mardi 29 octobre 2019

La Saga de l'Indre (5)


La routine

Les paysages :

Sous cette glycine en forme de charmille, je suis chez moi, il m'a suffit d’ouvrir la petite porte en bois... Le grand voyage commençait là, au bout de cette perspective, il y avait un arbre...


La petite porte verte...


L'arbre, un grand noyer, et le petit tas de végétaux à brûler

Ce paysage, cette perspective qui m'avaient échappés l'année dernière à cause de mes ennuis de santé, je les pressais sur mon cœur, et mes yeux voyaient très loin... Rien n'avait changé, hormis le joyeux désordre de la végétation, elle poussait dans tous les sens, sans se soucier des regards des humains.

La nature vit sa vie, sans rien dire à personne, elle nous donne tout et n'attend rien, pas de compliments, pas d’enthousiasme, pas de remerciements, elle ne demande pas d'échange, pas même un regard, elle offre sa splendeur... À nous de la parcourir avec émerveillement, à nous de la voir...

Cette année, j'ai repris tout à bras le corps, j'ai retrouvé les ornières du chemin qui mène à l'étang, plus profondes, plus méchantes pour moi : allez, ma fille, descends de ton vélo, attention à la chute, les trous ont grandi, deux années sont passées, casse-gueule, méfie-toi, fais donc le reste à pied, c'est plus sûr, promène ton vélo tranquillement à côté de toi...

Je sais où je vais poser mon vélo, où je vais m'asseoir, où je vais compter les pommiers en plein vent, je vais faire l'inventaire de mes paysages...


Je le pose là, et je regarde


Le pommier aux tomates

Dans ce jardin de plein air, personne pour voler les fruits, et pourtant ça se fait par ici, j'ai souvent entendu le jardinier se plaindre des larcins... Mais moi, ce qui m'intéresse c'est le paysage, les couleurs... Et le silence !

Bientôt je serai à l'étang, encore un petit effort, je suis curieuse de voir s'il y aura de l'eau... J'avais tout embarqué dans mes sacoches : les jumelles neuves, l'appareil photo, la tablette... Bonjour l'étang, me voilà, je vais pouvoir contempler les hérons, les ragondins, les cormorans, un peu plus tard sur le séjour... Et j'ai vu le désastre que la canicule avait causé...


L'étang au trois-quarts vide !


Sol sec et fissuré


L'accotements en ruine


Les quelques marches entièrement dégagées, abandonnées...

Plus rien à voir, ni hérons, ni ragondins, quelques carpes sautaient encore dans le petit endroit près de la bonde, encore rempli d'eau... Poignant ! Je me suis rendue compte combien un étang était peu profond, et je comprends mieux pourquoi on peut immédiatement remettre un endroit comme ça en culture, et même le redonner aux vaches, une prairie de plus ! La transformation peut être rapide si l'étang est vendu, et revendu...

J'avais tout imaginé sans canicule, comme si ce lieu pouvait être plus préservé qu'ailleurs, je pouvais remiser mes nouvelles jumelles, pas d'animaux à l'horizon, pas un canard, pas un cygne, j'ai oublié l'étang et j'ai repris le chemin du retour... Je ne vais pas le mettre dans mes bagages cette année. J'ai refait mes paysages à l'envers... Dans ma course j'ai rencontré les vaches, les arbres, petits bois et vignes, pas besoin de jumelles pour les vaches qui me regardaient de près dans le blanc des yeux en remuant la queue, immobiles, patientes et attentives. Je jetais mon vélo sur le talus, en douceur, et je restais à les regarder en me disant : quel beau spectacle !


 La mère et son petit, méfiante


L'eau, il y en avait ici pour les vaches


Elles se tenaient loin

Chaque jour j'explorais, pas trop loin de la maison, inutile de me lever de bonne heure le matin, tout était à ma portée, je mettais trois fois plus de temps à explorer ce que je croyais connaître par cœur, je devais tout reprendre à zéro... Tout regarder, tout recommencer, la nature me faisait cet effet là, de changement permanent, les surprises, les beautés à tous les coins de chemins... Je partais avec un cœur neuf ! La petite aventure de chaque jour et les grandes récompenses, les émotions changeantes...


Mes amis, tour de pédale après tour de pédale, j'ai fait des petits périples qui ont grandi dans ma tête, des grands tableaux peints par la nature s'offraient à moi, quelle joie !

Je reste en campagne sur le prochain post de la Saga de l'Indre n° 6

vendredi 25 octobre 2019

La Saga de l'Indre (4)


Les deux petits hirondeaux attendent la nourriture (2019)


Les hirondelles :

s les premiers jours de septembre, donc, juste à mon arrivée, le nid était plein, il faisait beau, chaud, et le spectacle était présent tous les jours...

J'avais de la chance, les hirondelles étaient parties par centaines depuis quelques matins, je n'avais pas été assez courageuse pour me lever de bonne, et assister à leur départ ! D'autres, à l'heure où je prenais le café sous le figuier et le tilleul, tournoyaient dans la grande cour en attendant un ultime départ, tout le monde n'était pas parti en même temps, et pour cause, il fallait sans doute attendre que les petits prennent du poids et peaufinent leurs ailes... J'ai attendu, tous les jours j'allais les voir plusieurs fois dans la journée... Les hirondelles avaient fait leur nid dans un petit appentis, j’avais juste à lever légèrement la tête pour les observer... Ce qui rendait le moment plus touchant.


Le tilleul et le figuier qui vont si bien ensemble (2009)

Je ne sais pas pourquoi, cette année j'avais l'impression que je voyais des hirondeaux pour la première fois, pourtant bien des années auparavant, j'en avais vu des petits, des grands, en haut et plus bas, mais cette année cette vision prenait plus d'importance, allez savoir... J'avais l'impression de vivre un moment unique, exceptionnel certes, mais unique !



Les quatre hirondeaux de 2012

Pourtant les preuves sont là, j'avais déjà vécu ces moments-là... Mais de beaucoup plus loin, ce panier était accroché très, très haut dans la grande grange, qui faisait facilement six ou sept mètres de hauteur, il a fallu que je zoome tout le temps pour l'avoir avec netteté... Peut-être étais-je trop loin ?



C'est dans ce petit appentis haut comme trois pommes (ancien poulailler), qu'elles avaient fait leur nid (2019,) il fallait un peu baisser la tête pour entrer

Mais bien sûr, cette année, la proximité du nid me donnait l'impression de voir pour la première fois ces petits oisillons. Comme dans la vie, plus vous êtes proche des événements, plus vous risquez d'en être touché profondément, ils vous marquent davantage...

Ne dit-on pas en sortant d'un spectacle vivant : opéra, théâtre, concert... Quel dommage,  j'étais placé beaucoup trop loin pour ressentir des émotions fortes, je n'étais pas dedans ! À l'opéra, les places les moins chères sont celles du poulailler, beaucoup trop haut perchées. Mon petit poulailler de campagne m'avait rapprochée de l’événement, j'avais juste à lever le bras pour la photo, lever la tête doucement, discrètement pour ne pas gêner ! J'ai pu assister à leurs premières sorties, les hirondeaux rentraient encore tous les soirs pour dormir dans le nid, sans les parents.


Première sortie sur la gouttière, à portée de vue, toujours à deux


En bonne compagnie, un jour suivant

J'ai même eu le plaisir, la surprise, d'assister au repas familial, frôlée de près par la mère qui rentrait à toute allure...


Je me trouvais là quand la mère est arrivée, comme un éclair

Mon ami de campagne, voyant que j'allais tous les jours les voir, m'a dit : tu sais, elles vont partir, ne t'y attache pas trop, nous avons souri... Les hirondeaux sont revenus trois nuits après leur première sortie... Après leur départ définitif, j'avais l'impression que le silence était plus épais dans le poulailler...


Ils sont partis

Je savais déjà que l'année prochaine, si tout se passait bien pour moi, je reviendrais avec un œil neuf, il y a tant à voir à la campagne, un mois c'est trop juste, par où commencer ? Les gens sans doute, les gens d'abord... Je n'en ai pas du tout fini avec les arbres, les chemins creux, les bizarreries des rencontres, les nouvelles fraîches, les étangs seront peut-être remplis, les hérons seront de retour...

Mes amis, mes passagers, rendez-vous ici pour la Saga de l'Indre (suite 5) 

mardi 22 octobre 2019

Interludes parisiens... Avant la reprise de la Saga de l'Indre n°4



J'avais décidé d'aller faire des courses à Paris, et avant de partir, je m'étais tâtée pour le parapluie, toujours un peu encombrant dans mon sac à main. Mais bon, par sécurité, je l'avais pris, après avoir jeté un coup d’œil à ma fenêtre et sur mon téléphone,  toutes les chances étaient de mon côté, la pluie et le soleil... Ça devrait se maintenir ! Et me voilà partie. Le ciel était très gris, bas de plafond, j'avais bien fait d'embarquer le parapluie, mais ça devrait quand même être bon... D'après la météo !

Il faut beaucoup réfléchir finalement avant de sortir, en avant Simone...

Au sortir du métro, toujours pas la pluie qu'annonçait le ciel gris perle, le soleil était au rendez-vous. Devant moi, deux jeunes femmes bras dessus, bras dessous, mets ton aile sous mon abattis et marchons comme deux poulets rôtis, heureuses de vivre : tu vois, regarde donc ce soleil, il fait super beau, chaud, je te l'avais dit, il ne pleuvra pas, c'est génial ! Tu sais, moi, je ne regarde jamais la météo, sinon on va dans le mur, ils se trompent trop souvent, ils te foutent ta saison en l'air, et tu cafardes tout le temps...

La jeune femme était sûre d'elle, rieuse, elle avait une énorme confiance en elle... Je l'enviais !

Car moi, je regarde toujours la météo avant de sortir, si quelques fois je "trimbale" mon parapluie pour rien, c'est vrai, de temps en temps je prends la sauce en regrettant de ne l'avoir pas pris, je fais plutôt confiance à la météo... Elle a un temps d'avance ! Il faudrait que je compte les points avec elle, mais je pense qu'à la fin, c'est elle qui gagnerait, on ne peut rien contre la science du ciel ! Je devrais peut-être avoir plus confiance en moi  ?


Ceci est ma cocotte en fonte

Sur le chemin du retour, fainéante: allez, je prends le bus. Une place assise, cadeau, la dame juste en face de moi avait mis sa petite valise rouge juste devant elle, ça ne vous dérange pas, madame ? Nullement, madame, ne bougez pas. Mon voisin de droite était tout à son affaire, la tête dans le sac à ses pieds, sous sa canne qui était tombée, il cherchait frénétiquement quelque chose sous le paquet qu'il avait bien du mal à sortir du cabas (à l'ancienne). Il le vida complètement, avec difficulté, sur le siège d'en face encore libre : une paire de chaussons et, en équilibre sur un côté, une petite cocotte rouge, en fonte...

Attention, monsieur, dit la dame à la valise, ça casse, une cocotte en fonte ! Doucement, elle l'aida à sortir complètement la cocotte du sac. Ah, voilà, je l'ai retrouvé ! Du fond du sac, le vieux monsieur sortit son ticket de transport, entre le pouce et l'index, tout content, et le mis dans sa poche, puis il remit le tout dans le grand sac... J'avais bien vu qu'il n’entendait pas bien. Ça va, monsieur ? Oui, oui,  vous savez, l'autre jour ma femme a fait cuire un rôti dans la cocotte, quand je suis rentré à la maison, il y avait de la fumée partout, on aurait pu mettre le feu à l'appartement, quand j'ai ouvert la cocotte, le rôti était devenu tout petit et tout noir. Et il fit avec une seule main la forme du rôti. Ben oui, monsieur, je comprends... Je le regardais bien de face et parlais plus lentement. Oui, ben où tu étais passée ? Elle avait oublié, complètement oublié, la cocotte sur le gaz... Vous vous rende compte !

J'en ai racheté une belle chez Auchan, ma femme m'a dit : à notre âge, tu vas quand même pas racheter une cocotte ? Vous avez bien fait, monsieur, elle est très belle votre cocotte, à ma station je lui dis assez fort : bon appétit, monsieur, dans la belle cocotte, et bonne fin de soirée... Il sourit, la dame à la valise également...

Les uns ont confiance, les autres en manquent, mais moi j'ai bien ri des deux situations, et même en vous les racontant, j'en ris encore...

À très bientôt mes amis, mes passager, au prochain post je retourne en Indre pour la Saga N° 4, je vous y attends...

dimanche 20 octobre 2019

La Saga de l'Indre (3)


Une petite maison berrichonne sous le soleil

Les gens :

On a compris, Danielle, les gens de la campagne sont pareils à ceux des villes, la maladie, le chagrin, l'absence, les joies sont identiques, c'est seulement le cadre qui change... Pour les gens des villes, bruyantes, polluées, mais tellement intéressantes, tentantes, séduisantes pour ce qu'elles offrent, la campagne reste une nécessité, passionnante, émerveillante, j'ai la chance de pouvoir vivre ça ! Les gens des villes et des campagnes sont tous frères et sœurs il suffit de se dire bonjour le plus souvent possible, pour se rapprocher, se parler...

Je ne me suis pas beaucoup rapprochée de mon épicier : celui de la campagne est bourru, bonjour, bonsoir sans sourciller, une porte de prison qui grince, ici on ne raconte pas sa vie, la vie va comme j'te pousse, par ici la monnaie...

Il ne me reconnait jamais, pourtant depuis le temps, les salades, les concombres, les poires et le beurre... Il m'en a vendu des paquets. Non, il est anonyme, pas très accueillant, il est discret comme un agent double... Quelque fois même, je me suis plainte : les légumes sont pourris, il faut en mettre d'autres ! Il ne bronche pas, remplace les moribonds, et c'est tout. Depuis des années, je vous le dis, le redis, l'épicier n'est pas gracieux...

Le boucher est tout jovial, sourire, regard enjoué, qui donne envie de tout acheter, un peu de ceci, un peu de cela, j'ai les sacoches de vélo pleines à ras bord... Au revoir madame, à la prochaine, je vous l'ai dit aussi, et redit, le boucher vous considère !


Je suis passée par ici

Quand je suis obligée de faire mes courses, ce n'et pas une punition, c'est un enthousiasme de chaque jour, pour un peu j'oublierais bien chaque fois quelques chose, pour repartir vers le bourg... J'ai oublié ceci, chouette !


Je repasserai par là avec plaisir

Je suis déjà sur mon vélo, et il pleut, ça n'est pas arrivé souvent, une seule fois dans le mois, j'ai pu mettre mon poncho tout neuf, très joli, et bien imperméable... J'ai passé en revue les gens de la rue que je rencontre, les commerçants souriants et grincheux, allez, allez, mes amis de la campagne qui habitent tout près de chez moi me bercent de leurs voix si douces, si amicales... Mon amie, les premiers jours, quand je suis remontée sur mon vélo, se mordait les doigts en pensant à moi. À mon retour, elle m'a dit : je n'étais pas tranquille de te savoir partie, deux ans sans faire de vélo, je me faisais un sang d'encre... Moi aussi je me demandais...



L'échelle de meunier a poussé contre le mur, elle n'a pas bougé depuis deux ans

Chaque fois, je choisissais le chemin du bourg que j'allais prendre : le plus court avec le grand tilleul, le plus long avec le beau saule, le plus long encore avec le grand pommier... Exactement comme vous choisissez dans votre garde-robe, chaque jour, à votre envie, votre goût, l'habit que vous aimerez porter pour la journée...


Le grand saule plus beau que jamais


Le grand tilleul


Le beau pommier de plein champ

Mes amis, pour le prochain post, je n'ai pas encore choisi :  les paysages, les oiseaux, les arbres, le jardin... Je réfléchis !

Prenons rendez-vous, ici... Je vous y attends...

mercredi 16 octobre 2019

La Saga de l'Indre (2)


Elle avait mis de la couleur partout, et au loin je voyais son jardin


Les gens :

Mes amis ont tout partagé en deux, ils ont chacun leur domaine d'intervention : Lui, tout ce qui pousse pour manger, l'entretien, tout le bricolage sur la propriété, Elle, le jardin d'agrément, les fleurs, le ménage et la cuisine. Ils sont réglés au cordeau et tout fonctionne à merveille... Quelquefois même, chacun déborde sur les tâches de l'autre, en cas de nécessité. Comme on dit : ils sont véritablement complémentaires...


Lui s'occupe de tout ce qui se mange

Elle met des couleurs sur ses meubles, sur les murs, dans les placards, Elle est très créative, Elle adore la déco... Tout l'inspire avec enthousiasme !


Elle adore la déco, c'est tout beau !


Le beau jardin d'agrément, c'est Elle

Je les aime chacun de tous leurs côtés, et ensemble nous rions bien...

En général, plus le temps s'écoule sur nous, plus nous trouvons que les autres prennent un coup de vieux ! Vous ne trouvez pas ?

Tous les gens que je rencontre, je les salue, j'essaye d'aller plus loin que le bonjour, et souvent ça marche bien. Nous pouvons même nous raccrocher à notre dernière conversation... Deux ans déjà, comme si rien ne s'était passé... Seulement le temps a coulé, goutte après goutte... Je suis descendue de mon vélo pour être de plain-pied avec elle : bonjour Odette, alors, quoi de neuf ? Bah ! Toujours pareil... Vous ne faites plus de vélo ? Non, depuis ma chute, je fais tout à pied ... Une chute qui l'avait effrayée pour toujours... Mais elle marchait maintenant avec entrain, montait la côte comme si c'était du plat, ça m'a fait plaisir, elle ne me demanda pas où j'étais passée, j'étais là, tout simplement... Nous ne nous sommes plus croisées du séjour...


Chaque fois que je passais par là, je prenais la photo... Toujours pareille, toujours différente, des tableaux grandeur nature...

Le vieux monsieur qui faisait peine à voir il y a deux ans, que j'avais même porté disparu à jamais, était debout devant moi, près de ses oies. Il parle, sourit, répond à mes questions avec empressement. J'avais commencé la conversation avec la météo, et de soleil en soleil : bien sûr, c'est moi qui l'ai planté, j'avais sept ans, je m'en souviens très bien, ah oui ! Il doit avoir près de quatre-vingts ans alors, il est magnifique cet arbre, un noyer immense ! Monsieur Charles avait sa belle mémoire intacte, et pouvait me donner des nouvelles des arbres de son jardin, leurs date de naissance, leur état de santé... Celui-là se porte bien, même avec la canicule, il supporte, il est reparti, regardez-donc, il est tout vert, les ormes par ici sont tous morts depuis longtemps, mais voilà qu'il repart, j'comprends rien. Je savais bien que les ormes des environs mouraient les uns après les autres, sans retour, mais celui de monsieur Charles renaissait de ses cendres avec la chaleur.... Ce jour-là, je n'avais pas pris mon appareil photo et je n'ai pas fait le portrait de l'orme,  je savais qu'il était là, au bord du chemin... Je pouvais revenir quand je voulais... Je suis passée plus loin...


Par là aussi je suis passée plusieurs fois, la meule de paille entre les pommiers me plaisait, suivant l'heure...

Je l'ai félicité pour son grand noyer presque centenaire et ses deux grands chênes, j'étais passée de nombreuses fois devant sans leur accorder de l'importance, comme si vous ne voyiez pas un beau château où un paysage extraordinaire, vous n'oseriez pas le dire... Moi non plus...


Bien enroulées aussi, j'aime les bottes de paille


Quand je voyais au loin celles-ci,  je savais que la promenade serait belle, je m'amusais à compter les bottes...

J'avais demandé à mes deux amis : mais, madame Louise, je ne l'ai pas encore vue, je suis pourtant passée plusieurs fois près de sa maison... Ah ! La pau've Louise, elle est décédée l'année où tu n'es pas venue, comme ça, comme une feuille morte... Pas possible, mais elle était malade ? Pas vraiment, comme une feuille morte je te dis, on l'avait toujours appelée comme ça, du plus loin que je me souvienne, dans ma famille on l'appelait la pau've Louise... Elle passait inaperçue, elle allait au bourg à pied, tous les jours elle faisait une tarte pour ses enfants, des hommes d'âge mûr... Un personnage de roman triste à pleurer, elle faisait quatre fois son âge, la pau've Louise... Elle n'était pourtant pas si âgée que cela ! 

Je vous avait prévenus, il y aurait des morts dans cette Saga...

Après la pau've Louise, j'ai fait l'inventaire, je ne voulais plus avoir de mauvaises surprises. Je m’enquis de tous ceux que je connaissais de près ou de loin, ils étaient tous au rendez-vous, bien vivants, bien actifs, en bonne santé, pourvus que ça dure...

Le boucher, le charcutier, l'épicier, les boulangers se portaient comme des charmes... Je prenais mon vélo pour leur rendre visite, avec précaution, par les petites routes où il ne passait qu'une voiture à l'heure, quelquefois je ne croisais personne, la campagne était toute à moi. L'inventaire, il fallait le faire aussi pour les paysages, comment va-t-il par là et par ici, quoi de neuf, j'espère que rien n'a changé...


Les petits chemins de Paradis...

Mes amis, suite au prochain numéro... La Saga de l'Indre continue... Je vous y attends...

La Saga de l'Indre... (1)




La trouée à travers les maïs 

Les gens :

Cet Automne, je pars en Indre, j'avais loupé une année pour raison de santé, zut ! Comment revoir les gens, la nature (le jardin, les paysages, les arbres...), les oiseaux, le bon air, le ciel lumineux, le silence et la pleine lune.. Après tant d'absence ? Comment ça, Danielle, revoir ? Oui, comment regarder les vieux paysages avec un regard neuf ?  Voilà plus de dix ans que j'explore ce petit coin d'Indre, comment le revoir, les yeux plus ouverts, le cœur encore battant, comme si c'était la première, et la dernière fois ? Je m'étais dit : je n'ai rien vu, un mois, ça va être court, pas possible même de tout explorer. J'avais mis dans mes projets de découvrir des arbres remarquables, je voulais les épingler dans le Patrimoine de mon Humanité ! J'avais donc fort à faire, mais je n'avais pas prévu les émotions fortes ! Ces émotions qui me faisaient pleurer ! À chaque fois !

Mes amis étaient là à m'accueillir, nous avions tous les larmes aux yeux, et comme nous sommes de grands émotifs, se serrer dans les bras nous procurait beaucoup de joie. Comment vas-tu, dis-moi, raconte ! Et nous nous racontions nos passages à vide et nos joies les plus petites, pas d'un coup, nous avions tout un mois pour développer... Nous avions tous trois des cheveux bien blancs, sauf mon amie qui gardait, sans doute, un brin de teinture et de coquetterie pour prendre un peu de recul avec les années qui passent, moi j'avais opté très tôt pour les couleurs naturelles : le brun, le gris, le blanc m'allaient très bien... Pierre Soulages avait bien choisi définitivement le noir ! Une gamme étroite,  comme la mienne...

Oh ! Elle n'a pas trop souffert ? Pendant deux ans, les morts s'accumulent aussi... Ils avaient des maisons à vider, les héritages, et au cimetière, il y avait des tombes nouvelles, bien fleuries, bien nettoyées, bien choyées, j'y suis allée moi aussi déposer deux, trois pierres, comme le Petit Poucet... Chacun pouvait se plaindre du temps qui passait, avec le sourire, pas question de faire autrement. Malgré les douleurs, les soucis, les inquiétudes, les regrets des uns et des autres, les : si j'avais su, si j'avais fait autrement, c'est bien trop tard pour reprendre contact, trop tard pour pleurer sur le passé... Il fallait repartir d'un bon pied, il n'était que temps... Jamais nous n'avons assez de mots pour revivre le passé et accueillir le présent avec espérance... Allez, mes amis, nous irons faire des visites : châteaux, brocantes, vieux arbres, églises, petits chemins... À nous les beautés d'ici... Je n'aurais jamais assez de temps...



La rivière semble être née d'hier, fraîche, claire, peut-être propre ?

Il faisait beau depuis des mois, pas de pluie, pas de vent, les champs étaient tous rasés de frais, les pelouses réduites en foin, pas de salades ni courgettes, ou si peu, les haricots verts se cueillaient par poignées de cent grammes, juste pour une dégustation, les tomates ne voulaient pas rougir, on attendait ! Résultat de mes courses, il fallait que j'aille plus souvent chez l'épicier du village pour les légumes frais qui venaient des jardins d'ailleurs... Pas trop loin quand même, je ne pouvais rien garder longtemps, je guettais les tomates du jardin de mon ami...

Tu sais, Danielle, certains arbres vont mourir avec cette canicule... Pas possible ! Regarde, le bouleau a rendu l'âme, le mûrier est tout ridé, les figues sont très petites, mais il y en a énormément. C'est vrai, je n'en avais jamais vues autant en dix ans, aïe, il faudrait attendre encore, tant pis, je vais les manger petites, je ne vais pas pouvoir attendre qu'elles prennent du poids, elles sont déjà délicieuses et sucrées... Les mirabelles sont si belles, les pruniers ont déjoué le temps chaud, ils regorgent de fruits, je vais faire des compotes à la louche... Une pointe de vanille et le tour sera joué... Quel beau tour...


Les mirabelles tombées du ciel ! Les perles de septembre !

J'allais vers l'un et l'autre de mes amis de campagne, nous avions tant de choses à nous dire, séparément ou ensemble, avec chacun d'eux les mots ne sont pas les mêmes, nous le savons tous.

Mon ami faisait toujours le tour de son propriétaire en coupant ici les haies, là en élaguant des arbres, il tombait à genoux chaque jour pour planter ses salades, récolter les fruits de son verger, arroser tant qu'il pouvait. Il continuait à ranger dans son grand hangar qui lui ressemblait comme deux gouttes d'eau, il pratiquait beaucoup le : ça peut servir un jour, les outils par deux, par trois, par quatre, à cause de toutes les brocantes qu'il faisait les dimanches, et moi j'ai adoré conserver cet ordre dans mes photographies. Maintenant qu'il était à la retraite, il continuait à conserver, en ordre, ce qui lui restait de tous les outils dont il s'était servi pour son métier, le beau métier de carreleur mosaïste, de renom ! Il ramassait même les livres trouvés dans les héritages, je vais les lire, mais je n'étais pas sûre qu'il en lirait une ligne, lui non plus, mais le cœur y était...


Il ombrageait ses légumes, comme quand on prend l'apéro





Tout est rangé par espèce, par couleur

Un jour, je l'ai vu élaguer la haie en deux ou trois jours, laissant tout en plan : sa petite charrette, ses outils, ses tuyaux, son échelle. Je me suis dis, tiens, il ne range pas tout, tout de suite, il n'a pas terminé ce soir, il finira demain... "Il finira demain" était inconnu pour moi, je l'avais toujours vu finir dans les temps, dans ses temps, rapidement... J'ai eu de la tristesse au cœur, comment ça, je finirai demain ? 

J'ai tourné autour de ses outils encore par terre, je n'en revenais pas, on verra demain, me disait-il, lui aussi se fatigue ? Et moi, vais-je bien pouvoir encore pédaler, voilà deux ans que je n'ai pas mis la chaîne de mon vélo sur le grand pignon... Ô temps ! Suspends ton vol !



Il n'avait  pas rentré le sécateur...


 Pas mis les feuilles en tas sur le petit feu qui les attendait...


Laissé le balai et le seau... En plein milieu...

Je n'avais jamais fait de photos du : "Je finirai demain"... Le lendemain ou le surlendemain, il a tout rangé, fignolé, ratissé, comme avant, ouf ! Ça m'a soulagée...

Où irons-nous demain ? Que ferons-nous ? Par quoi vais-je commencer ? Je n'aurais jamais assez de temps...

Mes amis, l'Indre va prendre du temps, il faut toujours commencer par les gens... À très vite...

samedi 12 octobre 2019

Des histoires sans chronologie de la ville à la campagne... L'achat du petit chapelet (3)




Mes petits chapelets jolis... (musulman et chrétien) : le petit en argent, acheté parmi des objets anciens à Istanbul, celui en nacre, donné par mon ami de la campagne

Les jours suivants, après l'église Sainte-Élisabeth au métro Temple, la rue Notre-Dame-de-Nazareth et la belle synagogue  près de la République, je me suis dit : allons place Saint Sulpice, j'ai toutes  mes chances pour le chapelet ! Néanmoins, si je ne trouve pas, il me reste l'église Saint-Germain : là, pour les avoir vus, je suis certaine qu'ils vendent des objets de piété. Je me souviens aussi de Notre-Dame de la médaille miraculeuse, rue du Bac, où il y a toujours foule, ils vendent des médailles, c'est certain, peut-être aussi des chapelets ? Enfin bref, sur Paris, ça serait bien le diable si je ne trouvais pas un chapelet ! 


La belle église Saint-Sulpice (1646-1870), les pieds dans la fontaine (1844-1847)


Le choeur si lumineux de l'église


À la grande librairie chrétienne de la Procure, qui ressemble à une bibliothèque, je vais, à coup sûr, trouver le petit chapelet que je cherche. J'en profiterai pour aller revoir les grandes fresques de Delacroix restaurées à l'église Saint-Sulpice, juste la rue à traverser...

Ni une, ni deux, me voilà sur le sentier de la guerre, j'aime bien cette grande librairie, l'atmosphère y est agréable et feutrée. Rayon après rayon, j'aperçois le petit coin des médailles, chapelets, icônes, statuettes, mon petit chapelet doit être là, je vais le trouver... Mais tout est trop moche ici, les chapelets, en bois, plastique et vilaines perles, que du toc, allez, je file, ce n'est sûrement pas ici que je vais acheter les perles avec le Christ et la Sainte Vierge. Pour mon amie, je le veux protecteur, certes, mais beau ! Décidément, allons ailleurs !


Héliodore chassé du Temple (fresque de Delacroix, 1855-1861)


Détail


La lutte de Jacob avec l'ange (1855-1861)


Détail

Déçue, je traverse la rue, et je retrouve, fraîchement restaurées, les fresques de Delacroix, presque peintes de la veille... Quel plaisir de les voir, revoir, transformées, éclatantes ! Depuis la restauration, bien sûr, le monde est au rendez-vous... Je ne suis plus seule à les apprécier, depuis des années, dans leur jus. Je jette un œil sur l'énorme bassine métallique remplie d'eau bénite, toujours à la même place, dans une petite chapelle latérale, elle trône en haut des deux marches de l'autel, il y a un petit robinet dans le bas du gros récipient qui permet aux croyants de se servir à volonté... Jamais je n'ai vu ce service proposé dans une autre église à Paris (mais je ne connais pas toutes les églises).


Et sous la voûte : Saint Michel terrassant le dragon (1855-1861)

J'avais donné rendez-vous à mon amie dans les jours qui venaient, je voulais trouver absolument le chapelet... Aujourd'hui, pas plus tard ! Sur la grande place de l'église, il y a justement une petite boutique d'objets de piété, j'y plonge : des chapelets, il y en avait à la pelle, de toutes les couleurs, dans toutes les matières, en perles de verre transparentes comme je le voulais, montage sur argent, avec la médaille de la Vierge et le Christ en croix, pour un prix totalement raisonnable, je n'en croyais pas mes yeux...

Je pris le mien, il ne pesait pas bien lourd, et passais à la caisse. Un petit paquet cadeau ? Oui, s'il vous plaît, j'étais bien dans la maison du Bon Dieu. Pendant que le vendeur me faisait mon très petit paquet, une dame qui faisait l'emplette d'une petite statue de la Vierge en pierre, à la caisse comme moi, rayonnait : quand je l'ai vue, j'ai tout de suite su que c'était celle-là... Alors-là, madame, c'est sûr que vous avez fait le bon choix, votre enthousiasme ne peut vous tromper. Vous croyez ? Oui, c'est sûr, elle va vous apporter du bonheur ! J'avais dit ces mots avec l’aplomb d'une connaisseuse, je voyais bien dans ses yeux, à son sourire, que mon histoire lui plaisait, elle avait bien choisi, cette statuette lui porterait chance, mes mots si simples nourrissaient sa conviction...

Voilà comment j'achetais le cher chapelet, pour faire plaisir à mon amie. À son arrivée chez moi, à l'heure du thé, je lui offris le très petit paquet... Oh ! Merci, comme il est joli, je suis très touchée, il ne me quittera jamais, jusqu'à ma mort... Elle le mit immédiatement autour de son cou, la félicité opérait sur le champ... Tu sais, tu devrais le faire bénir pour renforcer son pouvoir de protection ! J'avais cherché pour elle ce chapelet qui lui apporterait la protection qu'elle souhaitait, il  avait vu sa valeur symbolique comme augmentée par mon amitié sincère. Le petit chapelet venait d'une grande maison spécialisée dans les objets de piété depuis le 19e siècle, à Ambert dans le Puy de Dôme. J'ai trouvé, (cliquez sur :  Youtube) un très beau documentaire sur la fabrication des chapelets, il vous intéressera surement, comme il m'a captivée, il dure une petite heure et il est passionnant, je vous le recommande... À vous de voir... Depuis que mon amie porte son chapelet, ressent-elle la confiance et la protection qui lui manquaient ? Je ne sais pas encore... Elle ne le quitte plus, et il s'harmonise à merveille avec ses belles tenues et son collier de perles qu'elle porte tout le temps aussi...

Mes amis, après le petit chapelet, je suis partie dans l'Indre, j'ai grimpé aux arbres... Avec mon appareil photo...

PS : j'espère que mon insertion de la vidéo va marcher, je ne suis pas très sûre !