas ! J'ai ri, bien sûr, bonne journée monsieur, et ma pièce tomba dans le creux de sa main... À la jeune fille près de moi qui avait fait non de la tête, il prédit des succès pour ses études, pas rancunier pour un sou !

Arrivée chez moi, collée à mon canapé comme une étiquette sur une bouteille, j'avais récupéré les messages sur mon portable que j'avais coupé le temps de la machine infernale. Mais voyons, mon amie, tu as bien fait, très bien fait de m'en parler... Maintenant, la vie ordinaire revenait avec ses cascades, ses torrents d'histoires, elle pouvait recommencer : raconte, dis-moi ce qui t'arrive. Je n'ose pas, je ne savais pas si je devais t'en parler, j'ai hésité... Mais si, je t'écoute, ne reste pas seule avec le mystère. Je suis retombée en dépression ! Tu sais, je ne sais pas comment faire, pourtant tout va bien, je suis entourée, mes enfants m'appellent, m'entourent, mais je suis déprimée quand même ! Mais bien sûr, je comprends, à deux c'est plus facile, parle-moi, ne reste pas dans le silence, tu vas t'en sortir, nous reparlerons de tout ça, ne t'inquiète pas, on se rappelle, rappelle, rappelle, elle allait presque mieux.

Mais bien sûr, je comprenais le blues, le spleen, le vague à l'âme, je n'ai plus de goût à rien, plus rien de m'intéresse, pas motivée, même le ciel bleu, le soleil n'y peuvent rien changer...

Mais oui, nous comprenons tous cela, qui n'a pas vécu un jour ce brouillard, cette immobilité, le corps rouillé de l'intérieur, pas moyen de faire avancer l'engin, ça patine, ça n'avance pas, mettre un pied devant l'autre, on n'y arrive pas... Tu verras, ça va passer, ça n'était pas la première fois que mon amie avait cette panne de vitalité, pourtant, tout roulait bien pour elle, mais elle a trébuché sur l'angoisse et elle est tombée dedans... Garde confiance, tu a déjà vécu cette impression d'être absente de tout, tu sais que tu peux en guérir... Ne t'inquiète pas... Nous en reparlerons autant de fois qu'il faudra, autant de fois que tu voudras... Elle avait raccroché presque soulagée !


La petite serre adorable

Il faisait beau, pourtant je n'avais pas pas choisi de faire le chemin du retour à pied, demain peut-être...

À très vite mes amis, la vie commence à redevenir plus vivable, des sorties de trois heures autorisées dès samedi, il faudra que je mette les bouchées doubles... Portez-vous bien, n'attrapez rien... À très vite sur mes lignes...

4 commentaires:

Marie Claude a dit…

Derrière la porte 20,voici l'aquarium dont tu nous avais parlé, on dit que regarder les poissons évoluer apporte un certain apaisement, encore plus en ce lieu..

Sur ton chemin de beaux arbres qui doivent te ravir et cette serre que je trouve très belle et pas petite du tout....elle est certainement ancienne.

D'autres découvertes ou histoires à nous raconter de tes déplacements journaliers je n'en doute pas...nous te suivrons avec plaisir!
J'espère que tout continuera à se passer le mieux possible pour toi.
Bises du soir

Danielle a dit…

Marie Claude c'est vrai les aquariums sont fascinants, vraiment, et même apaisants...

La serre en fait, est une réplique miniaturisée des grandes serres du second empire, toute belle !

Merciiiii... chère Marie Claude de me suivre sur mes chemins de campagne en ville !

Grosses bises du soir.

Enitram a dit…

On déconfine, on déconfine, c'est mieux !!! Pourvu que ça dure et qu'on puisse partager nos balades ! En tout cas, merci de nous offrir cette belle évasion, aujourd'hui !
A bientôt

Danielle a dit…

Bien sûr on va continuer de partager nos balades de toutes les manières...
Il faut s'évader comme on peut, moi j'ai choisi le jardin d'en face. Merci pour tes superbes photos Enitram !

Je t'embrasse. À bientôt