Les 15-20
Le premier œil !
Les 15-20 Hôpital National de la vision (historique), tout près de la Place de la Bastille : finalement, c'est là que j'avais décidé de me faire opérer de ma cataracte, après un périple hasardeux chez un chirurgien de Secteur 2 qui en avait après mes économies et à la sécurité sociale par ricochet ! Mon ophtalmo (pourtant en secteur 1) m'avait recommandé à un confrère chirurgien, cher, plus de 100 euros pour la première visite, je pouvais imaginer le coût total de l'opération ! J'irai voir ailleurs. Un de mes fils m'avait dit : mais maman, pourquoi ne vas-tu pas aux 15-20, ils sont en secteur 1 c'est très bien, et de plus ça ne te coûtera rien, et moins cher à la Sécu ! Les comptes m'allaient bien... Demandons un rendez-vous, sur internet, c'est simple comme bonjour, le site de l'hosto est très bien fait, il ne manque pas une virgule. Pour le motif du rendez-vous, nous avions coché "cataracte", scanné mon petit dossier complet, et hop, envoyé ! Le lendemain, je n'en croyais pas mes yeux, j'avais un rendez-vous et le nom du chirurgien sur ma messagerie, qui dit mieux, ment... Ça peut paraitre bizarre, mais moi je trouvais la vitesse grand V du message miraculeux, pour un grand hôpital comme ça, ils sont forts !
Aux 15-20, tout est indiqué aux patients, vous ne pouvez pas ne pas savoir : l'heure du rendez-vous, le nom du chirurgien qui va vous examiner et ensuite vous opérer, si vous devez être à jeun le jour de l'intervention, comment il faut vous laver des pieds à la tête, la veille, tout, tout, tout, vous est dit par SMS et par téléphone, vous ne pouvez rien louper ! Ça rassure, car avant l'intervention il y a toujours quelqu'un qui vous raconte la cataracte ratée de son voisin, c'est comme pour un accouchement... Vous entendez l'éternel accouchement de trop qui vous rend tremblante, presqu'au point de ne plus vouloir l'enfant !
Je ne vous raconte pas tout, je fais bref, le jour de l'opération (du premier œil), j'étais briquée comme un sou neuf des pieds aux cheveux, levée aux aurores, accompagnée en voiture par un de mes fils... Le plus dur pour la cataracte, ce qui me met le plus en détresse, c'est de se dire : est ce que je vais arriver à l'heure à l'hôpital ? Les ennemis sont partout : feux rouges, ralentissements, embouteillages, déviations, stationnement d'un livreur, un petit trajet devient la traversée du désert, sans boussole... On aurait dû prendre le métro, peut-être l'autobus, non, c'est trop risqué ! !!
Dans la salle d'attente du troisième étage il y avait foule, l'accueil était tenu par une dame tout à fait aimable qui répétait cinquante fois la même chose, avec le sourire : il faut signer la feuille de décharge pour votre opération, je peux prendre votre température ? Et elle mettait dans votre oreille, avec précaution, le petit thermomètre électronique... Vous allez à gauche et on vous indiquera ce qu'il faut faire, on va vous prendre en main, tout va bien... Au-delà de la salle d'attente, je voyais le ballet des petits fauteuils roulants conduits par des brancardiers (à l'aller comme au retour), avec chacun des patients qui allait ou revenait du bloc, bien enveloppé dans une couverture, tous habillés pareils, moches : uniforme bleu stérile, à usage unique, jetable, pas de jaloux !
Ticket d'attente
L'affaire fut rondement menée, mais toujours avec courtoisie et précision de la part du personnel soignant ou roulant. La petite dame qui était dans ma chambre est revenue du bloc avant l'heure, à cause des deux carrés de chocolat mangés le matin pour couper sa diarrhée, donc pas à jeun !! Ça marche bien, madame, les deux carrés de chocolat ? Oui, c'est radical ! Bon, tant mieux, du coup ils vous opéreront dans deux heures seulement, oui, ils sont gentils de m'attendre... C'est tout craché les 15-20 !
Le bloc, c'est sans douleur, un petit ralentisseur d'angoisse vous coule dans les veines via un cathéter, une anesthésie locale dans l'œil, des petits tuyaux dans les narines pour l'oxygène, qui aident à bien supporter, tout est prévu pour ne rien sentir du tout !
Après l'intervention, indolore, retour assez rapide dans la chambre, en fauteuil roulant, avec un brancardier toujours aussi gentil ! On se rhabille : madame, tout va bien ? L'infirmier prend la tension, c'est parfait, voici vos prochains rendez-vous pour la suite du programme, vous pouvez aller prendre une petit collation, thé, café, chocolat pain beurre et petits gâteaux, yaourts si vous voulez, on nous gâte aux 15-20...
Une belle coque sur l'œil, j'ai rejoint la cafétéria dans le hall de l'hôpital où mon fils m'attendait, la précaution d'usage pour les opérations ambulatoires : être accompagné au moins pour la sortie, et la première nuit ! De ce que j'ai pu voir, le public n'étant pas (pour la plupart) de la première jeunesse, la précaution est nécessaire... Je passe sur le fait que les 15-20 opèrent de bonne heure, très bonne heure, tout commence à 7 h du matin, attention aux retardataires. Entre 80 et 100 personnes par jour, roulez jeunesse !
Le deuxième oeil ! (8 jours après)
Comme vous avez déjà tout vu, tout entendu, tout perçu, l'attente est totalement supportable, la petite dame de l'accueil toujours aussi accorte ferme les persiennes pour ne pas gêner les patients avec les rayons du soleil qui se pointe... La troupe se presse à l'appel, tous les sièges sont remplis, de quart d'heure en quart d'heure les fauteuils roulants commencent leur petit ballet pour aller au bloc et revenir à la chambre... Pas un grain de sable, ah, j'oubliais ! Le bracelet au poignet de l'œil qui va être opéré...
Mais le deuxième œil est sensiblement différent du premier, j'entends tout, je sens tout, même l'eau stérile qui coule dans mon œil, et le coup de force rapide du chirurgien qui décolle le sparadrap du champ opératoire et de mon œil, ben mince, il n'y va pas avec le dos de la cuillère...
Revenue à la chambre, habillée, je file à la salle de collation où je retrouve ma copine du premier œil, tout le monde a la coque sur l'œil opéré, à garder une semaine... Attention, pas de bêtises, de gestes brusques, sages ! De nouveau thé, café, chocolat pain beurre et petits gâteaux, yaourts, la grande classe, on papote, je remonte le moral à la petite dame d'en face, grande stressée devant l'Éternel : j'ai toujours de la tension me dit-elle, je suis pressurisée ! Ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer, mon chirurgien m'a dit que nous aurions des yeux de lynx, il faut patienter. Le deuxième œil a sa personnalité, plus sensible, j'ai un peu mal, encore un peu molle, pas réveillée, mon fils prend les affaires en main. En deux temps trois mouvements, me voilà rendue au bercail pour une sieste prolongée... Le lendemain matin, je recevais un SMS qui me demandait si tout allait bien, il fallait juste répondre par oui ou non, en cas de douleurs ou de gêne une infirmière me téléphonerait, j'ai donc expérimenté le non car je ressentais une petite gêne, et l'infirmière me téléphonait vingt minutes après : ce n'est rien, prenez patience, vous en parlerez avec votre chirurgien la semaine prochaine...
Ma voisine, celle que tout le monde aime dans ma tour, me dit : les 15-20 devraient s'appeler les 20 sur 20, depuis, nous avons définitivement rebaptisé notre Hôpital préféré : les 20/20
Saint Louis - Sicard et Melle Maurion (1936)
Ainsi donc, depuis Saint-Louis au 13e siècle, la maison des aveugles qu'il avait fondée (du Palais Royal aux Tuileries) se perpétue ici dans toute sa grandeur et sa modernité, par un grand centre hospitalier national dédié à l'ophtalmologie (1992), un institut de la vision dédié à la recherche de dimension internationale, un institut Universitaire, l'INSERM et la fondation Voir et Entendre, en 2022 création d'un Institut de réadaptation visuelle Saint-Louis dédié à la prise en charge de la basse vision (acuité visuelle inférieure à 3/10e).
La petite parlote de dimanche, jusqu'au marché :
Elle sortait de la maison neuve, pas loin de chez moi, la cigarette au bec. Pour amorcer la parlote, je lui ai dit : c'est pas bon pour vos petits poumons ! Oui, je sais, mais en ce moment je ne peux pas faire autrement, je marche pour le cancer du sein, je vais faire un don, moi qui tombais de l'armoire, je lui demandais comment elle faisait cette marche toute seule ? Très simple, mon téléphone enregistre tous les pas que je fais tous les jours, et plus je marche et plus mon don sera important (opération Jonquille : 1 km parcouru = 1 euro de promesse de don, pour les marcheurs individuels comme moi, chaque km parcouru, comptabilisé sur mon téléphone pendant 12 jours correspondra à la valeur du don à l'Institut Curie). Voyez, la jeune femme en était à 10 kilomètres donc 10 euros capitalisés, elle avait fait la promesse de faire le petit virement en participant à la marche, si j'ai bien compris ! Nous sommes parties sur les cancers du sein, de son amie qui était en radiothérapie et sa mère en chimio, elles vont guérir, j'en suis sûre, on guérit bien maintenant du cancer du sein s'il a été pris très tôt... Et puis chemin faisant, elle me dit : je suis détective privée. Oh ! Comme c'est original, nous avons des projets avec mon épouse... Oui, magnifique, et c'est quoi votre projet ? Partir dans le sud, acheter notre maison... Superbe, je vous souhaite une belle réussite ! Loin de votre mère alors. Oui, mais c'est pas pour tout de suite. Je suis contente de vous avoir rencontrée, vous vous appelez comment ? Rose, quel beau prénom, et vous ? Danielle ! Chacune s'en est allée vers ses achats... Le cœur content !
La rue de Charenton, près de la Bastille, où se trouve les 15-20 (20-20) est truffée de petites boutiques passionnantes, je vous raconte ça lors de ma prochaine visite post-opératoire, juste le jour de la grande manifestation contre la réforme des retraites... Affaire à suivre, mes amis, je vous embrasse fort