L'avenue Matignon est riche pour mes impressions... Boutique Baccarat, ni une, ni deux, j'y suis rentrée sans réfléchir, on verra bien. J'y entrais comme dans un musée, j'adore les verreries depuis des siècles, il y en a plein partout chez moi ! J'ai prévenu tout de suite la vendeuse qui se précipitait : excusez-moi, je viens seulement en admiratrice, je ne vais rien acheter, permettez que je visite votre beau lieu, merci de votre accueil... Blablabla, elle comprit tout de suite qu'elle n'allait pas faire la recette de l'année avec moi, mais semblait comprendre aussi tout mon intérêt de "connaisseuse", elle me laissa donc aller où je voulais dans le grand magasin, comme un poisson dans l'eau de ces rivières de cristal. Je peux prendre une photo ? Oui, bien sûr ! J'ai pris sobrement quelques photos.
J'étais sur le point de sortir quand un vendeur est venu à la rescousse pour sauvegarder un encaissement possible : madame, voyez nos pièces modernes, nous faisons aussi des bougies pour l'art de la table... Intérieurement je riais, je voyais bien qu'il voulait quand même emporter le morceau avec un petit achat, au moins d'une bougie. Non merci, je vous remercie infiniment, tout est magnifique chez vous, un bonheur ! Et je suis sortie... J'avais rapté quelques photos pour le plaisir du vol à l'étalage ! Je vous en fais profiter :
Le magnifique lustre en cristal chez Baccarat
J'ai poursuivi ma route avenue Matignon pour découvrir une exposition faramineuse de photos dans la Galerie Guillaume, elle vaut le détour. Un photographe/plasticien (inconnu pour moi), j'ai été toute estomaquée par le projet de cet artiste hors du commun : Jean-François Rauzier - 1952 (73 ans). Ses immenses (2m x1,50m) photos magnifiques nous proposent de rassembler, dans chacune d'entre d'elles, la totalité des œuvres accrochées dans quelques grands musées du monde, ou bien les superbes coupoles et tous les livres de la salle Labrouste de la BNF de Paris, et bien d'autres lieux comme : le Musée du Louvre (tableaux, et sculptures françaises), le Musée d'Orsay (tableaux), la Galerie "Accademia" (tableaux) à Venise, tous les vitraux de la cathédrale de Chartres dans une seule image devant nos yeux, toutes les tours du château de Chambord superposées pour former une immense Tour de Babel, l'Orangerie "réinventée" du château de Versailles... Un monde abasourdissant de beauté, et intrigant... Très intrigant !
Accrochage (exhaustif) des œuvres du Musée d'Orsay (travail photographique savant), et l'horloge de la vieille gare qui évoque : le temps... passé !
Mes photos ne sont pas très réussies, elles ne témoignent pas du tout de ce que j'ai vu, l'éclairage de la galerie (et surtout ma gaucherie en matière de réglage d'appareil photo) ne m'ont pas permis de faire mieux, c'est vraiment dommage (pour vous)... Oui (me dit la galeriste), je vous assure, ces photos sont exhaustives, le photographe me l'a assuré, et même, il lui arrivait de repasser dans certains des musées pour vérifier que l'accrochage n'avait pas varié d'un pouce… Ah bon ! Pourquoi ? Monsieur Rauzier, comme un entomologiste qui recense les espèces à la loupe, voulait-il absolument avoir toutes les œuvres, sans exception, d'un musée, sous les yeux ? Cet "objectif" de son travail m'a totalement fascinée, et la conversation est allée bon train avec la galeriste. Moi, j'y vois la volonté d'assembler les œuvres de chaque musée à la manière des encyclopédistes du 18e siècle qui ont tenté de réunir les savoirs du monde connus en Occident... Non ? Peut-être !
Le musée du Louvre
Projet scientifique et/ou artistique ? Faire beau et compliqué ? Je conversais avec moi-même à voix haute, mais là : Musée de l'Accademia de Venise, le photographe a rajouté une présence, la sienne, en bas à droite, comme une signature, il contemple les collections de peintures (européennes) du XIIIe au milieu du XIXe siècle... Et ici, au milieu, en bas de la photo, (Musée du Louvre) les copistes, face aux siècles passés, aux représentations de toutes sortes, copient et recopient... Leur travail m'impressionne, pourquoi ne pas se tourner vers notre temps plus présent ? À quoi sert la recopie de ce qui existe déjà ? À parfaire une technicité personnelle, rechercher le mystère de "coups de pinceaux" plus savants, plus anciens, des modèles ? Fascination d'une perfection ? Se sentir "capable" de faire aussi bien ? Tournons-nous vers les copistes pour en savoir davantage, et bien sûr vers le photographe, que veut-il nous monter, nous dire ? Allons plus loin... "Voyons, voir" ??? Moi je fonce, mais la galeriste ne m'aide pas beaucoup...
Moi, j'interprétais : sa présence (information de la galeriste) ostensible, bien plantée en bas de la photo, devant tant d'œuvres, les visiteurs assis sur le banc à côté de lui... Comme un indice de nombreuses réflexions... Comment voyons-nous les siècles d'art qui nous ont précédés, où en sommes-nous aujourd'hui, justement, au moment où tout bascule dans le monde ? Comment regarder cet assemblage avec un regard neuf, comment penser ? Tout un programme... Je m'étais posée toutes ces questions auprès de la galeriste qui m'écoutait, comme un point d'interrogation sur patte ! Pourquoi rassembler "toutes" les œuvres" devenues "invisibles" à l'œil nu ? En faire une magnifique photo ? Pas seulement, j'en suis certaine. J'ai adoré ! Je cherchais un sens à tout !
Le musée "Accademia" de Venise
La toute petite photo du photographe, placée au centre et en bas de sa photo du musée "Accademia" nous montre la porte de sortie du musée, reconnaissable pour moi, avec la représentation de Marie au Temple (16e siècle). Lors de mes visites à Venise, je restais toujours un long moment à contempler (comme les visiteurs sur la photo) cette immense et magnifique peinture du Titien. L'œuvre contourne deux portes, deux trous noirs visibles à droite et à gauche, la Scuola della Carita (ancien monastère) avait passé une commande qui devait "coller" à l'espace... On faisait cela à l'époque, l'œuvre devait rentrer entre deux portes, comme on découpe des tringles à rideaux... J'ai toujours trouvé ça incroyable!
Sublime photo en miroir de la salle Labrouste, salle de lecture de la BNF, site Richelieu
Là aussi, tout le savoir livresque est enfermé entre deux clics, mais ce que la galeriste n'avait pas vu : ce sont les trois petits perroquets (disséminés dans le ciel de la bibliothèque) de toutes les couleurs qui volètent sous les dômes, il faut s'approcher de près, bien observer, et le petit miracle de la nature inattendue, du vivant, opère !
Je n'ai pas pu prendre la photo du perroquet tout en haut de la photo ! Moins visible... Voyez, le photographe a fait rentrer un peu de nature dans ces espaces confinés, l'artiste a-t-il voulu nous laisser un message ? Les temps d'aujourd'hui sont très inquiétés par la disparition de la nature... Réfléchissons ! Bien sûr, seul l'auteur de ces œuvres photographiques pourrait nous venir en aide, il a sans aucun doute toute les réponses ! Il faudrait lui demander, me répondit la galeriste interloquée. Oui, vous avez raison !
Les sculptures françaises du Louvre (plan large sur ma très mauvaise photo)
Voyez ces deux petits buissons en péril (que la galeriste découvrait avec moi) ! Pourquoi à votre avis monsieur Rauzier a-t-il placé là du vivant, au milieu de toutes ces "natures mortes", ou langues oubliées ? Une dernière pour la route, l'Orangerie de Versailles, l'introduction d'une espèce animale vivante, dans des espaces qui par principe n'en contiennent pas... Une bizarrerie ? Une volonté ? Un petit coup de vert dans tous ces espaces confinés ? Un clin d'œil à la nature, terriblement en danger d'aujourd'hui ? Est-ce bien raisonnable de rassembler quelques siècles d'art dans quelques mètres carrés de photographies, sans avoir une petite idée derrière la tête ?
L'Orangerie de Versailles, effet magique... et un héron, les pieds dans l'eau réfléchissante
Je suis ressortie de la galerie avec plus de questions que je n'en avais en y entrant, passionnée, admirative, avec des horizons agrandis. Quelles belles visites, je suis repartie en me disant : il va falloir que je revienne par ici plus souvent, il y a plein d'artistes à découvrir dans la rue. Monsieur Rauzier, s'il vous plait, éclairez-moi/nous ! Bravo pour votre œuvre photographique, si complexe et si belle... J'ai repris le chemin du métro un peu saoule, mais enchantée !
Mes amis, je vous laisse, je reste, dubitative, "supputatrice" devant la richesse de ces photos, aidez-moi ! Amusons-nous !
Passez de beaux jours, portez-vous le mieux possible, admirez le printemps, il est dans tous les coins des villes et des campagnes... Je vous embrasse.