jeudi 2 septembre 2021

Les dernières histoires, en points d'interrogation ?... Avant de revoir la paille et les mûres du Berry !


 La paille

Tous les jours, je m'applique à réunir les dernières affaires à emporter à la campagne, tous les jours je constate qu'il me manque une broutille, malgré la liste hyper pointue, cochée et recochée, il me reste toujours deux ou trois choses à terminer... Ainsi passent les jours de bouclage !

Une course par ci, une autre par là, le bus, le métro, pour un rien je prends les transports en commun et je file  sur le Grand Canal, comme à Venise, ces images sont toujours en moi, j'ai gardé ses paysages au bord des yeux, ils me collent à la peau. Je décortique les stations sur mon beau plan du Grand Paris, puisque maintenant, il faut voir les choses en grand, très grand, trop grand ! Si je descends là, j'ai beaucoup à marcher, à cet arrêt-ci, j'y suis presque... Et qui sait, je vais encore découvrir quelque chose, cent fois regardée à la dérobée ?

Quel bonheur de glisser entre les mots des gens qui passent, toutes les histoires sont à construire, je suis une chipeuse de sons, de paroles, d'expressions, je regarde aussi beaucoup !

J'ai remarqué :

Qu'il y avait beaucoup de fleurs sur les balcons des maisons, mais pas assez, beaucoup de circulation pour un mois d'août ! Que les gens étaient imprudents avec leur masque, tantôt sous le nez, tantôt sous le menton, bien accroché aux oreilles, la peur des contrôles rend les mascarades pitoyables ! Calme-toi Danielle, tu ne fais pas partie de la police montée...

Les chauffeurs de bus bien emmitouflés derrière leur cabine de plexiglas faisaient comme ils voulaient, un coup oui, un coup non, mais répondaient toujours à mon : bonjour monsieur (rare sont les femmes). Même moi, le masque me fait perdre la tête, au sortir d'une visite d'église : ah zut ! J'ai perdu mon masque, zut, zut, zut, il va falloir que je trouve vite fait une pharmacie ou un petit magasin, contrariée d'être dérangée dans mon élan "touristique", je bougonnais... J'avais fait le tour de mon sac, de mes poches, non, il n'y est pas, pardi bien sûr, je l'avais sur le nez ! Je fais pareil avec mes lunettes, qui pèsent 12 grammes sans l'étui...

J'ai remarqué aussi qu'il y avait beaucoup de gens, beaucoup plus qu'avant, qui avaient construit leur appartement directement sur le trottoir, j'en ai vu qui faisaient leur lit dans les porches des magasins fermés... Ça me serre toujours le cœur...


Et mon vélo

Tiens, il faudrait que je me fasse cette rue-là, elle a l'air chouette, pleine de petites boutiques comme je les aime, une église sympa, un beau square, de jolies terrasses agrandies par le Covid, (c'est bien la seule chose de positive qu'on lui trouve à celui-là) : les cafés, les restos on vraiment pris leurs quartiers d'été et d'automne probablement, les terrasses chaussent plus grand ! Il faudra que je me souvienne de l'endroit, deuxième à droite, première à gauche !

Tous les jours, dans les bus, je trouvais une place assise, celle que j'affectionne le plus, près de la fenêtre, dans le sens du paysage, même si je fais que quelques stations, c'est ma préférée, maintenant que j'ai des cheveux blancs on ne peut pas me la contester, c'est ça aussi, le bénéfice de l'âge !

Et les mûres(murs) :


Les mûres

Avoir un genou traînant, ça aide, je ne fais pas la route en courant,  prête à tout écouter, je mets mon micro (connecté à mon cerveau) en marche, quand je m'approche des gens qui parlent assez fort, j'arrive à capter un petit bout de l'histoire :

En passant près d'une terrasse : "Tu comprends, c'est juste un petit branleur, il a 19 ans, tu vois, et il veut rien foutre, comment je fais, moi ?" Les deux hommes avait terminé leur repas, pris le café, la discussion s'était arrêtée là... Père, employeur, tuteur, beau-père, désespéré ? Ce jeune-là n'avait rien pour lui, les paroles étaient dures : branleur, j'm'enfoutiste, borné... Rien pour plaire, le gars, ça démarre mal pour lui, j'espère qu'il va grandir vite pour se retrouver dans le peloton de tête... Encore une histoire qui commençait toute cabossée, elle partait en vrille...

Sur le bord du trottoir : Près du Palais de la Femme (centre d'hébergement de l'Armée du Salut, construit en 1910), deux femmes discutaient, mais manifestement pas paisiblement, l'une portait un enfant dans ses bras, l'autre en tenait un par la main : "Ils m'ont laissée tomber, tu imagines, avec les deux gosses, ils n'ont pas été gentils, maintenant je ne sais plus où elle est, elle était vraiment sympa pour me dépanner"... Elles parlaient fort entre elles, et j'en déduisis que la vie n'était pas marrante ni pour l'une ni pour l'autre, je pouvais un peu imaginer l'histoire, la recherche d'hébergement, la galère, la misère avec des enfants sur les bras !!!

À l'arrêt de l'autobus : Bonjour madame M., vous allez bien ? Oui, oui, très bien, et vous ? Pas de soucis avec votre santé, pas contaminée ? Si, ne m'en parlez pas, j'ai été bien malade comme un chien, hospitalisée, sous respirateur, j'ai passé un sale quart d'heure. Ah, quelle tristesse ! Oui, ça fait huit mois maintenant, je ne vais pas encore trop bien, je perds mes cheveux, j'ai mal encore dans les bras, je suis fatiguée, moi qui n'avait jamais rien eu jusqu'à présent, j'allais bien, bien, et voilà, quel dommage, quel dommage ! Sa vie était toute ratatinée depuis qu'elle l'avait attrapé... Mais parlons d'autre chose, et vous ça va ? Oui, très bien, quelle chance j'ai, prenez courage madame M., ça va passer, c'est trop long, je suis si contente de vous avoir rencontrée, prenez patience... Son histoire triste m'a trotté dans la tête, je la connaissais depuis toujours, pétillante, optimiste, rieuse, on pouvait dire d'elle qu'elle trottinait et non "marchait", rapide, pressée, elle avait toujours le sourire, je la saluais souvent, l'air du temps lui allait bien, elle respirait la joie de vivre... Pourtant, elle avait eu le deuil de son mari qui l'avait mise un bon moment bien en dessous du niveau de la mer, elle avait dû beaucoup nager pour revenir à la surface... "Prenez patience", que j'avais dit, mais comment faire pour retrouver la joie ? Vite !

Dans le métro : Elle se tortillait un peu, jeune, jolie, cheveux à la Botticelli, peau noire claire, elle répondait au téléphone sans enlever son masque : oui, bien sûr madame, pas de soucis, je comprends, je serais là, mais ce qui me gêne un peu, c'est de reprendre à 18h... J'ai imaginé qu'elle discutait avec une employeuse ou une agence d'emploi, et je me suis dit tout de suite : comment va-t-elle faire pour ne pas reprendre à 18h, est-ce que ça va être possible ? Tout le reste avait coulé de source, mais avec : "ce qui me gêne un peu", comment allait-elle  s'en débrouiller ? Comment tenir bon sur un point aussi crucial ? Je suis descendue à la station suivante...


Les mûres 

Maintenant, je n'y reviens plus, je pose mon crayon et ma gomme, je débranche, j'abandonne tout le monde, je vais me concentrer sur la campagne, je reste connectée et je fais tout à vélo... Avec prudence, bien sûr !

Mes amis fidèles, mes hasardeux, je vous embrasse, portez-vous bien bien... À Bientôt, pas trop tôt...