mercredi 29 mai 2013

Une semaine à Vienne...Avec soleil... Sixième époque (fin)


Détail du décor de l'entrée de la station de métro d'Otto Wagner, 1899 (Karlsplatz) 

Impossible de quitter Vienne sans évoquer son grand architecte, urbaniste, artiste des arts appliqués : Otto Wagner (1841- 1918), qui œuvra principalement dans sa ville... Poste, église, hôpital, bâtiments d'habitation, le métro (36 stations, dont il reste deux sorties, transformées en café)... En 1890, Otto Wagner fut chargé du remodelage complet de la ville, comme Haussmann à Paris. Il disait : seul ce qui est pratique peut être beau. Il propose une architecture complètement libérée des ornements classiques, il conçoit les formes libres de l'Art Nouveau. Ses amis intimes furent les peintres Klimt et Koloman Moser. Ses bâtiment Art Nouveau et ses écrits sur l'urbanisme lui valurent une réputation mondiale. Otto Wagner fut un des fondateurs en 1899 du  courant de "La sécession viennoise", ce mouvement d'Art Nouveau est moins végétal, moins fleuri, plus géométrique que celui qui s’exprimait en France.



La station de métro


La sortie de métro-café de Kalsplatz, sous le ciel gris


Le métro de Vienne fut construit en sept années, en partie sur terre, en partie sous terre, la visite de Vienne est grandement facilitée par ses moyens de transports modernes et peu chers, le métro, le tram et les bus. Et bien sûr, si vous y tenez, les chevaux et les calèches très touristiques vous feront faire la visite au petit trot...

Dans la ville Otto Wagner il est donc partout, nul ne s'en plaindra, il suffit de lever la tête pour apercevoir facilement son art :



La maison Majolica, 1899


Détail...


La maison aux médaillons (1898), qui jouxte la maison Majolica


Détail


Détail... La crieuse, sculpture d'Othmar Schimkowitz

La Sécession viennoise (association d'artistes plasticiens d'Autriche), fondée à Vienne en 1897, avait pour but de  :

- réunir les forces créatrices de ce pays 
- instaurer des contacts avec les artistes étrangers 
- prôner un échange international des idées 
- lutter contre l’élan nationaliste des pays européens 
- renouveler les arts appliqués 
- créer un art total 
- opposer une nouvelle expression artistique véritable à l'art défraîchi des salons officiels viennois.

Wagner et ses amis, rebelles face à la conception des arts anciens, créeront avec le Palais leur propre espace d'exposition, que je n'ai pu visiter car il était en plein travaux, je n'ai donc pas pu voir non plus la grande frise "Beethoven" de Klimt.


 Le Palais, manifeste architectural (Joseph Maria Olbrich, 1897)


La devise de la Sécession : À chaque âge son art, à chaque art sa liberté


Ce dôme de feuillage découpé et doré tel une couronne végétale est magnifique (les Viennois l'appellent "Le choux doré")


La visite des oeuvres d'Otto Wagner était loin d'être terminée, après le détour volontaire et terrible par Mauthausen et pour transformer les pleurs en espoir, je tenais absolument à voir la sublime église Saint Léopold, qu'il a construite en 1905 pour les patients et le personnel médical de l'hôpital psychiatrique. Cette église est située en banlieue de Vienne, qu'elle domine dans toute sa beauté. Hélas ! Je n'ai pas pu admirer l'intérieur, l'église était fermée, elle n'ouvre que le week-end. Le centre hospitalier est construit dans un écrin de verdure, les pavillons médicaux sont disséminés dans la nature, j'avais presque envie de tomber malade ici...


À travers les arbres du parc


En haut de la petite colline : la merveille !







Une verrière créée à partir des cartons de Klimt


La petite incursion dans la banlieue de Vienne incluait la découverte des villas qu'Otto Wagner avait réalisées à un quart de siècle d'écart, la première construite en 1886, énorme, un peu pompeuse, escalier monumental, décor voyant très coloré et surprenant, revendue au peintre Ernest Fuchs. Cest actuellement un musée.



1886


Décor luxuriant de la villa


Détail...

File:Otto-Wagner-Villa II 0058.JPG


La deuxième villa de Wagner (1912-1913)

Otto Wagner vendit cette maison après la mort de sa femme, plus jeune que lui de 18 ans, en 1915 (trois ans avant lui). La villa est très sobre, sa blancheur est éblouissante.

Vous voyez bien, je ne pouvais passer à la trappe tous ces joyaux, j'ai suivi pas à pas Otto Wagner, autant que j'ai pu.

Je suis passée rapidement devant la maison de Freud, il n'y reste rien qui puisse évoquer sa vie et son oeuvre : pressé par ses amis vers un départ précipité en Angleterre en 1938, rien ne subsiste de lui à Vienne, juste un appartement vide, rempli aujourd'hui de photos, pas d'âme, pas d'émotion... Freud n'est plus ici il est à Londres...


Dont il ne reste rien de palpable, de présent...

jeudi 23 mai 2013

Ma deuxième rencontre avec Ron Mueck...

Fondation Cartier


Couple sous le parasol

La première fois que j'avais vu ses oeuvres, en 2006, à la Fondation Cartier, j'avais été extrêmement touchée par la précision, la virtuosité des corps si humains, pour la plupart nus, exposés aux regards curieux des spectateurs. Une fois que vous avez passé en revue les détails réalistes des sculptures de l'artiste, les oeuvres parlent d'elles-mêmes, elles sont émouvantes. J'étais intriguée par ce travail, cette mise à nue de la nature humaine, ces corps plus vrais que nature, natures mortes dont la présence irradie l'espace et les cœurs : le mien, je peux en certifier.

Ron Mueck est un sculpteur qui vit et travaille à Londres, il a cinquante cinq ans. Ses sculptures reproduisent le corps humain dans ses moindres détails, ses constructions sont faites de manière classique à partir de sculpture en terre, il construit les armatures pour les grandes formes, et procède ensuite au moulage avec du silicone, de la résine polyester, puis peint les moulages / corps avec une précision clinique, seuls les accessoires et les tissus sont vrais. Mueck travaille lentement, avec acharnement, dans son atelier londonien, dans le silence, avec la loupe frontale, des pinceaux à un poil ou deux, et deux assistantes.

Longtemps j'avais gardé en tête le travail de ce sculpteur, intriguée par cette volonté de réalisme, et les échelles hors-normes des personnages, tantôt immenses, tantôt minuscules, disproportionnés, en fait le contraire de la représentation hyper-réaliste. Ron Mueck, comme Ingres et beaucoup d'autres artistes, se moque de l'anatomie et c'est tant mieux, seuls les gestes et les expressions comptent.

Ron Mueck: Couple sous un parapluie. Photo Thomas Salva / Lumento.

 Couple sous le parasol (Photo Thomas Salva/Lumento)

Dès l'annonce de cette deuxième exposition, j'ai filé à la Fondation Cartier à l'heure du déjeuner, il n'y avait presque personne, j'avais toutes les oeuvres pour moi, j'ai été bouleversée : grands ou petits, les formats des personnages nous projettent dans un autre monde. Ces humains nus ou habillés ne m’inquiètent  plus, bien au contraire, il suffit de prendre son temps, de bien les regarder, et la gravité des représentations vous apparaît, les formes, les expressions et les situations s'additionnent pour distiller de l'émotion.

couple-parasol2.jpg

La main et le bras unis

Tout d'abord dans la grande salle, ce couple de personnes âgées, plus grand que nature, sous le parasol multicolore, à la plage sans doute puisqu'ils sont en maillots de bain, nous pouvons en observer chaque détail : le grain de la peau, les ongles des pieds, les plis du corps, les verrues, les cheveux, plantés avec un souci de microscope, tout y était. Nous sommes mis immédiatement en position de voyeur, nous pouvons presque compter les poils des jambes de l'homme, et puis quand on tourne autour de ces deux corps, on tombe sur le regard bleu du vieux monsieur qui, comme certains visages des tableaux anciens, fixe le spectateur pour le prendre dans ses filets. Alors j'ai éprouvé la solitude du plagiste, je me suis rappelée aussitôt les toiles de Hopper où les regards se perdent aussi dans l'infini, sans jamais rencontrer l'autre... Pourtant, en tournant encore autour de monsieur et madame, nous voyons que monsieur tient délicatement le bras de madame, une tendresse infinie s'en dégage...

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La femme avec ses courses et son bébé

Dans l'autre salle du rez-de-chaussée il y a une petite sculpture magnifique, une femme de très petite taille (113x46x30 cm), elle a fait des courses et tient un sac en plastique pendant au bout de chacun de ses bras, son bébé est dans un porte-bébé. Le manteau de la mère est fermé, laissant la tête de l'enfant un peu ballante dépasser dans l'échancrure du vêtement, elle a le regard vague, ne regarde pas son bébé, elle le porte simplement, elle a les deux mains prises par les sacs... C'est poignant !


La femme avec le gros fagot (petite échelle) 

Cette femme ploie sous le poids du gros fagot, une petite lutine, si vous croisez son regard brun, comme elle a traversé le mien, vous serez touché instantanément.

Au sous-sol, d'autres personnages solitaires vous attendent, un film documentaire passionnant de Gautier Deblonde (photographe français qui consacre une grande partie de son travail aux ateliers d'artistes contemporains) nous transporte dans l'atelier de Ron Mueck, et nous assistons à la naissance de ses personnages, la salle de projection était pleine, on aurait entendu une mouche voler, magnifique ! L'oeuvre de Ron Mueck est poignante, l'être humain habillé ou nu est livré à notre sensibilité dans un dénuement, une vulnérabilité qui n'appartiennent qu'à Mueck. Il nous propose, peut-être aussi, un jeu de miroir avec nous-mêmes, pourtant les ressemblances ne sont pas... Immédiates. Cherchons bien...

L'exposition dure jusqu'au 29 septembre, vous avez le temps, si vous passez par-là... Précipitez-vous...

lundi 20 mai 2013

Une journée bien (trop) remplie...


Le petit jardin naturel, juste à côté d'une entrée du Père-Lachaise

L'après midi, je l'ai passé avec ma soeur, vous vous souvenez ? Je partage un bel après-midi par mois avec ma soeur, on choisit notre cible de visite : où veux-tu aller ? Où tu veux, et nous y allons... Nous avions d'abord déjeuné dans un petit resto vietnamien que nous connaissons, il y avait un peu de monde, mais la salle est si petite que vous avez l'impression que vous êtes dans votre cuisine avec des amis... Allez aujourd'hui, je change, je goûte un nouveau plat, je conviens que l'affaire était considérable, je me suis lancée dans l'inconnu, mais le choix n'était pas judicieux, j'ai eu l'impression de manger des restes, un fond de vermicelles dans lequel étaient noyés trois morceaux de poulets, la sauce un peu épicée masquait la petite quantité, tiens... Il ne faut pas manger autre chose que le bobun ici, mais contre mauvaise fortune bon coeur, nous aurons l'estomac léger, c'est bon pour la marche... Nous irons  prendre le café ailleurs, comme nous le faisons d'habitude, aujourd'hui les changements ne sont pas très réussis, le café est bruyant, il faut demander la clé des toilettes... Mais rien ne nous empêche de continuer notre conversation comme si de rien n'était...


Derrière le mur du cimetière, on aperçoit quelques tombes

L'après-midi fut plus courte, car j'allais à 19h à la salle Pleyel écouter Aggripina de Haendel, version concert, celle que je préfère. Nous nous adaptons immédiatement à l'horaire imposé par la musique : allons voir le petit jardin naturel, caché derrière le grand mur du Père-Lachaise... Bonne idée, un espace secret à deux pas de la circulation intensive de la rue de Bagnolet. Ce jardin a été crée uniquement pour accueillir des plantes de l'Ile-de-France, la nature dicte sa loi, pas d'arrosage ni de produits chimiques, la main de l'homme est légère, les herbes folles vivent leur vie, beaucoup d'arbres : érables, merisiers, sureaux, une petite allée nous mène à la mare minuscule, nul visiteur aujourd'hui, ni grenouille ni libellule, tout est calme. Comme ce jardin de poupée est frais, personne ne le traverse que le gardien qui nous dit bonjour en passant, le square ferme à 20h30 en ce moment...


La petite mare aux grenouilles...

Un peu plus loin encore, le jardin se prolonge un peu vers un espace microscopique aménagé pour les enfants, c'est moche, c'est triste, je n'ai pris aucune photo, les jeux en bois garnis de ferraille, rien n'est  engageant ici, c'est très laid...


Au bout de l'impasse, les arbres du Père-Lachaise et ses mystères

Nous avons aussi exploré cette impasse, juste à côté du jardin naturel, au calme, loin du monde, terrasses et jardinets, bien à l'abri des passants, quelques habitants ont la chance d'être à la campagne contre le mur du cimetière...


Gracieuse petite marquise de verre et fer forgé



Terrasse de campagne




Petit chemin de pierre



À l'ombre des tombes

Le temps filait, le dernier thé avant le départ, le dernier gâteau chinois aussi, nous déballons notre goûter, les choses de la vie défilent dans nos paroles... Métro, changement, au revoir, baisers, je vois de loin le petit sac à dos de ma soeur qui fait une belle tache de couleur rouge sur le quai d'en face...

En route vers Pleyel, mais avec un peu d'avance, j'ai le temps de visiter la belle église orthodoxe russe (Cathédrale Alexandre Nevsky) qui se trouve dans la rue Daru, juste à côté de la salle Pleyel... Consacrée en 1861, elle est classée au titre des Monuments Historiques en 1981.







L'intérieur scintillant de la Cathédrale Nevsky 

Le financement de cette construction est fait essentiellement par souscription, en Russie et dans les milieux russes à travers le monde, appartenant à toutes les communautés religieuses (orthodoxes, catholiques et protestantes). Le tsar Alexandre II donne, sur sa cassette personnelle, environ 150 000 francs-or. En France, l’intérêt est fort pour ce projet. Les dons des orthodoxes affluent, mais également ceux de catholiques ou de protestants. Les cinq bulbes symbolisent le Christ accompagné des quatre évangélistes.

Un office se prépare, le prêtre a revêtu un somptueux habit rouge et or, personne ne trouve à redire quand je sors mon appareil photo, pourtant interdit dans l'église. Les icônes sont magnifiques, enchâssées dans des écrins d'argent et de pierres précieuses, souvent le coin droit de l'icône est rendu plus brillant par les caresses des croyants...





Le temps file, l'heure du spectacle approche à Pleyel, je suis au premier rang plein centre, le bonheur total. Les musiciens de l'Akademie Für Alte Musik de Berlin font leur entrée, souriants, décontractés, ils vont m'enchanter, ils produisent une musicalité inégalée, tous solistes,  ils jouent avec un son unique. Le maître arrive :  René Jacobs est salué chaleureusement par des applaudissements nourris... La fête se prépare !

Un beau plateau de chanteurs, une version concert, celle que je préfère, le livret de cet opéra est très compliqué, plein d'intrigues, de mensonges et de convoitises, le surtitrage est très utile pour suivre les rebondissements savoureux... Tout est fait pour me plaire.


Pourtant, le spectateur à côté de moi, pendant tout le premier acte, ne regarde pas la scène, il lit le programme, il est ailleurs, d'ailleurs il ne revient pas à l'entracte... Pourquoi est-il venu ?


Pour moi, les quatre heures de spectacle (entracte compris) ont été des moments de joie, de beauté, d'harmonie, et d'émotion. Un vrai privilège que de voir un opéra (Agrippina) de Haendel en concert avec de tels artistes. Rien ne remplacera jamais le spectacle vivant, rencontres imprévues, émotions nouvelles, partage, tout est vrai ici ! Certains spectacles vivants sont extraordinaires, si nous savons qu'ils ne changeront rien à la marche du monde, nous sentons qu'ils nous font bouger un peu sur notre vision du monde, le spectacle lyrique n'y échappe pas, puisque la musique accompagne les émotions, les idées, et nous bouleverse... La musique a ce pouvoir supplémentaire de multiplier les émois quels qu'ils soient, la tristesse, la joie, la mélancolie... De faire naître des images, de soulever des montagnes... Moi je l'entends comme ça...




Marcos Fink et Dominique Visse (en cheveux)

Les (en)chanteurs m'ont touchée, principalement la basse Marcos Fink dans le rôle de Claude, drôle, touchant, émouvant, complètement incarné dans son personnage, sa belle voix profonde m'a fait pleurer. Quelle joie aussi d'entendre Dominique Visse, avec cette voix si particulière, piquante et acidulée à souhait, une tessiture si originale, il était parfait. Bejun Mehta superbe contralto n'est pas en reste dans le rôle d'Ottone un grand moment, la charmante Sunhae Im dans le rôle de Poppée est pétillante jusque dans sa voix, je reste moins convaincue par Alex Penda (Agrippine) qui ne me touche pas du tout, moins de moyens vocaux à mon goût...



Sunhae Im et Bejun Mehta

Vous l'aurez compris, il y avait du feu d'artifice sur scène, le seul bémol mais non des moindres, c'est au maître René Jacobs que nous le devons : il se pique de "mise en espace", et avait placé les chanteurs derrière l'orchestre pendant de très longs moments, ce qui fait qu'on les voyait pas, et qu'on les entendait beaucoup moins bien. En regardant Jacobs diriger (avec un stylo à bille) son orchestre, je me disais : il dirige uniquement pour lui, les chanteurs sont devant ses yeux, du premier rang on peut même l'entendre chantonner en même temps qu'eux, il doit s'imaginer qu'il est dans un studio d'enregistrement, sans se soucier des spectateurs qui attendent que les interprètes reviennent sur le devant de la scène pour le bonheur de tous. Monsieur Jacobs, s'il vous plait, pensez à nous, votre public, laissez-nous les chanteurs sur le devant, on s'en fout de la mise en espace, la qualité de l'interprétation présente sur le plateau n'a nullement besoin d'accessoires, ils sont magnifiques au premier plan, ne nous en privez pas. Merci Maître... Sinon tout était extraordinaire !




Merci messieurs dames, du bonheur que vous donnez à votre public, merci ! Souvent j'ai eu envie de pleurer bien avant que le spectacle ne commence, la joie d'être là était incomparable.

Voilà une journée trop (?) remplie de rencontres belles et émouvantes, j'en rêve encore.


lundi 13 mai 2013

Une semaine à Vienne...Avec soleil... Cinquième époque !

La belle époque !


Le miroir de bois doré

Comme une euphorie, tout pareil ! Le musée des Arts Appliqués est renversant, tout est beau du sol au plafond, l'art appliqué ici aux objets de la vie quotidienne, fait plaisir à voir, les meubles, les miroirs, les fauteuils, les chaises, les verreries si lumineuses et transparentes... Le début du xxe siècle est ici divinement représenté, dans un écrin spécialement étudié pour en mettre plein la vue au monde entier, pari gagné...



L'entrée d’inspiration Renaissance italienne

Le musée autrichien des arts appliqués (MAK) date de 1871, ce qui en fait l'un des plus vieux d'Europe. Il est installé dans un magnifique édifice d'inspiration néo-Renaissance italienne, caractéristique des bâtiments de l'époque. En 1993, on décida la restauration complète du musée, et pour ce faire, on entreprit de confier la réalisation de chaque section du musée à un artiste différent. Cette idée géniale fut une formidable réussite et le musée se révèle aujourd’hui l'un des établissements culturels les plus fabuleux de Vienne. Après tout ça, vous me direz, on doit se battre au caisses pour prendre ses billets... Pas du tout ! Il n'y a personne, beaucoup moins de monde qu'au château du Bélvédère où l'on expose les Klimt... La visite est intime, pas de bruit, très peu de gens, les portes s'ouvrent uniquement pour vous, entrez donc... Faites comme chez nous...



Un peu trop de lumière pour les photos, mais le coeur y est.

Je tombe nez à nez avec les dentelles et les verreries vénitiennes, deux métiers d'art que j'adore. De magnifiques pièces sont exposées, peu d'objets mais de très grande qualité, le projet est parfaitement respecté : ne donner à voir que des oeuvres d'excellence.


Dentelle de Venise


 Coupe de Venise

Cette coupe magnifique, si fine, si légère, presque invisible, me rappelle un souvenir douloureux, j'avais acheté la même, presque... Une copie de musée, chez un verrier de Murano, il y a de très nombreuses années, du temps où l'on pouvait encore acheter à Venise un bel objet pour pas trop cher... Le commerçant m'avait fait un paquet insubmersible, anti-guerre nucléaire, je l'ai serré sur mon cœur pendant tout le voyage du retour, dans le train je n'avais pas fermé l’œil de la nuit, surveillant mon paquet comme le lait sur le feu, il fallait le protéger du monde. Le déballage chez moi fut un grand moment de douceur et de lenteur : elle est ici, je l'ai, où vais-je la mettre, à l'abri du vent, de la tempête, de mes gestes mal calculés, là ça serait parfait, aucun risque. Je n'y passais le chiffon à poussière que très rarement, par nécessité, il m'aurait fallu une vitrine, un endroit fermé, c'était mon trésor, j'y avais mis tout Venise, cette bulle de savon était un instant de grâce... Un jour pourtant, quand la nécessité s'est faite loi contre la poussière, le drame arriva, j'avais posé un petit vase (de Claude Morin, verrier français), assez lourd malgré sa petite taille, un peu plus haut que la coupe et le désastre se produisit, avec mon petit chiffon douillet j'ai déséquilibré le petit vase qui est tombé sur la coupe, la fracassant en mille morceaux, emportant rêve, beauté et légèreté... Le petit vase n'avait rien, le voici de pied en cape photographié... Je ne l'ai jamais détesté, c'est moi que j'ai maudite, mais rien n'y a fait, bien des années après, je n'ai jamais pu racheter une coupe aussi belle... Vendue aujourd'hui bien au-dessus de mes moyens... Méfiez-vous de la poussière, ne la prenez pas trop au sérieux, retenez-vous, un malheur est si vite arrivé...


Le petit vase de Claude Morin qui causa le drame




Des beautés aériennes de Venise





Les lourds gobelets de Bohême


La belle petite chaise Thonet

Vous connaissez sans doute l'histoire de cette petite chaise, fabriquée par un  ébéniste/industriel allemand-autrichien Michael Thonet (mort à Vienne en 1871), qui développa vers 1820 des meubles à bon marché (comme Ikéa en somme). Il avait mis au point un procédé pour courber le bois, il rationalisa la production, une chaise coûtait à l'époque le prix d'une bouteille de vin, il créa des chaises pratiques, élégantes et peu encombrantes : ainsi, sa chaise n° 14, constituée de 6 éléments, nécessitait 3 minutes d'assemblage, elle a été vendue dans le monde à 50 millions d'exemplaires de 1859 à 1910.



La chaise Thonet n°14




Collection privée, mes deux Thonet...


Le fauteuil Marcel Proust

Le musée des Arts Appliqués a placé juste au bout de la chaîne des sièges de style un fauteuil d'Alessandro Mendini, designer italien, qui a conçu ce fauteuil en 1978. Il mettait à l'honneur la démesure, dans une débauche de pointillés colorés, rencontre entre le pointillisme et l'époque Régence. Il s'agit d'un siège imaginé en l'honneur de l'écrivain Marcel Proust, Mendini aime utiliser les couleurs pour raviver les objets du quotidien, il faut beaucoup de place dans sa salle de séjour pour l'y placer, j'ai donc opté pour les petits tabourets Thonet...