jeudi 26 août 2021

360° Autour du métro Saint Paul (3) : l'église Saint-Paul... Suite et fin...


 L'accueil confessionnal

Il faut que j'y retourne ! J'ai encore un tas d'œuvres d'art à y voir, je veux en finir avec l'église Saint-Paul avant de partir dans le Berry ! J'étais toute émoustillée à l'idée de revenir en pays conquis, mal conquis, il me restait des tonnes de choses à voir, surtout si je pouvais rentrer dans l'immense sacristie, mais cela, je n'y comptais pas trop, fermée à double tour, le passage secret ne s'ouvrait à personne d'autre que ceux qui en avaient la clé... Hélas !

Mes premières vues restent toujours : "L'accueil", avec son éclairage, ses couleurs qui attirent, et son mystère des confessions, invariablement, d'une église à l'autre. J'avais avec moi mon petit papier tiré sur internet pour ne rien manquer, j'avais noté tout ce qui pouvait m'intéresser et que je n'avais pas vu. Je commençais à compter les piliers droits, jusqu'à six, rien, je ne trouve rien, je reviens sur mes pas, je relis mes notes, mais non, c'est au troisième pilier. En effet, avec beaucoup d'attention, on peut encore lire le graffiti : "la République fancaise ou la mort", qui devrait dater de la Commune de Paris, malgré les nettoyages successifs au cours des siècles, personne n'a réussi à l'effacer, aujourd'hui, nul ne songe à le faire disparaître... Il fait partie intégrante du monument historique, classé...


Le graffiti historique !

Je suis restée un petit moment à déchiffrer le graffiti hâtif, j'imagine, car il manque un "r" à française. Puis je suis revenue à l'entrée de l'église admirer les deux bénitiers magnifiques, coquillages des océans (Indien et Pacifique) bordés de cuivre, laiton ou bronze doré (?), il n'y a plus d'eau dans les bénitiers, bien sûr, mais j'ai vu un homme qui passait furtivement sa main, légère, sur le bord du coquillage en entrant dans la nef...

Je me souviens de deux autres coquillages/bénitiers, semblables à ceux-ci, admirés à l'église Saint-Sulpice (publication de 2019, cliquer sur l'église), posés sur des socles de marbre blanc sculpté, dont le décor évoque l'intérieur des océans... Ces merveilleux coquillages sont protégés car ils sont en danger d'extinction, en fouillant un peu sur internet, j'apprends que l'intérieur de ces énormes bivalves est comestible, et a des "pouvoirs" de remise en forme "des chakras" !! Donc, nous ne sommes pas à la veille de les voir réellement protégés des appétits commerciaux...



Voilà les merveilles, offertes par Victor Hugo en 1843 pour le mariage de sa fille Léopoldine

Les tableaux aussi méritent un coup d'œil appuyé, surtout celui de Delacroix : Le Christ en agonie au jardin des oliviers, placé juste au dessus de l'allée de gauche, immédiatement avant d'admirer la Vierge douloureuse dans sa petite chapelle...


Le tableau de Delacroix, 1798-1863

Dans le transept gauche : les boiseries sculptées du 17e, si raffinées, à l'entrée de la chapelle de la Vierge, en haut, le superbe tableau de Delacroix : "Le Christ en agonie au jardin des oliviers" (1827). La toile du peintre a été réalisée suite à la commande en 1824 du préfet de la Seine, le comte de Chabrol, il est sur son lieu d'origine depuis 200 ans... Il me touche encore aujourd'hui par la fraicheur, la fluidité des drapés et la beauté des couleurs (restauration en 2017), la physionomie des personnages, concentrés, éplorés, comment ne pas y croire sous les pinceaux de ce grand peintre ? Le tableau voyage de temps à autre pour des expositions internationales...




Détails

Les œuvres d'art ne manquent pas dans ce lieu, difficile d'en faire le tour en une seule fois... Plusieurs visites m'ont été nécessaires, avec un plaisir renouvelé à chaque fois... D'autres tableaux restent à découvrir... Il me faudra bien un quatrième tour... Un jour !


La table du maître-autel provient des fragments du tombeau de Napoléon 1er aux Invalides


L'église est en or !

On ne peux pas passer devant l'autel sans remarquer ce délicat bas-relief en bronze doré du 17e siècle (François Anguier, sculpteur français, 1604-1669). J'aime sa simplicité et sa précision, le bronze brille (presque éternellement), la dorure fait partie de l'œuvre grâce à l'habilité  du doreur-ciseleur qui dorait ces pièces (suivant des techniques différentes : au mercure, avec de la poudre d'or, ou à la feuille d'or), il protégeait ainsi le bronze (ou toutes autres matières) et mettait en valeur les volumes et les détails, il travaillait comme un sculpteur, repassant derrière lui, dans les moindres reliefs... Rectifiant au passage les aspérités du bronze sorti de la fonte...


Sur la  clé de voûte du chœur, très haute, je me suis tordu le cou pour voir de près Dieu le Père... Et les anges...


La petite coupole, perchée à 55m, m'a demandé beaucoup de concentration, pas su éviter la surexposition, mais on ne va pas se plaindre de la lumière zénithale d'une église !


Mon cou se tord définitivement en zoomant, mais ça valait le coup, j'y vois le ciel et le soleil

Je me fondais dans l'église, comme s'il n'y avait personne à bord, j'allais de droite et de gauche, encore surprise par tout ce j'y trouvais, je me suis mise à détailler le travail du bois : les fleurs, les fruits, les rondes et les guirlandes...


Guirlande champêtre en bois sculpté au dessus des confessionnaux

Chers amis, je vous laisse découvrir toutes les autres merveilles de cette église, il y en a à foison, rien ne vous empêche de vous reposer, de prier, de méditer... Dans le chœur, les chaises disposées en cercle permettent un regard circulaire, coupez le son de votre téléphone, soyez tout à votre affaire, pour voir le haut de la coupole, bien assis, vous n'aurez  pas le vertige !



Prenez place !


Bientôt le Berry...

PS !

Je suis allée voir un artiste que j'aime beaucoup à la Conciergerie, El Anatsui (artiste ghanéen qui vit et travaille au Nigéria), il fait des merveilles avec rien (matériel de récupération). À plusieurs reprises j'ai eu la joie de voir ses œuvres magnifiques (tentures sublimes, faites à partir de capsules et bouchons de bouteilles, cannettes en aluminium et qui sont assemblés au fil de cuivre). En rentrant dans la très grande et sublime Salle des Gardes de la Conciergerie, j'ai ressenti immédiatement que ce lieu magnifique desservait l'artiste, il s'était tiré une balle dans le pied. Monsieur El Anatsui avait pourtant  crée lui-même la scénographie de "son" exposition... L'ensemble des œuvres manquait de lumière qui venait de trop haut, elle éclairait à minima. La disposition trop rigide de ses panneaux/rideaux pleins de couleurs et d'éclat, d'habitude présentés avec souplesse, comme des rideaux de scène, tombaient ici comme des fils à plomb, dans l'ombre, bien collés comme un papier peint, à l'intérieur d'anciennes cheminées, enfin bref, les œuvres s'éteignaient dans leur coin, j'ai été très déçue... Comment est-ce possible qu'un artiste à qui on a donné carte blanche se mette si peu en valeur ? J'en ai longuement discuté avec une visiteuse qui pensait exactement la même chose que moi... La vidéo donne une idée plus belle de son œuvre. Monsieur El Anatsui, s'il vous plait, vous pourriez recommencer la scénographie ? N'ayez pas peur, donnez de l'éclat à vos œuvres, elles méritent grandement la Conciergerie ! 



El Anatsui - La tenture de" brocard" au MoMA à New York (2014) - Un éblouissement !

À bientôt les amis, je m'en vais compter fleurette aux arbres du coin, prendre l'air à bras le corps, quelques hirondelles retardataires pour la grande migration m'attendront peut-être encore sur leur fil ?  Les vaches de la ferme d'à côté auront bien changé, mon vélo m'attend, gare aux bosses, gare aux trous... Mes amis m'attendent sans embrassades, l'année prochaine, on se serre de près dans les bras, juré ! Je vous embrasse tous bien fort.... Vive la campagne !

mardi 24 août 2021

360° autour du métro Saint-Paul (2) : l'église Saint-Paul...


 La très belle église Saint-Paul, juste à la sortie du métro
 Moi je l'ai toujours appelée l'église Saint-Paul tout court, comme la station de Métro, alors qu'en fait son vrai nom est Saint-Paul-Saint-Louis... Personne ne l'appelle comme ça, l'église Saint-Paul, c'est son petit nom... Son diminutif après baptême. Elle fut construite entre 1627 et 1641...


L'accueil et le confessionnal du 
prêtre

Tout ici est "presque" entièrement 17e siècle, me dit le bedeau. Vous voilà prévenus ! Combien de fois suis-je rentrée dans cette église ? Des dizaines de fois ? Puis un jour, mes yeux se sont décillés ! J'ai été touchée non par la grâce, mais par sa beauté, il m'en aura fallu du temps. Souvent, quand on a trop de temps, trop d'occasions, on passe à côté en se disant, bah, j'irais un autre jour, promis... Il faut se méfier des intentions futures, et surtout de vous-même... Ceux qui vivent dans "l'instant présent" le savent. Moi qui prends de l'âge, je me concentre sur le présent, plus de  "revenez-y", je me précipite sur l'occasion qui devient unique, on se sait jamais, vais-je repasser par-là ? Je suis entrée dans l'ère du moment présent avant tout... C'est aujourd'hui que ça se passe, rentrons  dans la belle église...

Si vous voulez presque tout savoir de plus sur cette église, filez tout droit sur Wikipédia, moi je ne suis pas là pour ça, je me contente de parler de ce que j'aime, de ce qui m'enthousiasme, de ce que je découvre et surtout de ce que je peux partager.


L'autel brillait de tous ses feux, les lustres sont du 18e... Je crois !

Je connais tellement cette église que je n'ai même pas pris les photos qui permettent de la voir dans toutes ses perspectives, je me suis concentrée sur ce qui me plaisait, sans jamais en avoir fait le tour complet, sans même en avoir le souci, j'ai butiné... J'ai une âme en cristal, car depuis toujours j'adore ce qui est transparent, donc bien sûr, les lustres allumés, ce qui n'est pas fréquent, m'ont tout de suite attirée. D'une extraordinaire beauté, le cristal renvoyait des feux impossible à éteindre, ils restent gravés dans ma mémoire... Le bedeau m'avait prévenue, les lustres sont du 18e, je ne sais pas trop s'ils sont en Baccarat (en 1764, le roi Louis XV donna la permission de fonder une verrerie de verre plat et de verre d'art dans la ville de Baccarat), mais je pense, car à l'époque on était plutôt made in France, le monsieur avait de l'humour... Heureusement que je suis là pour vous parler des lustres, car Wikipedia n'en dit mot !


En perspective, je ne pouvais pas rater ça, j'étais toute à mon affaire, l'éclat du cristal est pire que celui de l'or !

J'avais retardé le bedeau qui ouvrait la porte de la sacristie sur laquelle je m'étais appuyée pour prendre la photo des lustres, il était bavard sur son église, qu'il trouvait admirable et classée, les lustres aussi sont classés... Les petits là-bas sont encore plus anciens, classés aussi... Puis il a disparu rapidement en refermant la porte...


Les petits là-bas, ils seraient plus anciens ! Parole du bedeau...

Je les trouve tout aussi magnifiques, plus épurés, plus fins, d'une beauté exquise...


Les petits plus anciens, si délicats


La lumière est le fort de l'église Saint-Paul


La Vierge douloureuse - Germain Pilon -1528-1590 commandée, à l'origine, par Catherine de Médicis pour la Basilique de Saint-Denis

Je n'étais pas au bout de mes belles surprises, avec cette "Vierge de douleur" en marbre blanc, sublime, sur l'autel de la Vierge. Elle ressemble à une Pietà, tout nous invite à le croire, l'inclinaison de la tête, les plis du drapé, les deux genoux décalés, en place pour soutenir une forme humaine, nous donnent l'impression que le corps du Christ est là... Sculpture elliptique, délicatement éclairée par des candélabres en bronze doré à cinq branches. Cette vierge, je pense, peut donner de l'émotion à tout le monde, croyant ou non, sa douleur est palpable, comment peut-on sculpter dans une matière si dense, la douceur d'un tel regard ? Les plis de son grand voile sont, à mes yeux, les vagues mousseuses de la mer...


Toutes les boiseries sont d'époque (17e), m'a dit le bedeau


Une porte de sortie, à gauche... 


En me retournant, l'entrée latérale dans l'église avec la porte rouge

La sortie débouche dans l'impasse Saint-Paul et aboutit à la rue Saint-Paul, dans cette petite "rue" il y a le presbytère, gardé par une belle grille, la porte était ouverte, j'y suis donc rentrée... Timidement puis hardiment...


La porte laissée ouverte... 


L'entrée du presbytère avec la marquise en zinc et dentelle de bois


Rampe en fer forgé, escalier de pierre, suspension en bronze et verre, une vraie beauté... Belle restauration !

Je ne suis pas allée plus loin, mais le cœur y était ! Je n'ai pas refermée la porte en partant, mais quand je suis repassée par là, à mon retour dans l'église, la grille était fermée...

Il y a plein d'autres merveilles dans cette église, je vais y retourner, forcément, avec mon amie. La semaine passée (post précédent), nous n'avions pas eu le temps d'y arriver avant sa fermeture, à deux, il y a toujours tant de choses à voir, les bavardages, les achats complices, les détours, les engouements, le thé pris en terrasse place Sainte Catherine... Trop tard, mais nous y reviendrons, et nous recommencerons notre périple par Elle... Aujourd'hui, il est trop tard, rentre bien mon amie, notre après-midi a été merveilleux. Comme j'avais pris une petite avance sur la visite de l'église, j'ai quand même pu fabriquer ce post, incomplet, mais déjà  tellement lumineux...

Mes amis, il faudra attendre un long mois berrichon avant que je vous retrouve, vous, mes fidèles et mes passagers de hasard, j'espère que vous serez patients... En Berry, je n'ai pas d'ordinateur, pas de branchement, pas de câble, juste le téléphone... Mais je vais tout retenir, je vais faire provision d'images et d'histoires que je rapporterai dans mes valises...

mercredi 18 août 2021

360° autour du métro Saint-Paul (1) : cours, places, bibliothèque, halle...

 


Une petite cour, autour du musée Carnavalet

Cour :

Depuis mon enfance, je me souviens des petites cours du Marais, où j'habitais... Toutes les cours n'étaient pas reverdies comme aujourd'hui, les "concierges" mettaient bien quelques géraniums et plantes vertes à leurs fenêtres, mais l'urgence n'était pas à l'enjolivement, la végétalisation et la couleur comme aujourd'hui. Les loges de concierge étaient vraiment habitées, souvent plusieurs personnes y vivaient à l'étroit dans une très petite surface, une misère ! Elles (plutôt des femmes) entretenaient, surveillaient, veillaient au grain des locataires et distribuaient le courrier, il n'y avait pas dans mon enfance de boîtes aux lettres individualisées, les locataires devaient passer chercher leur courrier à la loge. De nos jours, ces loges subsistent dans les maisons très bourgeoises, mais les gardiens habitent souvent l'immeuble, la loge reste ouverte suivant un horaire de travail précis... Le Marais ne ressemble plus du tout au Marais de mon enfance, il est bien plus beau, petit à petit refait à neuf/restauré, mis en valeur, plus résidentiel. Pour se loger, il ne faut pas trop y penser (sauf dans le parc, agrandi, des logements sociaux, heureusement), tout y est devenu plus cher, beaucoup plus cher, beaucoup, beaucoup plus cher, pour le prix d'achat, au m2, Paris est devenue la quatrième ville du monde (Boursier.com du 14/08/2021). Dans mon enfance, le Marais était un quartier pas encore ravalé, modernisé, on y trouvait tout un tas de commerces de gros et de détail en tous genres : bijouteries, ateliers de réparations, argentiers, fondeurs d'or, bimbeloterie, linge de maison, merceries, lunettiers, confection, maroquinerie... J'en passe et des meilleures... Je n'ai pas le savoir d'une historienne, bien sûr, mes statistiques à moi sont seulement faites à partir des souvenirs que j'ai gardés de tous ces métiers qui ont disparu avec le temps... J'ai connu les chanteurs de cour, l'orgue de barbarie et aussi les rémouleurs et marchands de carreaux, chacun criait ou laissait entendre ce qu'il était, et les gens ouvraient leur fenêtre... Chiffons et peaux de lapins devaient être de la génération précédente à la mienne...


Dans les grandes cours, il y avait souvent des petites constructions qui servaient d'ateliers... Comment arrivait-on à implanter ces petites architectures dans les cours ? Sans doute avec l'autorisation du propriétaire de l'immeuble ? Je ne sais pas... Maintenant, elles deviennent des lofts...



Ce bananier n'a pas plus de 20 ans, m'a dit la gardienne, mais il y a de minuscules bananes, immangeables, mais belles


Énorme Catalpa dans cette petite cour


Certaines cours prennent des airs de palais quand la végétation y est installée

La nature met en valeur tout ce qu'elle touche, comme avec une baguette magique, une place bordée d'arbres, pièces uniques, devient grandiose La ville de Paris devrait décréter : une obligation de planter, cultiver, arroser, chouchouter, colorer, chaque coin de cour, balcon, terrasses et même devant sa porte, comme quelques associations qui inventent déjà des petits jardins autour des arbres de la ville... Chers concitoyens, ne ménagez pas vos efforts pour ramener la nature en ville, pour enjoliver nos vies... Faisons revenir les papillons, les abeilles et les oiseaux... Du bonheur à tire-d'aile...

Places :



L'arbre / Place

L'arbre au croisement de la rue Malher et la rue Pavée, près du musée Carnavalet, forme une place à lui tout seul, je n'ai jamais réussi à le photographier sans contre jour ! Je pense qu'il s'agit d'un micocoulier ? J'ai cherché à vérifier son nom avec mon application PlantNet en photographiant mon écran avec mon téléphone, la réponse en a été celle-ci : ceci n'est pas une plante ! Bravo PlantNet, on ne lui fait pas l'histoire à l'envers ! Mais je confirme, grâce à cette petite vidéo que j'ai trouvée en cherchant bien... Que l'arbre est bien un micocoulier !




La très belle place carrée du marché Sainte-Catherine qui reste un peu confidentielle, est plantée de mûriers de Chine qui donnent cette ombre si douce...


Cette place très agréable, bordée par des cafés, restaurants, et quelques petits commerces a été créée au 18e siècle (sur l'emplacement de l'ancien couvent Sainte-Catherine du Val-des-Écoliers fondé au 13e siècle). Peu de monde, le jour où j'y suis passée, un jour de juillet, de pandémie, sans touristes. L'aubaine !

La halle aux poissons :

Je ne comptais pas les kilomètres, pas mal au genou, mon esprit était ailleurs et tout allait bien, j'ai poursuivi ma course autour du musée Carnavalet et je suis tombée en arrêt devant une belle fontaine au fond d'une impasse :"Impasse de la poissonnerie".





La fontaine Jarente (Prieur de l'ancienne Abbaye) au fond de l'impasse (qui fait 15 m de long) - 18e siècle, le pavement est d'origine, rien n'a bougé ici !

Le pot aux roses : intriguée par la galerie de photos sur la droite, fanions au vent, je passais la tête à l'intérieur, encore plus interloquée par ce que j'y voyais, et je demandais au patron de la galerie : bonjour monsieur, excusez-moi, mais je suis curieuse : la structure de votre galerie, est très ancienne, il me semble avec ces impressionnants piliers ? Ah oui madame, c'est une ancienne halle à poissons !


La halle aux poissons du 18e siècle

Voyez ce que je voyais ! L'ancienne halle, dissimulée, fermée sur son pourtour depuis des lustres, permettant la création d'autres commerces, cette halle était à couper le souffle, de plus le propriétaire me glissa ce détail, voilà trente ans que nous y sommes... Ingrate, je ne me suis pas attardée sur l'exposition de photos, qui ne me plaisait pas à 100%... Je n'avais aucun mal à imaginer les poissons sur  les étals... Bien sûr, j'ai approfondi ma recherche sur internet : "L'impasse de la poissonnerie, dans le cadre du nouveau marché Sainte-Catherine, était occupée par les marchands de poissons qui avaient besoin d'eau, c'est à cet effet que la fontaine fut édifiée (1783) sur les plans de monsieur Caron, maître général des bâtiments du roi Louis XVI (merci Wikipedia). Il semble donc que la nouvelle Place Sainte-Catherine et la halle aux poissons soient issues de la même opération immobilière lancée par Monsieur Caron... Juste avant la chute de l'Ancien Régime !!

L'aventure au coin de la rue m'emballait, ainsi, comme à Venise que je croyais connaître comme ma poche, les découvertes étaient journalières. À Venise, il y a autant à découvrir à l'intérieur qu'à l'extérieur, mais le plus souvent, je n'arrivais pas franchir les portes... Il m'a fallu des années avant d'identifier et visiter (très peu), les jardins partagés de la ville !


La Bibliothèque historique de la ville de Paris : (pour en savoir plus, cliquer sur le lien en rouge)



Une partie de la Bibliothèque Historique de Paris (fondée en 1871, la bibliothèque est installée depuis 1969 dans l'hôtel Lamoignon, élevé à la fin du 16e siècle)

Elle aussi à deux pas de Carnavalet, très vieille bibliothèque, magnifique lieu, instituée au 18e siècle, un endroit paisible, où on peut s'asseoir sur les marches, rester sur les bancs même si on n'est pas lecteur, la salle de lecture est réservée aux abonnés... Je me souviens avec plaisir du travail de recherches que j'y avais fait sur : les places de Paris pour une amie qui travaillait dans une agence d'architecture et en parallèle, tentait son diplôme d'architecte, elle avait divisé son boulot de révisions entre ses copines et attendait fébrilement de chacune de nous, les petits résumés les plus pertinents possible sur le sujet, les pense-bête très synthétiques, nous formions son bataillon de blocs-notes, des petites mémoires compressées à son service (volontaires), des marque-pages, dont elle se servait pour avaler plus vite tout le programme du concours, in fine : elle a eu son diplôme ! Tout le monde en a été très content et soulagé. Chaque fois que je passe devant la bibliothèque, j'ai cette pensée amusée... Encore présente...



L'accueil des lecteurs, superbe, élégant et bien modernisé !


La salle de lecture

Je n'ai pas pu photographier cette salle de lecture, car les "travailleurs du livre" étaient tous de face, j'ai craint les ennuis pour le droit (légitime) à l'image ! J'ai trouvée cette belle photo sur le site de la ville de Paris...

La boucle est bouclée, j'ai repris le métro en me disant : la semaine prochaine, j'y amène mon amie, je vais faire le guide... Et comme toujours, elle est partante : suivez le guide !

Mes amis fidèles ou de hasard, je laisse pour le prochain post ma visite de la très belle église Saint-Paul à la sortie du métro... Portez-vous bien, restons prudents, même bien vaccinés... À très bientôt, je vous embrasse.

vendredi 13 août 2021

360° autour du métro Denfert-Rochereau (2) : le SDF, le mur peint d'Agnès Varda, et la dame inconnue...


L'appartement d'un SDF

Le SDF :

En sortant de la Fondation Cartier, les yeux et le cœur remplis de fleurs, j'ai cherché la rue du "Mur d'Agnès Varda", et je suis tombée nez à nez avec cet arrangement insolite !  Je l'ai regardé en long et en large, et je me suis interrogée : qui peut bien avoir installé cette ligne de sacs (qui contenaient des journaux bien pliés et tassés, j'apercevais nettement leur contenant) ? Interloquée, j'ai cherché autour de moi qui pourrait m'en dire plus sur ce rempart improvisé. Un monsieur, justement, au volant de sa voiture garée presque à côté, me renseigna : excusez-moi monsieur, je suis très intriguée par cet alignement de sacs et cartons, ils appartiennent à une personne ? Oui madame, ils appartiennent à un homme qui vit ainsi depuis dix ans dans cette rue, il va et vient, plie avec soin les papiers, les range et dit bonjour à tout le monde. Mais ce monsieur, comment fait-il pour vivre ainsi ? Je ne sais pas, mais il est là depuis longtemps, il semble malade, tout le monde le connaît dans la rue. Nous sommes restés à parler de cet homme un petit moment, une vraie désolation... Et puis, chemin faisant, j'ai rencontré une dame, ancienne gardienne d'un immeuble, proche de l'appartement du SDF, qui m'a indiqué où se trouvait le mur d'Agnès Varda !

Ma deuxième photo en revenant du mur d'Agnès

Le mur d'Agnès !

Je l'ai trouvé sans aucune difficulté, un peu plus loin, j'ai pris des photos difficilement car il y avait plein de voiture garées juste devant : comme d'habitude pour le street-art, c'est la loi du genre, les dessins des rues ne sont pas faits pour être dans des galeries... Un monsieur, me voyant faire la photo, me lance : c'est 10 euros la photo, je souris, et il reprend : c'est pas cher du tout pour une photo d'Agnès Varda ! Vous avez raison, monsieur, rien du tout, le mur est magnifique et je vois que vous aimez Agnès comme moi, nous étions à 100% d'accord sur le sujet... Il me fit un grand geste de la main pour me dire au revoir !!!

Hommage à Agnès Varda et à son œuvre - fresque - Jean-Baptiste Colin (JBC) - artiste urbain (l'artiste préfère dire" artiste-peintre, les murs sont des supports comme les autres"), vit et travaille à Montreuil

J'ai dû m'y reprendre à plusieurs fois pour prendre entièrement la fresque, par petits morceaux... Forcément, entre les voitures, les motos et les vélos, pas facile ! Je jubilais : voilà Agnès dans une rue pas très loin d'où elle demeurait, la célèbre rue Daguerre (dont elle a fait un beau documentaire qui s'appelait "Daguerréotype" en 1976), elle passait une revue très personnelle des commerçants de son quartier que l'on voit sur la fresque...) Le mur dans l'ordre d'apparition :

La grande Agnès Varda

Je n'ai plus aucun esprit critique la concernant, c'est vous dire ! J'ai aimé tout ce qu'elle faisait avec le même enthousiasme : ses photos, les courts, les moyens et les longs-métrages pour le cinéma ou la télévision, les installations, j'ai bien aimé aussi ses œuvres de "jeune plasticienne", comme elle aimait à dire, à ses heures. Cependant, il y a un bémol (quand même), c'est la tombe de sa chatte dans le jardin de la Fondation Cartier... Son dernier film avec le graffeur JR était tellement émouvant en 2017, Agnès Varda est décédée en 2019 à 90 ans...

La comédienne Corinne Marchand dans "Cléo de 5 à 7" (1962), un film de fiction poignant !

Le lion volatil (2003), court-métrage où elle met (entre autres) son chat à la place du lion ! Mes souvenirs sont un peu courts pour ce film


Quelques personnages de son long-métrage "Daguerréotype" (1978), un beau regard sur quelques petits commerçants de sa rue Daguerre... Entre le n° 70 et le n° 90, "c'est un album de quartier, c'est mon opéra Daguerre"

La dame inconnue :

Au retour, vers ma station de métro, je recroise la gardienne d'immeuble qui m'avait indiqué le chemin du mur, j'en profite pour avoir des compléments d'information sur la personne qui "demeurait" là... Ah ! Ça fait 25 ans qu'il "habite" ici, il vit dans la rue ! Vous dites 25 ans, un monsieur qui habite votre rue vient de me dire que cette personne habitait ici depuis 10 ans (seulement), et déjà je trouvais que l'histoire était incroyable, comment peut-on habiter sur le trottoir pendant 25 ans, je n'en croyais pas mes oreilles... Si madame, je vous assure, ça fait 25 ans, toute la rue le connait, lui apporte à manger, parfois même, trop, à Noël il est submergé. Moi, pour vous dire, ça fait 35 ans que je suis gardienne ici, j'ai des bons repères, et bien ça fait 25 ans que je le vois ! Il dort sur le pas de la porte du laboratoire biologique dans la rue d'à côté, il se lave et fait ses besoins chez eux, il dépose ses sacs après les avoir remplis de toutes sortes de papiers bien pliés, il est un peu dérangé, mais tout le monde l'accepte... Il a des aides, vous savez, mais il vit là, il doit bien avoir 45 ans maintenant, il est arrivé jeune... Pendant qu'elle me parlait, j'ai vu cet homme qui déboulait du coin de la rue avec un sac lourd au bout de chaque bras, il alla les placer avec précaution, à côté des autres...

Et de fil en aiguille, elle s'était mise à me raconter sa vie, il lui était arrivé mille péripéties. Portugaise d'origine, dans une petite ville agricole à côté de Porto, elle m'avait démarré son histoire à partir de l'adolescence, et j'ai vite compris que ça allait être long, j'avais un peu mal au genou, mais je dansais d'un pied sur l'autre comme un flamand rose, je me suis mise en mode "j'écoute". Elle me raconta, en fronçant les sourcils, que son père ne la quittait jamais des yeux, jamais, "il me guettait pour abuser de moi", il avait très souvent les mains baladeuses, il me guettait de très loin, comme le chat la souris, le regard concupiscent,  personne ne pouvait m'approcher, il était toujours là, j'étais belle et fine en ce temps-là. Elle le fuyait, et se défendait comme elle pouvait... Vous savez, dans mon coin, beaucoup de pères abusaient de leurs filles. Elle a fini par quitter le Portugal, surtout la maison familiale, pour avoir la paix et retrouver une liberté bien gagnée... Je ne suis pas certaine que la vérité vraie n'avait pas été plus cruelle pour elle que ce qu'elle me racontait avec grande  émotion, sur le trottoir... Le temps passait, l'heure tournait, et je n'en étais pas encore au mariage ! Je l'ai pressée : vous avez eu des enfants, vous êtes plus heureuse maintenant ? Vu l'âge qu'elle avait, elle était en retraite depuis un bon moment déjà, ses enfants et petits-enfants l'entouraient, elle se trouvait heureuse... Elle avait beaucoup à dire sur ce qu'elle avait vécu. Les histoires entendues dans les rencontres fortuites ont souvent été passionnantes et quelques fois, effrayantes, tristes, entièrement tristes... L'histoire de cette dame, que je résume ici, a toujours été faite de luttes et de craintes, elle détestait son père, son récit reste encore si présent dans ma mémoire !... Au revoir madame, vivez heureuse à présent, je suis ravie de vous avoir rencontrée... Elle me fit un grand signe de la main... De loin... J'ai repris mon métro... Trop de choses s'étaient passées pour moi aujourd'hui, heureusement que j'étais passée sous les cerisiers en fleurs avant les histoires désastreuses...

Ça n'était pas la première fois que des inconnues me racontaient, avec des larmes dans la voix, aux yeux, les abus sexuels qu'elle avaient subis d'un mari, d'un père, d'un proche, d'un inconnu, j'ai toujours espéré que leurs confidences avaient pu les soulager au moins pour quelques instants !

Dans le wagon du métro, sous mon masque, j'avais de quoi penser et repenser à tout ce que j'avais vu et entendu, d'enthousiasmant et de désespérant tout au long de ma journée... Je me disais, demain ça ira mieux pour mon genou !

Mes amis, les jours se suivent et ne se ressemblent pas, les enthousiasmes ont encore frappé à ma porte... Je vous raconte ça prochainement. À très bientôt entre mes lignes... Portez le masque, protégeons-nous les uns les autres...


PS :



L'habit de lumière est terminé, mon frère a posé une à une les feuilles de chêne sur les bras... Les glands, les pampilles brillent comme des lumières, le trait rouge qui s'échappe, sur l'épaule droite du costume, c'est la trace du sang du taureau ! Yves Boussin - 2021