mardi 23 juillet 2019

Pensée de l'été...



Zèbre - Yves Boussin, artiste peintre

Ce matin, à France Culture, j'ai entendu Aurélien Barrau, astrophysicien français (46 ans), qui rappelait les chiffres suivants (rapport WWF - 2018, le Fond Mondial pour la Nature, WWF, est l'une des toutes premières organisations indépendantes de protection de l'environnement dans le monde, avec un réseau actif dans plus de 100 pays, et un fort du soutien de près de 6 millions de membres. Le WWF France, Fondation reconnue d'utilité publique, oeuvre pour une planète vivante depuis Paris, Marseille, les Alpes, la Guyane et la Nouvelle-Calédonie) :

- 60 % des animaux sauvages ont disparu de la Terre au cours des 40 dernières années 

- 100 millions d’espèces ont déjà  disparu de la Terre !

- La vie est en train de s’effondrer !

 Moi aussi, je me suis dit : réfléchissons, vite !

Bon été, mes amis mes visiteurs... Réfléchissons ! À nous de voir...

mercredi 17 juillet 2019

Des mots, mais lesquels ? (3)


La maison du pendu, Auvers-sur-Oise (1873) -  Paul Cézanne, 1839-1906

Souvenir papillon :

Lors d'une de mes visites (régulières) aux Puces de Montreuil, j'ai vu, au milieu du bric-à-brac d'un brocanteur, cette petite reproduction d'un tableau de Cézanne, encadrée avec du papier collant, par un amateur. Il n'avait pas du tout changé, j'ai cru pendant des année que ce tableau était l'oeuvre de Pissaro... Pendant mon adolescence, j'ai aimé par dessus tout Paul Cézanne, et particulièrement sa Maison du Pendu, la douceur et le mystère de cette peinture avaient pris une place de choix dans mon cerveau. Alors, voir mon souvenir d'adolescente couché négligemment, comme un vieux papier gras, sur le trottoir, m'a beaucoup touchée, je l'ai aussitôt capturé, repêché dans les filets de mon téléphone, comme un très beau papillon... Plus tard, j'ai su que Pissaro et Cézanne s'étaient beaucoup influencés l'un l'autre... Les années ont passé, et l'art contemporain a pris le dessus dans ma vie, mais  je n'ai jamais oublié Pissaro et Cézanne... Comme je n'ai jamais hiérarchisé les arts, le temps, les modes, les courants ne changent rien à l'affaire, partout dans le monde les œuvres qui m'émeuvent sont les bienvenues dans mon cœur...



Des mots, mais lesquels ?

Je peux vous aider ? J'avais hésité, avant de me lancer, quelle réception fera-t-elle à mon : j'peux vous aider ? Quand on veut aider quelqu'un, que l'on juge en difficulté, on ne sait pas comment il va réagir, s'il va même accepter. Non, non, ça va aller, et elle essaya de faire glisser son corps entre les chaises de la terrasse du café qu'elle voulait quitter. Elle lorgnait du coin de l’œil son engin roulant qui ressemblait plus à une moto qu'à un fauteuil roulant, il était rouge et flambant neuf, les chromes rutilaient avec déjà quelques égratignures, et elle devait encore et encore le roder.

Son corps, ses jambes surtout, résistaient, elles refusaient de la porter, elle fit de grands efforts pour arriver près de l'engin à trois roues, moi je restais debout devant elle. J'ai lancé la conversation, je me disais : chouette ! Cette dame était ma voisine du rez-de-chaussée, vingt mille fois nous nous étions croisées, vingt mille fois elle était restée muette à mes :  bonjours ! Voilà plusieurs années que nous nous côtoyions sans qu'elle me regarde, me reconnaisse, me parle. Chaque fois que je la croisais avec ce discret : bonjour ! Elle ne répondait jamais. Bon, attendons le bon moment, et puis là, sans l'espérer, il est venu... Bien des fois je l'ai trouvée revêche, obstinée, aveugle, pas sympa : Bonjour madame ! Sans retour...

Vous savez, je ne savais pas si vous alliez accepter mon aide, mais ça se tentait, alors elle me regarda dans les yeux, je suis votre voisine, nous habitons la même maison. Ah oui, tiens ! Je me  souviens maintenant de vous avoir vue... Elle m'avait donc vue, le regard toujours en dessous !

Vous avez eu raison de me proposer votre aide, merci, même si je n'en fais pas usage, je vous en remercie. Il m'a fallu beaucoup de temps pour quitter mon agressivité, avec la cinquantaine qui est là  je suis peu plus sage, j'ai mis beaucoup de temps, mais en fait, j'ai vraiment mis trente ans à abandonner ma colère, mon chagrin et ma déception. Je suis handicapée depuis ma naissance et je n'ai jamais pu m'y faire, vraiment jamais. C'est difficile, vous savez, d'accepter l'inacceptable...

Je comprends, oui, expliquez-moi encore. Elle était debout devant sa moto/chaise et moi, je me tenais le long de la chaise, devant elle, et alors le miracle a eu lieu, j'ai osé : quel est votre prénom ? Geneviève, et moi c'est Danielle. Maintenant qu'elle savait mon prénom, que je connaissais le sien, elle pouvait me regarder dans les yeux, avec le sourire. Nous avions fait le chemin ensemble...

Allez, lança-t-elle, rentrons ensemble. Bien plantée sur sa monture, elle allait doucement à côté de moi, nous étions à cinq ou six cents mètres de notre tour, tous nos efforts maintenant se portaient sur la conduite de la moto rouge. Le siège était bien large, confortable, elle savait y faire, la Geneviève. La moto/fauteuil neuve était déjà cabossée, la tôle n'avait pas résisté à ses hésitations, accélérations, freinages, les apprentissages ont eu raison de la belle peinture rouge ! Bah ! Dit Geneviève, c'est que de la tôle froissée, elle restait confiante, gaie, allez, on y va...

Maintenant l'handicapée du rez-de-chaussée a un prénom, moi aussi j'ai un prénom pour elle, nous sommes enfin deux personnes pour la rencontre... La prochaine fois je lui dirais : bonjour Geneviève, comment va l'apprentissage, il fait beau, vous allez bien ? Ainsi de suite, le petit collier de la communication se mettra autour de son cou, du mien, plus de blanc, plus de silence, des mots, peu importe lesquels...

Nous sommes arrivées au pied de la tour, elle fit un effort énorme pour monter la pente de la rampe de l'immeuble, un coup à gauche, à droite, les ailes de la monture en prenaient pour leur grade, mais nous en riions sans gêne, nous avions gagné la partie ! Une autre voisine qui la connaissait bien, elle l'appelait par son prénom, s'y était mise pour la guider, je me suis dit, elle connait du monde, tant mieux, nous sommes plusieurs à plaisanter sur les pare-chocs chromés bien entamés...

Geneviève, je vous guette, sortez de chez vous, nous pourrons parler, rire, être un peu ensemble...



Mes amis, passez un bon été, je reviens... Je vous embrasse...


lundi 15 juillet 2019

Des mots, mais lesquels ? (2)


Mystère des portes de campagne

Je suis allée la voir quelques jours après l'enterrement de son fils décédé brusquement, encore jeune.  Tous les jours j'y pensais, est-ce bien le moment, est-ce vraiment opportun ? Un petit coup de sonnette à sa porte n'avait rien donné la semaine dernière, partie, envolée, consolée, réconfortée ? Je l'espérais...

Je me suis décidée, il faut être volontaire dans ces moments-là, écouter son cœur, pas facile, sonner !

Bonjour, je viens vous faire un petit coucou ! Elle a tout de suite compris mon embarras : entrez, c'est gentil de venir me voir. Elle n'était pas seule quand je suis arrivée, je ne voulais pas interrompre leur conciliabule et pourtant, il a bien fallu m'asseoir et boire un verre d'eau, puisque je ne voulais pas autre chose, quelques chose de frais, d’indispensable, car il faisait chaud...

Les mot allaient bon train, elle nous rappelait le jeune temps de son fils, un bon garçon, un peu vif, pas à une bêtise près... Elle avait tout oublié, il était devenu sage comme une image, j'avais plaisir à la suivre, nous nous rappelions... Nos garçons avaient le même âge...


Mystère des portes de campagne

Il ne restait rien des agitations, ni de son garçon, ni du mien... Vous vous rappelez la fois où il avait piqué la petite voiture de votre fils ? Ah non, rappelez-moi ! Il l'avait prise, ça j'en suis sûre, mais il avait eu du mal à la rendre, vous aviez dit : mais non, il ne l'a pas volée, il l'a empruntée... C'était bien ce que vous aviez dit ! Je ne m'en souvenais que très légèrement, ça se noyait dans de si nombreuses années...

Son fils, avec sa gentillesse, ses sourires, elle le faisait revivre comme personne... Nous étions toutes autour d'elle pour la soutenir. Quand je suis toute seule, je ne fais que pleurer... Nous le savions comme si nous étions elle, elle racontait encore, des choses nouvelles pour moi, des choses gaies, vives, secrètes... Elle nous disait que son fils était un bon gars !


Mystère des portes de campagne

Votre fils connaissait beaucoup de monde, les gens sont venus pour lui en grand nombre, pour vous, votre famille, c'était très émouvant, vous vous souvenez, vous m'aviez dit : je ne sais pas s'il y aura du monde,  personne peut-être ? Elle se tordait les mains, s'essuyait les yeux, oui, je n'ai pas vu le monde, je n'ai rien vu, j'étais à ma peine, à ma douleur. Je l'avais vue qui regardait par terre, elle ne voyait rien...

Les gens sont venus me dire des mots si affectueux, si touchants, ça m'a transformée ! Je ne suis plus  la même, je ne vois plus du tout les choses comme avant, oui, ça m'a transformée. Ça vous a transformée ? Oui, je ne peux pas expliquer, ça m'a transformée, toutes ces paroles chaleureuses, ces serrements de bras, ces rapprochements, vous ne pouvez pas savoir comme je les ai reçus, comme un grand bienfait, je n'étais plus seule... Je ne vois plus du tout les choses comme avant. Quand je suis seule, je ne fais que pleurer... Elle le répétait et répétait sans cesse...

J'avais bu mon verre d'eau, je ne voulais pas trop déranger et les laisser à leurs confidences, mais j'aurais bien voulu savoir ce qui l'avait transformée à ce point, ce qui l'avait rassurée dans ces moments si douloureux. C'était formidable de l'entendre dire des choses si fortes, si chargées de sens pour elle, comme une évidence... Elle avait éprouvé des sensations inconnues qui lui avaient sans nul doute fait du bien, consolée ? Je ne savais pas, elle seule savait... Mais quand elle prononça ces mots-là, sans expliquer, j'avais l'impression de la comprendre, je pensais que les mots, les regards, la présence des gens l'avaient un peu guérie, bercée, elle avait parlé de sa transformation, avec une voix assurée, mais si douce...

Nous nous retrouverons à un autre moment, où elle sera seule, et je pourrai lui demander le secret des mots qui ont agi si fort dans son cœur...


Mystère des portes de campagne

Une autre rencontre m'a laissée sans voix... Je vous en parle prochainement. Bon été mes amis, mes passagers..

jeudi 11 juillet 2019

Avant le Festival d'Avignon !



La magnifique affiche du festival : Miriam Haddad, 2019


Quelques jours avant le Festival ! Sur la petite terrasse de l'appartement...

Le chat fait ses gros ronrons sur sa petite terrasse, il ne se doute de rien, mais ça bouge en ville, les boîtes à outils sont dehors, les échelles grimpent le long des murs, les ouvriers poncent, ravaudent, clouent, retapent, arrangent, refont à neuf tout ce qui peut l'être, tout doit devenir un théâtre ! Tout Avignon respire le théâtre, parle de théâtre, vit le théâtre...

Je le sais, j'y étais, avant le Festival... Il faut que je me dépêche pour garder le sens de l'avant, le festival va bon train, plus de 1500 spectacles différents, du monde, du monde, du monde... Des perles  rares sont cachées, à vue, dans tous les coins, le bouche-à-oreille manque quelque fois de souffle, le hasard fera peut-être bien les choses, comment faire pour choisir, il faut étudier le programme à fond, construire son festival.

Je me souviens d'avoir fait ça dans les festivals de cinéma que j'ai suivi longtemps : le festival du cinéma de la Rochelle quand il était encore trop confidentiel, nous tenions les rencontres avec les cinéastes (qui venaient à leur frais) le long de cette croisette du vieux port... J'y suis retournée 15 ans de suite, 15 petites années pour faire le plein de découvertes, j'ai plus pleuré que ri... Et puis après, quand le monde du monde fut au rendez-vous, en masse, j'ai cessé d'y aller...

Le festival de films de femmes à Créteil, j'y suis allée pendant 12 ans sans interruption, là aussi j'ai découvert des pépites d'or...

Je choisissais mes films en suivant le catalogue, page après page, cinéaste après cinéaste, bon, qu'est-ce que je vais aller voir demain, puis après ? Quatre, cinq films par jour, pas de problèmes, des nuits entières aussi à la Rochelle...

Le cinéma a toujours fait partie de ma vie, j'ai démarré le grand écran à 16 ans, je me souviens de la salle d'art et essais qui était tout près de chez moi... J'y avais mon rond de serviette, à la cinémathèque pareillement, il fallait faire la queue, déjà cela m'énervait...


Avant le festival


Avant le festival


 Avant...


Avant le festival

J'avais bien vu qu'ils avaient coupé les grands platanes, morts de leur vilaine mort, vieux, malades... Combien de temps faudra-t-il à ces monuments pour refaire surface, une génération ?

Plus de mille cinq cents spectacles, que d'espoirs et de déceptions pour tous ces inventeurs de spectacles et leurs spectateurs ! En ville chaque recoin de libre est déguisé en salle de spectacle, il y a beaucoup d'argent à la clé, le festival est une immense loterie... Chaque heure de gloire vaut de l'or !


Tiens, Tchekhov, un de mes chouchous


Pourvu que ça marche


Les trottoirs aussi se refont une beauté !

Avant le festival, moi j'y étais, il y avait de l'agitation dans l'air, j'ai vu un nombre incalculable de balais, d’escabeaux, de perceuses en action, chacun frappait les trois coups, allez, allez il ne faut pas traîner... Dans les restos, les cafés, les tables attendaient les gourmands ou ceux qui avaient soif, très soif... Il y avait déjà un bon potentiel de clients en juin... J'ai vu des silhouettes, rapides, débarquer avec armes et bagages...


 On tire les fils


Un nouveau théâtre met les bouchées doubles


J'arrive, avec armes et bagages...

Les théâtres installés attendent leur heure, tout est bouclé, ça va cartonner... Les rideaux sont encore baissés, on époussette les fauteuils, vérifie le bon fonctionnement de la clim, on met de l'huile dans le gonds... Pourvu que ça marche !



Nous allons faire des étincelles, et comment...

Ce charmant théâtre donne sur une petite place ensoleillée, où il n'y a que les chats qui passent, pas comme en juillet je suppose, où tout le monde doit être dehors à l'entracte...  Un habitant du quartier, qui déjà affiche sa désolation pour le larcin de sa plate-bande, n'a pas fini de souffrir d'ici la fin des hostilités de juillet, voyez :


Le doux rêveur... compte les points !


Par ici les amis, on vend déjà les places


Attendez que ça ouvre...

L'attente est déjà un véritable plaisir : au théâtre, j'aime attendre que les portes s'ouvrent pour être la mieux placée, en morigénant un peu parce que les places ne sont pas numérotées. Au cinéma, si la file d'attente est longue, c'est que le film a du succès, mais je rouspète quand même un peu si je suis loin sur la file d'attente, jamais contente, la Danielle ! C'est vrai, peu importe mes mauvaises humeurs, rien ne ternit pour moi la joie d'aller au théâtre, au cinéma, au concert, partout où il y a de l'art à voir... En rouspétant quelques fois, mais la joie est là !

Avec ma sœur, après les petite courses en ville, nous nous asseyons toujours sous le grand micocoulier géant de la très belle place Saint-Didier, rien ne vaut sa majestueuse envergure, extravagante, qui couvre de son parasol géant toutes les tables de la terrasse. Pour moi : la huitième merveille de la ville. Nous ne nous en lassons jamais, nous pouvons voir les passants, de très loin, passer et repasser, en sirotant nos thés parfumés... Nos conversations vont bon train, chaque fois nous avons de nouvelles idées de bavardages, nous ne cherchons jamais, elles viennent toutes seules, mais vous connaissez ça bien sûr, aussi bien que moi !


La 8e merveille du festival - Pile


Face


Cette belle place doit toute sa beauté à l'arbre et à l'église, juste à côté. Le soleil qui est là tous les jours, et le ciel bleu comptent beaucoup pour enjoliver le paysage, tout le reste se fabrique sur place, devant un thé...

Dans cette église, il y a aussi des merveilles, mais une seule est exemplaire, elle s'appelle "Le portement", on peut très bien ne pas la voir,  elle se  trouve dans la première chapelle à droite dès l'entrée, un peu dans l'ombre...



Francesco Laurana (1430 - natif de la Dalmatie vénitienne - 1502 mort en Avignon) - Le portement de croix - 1478



Détail de gauche


Détail de droite


Cette oeuvre est sculptée dans un marbre blanc (peint) d'une seule pièce, elle était destinée au maître autel de l'église des Célestins, place des Corps Saints d'Avignon (église aujourd'hui désaffectée, dont la construction remonte au 14e siècle). La scène est profondément douloureuse, elle exprime avec virtuosité des sentiments tellement contrastés, ressentis par les personnages en présence : à gauche le Christ affligé corps et âme, souffrant sous le poids de la croix, la brutalité des soldats, la mort est là. À droite sur le même plan, les femmes et Saint-Jean, éplorés, dévastés par le chagrin, les visages  tellement tristes, les corps s'étreignent, se soutiennent, la Vierge défaille, devant moi, je vois les pleurs... Cette oeuvre à une histoire singulière, bien qu'approuvée par le Roi René, à la livraison, elle déplut et l'artiste aura toutes les peines du monde à se faire payer ! C'est une chance de voir ce portement de si près, je l'ai examiné comme on examine une photo de famille très éloignée, je connais par cœur cette histoire, tant de fois "interprétée" par les artistes, mais celle d'Avignon me touche encore aujourd'hui, cinq cent quarante et un ans après sa création... Les belles œuvres résistent au temps, elles vous parlent, vous émeuvent toujours...

En sortant de cette vision, je me retrouve sur cette place, dans le bruissement, les couleurs, le plaisir de la journée, de la compagnie, le festival est pour bientôt... Partout je devine sa présence avec un peu d'envie...

L'art sera en fête d'ici quelques jours, il est en train de se faire...

Mes amis fidèles et de passage, à bientôt, passez un bel été...




vendredi 5 juillet 2019

Les bons mots, mais lesquels ?


Les dernières fleurs

Pour moi, l'expression : "J'ai vécu un enterrement", est souvent mieux appropriée que : "J'ai suivi un enterrement" !

J'avais retrouvé un tas de personnes que je n'avais pas vues depuis longtemps, éloignées par le temps, la vie, le périmètre géographique. Les "Italiens" avaient choisi sans se concerter leur code couleur : le noir, c'était très impressionnant. Je retrouvais le grandeur du noir, malgré ma tenue qui était claire, dans le ton ambiant, sans code précis. Petit à petit les gens se massaient devant la petite église, on attendait le corps de celui qui était parti, sans crier gare !

Le défunt était encore dans un bel âge, la cinquantaine, pas du tout l'heure de mourir, pas du tout dans l'ordre des choses que de décéder avant ses parents... 

Dans ces rencontres : la famille, les amis, les voisins, les proches de près et de loin, je voyais une grande marque de tristesse, on se rapprochait les uns des autres, on se serrait la mains, on s'embrassait, on se regardait : tiens, c'est qui, lui, déjà, et elle ? Nous avons tous tellement changé, les visages ne me disaient plus rien, un vague souvenir, il fallait remettre les pendules à l'heure, repenser l'arbre généalogiques à la minute, c'est ce que nous faisions avant la cérémonie religieuse. Moi, je connaissais le défunt depuis son enfance, il avait joué sur mon palier avec mes enfants, nous en avions fait du chemin, ensemble puis séparément... Beaucoup plus séparément... De loin en loin, l’ascenseur nous servait d'antichambre pour rebattre nos cartes de visites...


Les dernières fleurs

Comment est-ce possible, si jeune, si brusquement, les langues allaient bon train, mais avec affection, attachement, regrets, où habitait-il déjà ? Ah oui, bien sûr, je le voyais souvent dans l'ascenseur quand il venait voir ses parents, toujours le sourire, un boute-en-train, un optimiste. Souvent je lui disais : alors, comment va la vie pour toi ? Elle allait bien le plus souvent, à ce qu'il en disait, mais nous savons bien que les mots de ces rencontres occasionnelles sont aussi légers que la météo, beau temps, mauvais temps...

La famille est petite, mais les amis, les amis des amis nombreux... L'église est remplie !

Sur le cercueil, il y a le portrait du défunt, beau, souriant, ensoleillé, c'est lui que je regarde, il a l'âge d'un de mes fils. J'en ai vécu d'autres, des cérémonie d'adieux, mais celle-ci était plus touchante.

Je connais sa maman, elle me serre le cœur, elle regarde tout ce monde, tant de monde qui est venu pour son fils, je n'ai pas encore pu la serrer dans mes bras, la cajoler, lui parler lui dire des mots, mais lesquels ?


Les dernières fleurs

Dans ma ville, il y a énormément de familles d'origine italienne, il y avait même une association qui regroupait des volontaires, des bénévoles, ils organisaient de belles fêtes avec des pâtes et des gâteaux à tomber, l'ambiance était toujours chantante. Moi aussi j'étais un peu italienne, depuis le temps que j'allais à Venise, à l'association je me sentais encore sur le vaporetto. Dans notre chorale, nous avons beaucoup chanté, nous chantons encore, de magnifiques chants traditionnels italiens, ces chants qui parlent du travail, de la vie quotidienne, de l'amour, de l'immigration, de Dieu. Nous les adorons, et comme il y a plusieurs bilingues italiennes, c'est épatant, nous ne faisons jamais de fautes de prononciation. Avec l'âge, il y a des choses qui deviennent plus évidentes, le sens s'épaissit... Nous ne traitons pas les chants italiens comme les autres, ils sont à nous ! Les polyphonies naturelles sont merveilleuses à chanter, elles nous parlent, nous les comprenons... L'humanité transparaît dans toutes les langues, un ton au dessus, un ton en dessous, la petite musique des cœurs...

Les italiens étaient en noir, j'ai eu un coup au cœur, j'avais envie de pleurer. Un homme jeune qui meurt, ça fait peur !

J'en avais vus, des enterrements italiens à Venise, ils étaient tous en noir, le cercueil voguait sur l'eau, avec les fleurs, sur le quai les gens attendaient que leur défunt mette pied à terre, entre dans l'église sur les épaules des plus costauds...

Dans ma ville, près de l'église, les mains se serrent, les bras étreignent, les regards fuient, certains de ceux qui pleurent beaucoup ont mis des lunettes de soleil, d'autres guettent un visage connu ou reconnu...

Moi aussi je cherche... Le temps a passé, depuis longtemps il a fait son ouvrage de sculpteur de nouveaux visages... Que nous est-il arrivé ? Nous avons pris de l'âge et chacun mesure peut-être mieux son parcours...

Mes amis, avant le festival d'Avignon, il se passait des choses étranges... J'ai fais un tas de photos pour saisir la préparation du plus grand théâtre du monde... À très vite mes passagers, mes lecteurs...