Mon cou se tord définitivement en zoomant, mais ça valait le coup, j'y vois le ciel et le soleil
jeudi 26 août 2021
360° Autour du métro Saint Paul (3) : l'église Saint-Paul... Suite et fin...
Mon cou se tord définitivement en zoomant, mais ça valait le coup, j'y vois le ciel et le soleil
mardi 24 août 2021
360° autour du métro Saint-Paul (2) : l'église Saint-Paul...
mercredi 18 août 2021
360° autour du métro Saint-Paul (1) : cours, places, bibliothèque, halle...
vendredi 13 août 2021
360° autour du métro Denfert-Rochereau (2) : le SDF, le mur peint d'Agnès Varda, et la dame inconnue...
En sortant de la Fondation Cartier, les yeux et le cœur remplis de fleurs, j'ai cherché la rue du "Mur d'Agnès Varda", et je suis tombée nez à nez avec cet arrangement insolite ! Je l'ai regardé en long et en large, et je me suis interrogée : qui peut bien avoir installé cette ligne de sacs (qui contenaient des journaux bien pliés et tassés, j'apercevais nettement leur contenant) ? Interloquée, j'ai cherché autour de moi qui pourrait m'en dire plus sur ce rempart improvisé. Un monsieur, justement, au volant de sa voiture garée presque à côté, me renseigna : excusez-moi monsieur, je suis très intriguée par cet alignement de sacs et cartons, ils appartiennent à une personne ? Oui madame, ils appartiennent à un homme qui vit ainsi depuis dix ans dans cette rue, il va et vient, plie avec soin les papiers, les range et dit bonjour à tout le monde. Mais ce monsieur, comment fait-il pour vivre ainsi ? Je ne sais pas, mais il est là depuis longtemps, il semble malade, tout le monde le connaît dans la rue. Nous sommes restés à parler de cet homme un petit moment, une vraie désolation... Et puis, chemin faisant, j'ai rencontré une dame, ancienne gardienne d'un immeuble, proche de l'appartement du SDF, qui m'a indiqué où se trouvait le mur d'Agnès Varda !
Ma deuxième photo en revenant du mur d'Agnès
Le mur d'Agnès !
Je l'ai trouvé sans aucune difficulté, un peu plus loin, j'ai pris des photos difficilement car il y avait plein de voiture garées juste devant : comme d'habitude pour le street-art, c'est la loi du genre, les dessins des rues ne sont pas faits pour être dans des galeries... Un monsieur, me voyant faire la photo, me lance : c'est 10 euros la photo, je souris, et il reprend : c'est pas cher du tout pour une photo d'Agnès Varda ! Vous avez raison, monsieur, rien du tout, le mur est magnifique et je vois que vous aimez Agnès comme moi, nous étions à 100% d'accord sur le sujet... Il me fit un grand geste de la main pour me dire au revoir !!!
Hommage à Agnès Varda et à son œuvre - fresque - Jean-Baptiste Colin (JBC) - artiste urbain (l'artiste préfère dire" artiste-peintre, les murs sont des supports comme les autres"), vit et travaille à Montreuil
J'ai dû m'y reprendre à plusieurs fois pour prendre entièrement la fresque, par petits morceaux... Forcément, entre les voitures, les motos et les vélos, pas facile ! Je jubilais : voilà Agnès dans une rue pas très loin d'où elle demeurait, la célèbre rue Daguerre (dont elle a fait un beau documentaire qui s'appelait "Daguerréotype" en 1976), elle passait une revue très personnelle des commerçants de son quartier que l'on voit sur la fresque...) Le mur dans l'ordre d'apparition :
La grande Agnès Varda
Je n'ai plus aucun esprit critique la concernant, c'est vous dire ! J'ai aimé tout ce qu'elle faisait avec le même enthousiasme : ses photos, les courts, les moyens et les longs-métrages pour le cinéma ou la télévision, les installations, j'ai bien aimé aussi ses œuvres de "jeune plasticienne", comme elle aimait à dire, à ses heures. Cependant, il y a un bémol (quand même), c'est la tombe de sa chatte dans le jardin de la Fondation Cartier... Son dernier film avec le graffeur JR était tellement émouvant en 2017, Agnès Varda est décédée en 2019 à 90 ans...
La comédienne Corinne Marchand dans "Cléo de 5 à 7" (1962), un film de fiction poignant !
Le lion volatil (2003), court-métrage où elle met (entre autres) son chat à la place du lion ! Mes souvenirs sont un peu courts pour ce film
Quelques personnages de son long-métrage "Daguerréotype" (1978), un beau regard sur quelques petits commerçants de sa rue Daguerre... Entre le n° 70 et le n° 90, "c'est un album de quartier, c'est mon opéra Daguerre"
La dame inconnue :
Au retour, vers ma station de métro, je recroise la gardienne d'immeuble qui m'avait indiqué le chemin du mur, j'en profite pour avoir des compléments d'information sur la personne qui "demeurait" là... Ah ! Ça fait 25 ans qu'il "habite" ici, il vit dans la rue ! Vous dites 25 ans, un monsieur qui habite votre rue vient de me dire que cette personne habitait ici depuis 10 ans (seulement), et déjà je trouvais que l'histoire était incroyable, comment peut-on habiter sur le trottoir pendant 25 ans, je n'en croyais pas mes oreilles... Si madame, je vous assure, ça fait 25 ans, toute la rue le connait, lui apporte à manger, parfois même, trop, à Noël il est submergé. Moi, pour vous dire, ça fait 35 ans que je suis gardienne ici, j'ai des bons repères, et bien ça fait 25 ans que je le vois ! Il dort sur le pas de la porte du laboratoire biologique dans la rue d'à côté, il se lave et fait ses besoins chez eux, il dépose ses sacs après les avoir remplis de toutes sortes de papiers bien pliés, il est un peu dérangé, mais tout le monde l'accepte... Il a des aides, vous savez, mais il vit là, il doit bien avoir 45 ans maintenant, il est arrivé jeune... Pendant qu'elle me parlait, j'ai vu cet homme qui déboulait du coin de la rue avec un sac lourd au bout de chaque bras, il alla les placer avec précaution, à côté des autres...
Et de fil en aiguille, elle s'était mise à me raconter sa vie, il lui était arrivé mille péripéties. Portugaise d'origine, dans une petite ville agricole à côté de Porto, elle m'avait démarré son histoire à partir de l'adolescence, et j'ai vite compris que ça allait être long, j'avais un peu mal au genou, mais je dansais d'un pied sur l'autre comme un flamand rose, je me suis mise en mode "j'écoute". Elle me raconta, en fronçant les sourcils, que son père ne la quittait jamais des yeux, jamais, "il me guettait pour abuser de moi", il avait très souvent les mains baladeuses, il me guettait de très loin, comme le chat la souris, le regard concupiscent, personne ne pouvait m'approcher, il était toujours là, j'étais belle et fine en ce temps-là. Elle le fuyait, et se défendait comme elle pouvait... Vous savez, dans mon coin, beaucoup de pères abusaient de leurs filles. Elle a fini par quitter le Portugal, surtout la maison familiale, pour avoir la paix et retrouver une liberté bien gagnée... Je ne suis pas certaine que la vérité vraie n'avait pas été plus cruelle pour elle que ce qu'elle me racontait avec grande émotion, sur le trottoir... Le temps passait, l'heure tournait, et je n'en étais pas encore au mariage ! Je l'ai pressée : vous avez eu des enfants, vous êtes plus heureuse maintenant ? Vu l'âge qu'elle avait, elle était en retraite depuis un bon moment déjà, ses enfants et petits-enfants l'entouraient, elle se trouvait heureuse... Elle avait beaucoup à dire sur ce qu'elle avait vécu. Les histoires entendues dans les rencontres fortuites ont souvent été passionnantes et quelques fois, effrayantes, tristes, entièrement tristes... L'histoire de cette dame, que je résume ici, a toujours été faite de luttes et de craintes, elle détestait son père, son récit reste encore si présent dans ma mémoire !... Au revoir madame, vivez heureuse à présent, je suis ravie de vous avoir rencontrée... Elle me fit un grand signe de la main... De loin... J'ai repris mon métro... Trop de choses s'étaient passées pour moi aujourd'hui, heureusement que j'étais passée sous les cerisiers en fleurs avant les histoires désastreuses...
Ça n'était pas la première fois que des inconnues me racontaient, avec des larmes dans la voix, aux yeux, les abus sexuels qu'elle avaient subis d'un mari, d'un père, d'un proche, d'un inconnu, j'ai toujours espéré que leurs confidences avaient pu les soulager au moins pour quelques instants !
Dans le wagon du métro, sous mon masque, j'avais de quoi penser et repenser à tout ce que j'avais vu et entendu, d'enthousiasmant et de désespérant tout au long de ma journée... Je me disais, demain ça ira mieux pour mon genou !
Mes amis, les jours se suivent et ne se ressemblent pas, les enthousiasmes ont encore frappé à ma porte... Je vous raconte ça prochainement. À très bientôt entre mes lignes... Portez le masque, protégeons-nous les uns les autres...
PS :
L'habit de lumière est terminé, mon frère a posé une à une les feuilles de chêne sur les bras... Les glands, les pampilles brillent comme des lumières, le trait rouge qui s'échappe, sur l'épaule droite du costume, c'est la trace du sang du taureau ! Yves Boussin - 2021