vendredi 27 novembre 2020

Manège et crustacés !


Les grands chandeliers de la petit serre, un effet flamboyant !

Danielle, si tu fais attention à tout, on ne va pas s'en sortir ! En arrivant devant la serre, j'ai bien vu que le soleil avait foudroyé les deux arbres dénudés qui la soutiennent, mollement assise dans l'ombre, ça partait bien, un beau matin ! Là où j'allais, porte 20 sous-sol à droite, rien de changé, les poissons gobaient l'eau avec flegme, tournicotaient en tous sens, les patients attendaient, bien sagement, un peu de fatigue à droite, de l'énergie à gauche, les ambulanciers livraient leurs clients, avec douceur, toujours gentils, prévenants, on n'est pas loin, pas d'inquiétude, à tout de suite...

Les gros poissons nous saluent bien

Tiens, il y a de l'attente aujourd'hui pour le petit coup de soleil ? Les rendez-vous, précis comme des horloges bien réglées, sont tous décalés... Qu'est-ce qu'il se passe donc ? La machine est en panne, ils se sont trompés dans les rendez-vous ? Si la machine est en rade, ça doit être grave, on ne l'imagine même pas, bon, attendons, c'est le mieux... Un peu plus tard, il m'ont oubliée, la dame est pourtant arrivée après moi, bizarre, a-t-il bien pris en compte ma présence sur son ordinateur ?... Moi qui avais imaginé, en sortant de ma séance de bronzage,  aller immédiatement chez le beau poissonnier, juste au coin de la rue, coquillages et crustacés, l'air de la mer et coquilles Saint Jacques fraîches... Vu l'heure, ça n'allait plus être possible ! 

Une envie de coquilles

Ah ! C'est mon tour, le grand manège va reprendre ses voyageurs, en passant je questionne : vous avez eu un souci matériel ? Ne m'en parlez pas, nous avons eu une réunion qui n'en finissait pas ! Voilà comment un suspens torride se transforme en banalité à pleurer, une réunion qui n'en finissait pas, et moi qui pensais déjà que toute la maison était en révolution à cause du matériel qui avait sans doute explosé, déraillé, expiré... En plein vol... En un rien de temps, mon esprit s'est remis sur l'affaire de la poissonnerie, et j'ai pu voyager, en douceur, avec tous les poissons de la mer dans la grande machine rayonnante ! 

Quand je suis sortie toute rayonnée, la poissonnerie était fermée, rideau, plus rien à voir, revenez demain ! 

Bien sûr que je vais revenir demain, et pour éviter tous mes carambolages spirituels (retard, explosion, réunion, grève...) durant l'attente de la prochaine séance, j'irai faire mes achats "océan" avant mon rendez-vous de saison sous les tropiques... Sur mon chemin, cette fontaine Wallace peinturlurée en rouge fait grand effet sur le trottoir de la rue Belgrand (Eugène Belgrand, ingénieur hydrologue du baron Haussmann, directeur des Eaux et Égouts de Paris, choisit leur emplacement en veillant à leur accessibilité, mais également à l’intégration harmonieuse dans l’environnement urbain. La toute première fontaine est inaugurée en août 1872, boulevard de la Villette). Si la fontaine de la rue Belgrand ne date pas d'hier, sa couleur rouge est très récente, puisqu'en 2013 elle figure encore en vert dans le répertoire de Wikipédia, qui n'est donc pas à jour !


Fontaine Wallace, novembre 2020

La même, en juillet 2013 (travail personnel de Yann Gasner - Wikipedia)

Mes amis, bientôt trois heures par jour de promenade avec masque, gel et compagnie, mais ça sent quand même l'heure de la sortie... À très très vite, je vous embrasse...

mercredi 25 novembre 2020

Derrière la porte 20 !

 

L'aquarium de l'accueil

À l'hôpital, une fois que vous êtes enregistré, vous pouvez poser tranquillement vos petites affaires, sortir votre journal, consulter votre téléphone, bien remettre votre masque, essuyer vos lunettes embuées, vous y êtes, il n'y a plus qu'à attendre la consultation... Tout est parfait !

Derrière la porte 20 de l'hôpital, il y a tout un monde, le pire comme le meilleur. Quelques personnes attendent comme vous, les personnes maigres comme des clous vous inspirent de la compassion, bon, je n'en suis pas là, ouf ! Chacun doit, peut-être, faire comme moi : évaluer la situation en fonction de ce que je vois, le jugement du patient qui attend est très suspendu à ce qu'il observe, plutôt qu'à ce qu'il sait, il doit se souvenir qu'il n'a pas de diplôme de médecin pour le diagnostic. Le service où je suis s'appelle Proust, ça tombe bien, c'est mon auteur préféré, bon signe !

Le personnel est parfait, un accueil hors classe toutes catégories, certains même ont de l'humour, détente totale... Si vous pouvez venir avec un proche, un ami, l'attente devient très confortable !

"Les merveilles de Danielle" ? À vous ! On se déshabille là, je viens vous chercher. Ah ! Ça marche comment, cette grande machine ? Ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer, vous ne bouger pas du tout, bien, parfait. Des petites mains, légères comme des ailes de papillons, s'activent autour de moi. Un petit peu à gauche, voilà, juste un peu à droite, impeccable, on y va, vous ne bougez pas, on revient vers vous dans pas longtemps. Je reste seule avec la grande machine, elle tourne autour de moi bruyamment, des lumières s'allument, clignotent, comme des feux rouges sans le rouge, des vertes et des blanches, les bras du monstre s'animent, des yeux mécaniques s'ouvrent et je suppose que le rayon de soleil va faire son effet... Comme je ne peux pas tourner la tête, je ne vois pas grand chose du spectacle, le manège de la médecine nucléaire m'a embarquée sur son grand 8, le train fantôme fait son office !


L'aquarium de l'accueil

Tous les jours, je fais le même chemin, quand j'arrive dans le jardin, je me demande bien ce que je vais retenir de neuf. Ah ! Cet érable, avec ses toutes petites feuilles rouges, dans le soleil, cette petite  serre adorable, rien ne m'échappe, il faut que je garde des images pour les prochaines sorties... Il faut inventer...


L'érable ensoleillé à l'heure de la sortie

Au retour, dans le métro, un homme d'un certain âge, nécessiteux, faisait la manche, avec le sourire. Il improvisait un très petit discours de quelques mots à l'oreille de chaque voyageur, un peu obséquieux mais sans plus, et beaucoup lui donnaient la pièce, ni reproche, ni agacement, il allait furtivement de place en place. J'avais sorti promptement une pièce et j'attendais mon tour, inévitablement, puisque nous étions encore loin de la station : vous avez de beaux yeux, j'arrive trop tard, hélas ! J'ai ri, bien sûr, bonne journée monsieur, et ma pièce tomba dans le creux de sa main... À la jeune fille près de moi qui avait fait non de la tête, il prédit des succès pour ses études, pas rancunier pour un sou !

Arrivée chez moi, collée à mon canapé comme une étiquette sur une bouteille, j'avais récupéré les messages sur mon portable que j'avais coupé le temps de la machine infernale. Mais voyons, mon amie, tu as bien fait, très bien fait de m'en parler... Maintenant, la vie ordinaire revenait avec ses cascades, ses torrents d'histoires, elle pouvait recommencer : raconte, dis-moi ce qui t'arrive. Je n'ose pas, je ne savais pas si je devais t'en parler, j'ai hésité... Mais si, je t'écoute, ne reste pas seule avec le mystère. Je suis retombée en dépression ! Tu sais, je ne sais pas comment faire, pourtant tout va bien, je suis entourée, mes enfants m'appellent, m'entourent, mais je suis déprimée quand même ! Mais bien sûr, je comprends, à deux c'est plus facile, parle-moi, ne reste pas dans le silence, tu vas t'en sortir, nous reparlerons de tout ça, ne t'inquiète pas, on se rappelle, rappelle, rappelle, elle allait presque mieux.

Mais bien sûr, je comprenais le blues, le spleen, le vague à l'âme, je n'ai plus de goût à rien, plus rien de m'intéresse, pas motivée, même le ciel bleu, le soleil n'y peuvent rien changer...

Mais oui, nous comprenons tous cela, qui n'a pas vécu un jour ce brouillard, cette immobilité, le corps rouillé de l'intérieur, pas moyen de faire avancer l'engin, ça patine, ça n'avance pas, mettre un pied devant l'autre, on n'y arrive pas... Tu verras, ça va passer, ça n'était pas la première fois que mon amie avait cette panne de vitalité, pourtant, tout roulait bien pour elle, mais elle a trébuché sur l'angoisse et elle est tombée dedans... Garde confiance, tu a déjà vécu cette impression d'être absente de tout, tu sais que tu peux en guérir... Ne t'inquiète pas... Nous en reparlerons autant de fois qu'il faudra, autant de fois que tu voudras... Elle avait raccroché presque soulagée !


La petite serre adorable

Il faisait beau, pourtant je n'avais pas pas choisi de faire le chemin du retour à pied, demain peut-être...

À très vite mes amis, la vie commence à redevenir plus vivable, des sorties de trois heures autorisées dès samedi, il faudra que je mette les bouchées doubles... Portez-vous bien, n'attrapez rien... À très vite sur mes lignes...

lundi 23 novembre 2020

Porte 19 et porte 20 !

 
Un banc tranquille près du platane remarquable

Le tout premier jour de la porte 19, très en avance, je me suis assise sur ce banc, j'avais largement le temps, j'arrive toujours très en avance, trop, diront certains, meilleurs calculateurs que moi, moins stressés sûrement aussi. Chacun a son échelle des valeurs, c'est très bien ainsi, moi j'arrive en avance, trop !

J'ai pu découvrir le square, évaluer le nombre de découvertes à faire, revenir toujours avec l'appareil photo, mais d'emblée j'avais bien compris que le square et moi, on était fait pour se comprendre... Nous allions donc faire connaissance deux fois par jour, à l'entrée et à la sortie,  pendant un petit moment... Tant mieux, je n'ai jamais assez de temps pour le décorticage de mon environnement...

Aujourd'hui, la porte 19, je la connais par cœur, accueil, rencontres, visite, parlote, un monde entre parenthèses... Nous sommes amies, j'avais dépassé le stade : "Bon, où c'est ?" Couloir, escalier, bonne porte, guichet, ticket, vous me remplissez ce petit formulaire, prenez votre temps, la panoplie totale spéciale : hôpital/patient. Après le médecin, j'ai fait connaissance de l'infirmière référente, adorable : posez toutes vos questions, on y va, j'ai même eu droit à un petit jeu, questions-réponses, pas question de faire la dernière de la classe... Moi, j'ai besoin de connaître les lieux, d'y rentrer comme dans ma salle à manger...

La porte 20immédiatement après la porte 19, garde encore tous ses mystères, elle vous invite à descendre au sous-sol. L'accueil est agrémenté de grands aquariums magnifiques, remplis de poissons rouges, comme dans le petit restaurant vietnamien que je fréquente, le propriétaires m'avait dit que c'était pour la beauté et la prospérité, la vie ! Et bien, à l'hôpital c'est pareil, rien que de bons augures...

Je vous raconte la porte 20 prochainement !!!


Marronnier remarquable, premier coup d'œil...

Quand je suis sortie : ah ! La grande liberté, avec l'attestation de déplacement dérogatoire "soins", je pouvais en profiter un peu, une petite récompense bien méritée. Mes fils m'avaient dit : il y a une super boucherie, fromages, fruits, poissons, tu verras, c'est vraiment bien... J'ai fait le (petit) plein, le congélateur n'est pas fait pour les chiens ! Le chemin du retour avait l'allure d'une grande randonnée, il y a une foule de choses que je ne connaissais pas...


Chapelle de l'hôpital (19e siècle) pour les vœux, les prières, les aides... Les coups d'œil touristiques

Les magasins étaient ouverts, il y avait du bruit, de la circulation, même avec le confinement, mais ça m'allait... Le chemin du retour est toujours plus court que l'aller. Tiens, je ne connaissais pas ce musée ! Un musée du papillon, dans un si petit espace, il suffit de sonner à la porte, 3000 spécimens qui viennent du monde entier, c'est pour moi ! Je vous raconte ça aussi...


Le musée du papillon, encore mystérieux !

Mes amis, à très vite, portez le masque... Gardez vos distance, dans quelques mois tout sera oublié, sauf pour les historiens, chercheurs, bien documentés, qui vont en sortir des thèses, des livres, des conférences, des émissions de télé, de radio, les cinéastes auront du pain sur la planche... Dans quelques années, tous (presque) vaccinés depuis longtemps, nous serons passés à autre chose... Vivement que la page soit tournée... Mais je n'oublie pas les malades à long terme, les morts...

lundi 16 novembre 2020

Alice est décédée...

 

Alice est décédée en novembre 2020, avant de fêter ses 105 ans

J'ai eu de ses dernières nouvelles par son fils. Elle est morte la nuit, dans son lit, sans souffrance, sans crier gare. Elle aurait eu 105 ans aujourd'hui !

Depuis longtemps déjà, elle ne les voulait plus, ses années de grande vieillesse, il fallait l'encourager, la persuader, presque la supplier pour qu'elle garde son optimisme, son agilité : mais Alice, voyez comme vous êtes vive, voyez comme vous faites encore beaucoup de choses que vous aimez, le tricot, la lecture, vos courses, vos repas, le téléphone, la tablette avec des grosses lettres, les jeux à la télé, regardez combien les gens qui vous entourent vous aiment, ils ne vous oublient pas, prennent de vos nouvelles, votre famille est proche, vos enfants qui habitent près de chez vous viennent vous voir souvent... Mais ça ne suffisait pas, elle ne voulait pas être une charge pour ses enfants, petits-enfants, elle ne voulait plus aller plus loin, voilà tout, quand elle m'affirmait cela, elle était très sérieuse, très consciente, c'était sa vérité, je le sentais bien. Déjà, pour ses 100 ans, elle n'avait pas aimé qu'on les lui fête : mais Danielle, ça me fatigue plus qu'autre chose, je n'ai pas demandé ça ! J'ai oublié, pas osé lui demander : mais vraiment, Alice, pourquoi ne voulez-vous plus vivre à ce point ? Souvent, elle m'avait dit : je ne sers à rien... Maintenant je me demande, avait-elle la certitude d'être encore assez aimée pour continuer, continuer, continuer ?... Je ne sais pas ! Je ne peux pas lui demander, jamais plus... 

En fait, Alice n'était une charge pour personne elle avait tout juste accepté d'avoir une aide ménagère pour aller à fond pour la poussière et l'aspirateur... Mais pour le reste... Elle cuisinait sans trop de goût, mangeait des petits gâteaux toute la journée, elle les adorait, elle m'avait montré les paquets de biscuits qui prenaient de la place dans son placard de cuisine, et à portée de main sur son divan quand elle tricotait... Au supermarché, elle poussait son caddie à plus de 100 ans...

Pour Alice !

Les fleurs qu'on lui apportait, surtout des orchidées qu'elle aimait, sa maison en était remplie. Je ne sais pas si c'était elle qui procédait à leur arrosage, ou sa femme de ménage, ou une de ses filles, mais comme les orchidées ont la peau dure, elles étaient en fleurs tout au long de l'année, grâce aux remplacements successifs pour n'importe quelle fête. Les quelques fleurs qui ornaient son petit balcon, elle s'en fichait, et souvent  pendant  ou après l'été, elle les laissaient crever l'air de rien... Les orchidées ne lui donnaient aucun mal, les plantes vertes faisaient partie de la déco, mi fanées, mi vivaces... Quand elle partait en vacances, avec bonheur pour elle, ça, j'en suis certaine, elle me l'avait dit (combien de fois j'avais vu sa valise prête une semaine à l'avance, heureuse), les voisines (dont j'étais) se chargeaient des plantes fanées pleines de bestioles : poubelle, et quand elle revenait, elle s'en apercevait à peine, on lui avait racheté une orchidée...



Pour Alice !

Un jour, en écoutant Alice, j'ai été déçue, c'est la vie, on n'y peut rien, tout n'est pas rose dans l'existence ! Je ne voulais pas entendre ce qu'elle me disait, je voulais me boucher les oreilles : non, non Danielle, le ménage ne pourra pas durer, mais pourquoi donc Alice, dites-moi ? Elle me parlait du mariage d'un de ses petit-fils, qui venait de se faire : ben, je suis sûre qu'il ne va pas durer, voilà tout. Comment ça, pas durer ? Expliquez-moi, Alice, vous avez des doutes, vous pensez à quelques chose qui peut faire casser le mariage ? Mais pourquoi donc, vous m'intriguez, dites-moi ! Je la voyais hésiter, tergiverser, du bout des lèvres elle me dit : je n'aime pas trop sa femme. Ah bon ! Mais pourquoi ? Ben, elle est juive ! Mais voyons, Alice, vous racontez quoi là ? Je tombais des nues, je voulais qu'elle aille au bout de sa pensée : on dit qu'épouser une femme juive n'est pas bien, le ménage ne dure pas ! Mais d'où vous tenez cela, c'est des histoires tout ça, votre petit-fils aime cette femme, ça ne vous suffit pas ? De ce jour je l'ai moins aimée, je l'ai méprisée pour tout ce qu'elle venait de me dire, elle savait pourtant que ces sortes de pensées n'étaient pas très catholiques ! J'ai essayé de lui tricoter l'histoire à l'envers, elle croyait donc à tout un tas de stéréotypes, comment la faire changer, à plus de 100 ans ? De ce jour je l'ai moins aimée... Après, j'ai toujours fait celle qui n'avais rien entendu, je me disais : je vais y revenir, mais quand ?



Je n'en ai jamais parlé à personne dans la tour, à plus de 100 ans elle en était restée là, rien ne pouvait la convaincre, j'ai bien essayé... Un jour pourtant, elle m'annonça avec grand plaisir la naissance de son arrière petite-fille, je m'en suis réjouie avec elle, je lui ai dit, pour l'embêter : voyez, Alice, vos présages ne marchent pas, avec une juive, le ménage résiste très bien, votre petit-fils est très heureux, ça devrait vous donner du bonheur... Alice savait confusément que je n'avais pas approuvé ses paroles antisémites, mais je ne l'ai pas fait changer d'idée pour autant... Nous n'en avons plus jamais reparlé, j'ai toujours soigneusement évité de me faire du mal à l'entendre, je n'ai pas voulu creuser sur ce versant-là. Elle m'avait tellement déçue... Quand elle est partie dans le sud, près de son fils, je l'ai regrettée, embrassée chaleureusement, mais je n'ai jamais oublié ses paroles terriblement banales...

Chère Alice, souvent j'y pense, elle a eu une belle mort, partie dans son sommeil, on ne peut rêver mieux...

Chers amis, prenez soin de vous, sortez peu, le méchant virus finira bien par nous lâcher, vivement le nouveau vaccin ! Je vous embrasse tous !

mardi 10 novembre 2020

Mon primeur 4M ? Le petit tour dans la citée pavillonnaire...

 

Mon primeur plein de couleurs

4M :

Sous ses yeux, j'ai pris les couleurs de son magasin :  allez ami, je fais une belle photo, c'est si beau ! Allez-y si ça vous fait plaisir... Il est comme ça, mon primeur. Bien que sa marchandise soit comme chez les autres, pas encore assez locale pour moi, je ne manque pas de lui dire pourtant... Il me dit : oui, oui, oui, et continue à ranger ses tomates qui viennent d'ailleurs, et pas du tout de saison !!! Mais je ne vais pas refaire le monde tous les matins...

En ce moment, après les attentats islamistes radicaux, je fais attention où je mets les pieds, ou plutôt à ce que je dis avec les amis musulmans que je connais bien autour de moi, mon crédo reste : pas d'amalgame... Restons attentifs, les attentats criminels atroces que nous vivons, et qui nous épouvantent, peuvent nous diviser ! Sans paroles particulières, je continue à dire tout simplement, avec une voix normale : comment allez-vous, prenez soin de vous, bonne journée !! Tous font écho à mes paroles, et souvent même, ils me précèdent. L'islamophobie ne passera pas par moi !

Bon, Danielle, oui, là on a bien compris le concept, passons aux couleurs, oui, les couleurs de l'automne...

Mon primeur me fait remarquer le tout nouveau store, couleur de soleil, d'un jaune éclatant, qu'il vient de faire poser au dessus de ses étals, parfaitement tendu pour protéger sa marchandise. La couleur dorée de la toile maintient un ensoleillement artificiel et permanent dans toute la boutique. Mais dites-moi ami, pourquoi votre magasin s'appelle-t-il mystérieusement  "4M Primeurs" ? Ah ! Le voilà tout prêt et fier de dégainer sa réponse : personne ne peut le deviner, voilà,  je vous explique, les prénoms de tous les membres de ma famille commencent par M, ma femme, mes deux garçons et moi, ma dernière fille est née après la commande du store, son prénom commence aussi par M, la prochaine fois, si je rajoute quelque chose, je mettrais "5 M"... D'accord ! Très sympa, votre histoire. Mais dépêchez-vous, car votre fille va vite grandir, et risque d'en être jalouse... Nous avons ri !

Le petit tour :

Maintenant que nous sommes presque tous confinés, l'heure de la sortie est précieuse, je tire mes attestations recto/verso pour ne rien gaspiller... Je triche souvent d'un petit, très petit quart d'heure, après avoir arpenté quelques rues tranquilles, sans bruit, presque sans bruit, admiré des paysages archi-connus. Maintenant que c'est déjà l'automne/ hiver, il faut que je regarde autrement que je redécouvre...

Le beau paysage d'automne (avec stationnement de voitures, hélas !)

J'ai levé la tête, cherché dans l'acacia de plus de 100 ans les corneilles que j'avais vues au printemps/été, il y en avait deux, peut-être les mêmes (la corneille est socialement monogame et forme des couples de long terme, même si sa réputation de former un couple à vie reste à confirmer scientifiquement). Le mâle ne se distingue pas de la femelle...


Les corneilles dans le vieil acacia


Leur très gros nid est plus visible maintenant

Pendant ma petite promenade, ma vieille habitude est revenue instinctivement : Oh ! Comme vos fleurs d'automne sont belles ! Vous avez arrangé votre portail, il fait encore bon... Quand je suis arrivée devant cette petite maison en brique, celle que je préfère dans cette cité, j'ai regardé, comme je le fais d'habitude, à travers la grille, les plantes vertes qui allaient passer l'hiver sur le perron, et le propriétaire est rentré dans sa maison. Nous étions tous les deux masqués, incognito : voulez-vous une pousse de cette plante (dont il me donna le nom savant) ? Non merci, vraiment, je ne vais pas savoir m'en occuper, (je mentais, bien sûr, car je ne veux pas de plantes vertes, ni de cactus chez moi, trop de travail, et puis j'ai mes orchidées...) Voulez-vous celle-ci ? Elle pousse partout... Non merci cher monsieur, vraiment, je n'ai pas la main verte. Bon, alors voulez-vous des fines herbes ? Oh oui, volontiers ! Sur son perron il cueillit un petit godet, la terre était bien mouillée, les fines herbes penchaient la tête. Merci, merci beaucoup ! Surtout ne coupez pas les herbes trop longtemps à l'avance, elles perdraient toutes leurs vitamines. Je vais faire très attention, il ne faut pas trop de soleil ? Non, pas trop. Merci, merci monsieur, et je suis repartie avec ma ciboulette triomphalement, ouf ! Pour les fines herbes, je ne pouvais pas dire non tout le temps, ça devenait gênant, et la ciboulette est arrivée, sauvée, chouette, je vais me faire une bonne salade ce soir, c'était vrai, au revoir monsieur et merci encore, c'était Noël !! Nous étions tous les deux ravis de l'échange...



La maison que j'aime le mieux, et son chat

J'ai arrangé la ciboulette, coupé toutes les tiges fanées, le bonheur ! Les vitamines m'attendent ! Je vais donc faire d'une pierre deux coups, pour l'omelette qui est devenue toute verte, et dans la salade... Je n'ai pas lésiné sur les vitamines locales... Maintenant j'ai de la ciboulette à volonté sur mon balcon, je vais bien la soigner, vous pouvez compter sur moi...


Ce soir, c'est ciboulette

Chers amis, pour de nouvelles aventures confinées, je vous donne rendez-vous entre mes lignes... À très vite... Restez masqués, je vous embrasse...

mercredi 4 novembre 2020

Le microscope de mon confinement ! Les rapprochements...

 



Rapprochons-nous

Rapprochements 1 : le rire !

Maintenant que je suis cliente des hôpitaux pour ma guérison prochaine, je suis aux premières loges pour les rapprochements ! Quand on devient un/une vulnérable médical.e, les idées changent, les questions se posent plus facilement, les rapprochements avec les patients  que nous sommes devenus sont plus fréquents : parlons-nous les uns les autres, quand cela est possible... Ça soulage !

Je me souviens des éclats de rire que nous avons eu, entre nous, les vulnérables médicaux, dans les salles d'attentes qui se sont succédées, peu avant de passer au bloc pour des chirurgies ambulatoires, toutes différentes, certains pourtant de rentrer chez nous le jour-même. L'anxiété nous accompagnait naturellement, avec un cortège de questions des plus basiques, mais vitales : comment ça va se passer pour moi ? Pourvu qu'ils ne se trompent pas de côté, va-t-on bien m'endormir ? Pourvu que tout marche bien ! Comment je vais retrouver mes affaires ? Mes lunettes surtout, j'ai oublié de les mettre dans le grand sac en plastique, et mon téléphone, pourvu qu'il y soit aussi ! Nous avions une sacrée chance d'être là, même un peu/beaucoup angoissés... Nous avons fini par en rire, à pleines poitrines, quelques mots avaient suffi pour nous détendre : on va s'en tirer. Nous attendions maintenant, avec confiance, notre véhicule à quatre roues qui nous transporterait directement vers le lieu de notre résurrection... Quand j'y pense, j'en ris encore… 


Rapprochons-nous

Rapprochements 2 : les pleurs !

Consultation pédagogique oblige, le médecin que je devais rencontrer allait m'expliquer de A à Z le processus des soins à venir. J'attendais déjà depuis un bon moment sur ma chaise, quand un patient, encore jeune, la bonne quarantaine, vint s'asseoir pas trop loin de moi, mal en point, semblant souffrir, il avait du mal à marcher...  Avec l'aide de nos téléphones, nous venions d'apprendre les meurtres de Nice. C'est terrible ce truc, mais qu'est-ce qu'ils ont dans le crâne ? Un jeune, vous vous rendez compte, 21 ans, un dingue radicalisé, comment peut-il croire à tout ça, se faire baratiner à ce point, tuer des gens pour une religion, à notre époque ? Je comprends pas... Comment comprendre ?

Il soufflait un peu fort, respirait péniblement, je le regardais discrètement de côté, mais il avait vu : je vous dérange ? Nullement, vous êtes fatigué ? Respirez le mieux possible, détendez-vous... Il ne comprenait pas qu'un jeune puisse se faire avoir par la radicalité islamique : vous voyez, moi, je suis d'origine berbère. Ah oui ! Mais je ne suis pas de religion musulmane, mes parents n'étaient pas musulmans. D'accord, oui... Et je l'encourageais à poursuivre. Mais je me suis converti au christianisme... Je comprends tout à fait, et ?... Quand j'étais jeune... Vous aviez quel âge ? Vingt-et-un, vingt-deux, quand j'ai eu la certitude que Dieu existait... Je le regardais avec de grands yeux sans doute, car il ajouta : vous êtes croyante ? Pas du tout, je ne crois en rien. Ah bon ! Et... Vous me disiez ? Il me raconta comment, un jour, ayant eu la preuve de l'existence de Dieu, il rentra dans la religion catholique avec enthousiasme. À cette époque, j'étais dans la drogue à fond, LSD, des trucs de dingue, j'étais totalement déglingué... Au bout de la révélation, je lui dis : tout ce que vous me racontez est totalement exotique pour moi, vous vous rendez-compte que tout ce que vous dites ressemble à ce qui est arrivé à ce jeune assassin ? Son tour est venu sans une parole de plus, il se leva avec peine et suivi le médecin qui était venu le chercher : courage, bon rétablissement. Je disais vraiment n'importe quoi, car il m'avait dit en s'asseyant, j'ai un cancer de dingue, je ne sais pas comment je vais finir... Et il m'a tout de suite intéressé, du courage, de la lucidité et... Ét énormément de tristesse, quand j'y pense aujourd'hui, les larmes me viennent aux yeux...

Les rencontres du troisième type, comme celle-là, sont rares : pouvoir sauter sur l'essentiel en un quart de seconde, résumer sa vie entre un soupir et une plainte... Sans oublier l'espérance !

Ah ! Comme la vie est belle, dans le petit square, juste à la sortie de l'hôpital, je voyais de beaux arbres anciens, facile 150 ans, un platane haut de 20 mètres, un marronnier plus que centenaire. Un square historique avec des plantations historiques, personne, j'avais tout mon temps...

J'ai sorti mon téléphone pour prendre quelques photos !


Le platane remarquable, 150 ans, avec un houppier extraordinaire qui couvrait une belle partie du jardin près du kiosque à musique


Attesté par les parcs et jardins


Il s'élève magnifiquement au dessus du kiosque à musique, occupé depuis peu par des entrainements de boxe... Tout le monde peut admirer le jeu de jambes, la souplesse et la précision  des coups de poings...

Ce square va devenir mon QG pour un petit moment, je vais avoir le temps de disséquer le spectacle des utilisateurs du jardin...

Mes amis, gardez le moral, restons prudents, pensons à nous et aux autres... À très vite...

dimanche 1 novembre 2020

Avant le reconfinement de novembre, promenade de septembre...


  Mes artichauts ne sont jamais allés plus haut (26 septembre 2020 : dernier essai) !

Mes derniers artichauts :

Les voici, les voilà, mes deux derniers artichauts, mes deux derniers cobayes bretons, au bout de 15 jours d'attente, le gauche avait un peu d'eau, très peu, à la tige, et le droit était au sec depuis le début. Ils ont terminé leur course au ras des feuilles. Mais tout le monde disait autour de moi : c'est déjà pas mal de voir cette belle couleur violette apparaître... Il faudra que je recommence... Mais la pleine saison est terminée... À l'année prochaine !

Chouette, j'ai pris des photos :

Maintenant, plus d'artichauts mais un château, des arbres, un vaste espace boisé et pelousé de 50 hectares. Le domaine de Rentilly n'est pas loin de Paris, en Seine et Marne. Le parc surprend par sa grandeur, son calme (en semaine), certains des grands arbres sont très anciens, si on veut les serrer dans nos bras, il faut être à plusieurs... Cèdres, platanes, séquoias magnifiques, de quoi occuper tout un après-midi, et les garder en tête longtemps après, ils donnent tant l'envie d'y retourner. Aujourd'hui, je me dis aussi que si ma vie était à refaire, j'apprendrais le métier de garde-forestière, j'arrive pourtant à un âge où les regrets ne servent à rien qu'à embêter le cerveau qui a déjà fort à faire avec le temps présent... Il faut garder une très grande place pour le moment présent, même si en ce moment il est très compliqué, cruel, mortifère et anxiogène...

Le château : 

Mon fils m'avait dit : maman je t'emmène dans un endroit inconnu... Pour une fin de confinement, ce fut une belle fin de confinement (14 septembre 2020). Voilà des mois que je n'avais mis les pieds en campagne ! L'arrivée à Rentilly fut grandiose pour moi : promenade avec mon fils, ciel bleu, beautés de toutes sortes…


L'entrée du parc, seul élément d'époque (19e siècle)

Au début du 16ème siècle, un premier château est construit sur les terres de Rentilly. Il subira destruction et reconstruction pour prendre l'allure d'un château à l'italienne en 1780. Le château, qui jusqu'alors était de style italien, prend l'allure d'un château de style Louis XIII. Dans les années 1950, après un incendie, il est reconstruit avec une architecture sans grande qualité. Comment le faire disparaître avec panache ? En 2011, un concours d'architecture est lancé pour sa réhabilitation. Le gagnant propose son escamotage en l'enveloppant d'une peau en inox poli miroir, et c'est très joli !

Voilà un nouveau château contemporain, qui accueille un FRAC Ile-de-France (Fond Régionaux d'Art Contemporain) et des expos contemporaines diverse et variées. Comme il se trouve au fond du parc, sa peau miroir reflète tous les arbres alentours, c'est très beau.


Le château miroir

Ce jour-là, il faisait un soleil d'été, le ciel était d'un bleu pur, aucun nuage, rien que du bleu... Mon fils m'avait dit : maman, prépare-toi, je t'emmène dans un endroit surprise. Quelle surprise ! Oh ! Ah ! Divin, superbe, quel bel endroit ! Attends, maman, tu n'as pas tout vu... Non, je n'ai pas tout vu, et heureusement, car j'ai hâte d'y retourner. Il y avait tout ce que je pouvais espérer pour me changer du confinement de mon balcon : de grands espaces verts, des arbres anciens, un château contemporain, une belle pièce d'eau dans la perspective du château miroir... Un bistrot élégant et champêtre, une petite librairie, mais je n'ai pas tout vu, heureusement...


Ni par la porte, ni par la fenêtre, la nature s'est engouffrée dans le château par toutes les faces de ses  miroirs... J'ai sauté sur mon appareil photo, je voulais garder les couleurs, les mouvements, l'émotion, mais le sujet m'a submergée, il faudra juste que j'y revienne pour contempler tous ces effets de tous mes yeux... Le château était fermé à cause du corona, seule la nature grimpait sur toutes ses faces... J'ai hâte de revoir cette splendeur en toutes saisons... Plonger dans ses reflets... Il faudra attendre, attendre, attendre... Ombres à ce beau tableau : cette nouvelle construction est critiquée par les associations Vigilance Marne-et-Gondoire, qui reproche les conséquences écologiques, et Ligue pour la protection des oiseaux, qui considère cet habillage comme mortifère pour les oiseaux...

Les arbres :

Des arbres très anciens, avec des troncs énormes... Les vieux platanes pouvaient faire de l'ombre à tout un régiment, j'ai pris le temps, le plaisir de les contempler, il fallait prendre un sacré recul pour les avoir en pied dans mon viseur...


Les vieux platanes, infiniment beaux, offrent leur ombre à quelques personnes que l'on devine, minuscules silhouettes


Petits grains de sables sous le houpier du platane


Ses grandes branches, épaisses, fortes, s'élancent vers la lumière

À chaque pas, des découverte, des bavardages, des conversations à l'ombre, qui célébraient le pire et le meilleur : complot international, fabrication de virus, coupables, boucs émissaires, on en entendait des vertes et des pas mûres, la solidarité venait loin derrière les plaintes... Mon fils, champion de la raison, prenait plaisir à ces conversations qui partaient dans tous les sens... Nous nous sommes quittés bons amis, comme on dit, après des discours que nous ne partagions pas forcément... Les arbres étaient là pour bien me consoler...


Un tronc géant, deux fois mon âge sans doute, je le salue bien bas ! Cet arbre peut vivre entre 200 et 300 ans, et peut atteindre 40 mètres de hauteur

Les arbres anciens ne sont pas du tout regardés comme les humains : plus ils sont vieux, plus il sont beaux, nous aimons leurs rides, leurs boursouflures, leurs racines. Leurs belles veines apparentes sont dignes d'être photographiées, peintes, dessinées, on s'extasie, on les entoure même de nos bras pour tenter de s'imprégner de leur force, on les embrasse du regard, on appelle les enfants pour les découvrir de tous les côtés, on les aime de tout cœur, pourvu qu'ils vivent encore longtemps... Si nous, les anciens, nous pouvions êtres vus comme les arbres, nous pourrions rester un peu coquets, heureux, confiants, réconfortants, même un peu fiers...


De haut en bas, il est remarquable !


Le tronc tout vrillé d'un vieux catalpa, cet arbre peut vivre 100 ans, et atteindre 15 mètres de haut dans nos régions


Le catalpa noueux m'émerveille




De bas en haut, le séquoia, sa durée de vie peut aller de 500 à 700 ans, certains spécimens aux États-Unis auraient atteint 2000 ans et plus

Je me souviens de ma petite voisine Alice, que mes fidèles lecteurs connaissent, qui se porte encore très bien cette année, l'année de ses 105 ans. Elle est partie dans le sud maintenant, près de son fils. Elle me disait, me répétait, quand nous nous parlions les yeux dans les yeux : Danielle, qu'est-ce que je fais là, je veux partir, je ne sers plus à rien, si je pouvais partir dans mon sommeil... J'avais beau lui dire, lui redire : mais si, Alice, vous m'êtes utile, vous êtes utile à toute la tour, elle ne me croyait pas, mais elle retrouvait son sourire, elle repartait à petits pas vers son tricot, son gros livre, pour vivre encore un peu...

Chère Alice, il aurait mieux valu que vous soyez un arbre pour que l'on vous admire !


Alice en 2017, elle avait dépassé les 100 ans, j'ai des nouvelles récentes, elle va très bien

Mes amis, notre ciel s'assombrit avec tout ce que nous subissons, il faut se tenir ensemble, ne pas se décourager, je vais à la pêche aux histoire, je reviens très vite, attendez-moi... Dehors, dedans, restez prudents...