samedi 25 mai 2019

L'expo Tissage, Tressage... Les découvertes du jour... (1)



Hivernages : pelotes et fagots - 1990-2018 - (Ampelopsis, glycine, lierre et chanvre filé) -Marinette Cueco (1934), vit et travaille à Paris

Juste en sortant de la galerie, tu verras... Un de mes fils m'avait prévenue : c'est vraiment beau et surprenant, il faut voir  les deux, maman, l'expo de sculptures en tissage dans une petite Fondation Parisienne et l'église moderne des années 30 à deux pas, juste à gauche en sortant de l'expo... Impossible de la louper, tu devrais aller voir d'urgence tout ça, ça te plaira...

Bien sûr, mon fils ! J'y suis allée à grandes enjambées, avec l'autobus, deux découvertes dans la même rue, pas très loin de chez moi. Il faisait beau, tout invitait à prendre le bus, à descendre tranquillement le long de cette petite rue qui porte deux noms : rue de Bagnolet, à la porte de Bagnolet (20e) d'abord, puis rue de Charonne jusqu'au bout (11e), pour se jeter dans la rue du Faubourg Saint-Antoine... Et s'y dissoudre...

Pour la Fondation - Villa Datris, il m'avait suffit d'aller voir sur internet quels artistes exposaient :  des noms connus, certains depuis très longtemps, Marinette Cueco, Annette Messager, Joana Vasconcelos, Chiharu Shiota, Sheila Hicks, et d'autres que je ne connaissais pas du tout, une vraie mine d'or...

D'entrée de jeu, une animatrice accueillait le public avec un grand sourire : c'est gratuit aujourd'hui, nous vous invitons à suivre une petite visite guidée, passez du bon temps, bonne expo !

Les oeuvres de Marinette Cueco, fragiles et résistantes à la fois, enchantent par leur beauté, leur douceur et leur poésie, rien de plus poétique que la végétation organisée sous les doigts de Marinette ! L'Hivernage : une très belle installation formée d'un monceau de cocons, boules, fagots, pelotes, balles, nids, broussaille, cheveux tressées, de diverses tailles et nuances, entassés depuis des années, tissés, séchés, noués... L'ensemble s'écoule à nos pieds comme les pierres d'un ruisseau, dans le petit patio vitré, au pied du grand mur jaune de la galerie... L'harmonie et la délicatesse des œuvres de cette Pénélope submergent d'émotion, les entrelacs, filages et tissages, délicatement posés au sol, demandent énormément d'attention, il faut s'approcher de plus près pour distinguer les matières, contempler les formes plus précisément... Chacun à son histoire, sans doute... Elles nous rentrent par les yeux jusqu'au cœur, et vous restent longtemps en tête...

Marinette Cueco







Pierres qui roulent n’amassent pas mousse...



Tondos - 1992 (entrelacs, joncs, capitus) - Marinette Cueco (1934)


Détail



Détail


Marinette Cueco, faiseuse de dentelle, de plumes végétales, parle très bien de son travail :"J'appelle ces travaux entrelacs, je travaille en deux dimensions, j'utilise alors toutes les techniques qui consistent à maintenir ensemble les fibres textiles : tisser, nouer, tricoter, entrelacer, crocheter..." Paradoxalement son matériau d'herbes est extrêmement fragile et impossible à travailler selon ces techniques...

Une courte vidéo nous apprend quelques secrets de création, nous comprenons mieux la fabrication de ses entrelacs : le jonc passe dessus, dessous, se noue, se dénoue sans fin... L'artiste épelle sous nos yeux son alphabet d'herbes... Je voudrais bien moi aussi trouver les mots qui décrivent mieux les émotions que font en moi les œuvres d'art... Il faut sans cesse chercher, toujours recommencer, préciser, s'aventurer dans l'inconnu, laisser agir... Les artistes me donnent du fil à retorde, tant mieux !


 Pour finir, elle a enveloppé les pierres...


Rena Banerjee


Et puis voilà une oeuvre de Rena Banerjee, qui faisait partie de mes belles découvertes à la Biennale de Venise en 2017, la Biennale de mon cœur, l'année des grandes rencontres, tellement émouvantes, beaucoup d'artistes encore inconnus pour moi alors que leur rayonnement était mondial !



Rena Banerjee - (1963 - née en Inde, vit et travaille à New-York) - (Plume, acier, fil de laiton, coquillage cabri, fil tissu vintage, noix perles de verre, bâtons floraux en bois, glands en fil d'or, cordon en film plastique) 
Cette sculpture fait référence aux Amazones...





Détails foisonnants, exubérance des matières


Chiharu Shiota


Maintenant, Chiharu Shiota, avec une oeuvre beaucoup moins importante que toutes celles que j'ai eu la chance de voir de Paris à Venise... Il y a quelques années déjà, mais quel plaisir de la retrouver dans ce lieu... Ses toiles d'araignées recèlent toujours des trésors, et puis l'éternelle question, comment fait-elle pour tout envelopper avec tant d'art ?... Personne n'y résiste : comme c'est beau !


Chiharu Shiota - (1972, née au Japon, vit à Berlin et travaille dans le monde entier)

J'ai découvert pour la première fois en 2011 l'univers de Chiharu Shiota à La Maison Rouge de Paris, fondation fermée maintenant, je l'ai retrouvée à Venise puis à l'espace Vuitton de Paris, chez Templon, bien sûr, la célèbre galerie, et au Bon Marché à Paris, je l'ai suivie pas à pas... Comme je pouvais... Le même émerveillement m'anime chaque fois que je vois ses œuvres... Suivez la avec cette rétrospective minimaliste :


Chiharu Shiota - (1972, née au Japon, vit à Berlin et travaille dans le monde entier) 
Fondation Vuitton 2015



Chiharu Shiota - (1972) Templon - 2017



Chiharu Shiota - (1972) Templon 2017


Chiharu Shiota - (1972) au Bon Marché 


Annette Messager, que (presque) tout le monde connait, ses œuvres sont piquantes : ciseaux, aiguilles, armes blanche, piques... "Annette Messager, qui revendique la dimension féminine de son art, intègre l’univers domestique dans lequel le regard masculin a cantonné la femme : travaux à l’aiguille, carnets précieusement intimes, revues de beauté, pour en faire son langage plastique en même temps qu’une critique de la condition féminine". Merci Wikipedia. Elles travaille principalement le textile, elle y inclue des photos, des mots, des écritures, des dessins...

Annette Messager


Tentation (2017) - Annette Messager (1943) - Vit et travaille à Malakoff

Je me souviens d'une de ses œuvres plus guerrière, presque dangereuse, exposée à la Maison Rouge en janvier 2018, dont je vous ai déjà parlé dans mon blog (cliquer ici)


Les spectres de la couturière - (2014-2015) Annette Messager à la Maison Rouge en février 2018

Les guerriers de la couture, les outils vengeurs de la femme confinée, ombres portées flippantes, le changement d'échelle de simples outils de couturière, pendus, noirs (faits avec un textile rembourré et cousu), ne donnent pas envie de s'en servir, mais de les brandir comme des armes de guerre, outils revendicatifs ? M'avaient fait froid dans le dos, mais, quelle magnifique installation. J'avais adoré !!...

Confidence de dernière minute : une de mes amies a en ce moment des soucis d'amour  Elle se questionne sans cesse sur la durabilité de la chose, car elle n'a plus vingt ans depuis longtemps... Elle me disait il y a peu : tu sais, il faut que je me laisse gagner par la confiance, la sérénité. La liberté que je me donne doit me donner des ailes, du bonheur... Mais, je n'y arrive pas toute seule, je reste anxieuse, mes amis comptent beaucoup pour moi, ils sont très importants, ils me soutiennent, heureusement qu'ils sont là,  je les aime... Ils m'aident beaucoup, énormément !

Cette ode à l'amitié, chaleureuse et sincère, s'harmonise à merveille avec les œuvres d'art : souvent, elles nous rendent heureux, nous font réfléchir, les grandes libertés d'interprétations qu'elles nous offrent nous aident aussi à adoucir les duretés de nos vies... Ce sont mes amis !


Bon, le prochain post sera la visite de l'église des années 30, que j'ai trouvée tout de suite à gauche en sortant de la Fondation : tu verras, maman, tu ne dois pas rater ça... 

lundi 13 mai 2019

Au secours ! Nos amis les bêtes sont en voie d'extinction... !!!




 Les singes - (Yves Boussin)

Les singes pourraient disparaître d’ici vingt-cinq à cinquante ans.
Selon une étude, 60 % des espèces de primates sont en danger d’extinction en raison d’activités humaines. 75 % des populations accusent déjà un déclin (Le Monde, 18 janvier 2017 - Audrey Garric).


Les crocodiles  - (Yves Boussin)


Les effectifs sont estimés de 200 000 à 300 000 individus. Leur conservation est rendue difficile par leur réputation de mangeurs d’hommes, qui n’est pas complètement injustifiée. Compte tenue de la valeur de leur peau, de leurs effectifs, et de l’étendue de leur répartition, leur chasse demeure encore une activité courante, braconnage qui semble difficile à maîtriser. Aujourd’hui, la menace principale est la destruction de leur habitat traditionnel.
Des fermes d’élevage ont été mises en place dans plusieurs pays afin de rendre le braconnage moins intéressant, par la baisse des prix de la peau qu’elles permettent (Wikipedia).


En cours de réalisation par l'artiste  - (Yves Boussin)


Les éléphants  - (Yves Boussin)

Les éléphants peuplent la surface de la Terre depuis 60 millions d’années : pas moins de 300 espèces ont ainsi existé. Il n’en reste aujourd’hui que deux : l’éléphant d’Afrique et l’éléphant d’Asie (WWF).



 Les girafes - (Yves Boussin)

La girafe est désormais menacée d’extinction, avec une baisse de 40 % de sa population totale en 30 ans, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (la Croix, 19 avril 2019).


Les Rhinocéros - (Yves Boussin)

Jusqu’au milieu du 19ème siècle, les rhinocéros étaient largement répandus dans les savanes d’Afrique et les forêts tropicales d’Asie. Aujourd’hui, presque toutes les espèces de rhinocéros sont menacées de disparition. Leurs cornes, désormais plus prisées que l’or ou la cocaïne, sont leur malédiction (WWF).


Les pandas - (Yves Boussin)

Près d'un tiers, soit 23 928 espèces, sont menacées d'extinction, 68 éteintes à l'état sauvages et 855 disparues... Le panda géant (Ailuropoda melanoleuca), a quitté la catégorie d'espèces "en danger" d'extinction grâce aux politique de protections mises en place par la Chine, qui ont permis une hausse de sa population(WWF, 7 septembre 2016)

Population estimée à 1 864 individus en 2013 (WWF).

 

Les tigres - (Yves Boussin)


La fascination qu’il exerce, par son charisme et sa place dans l’inconscient collectif, en fait aujourd’hui l’une des espèces les plus braconnées de la planète. Recherchés pour leurs peaux mais aussi pour diverses parties de leur corps, supposées soigner diverses pathologies dans la médecine traditionnelle chinoise, les félins sont victimes d’un trafic international, exercé par de puissantes mafias.
Aujourd’hui, personne ne peut dire s’il y aura encore des tigres sauvages dans 50 ans.
Il reste moins 400 tigres dans le monde (WWF).


Les zèbres - (Yves Boussin)

Les rayures uniques des zèbres en font l'un des animaux les plus familiers de l'homme. On les trouve dans une grande variété d'habitats, comme les prairies, les savanes, les forêts, les garrigues épineuses, les montagnes et les collines côtières. Cependant, divers facteurs ont eu de graves répercussions sur les populations de zèbres, en particulier la chasse à la peau et la destruction des habitats. Le zèbre de Grévy et le zèbre des montagnes sont en danger d'extinction. Bien que les zèbres des plaines soient beaucoup plus abondants, une sous-espèce, le quagga, a disparu à la fin du 19e siècle.


Les pélicans - (Yves Boussin)

Comme beaucoup de grands oiseaux, les pélicans sont en diminution dans le monde entier. Bien que seules deux espèces, le pélican frisé et celui à bec tacheté, soient considérées comme menacées, la population de la plupart des espèces a fortement diminué ces dernières années.
Les activités humaines, particulièrement les progrès de l’agriculture et son expansion, ont été la cause principale de la régression des espèces. Il est devenu de plus en plus difficile pour les pélicans de trouver un site de nidification non perturbé. Les stocks de poissons ont été pillés, et désormais, l’homme les garde jalousement et les gère à son bénéfice exclusif. Dans la majorité des cas, les problèmes des pêcheurs sont dûs non pas aux oiseaux piscivores, mais à une mauvaise gestion et à un excès de pêche, combinés aux effets des drainages à grande échelle, et à la détérioration de la qualité de l’eau. Un des problèmes principaux qui affectent les pélicans est la perturbation des colonies, très souvent par des touristes trop curieux. Citons en outre le piège mortel que représentent les lignes à haute tension, la contamination au DDT, la perte d’habitat (Wikipedia).
L'artiste qui a signé ces belles œuvres, en noir et blanc, s'appelle Yves Boussin, vous le savez, les amis qui me faites l'amitié de passer par mon blog, il se trouve que cet artiste est aussi mon frère ! 

Un jour, il y a une petite année, je l'ai vu dessiner à l'encre de Chine ces superbes animaux, et puis de fil en aiguille, nous avons pensé qu'il serait utile de rassembler plus spécialement ceux qui sont en voie de disparition... D'une pierre deux coup pour lui : le plaisir de dessiner, peindre avec l'encre de Chine, et d'alerter les gens...

Je lui ai proposé d'en exposer quelques-uns sur mon blog, et de conjuguer la beauté et l'urgence du sauvetage...

Depuis peu, mon frère est  en liaison avec une éditrice, il travaille à rendre possible la sortie d'un livre sur les espèces animales qui se raréfient dans le monde. Les cris d'alarmes viennent de tous les coins du monde... Mais les espèces en danger continuent de l'être... Qu'allons-nous devenir, s'ils disparaissent ? 

Avec les arbres partis en fumée, pour faire place aux monocultures plus rentables (soja, huile de palme, chocolat, avocats...), l'habitat naturel du règne animal partout est mis à mal, et je n'oublie pas certaines populations qui y vivent encore... Et puis les braconniers, le changement climatique... Il faudrait se réveiller avant qu'il ne soit (déjà) trop tard ! Est-ce bien raisonnable de faire venir du monde entier les denrées qui nous nourrissent, au lieu de se contenter d'une alimentation plus re-localisée ? 

Depuis quelques années, je n'entends plus chanter les oiseaux en ouvrant les fenêtres, je ne vois plus les moineaux de Paris... Le ciel est vide !

Au musée de la chasse à Paris, en février 2019, j'ai vu que d'autres artistes prenaient soin des animaux en voie de disparition... Notamment : la Mise en boîte de Christophe Jacquel, qui m'a désespérée, elle aussi en dit long sur le drame qui se joue dans la nature.




Standard Conserves - 2012 - Christophe Jacquel


Très beau graff que j'ai photographié récemment sur un mur de Montreuil (Mosko - 2019)

Il y a beaucoup d'autres animaux en voie de disparition, la grenouille par exemple, l'abeille.... La mer est pleine encore de futurs disparus dont les coraux : le biologiste marin Daniel Pauly, le plus cité dans le monde (sauf en France), annonce déjà la couleur : "Un jour, il ne restera que du poisson d'élevage et ou du surimi, et les jeunes générations n'auront plus les références de ce qu'était le poisson. La science à fait son travail, maintenant le problème est politique"... (Télérama, mai 2019).

Et nous, les humains, que deviendrons-nous sans eux ?

Il y a de quoi être très inquiets...

Pile dans l'actualité... "Un million d'espèces animales et végétales sont menacées d'extinction dans le monde : c'est l'alerte lancée, lundi 6 mai, à Paris, par la septième plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques. Fruit de trois ans de travail, son rapport constitue la première évaluation mondiale de l'état de la biodiversité depuis 2005, et la plus complète (1).

Le rythme actuel de disparition des espèces sauvages est sans précédent dans l'histoire de l'humanité, et il s'accélère, avertissent les experts.

Selon les chercheurs, il est encore possible d'enrayer la perte de la biodiversité, à condition de changements rapides et profonds dans notre consommation de ressources tirées de la nature. Il en va, soulignent-ils, de l'avenir de l'humanité (synthèse en français : Le Monde 4 mai 2019).



(1) Depuis 2016, cette évaluation mondiale sur l'état de la nature a mobilisé 150 experts internationaux, issus de 50 pays, représentant à la fois les sciences naturelles et sociales, soutenus par les contributions additionnelles de 250 experts supplémentaires. Basée sur près de 15 000 références, c’est également la première fois qu’une telle évaluation intègre de façon systématique les problématiques, les priorités et les savoirs autochtones et locaux.

Notre planète est en grand danger, alors qu'elle a besoin des tous nos soins... Il faut faire vite !

Je ne sais pas du tout de quoi sera fait mon prochain post, promenades, visites dans Paris ?... J'ai déjà des idées... Je vous y attends...

mardi 7 mai 2019

Encore un peu de Normandie ! Illiers-Combray...


Les deux fauteuils au matin

Aucun balcon de ville n'offre cet accueil, ni le matin, ni le soir, assise un peu à l'intérieur, abritée par l'auvent, les pieds à l'extérieur, les yeux sur la glycine naissante, le jardin à perte de vue, un paysage silencieux et le ciel bleu, il est 8 heures du matin, avant le petit déjeuner ! J'avais déjà sorti de son fourreau mon appareil photo, une lumière comme celle-là, il ne fallait pas la louper... Il y avait encore la petite pellicule blanche de gelée nocturne sur les tuiles plates... Il faisait encore un peu frisquet...

Très tôt, nous commencions nos bavardages, mieux qu'un livre d'images, qu'une pièce de théâtre : le bavardage des amies, tout en sincérité, en profondeur, en amitié, en retenue si nécessaire, progresse à son rythme, sans se bousculer, d'un mot à l'autre, d'une idée à l'autre, le temps passe vite et nous transforme inévitablement...

L'herbe était au raz des pâquerette, tondue de près par mon amie, il y avait encore du travail pour tout arranger, faire beau : dehors, dedans, elle fêterait Pâques avec sa famille dans quelques jours. Il y aura des tonnes d’œufs en chocolat pour les petits qui viendront ici......


Le clocher / tour d'Illiers-Combray, équipé de trois cloches, à travers les branches fleuries du printemps

Aujourd'hui, c'est : excursion à Illiers-Combray. La commune a officiellement changé de nom en 1971, elle y a adjoint "Combray", ville inventée par Marcel Proust dans son oeuvre "À la recherche du temps perdu". Pourquoi ?

"En avril 1971, « Illiers » est rebaptisé « Illiers-Combray » par décision du ministre de l'Intérieur Raymond Marcellin, pour le « Centenaire de la naissance de Marcel Proust », en application d'un décret du 29 mars précédent, publié le 8 avril au JORF. C'est une des rares communes françaises à avoir adopté un nom emprunté à la littérature."

Mais depuis, toute la ville s'y est mise. Marcel est à la Une partout : l'office du tourisme est "Le pays de Marcel", le boulanger fabrique "Les madeleines de Proust", les cafés servent les madeleines, la maison de Tante Léonie (grand-tante de Marcel Proust) est entièrement dédiée à Marcel... L'église qui n'est pas en reste, garde précieusement, dans son jus : le banc de la famille Proust. Voilà une belle surexploitation intensive locale ! Le supermarché : "Marcel" ! De quoi faire le chemin à reculons...

Avant la visite, nous avions pris le temps d'un pique-nique maison : œufs durs, tomates, fromages, pain et fruits, confortablement installées sur une table municipale en bois, dans un très beau coin de verdure, sous les arbres en fleurs, près d'un petit ruisseau qui chuchotait. Les oiseaux étaient en voix, un peu trop de soleil, peut-être ? Bon, on ne va pas se plaindre, c'était divin !



La table en bois du pique-nique est juste derrière moi : œufs durs, tomates, fromages et fruits

Poussons le portail : un petit jardin tout simple, remis au goût de l'époque (19e siècle) :




Le petit jardin de la maison de Tante Léonie

Mais déjà, je commençais à me méfier du supermarché "Marcel"... Il y avait un beau soleil, des ombres douces, un très petit espace. Toute la façade avait été restaurée dans le goût de l'époque et de l'original, d'après photos...


Les jolies mosaïque des fenêtres ont été rajoutées, en conformité avec l'original

Une charmante guide nous explique le sens pratique de tous les objets exposés dans la cuisine, entièrement reconstituée... Nulle place au silence, qui pouvait nous permettre de nous imprégner du temps passé... Non, tout y est passé : le pain de sucre, les casseroles, les bassinoires, les bols et les assiettes, tout, tout, tout... Comme au temps du petit Marcel...


La cuisine

Pas lectrice de Proust, mon amie  n'en avait pas d'autre idée que ce que je lui avais raconté sur Marcel pour la mise en bouche, elle flânait d'un objet à l'autre, curieuse, mais pas enthousiaste. Moi qui avais relu deux fois "La Recherche", je trouvais que les émotions n'étaient pas au rendez-vous... Mais poursuivons la visite...

Marcel Proust passa plusieurs petites vacances, entre six et neuf ans, dans la maison de sa tante paternelle : Elisabeth dans la vraie vie, et Léonie dans le roman. Le premier chapitre de la Recherche du temps perdu semble s'inspirer de ce lieu...

Mais cette maison est une fiction, comme l'oeuvre de Marcel Proust. Ici rien ne ressemble à l'original, car La Recherche n'est pas un roman autobiographique, les souvenirs d'enfance dont parle l'écrivain  doivent surtout leur puissance évocatrice au talent de l'auteur... Tout le temps de ma lecture du roman, j'ai cru que le narrateur était l'auteur, bien à tort bien sûr... ! La mécanique romanesque ne fonctionne pas comme ça, les souvenirs, les sensations peuvent s'inviter dans l'écriture, mais la création est un puissant démiurge... La fiction peut se nourrir de réalité sans pour autant devenir la réalité ! La maison de tante Elisabeth est un prétexte au pèlerinage pour les "Amis de Proust". Peut-être même qu'une plaque de cuivre ou de marbre aurait suffi à émouvoir les lecteurs, s'ils avaient pu lire : ici, le petit Marcel,  est venu trois ou quatre fois en vacances...


La salle à manger

Comme dans la cuisine, chaque objet est inventorié, je sentais bien que mon amie n'était que modérément intéressée, moi j'allais d'une pièce à l'autre pour prendre des photos... J'avais bien senti depuis le jardin réinventé que tout le reste de la maison serait une interprétation de la fiction !


L'escalier et sa boule de cristal...

Mon petit baromètre émotionnel (mon amie) m'indiquait que le monceau d'objets décrits par le menu la lassait, rien dans la maison ne la renseignait sur le style de l'auteur. La recomposition de cette maison ne disait rien de l'oeuvre romanesque, la grande émotion qui m'avait subjuguée à la lecture de ce magnifique roman ne se trouvait pas restituée ici. La beauté de l'oeuvre ne se trouve que dans la lecture ! Après avoir lu La Recherche, j'ai mis beaucoup de temps avant de pouvoir reprendre un roman, tellement il m'avait bouleversée.... Mon amie ne s'est pas précipitée sur les livres vendus à la boutique pour terminer la visite. Moi, j'ai acheté quatre petits marque-pages, bien légers, illustrés, je savais à qui j'allais les offrir...





Les reflets d'une réalité multicolore

La lumière, les couleurs, les reflets, peuvent être à l'origine de belles pensées, laissons agir...

Nous avons poursuivi notre visite par l'église Saint-Jacques, superbe !


La vaste nef de 44 m de long sur 14,30 de large, les bancs avec pupitres sont fermés par une petite porte


Voûte polychrome datée de 1453


La tête de Saint Jacques étonne par sa grandeur et sa beauté

"En effet, Illiers-Combray est le croisement de deux pèlerinages, Saint Jacques de Compostelle et le Mont Saint Michel. C’est pourquoi, en 1855, lors des travaux importants menés par l'architecte Théodore Ballu sur la tour Saint-Jacques de la Boucherie à Paris, la commune d'Illiers-Combray demanda à Napoléon III, la maquette en plâtre de 3,80 m de hauteur de Saint-Jacques le Majeur, du sculpteur Paul Chenillon, statue destinée à remplacer celle qui fut détruite pendant la Révolution. Napoléon III mit en dépôt auprès de la commune d’Illiers uniquement la tête de la maquette qui, bien que creuse, pèse plus de 60kg. Vous pouvez admirer la statue dans son entièreté au sommet de la Tour Saint-Jacques à Paris." (Emprunt tiré d'un document de la ville) Cette grande tête toute blanche est saisissante, de loin je n'ai vu qu'elle...



Etonnant également l'autel avec ce prêtre immobile, en plâtre, en pierre ?

Je suis certaine que vous en savez maintenant assez pour décider d'un voyage express et urgent à Illiers-Combray, ou prendre vos quartier d'été pas très loin de chez vous, au calme... En lisant ou relisant La Recherche...

La prochaine fois, je vous parle des animaux en voie de disparition, à très vite mes amis...