dimanche 26 novembre 2023

En Berry ! La grande brocante, vide grenier de Campagne ! (4)

Des points de vue improbables

Ah ! Quel bonheur, dimanche, il fait beau, sans perdre de temps, le déjeuner du midi vite avalé, nous grimpons dans la voiture de mes amis et en deux temps trois mouvements, direction la brocante, à nous les merveilles des greniers et des placards… Chacun pour soi, Dieu pour tous, on se retrouve à quelle heure ? Disons 17h30 pour nous donner le temps de faire tous les tours qu’on voulait, ouvrons l’œil et le bon, nous avions pris chacun 45 euros, pas la mer à boire, un chéquier pour tous, on ne sait jamais !


La file de voitures garées commençait près du cimetière, pas loin de l’église, la. Brocante faisait le tour du bourg en passant par toutes les petites rues adjacentes… 


Impossible de ne pas constater qu’il y avait moins de monde, moins d’exposants par rapport à  toutes les autres années !! Aïe ! Même en cherchant le pourquoi du comment on n’arrive jamais à comprendre… Les gens n’ont plus de sous, il fait trop chaud, plus rien à vendre… Nous ne le saurons jamais…


Le grand jeu de la pêche au trésor pouvait commencer ! Au premier tour,  je ne voyais rien qui pouvait même me faire un petit plaisir…



Les pom-pom girls

Je regardais les visiteurs, je constatais beaucoup de trop gros, des familles entières, comme partout, puisque c’est la maladie de notre époque ! Au loin, le son d’un orgue de barbarie, et ceux qui suivaient derrière avaient de quoi surprendre : 3 pom-pom girls, trois femmes ayant largement l’âge de la retraite, ni sexy, ni colorées, très souriantes, ouvraient la parade en remuant leurs mains toutes enrubannées de franges scintillantes, comme celles que l’on voit dans les stades américains avant les matchs…Trois drôles de dames très sobres et enthousiastes. Derrière, les majorettes, une belle douzaine d’hommes habillés en femmes, très hauts en couleurs qui faisaient tournoyer habilement leurs bâtons entre leurs doigts, jupettes rouges, hauts vert pomme, rouge à lèvres, petit chapeau à visière et plumet rouges, bandana rouge autour du cou, gants et baskets blanches… L’air totalement sérieux, tout le monde marchait au pas au son de la musique, de temps en temps, la petite troupe s’arrêtait devant les spectateurs, chantait en chœur la chanson qui sortait de l’orgue. Un succès fou, tout le monde riait de bon cœur… Voila des hommes qui osaient sans ostentation, revisiter un peu les rôles traditionnellement tenus par des femmes, au fin fond du Berry, la chose est étonnante, moi je trouvais ça super sympa… En fin de cortège, La musicienne qui faisait marcher la musique (une femme habillée en noir) portait une moustache faite au bouchon brulé…) je me suis dit, il y aurait ici des images qui bougent dans la vision du monde des humains ? L’humour, le clin d’œil, la gaité sont au rendez-vous !!! Bravo !



Suivaient les majorettes...


Mais les filles du régiment n’étaient pas seules en piste, une autre belle fanfare les suivait, filles et garçons à tous les instruments, percussion, cuivres, tous les âges étaient représentés… De temps en temps les deux groupes se croisaient gracieusement au détour du parcours ! Un beau ballet chorégraphié avec soin…



La 2e fanfare

Parmi le bric à brac des allées, impossibles de trouver chaussure à mon pied, surtout que je n’étais rien venu chercher de particulier, difficile de me laisser tenter…


J’avais déjà fait le grand tour des stand, scruté les coins et les recoins, l’heure du rendez-vous final approchait… il y avait bien ce chapeau de paille, très beau qui m’avait emballée quelques secondes, pas de glace pour me regarder, passons…


Allez, sans regret, retrouvons mes amis…


Un dernier coup d’œil de droite et de gauche, les marchands d’occasions remballaient, contents pas contents, et je vois de loin sur un petit stand, derrières des bricoles communes, un grand  vase que je pourrais reconnaître à 100m, en verre opalescent, avec un joli décor de fleurs et feuilles émaillées, typique du début du 20e siècle, impeccable ! Ni une ni deux mon sang ne fit qu’un tour, le prix me convenait tout à fait, c’est à dire très peu cher… Top là, je vous le prends, pas un mot de plus le vase était à moi. Bien emmailloté entre deux couches de papier journal, et un petit sac en plastique, j’avais fait une petite affaire qui me réjouissait… Je voyais déjà le beau bouquet que j’allais pouvoir y mettre… Je mis le vase entre mes bras, avec autant de précaution que si c’était l’enfant Jésus…



L'enfant Jésus


Regardez! J’ai trouvé ce beau vase, mes amis n’en revenaient pas, si je l’avais vu avant toi, tu ne l’aurais jamais eu, dit mon amie qui aime comme moi la verrerie ancienne…


Allez en route mauvaise troupe, nous reprîmes le chemin du retour en passant par les étangs de la Brenne… À marée basse… le beau temps qui faisait des siennes, vidait les étangs, mais laissait encore les arbres nous donner de l’oxygène… La nature restait verte comme une peinture à l’huile !!




Grands travaux d'automne

Mes amis, le Berry me hante encore, je n'ai pas terminé d'en parler... Je ne sais pas encore ce qui va me venir, les rencontres peut-être... Tous ces gens que j'ai rencontrés et l'épicier qui fait de l'humour au bout d'une décennie ! Portez vous bien, malgré tout ce qui nous tombe sur le dos, les inquiétudes du monde et nos maux personnels, ça fait beaucoup pour chacun...

Je vous embrasse.

lundi 20 novembre 2023

En Berry, le jour du Seigneur de mon ami ! (3)


La petite porte mitoyenne

Avec mon ami/logeur, nous avons passé le temps qu'il fallait pour parler, cette année, mon séjour durait deux mois, nous prenions nos aises pour les parlotes, on pouvait aller dans les détail. Chaque fois que je trouvais ouverte la porte de son cher atelier de bricolage, je passais la tête... L'atelier était mitoyen avec un champ et nos habitations respectives, je n'avais qu'à pousser ma petite porte de sortie pour être de plein pied dans l'herbe qui menait au salon où on cause... De tout !

Comme je lui faisais remarquer qu’il avait rangé impeccablement ses trois tronçonneuses et ses trois taille-haies à pétrole, ses trois tronçonneuses et coupe-haies électriques, en souriant, il me raconta les histoires de cet hiver.



Chaque fois que je trouvais la porte de l'atelier ouverte...

Avec celui-là, je ne sais pas ce qu'il s’est passé (coupe-haie) je l’ai pris direct sur le mollet, je ne sais pas comment, j’ai trop bougé, va savoir, ça saignait, t’as pas idée. Ah bon ! Je suis allé en urgence à l’hôpital où ils ont arrangé mon affaire, je comprends pas... Avec celui-là (autre coupe-haie), encore une fois, je m’entaille le petit doigt, le bout du doigt pendait, un carnage. À l’hôpital la chirurgienne regarde la boucherie : coupez moi le bout qui pend, je lui dis, il sert plus à rien !  Elle me regarde dans les yeux : mais monsieur, c’est pas du tout comme ça qu’on va faire, je vais vous envoyer dans un autre hôpital pour que votre petit doigt soit réparé ! Je me suis laissé faire et puis, comme je partais en ambulance, elle me dit en souriant : on va vous mettre au forfait la prochaine foi, ça vous coûtera moins cher... Il poursuivit : j’ai réfléchi tu sais, après tous ces accidents de dérapage, j'ai compris qu'ils s'étaient tous passés un dimanche, et si c’était le bon Dieu qui me rappelait à l’ordre ? Le dimanche, on ne travaille pas ! Moi qui l’écoutais de toutes mes oreilles, je me suis rangée derrière son Seigneur : eh oui mon ami, on va dire ça comme ça, le dimanche, tu poses tes outils et tu vas voir en priorité ta famille, tes amis, au lieu de te charcuter. Le petit doigt de mon ami était tout déformé, comme si une mauvaise arthrose lui avait un peu tordu la phalange. Depuis, il continue de bricoler comme avant, ni plus, ni moins, on verra bien...


Son atelier est toujours comme une salle de chirurgie, les outils bien rangés par catégories, lavés, rincés, essuyés, rutilants, prêts à l’emploi à tout moment. Bien alignés, comme il aimait à le dire !



Le rangement, comme une seconde nature

Chaque année je comparais avec l’année précédente, le vide se faisait sur ses étagères, petit à petit, il donnait ses outils à son fils, ses amis, c’est un grand sentimental. Mais dès qu’il faisait une brocante, il achetait un nouvel outil en triple : j’aime bien en triple, on ne sait jamais... Il est comme ça, c’est monsieur triplette !

Mes amis prenaient de l’âge, comme moi, on avait de quoi se raconter, en une année, il nous en arrive des trucs... Surtout à lui !


"Le jour du Seigneur" reste un jour sacré, il ne travaille pas (en principe), rien, même pas un petit coup de pelle (en principe), à l’exception de la tronçonneuse peut-être, il continue à passer sa matinée, calmement, à faire des visites à ses familiers, ses amis, il entretient les liens, il est très fort pour remonter le moral à ses congénères. Depuis le constat de la dangerosité du dimanche, il ne fait absolument rien, s’il pense à ouvrir son atelier de bricolage, sa femme le regarde d’un sale œil :  le dimanche, tu te blesses ! Elle avait raison... La prochaine fois, je vous raconte notre après-midi vide-grenier, petite brocante, nous avons fait des petits achats qui nous ressemblaient.


J’aime bien ce séjour, les paroles ont autant d’importance que la beauté de la nature, autant de couleurs.


Depuis le temps que nous nous connaissons, nos conversations se font plus profondes, plus naturellement nous parlons de nos corps qui nous lâchent, nous en rions : pourvu que ça dure les amis, profitons de la beauté de la nature, profitons de tout ce qui vous entoure et dont vous prenez tant de soin ! Les rosiers exubérants, les plantes nouvelles qui ne prennent pas beaucoup d’eau, l’olivier a tellement grandi, il est plein d’olives. À cette saison d’automne, on entend les noisettes tomber mollement dans l’herbe.  J’attends les noix... Petite musique sérielle de campagne...


Cette année, mon amie avait installé un coin lecture sous le grand mûrier, à l’ombre, elle avait sorti du grenier un petit lit d’enfant grillagé et l’avait transformé en divan profond où il faisait bon lire...


Le jardin faisait partie de mes lectures, les fleurs poussaient entre chaque page. Au final, petit à petit, je laissais tomber la lecture pour simplement regarder le petit Paradis de mes vacances...


Le Paradis, les points de vue improbables :







Mes amis, au prochain post je vous parle de la grande brocante en Berry... Mais je n'oublie pas les malheurs du monde qui nous mettent tous sous pression, sens dessus-dessous... Vivement la paix !!! Je vous embrasse, le soleil brille par ici...


mardi 14 novembre 2023

En Berry, le premier tour de vélo ! (2)


Des points de vue imprenables

Ma petite-fille m'avait accompagnée jusqu'à mon lieu de vacances, sa présence me rassurait, mais pas tout à fait suffisamment pour que j'essaye le vélo tout de suite : attendons un peu pour voir de quoi je suis capable ! D'emblée, mes amis m'avaient fait essayer plusieurs montures, toutes plus belles les unes que les autres : trop petite, trop haute, un dérailleur ? Pour quoi faire, des pneus costauds tous terrains... Non, c'est le noir, le poussiéreux, le cabossé, qui faisait un petit bruit en pédalant, c'est vraiment l'ancien qui m'allait le mieux, le même que les années passées, tout simplement... On ne change pas une équipe qui gagne, nous nous connaissons depuis tant d'années, pas besoin de rodage, le noir ferait l'affaire, deux sacoches, pas de lumière, des bons freins, une petite sonnette, quelques scotchs pour tenir les câbles, mon ami avait gonflé les pneus à bloc, je pouvais voir venir... Mais pas trop loin !

Il faut pédaler bien droit, faire attention, rester prudente, pas trop le premier jour, un peu plus le deuxième, crescendo, crescendo... Chaque année, mon fils aîné me faisait des recommandations précieuses, j’étais à fond pour le crescendo, je n’aurais pas pu faire plus tellement j’appréhendais, j’étais donc sage par nécessité. Bon, essayons les voisins, pas trop loin, c’est tout plat, la garantie de les retrouver accueillants ! C’était parti, je m’étais rassemblée sur ma selle, si je tombe c’est catastrophique, pas facile de faire du vélo seulement une fois par an avec une année de plus à mon compteur personnel !


Ça roule, même pas mal, plus de genoux, plus de hanches, ça soulage de se déplacer en deux roues, mon vélo est crasseux, plein de poussière, même une petite toile d’araignée entre les rayons, chassée d’un revers de main, les sacoches défoncées de l’intérieur mais entières de l’extérieur, très bien, pas de soucis, pas de chichis à la campagne... Jamais, je n'ai jamais fait le ménage entre les rayons, roulez jeunesse !


Le vieux vélo qui me va comme un gant


J’ai un vélo parfait pour aller rendre visite aux voisins. Premier virage, impeccable, petite descente en douceur, arrêt bien négocié, pile devant leur splendide propriété ! Entretenue comme à Versailles, à la perfection, des arbres immenses, très vieux, bien plus vieux que les propriétaires. Le grand tilleul, c’est le roi, il fait encore très jeune pour son âge (plus que centenaire), malgré le temps trop chaud, il tient le coup, il est merveilleux ! On ne peut que l’admirer, il nous fait réfléchir, comment s’y prend-il pour parvenir à rester aussi beau depuis un siècle ? J’en reste bouche bée à chaque fois. Mes voisins le respectent, l’entourent affectueusement du regard, ils ne font rien de spécial pour lui, l’arbre se débrouille tout seul contre vents et marées. C’est la merveille de leur parc qui est déjà très beau, et plus jeune que le tilleul... À l’automne, les cyclamens poussent à cœur joie sous le couvert des grands arbres, noyers, noisetiers, tilleul, ils prennent une place folle, chaque année de plus en plus grande, mes amis prennent soin de ne jamais y passer la tondeuse : attention, tu vois bien (dit-elle à son mari), les cyclamens arrivent, il faut leur laisser toute la place ! Et une immense coulée violette illumine la pelouse encore verte. Une vue presque irréelle !



À l'automne le jardin est aquarellé, le mauve s'infiltre partout, interdiction d'y mettre les pieds

Nous étions tous contents de nous revoir, et patati et patata, mais quand nous sommes arrivés aux maux de nos âges, il y en avait à dire long comme le bras, j’avais sorti mes deux oreilles, ma disponibilité... En tant d’années elle ne m’en avait jamais dit autant, les douleurs, les chagrins, les craintes, les empilements de morts dans son cœur, les absences irremplaçables. Plus les années passaient, plus les chagrins duraient, ils pesaient lourd, difficile de redresser la barre... L’avenir avait du mal à exister, malgré les envies et les curiosités d'aujourd'hui, intactes…



Des points de vue imprenables

Elle me raconta avec des mots adaptés, délicats, par allusions, les douleurs qu’elle supportait vaille que vaille, elle existait malgré tout, il y a tant à faire ici ! Sa propriété était un bijou. Dehors, dedans, tout était beau à voir, elle ne faisait rien au hasard, elle construisait chaque pièce de son « Château » avec soin, tout devait s’accorder, les formes, les couleurs, pas une aquarelle suspendue aux murs ne jurait avec les rideaux... Danielle, veux-tu quelque chose à boire ? Bien sûr C., un grand verre d’eau sera parfait ! Un délice... Elle me connaissait, pas de petits gâteaux, du thé et de la conversation, des regards, la parlotte, nous étions bien dans sa belle cuisine, aussi claire que la galerie des glaces… Elle mettait toujours un beau géranium rouge à la fenêtre, grande ouverte au soleil !


Des points de vue imprenables

Elle surveillait son mari pour que rien ne lui arrive de fâcheux : il est fragile du cœur, tout le reste tient bon, il oublie bien un peu les noms et d’autres petites choses... Je le surveille ! Elle pourvoyait à tout, à presque tout... Elle le couvait comme un enfant, et lui se laissait faire. Ils parlaient depuis toujours tous les deux en même temps, tout le temps de la conversation, il ne fallait pas avoir de problème de cervicales pour les suivre du regard !


J’adorais lui faire raconter l’histoire de leur belle maison qui datait du 17/18e siècle, il y avait toujours un détail que j’oubliais d’une année sur l’autre. Elle était très souvent prise par un ouvrage sérieux qui demandait une attention démente, construire une maquette de château presque disparu, élaborer une prochaine exposition au musée du bourg, fabriquer des albums de photos pour les visiteurs... Sur le temps extra-scolaire elle animait des groupes d’enfants, jamais je ne l’ai vue faire le ménage dans cette grande maison, mais elle devait le faire tôt le matin, quand moi je dormais encore. Sa demeure était une gravure de mode, on pouvait manger par terre. Trop pour moi, mais vital pour elle !


En les écoutant, je remarquais qu’ils s’agaçaient l’un l’autre, de plus en plus, ils ne prenaient plus de gants avec moi, les disputent pétillaient joyeusement, c’était toujours lui qui perdait au ping-pong. Moi, je ne ramassais pas les balles, j’attendais que ça se tasse...


Souvent, je montais la côte pour faire un petit coucou aux deux oiseaux qui se castagnaient allègrement, rien ne nous empêchait de bavarder... À bientôt Danielle, viens quand tu veux... J’y allais !


Depuis toujours, le parc de mes amis était devenu pour moi un monument historique, une récompense, j'y venais absolument quand je voulais. Dès l'entrée, je posais mon vélo sur le banc de pierre, et je pouvais aller sous tous les arbres en faisant très attention aux cyclamens, je sortais l'appareil photo et je marchais doucement dans tous les sens, quelquefois même je ne touchais pas l'appareil photo... Je regardais !



Des points de vue imprenables

Mes amis, je vous l'avais bien dit, pas de chronologie, impressions, arrêts sur images, dix jours après mon retour, mon cerveau est encore là-bas...


Mon vélo me manque, j'ai remis ma genouillère, et je vais prendre le métro... À bientôt, je vous embrasse. 


dimanche 12 novembre 2023

En Berry, l'homme à tout faire, vraiment tout, mon ami ! (1)

La belle campagne, les points de vue imprenables

Mon long séjour dans le Berry, je vais vous en parler sans chronologie, au gré de ma fantaisie, de mes émotions, de mes balades, de mes rencontres, et je vous souhaite de raccrocher mes wagons. Chaque jour était un jour tellement nouveau, je ne savais jamais ce qui allait se passer pour moi, beau temps, mauvais temps, je vivais "au hasard, Balthazar", sans boussole, presque sans horaires, prête à tout... Dans mon petit gîte de campagne, mes amis logeurs étaient mes premiers interlocuteurs, toujours occupés à droite et à gauche, elle principalement dans son grand jardin, lui dans son grand atelier/garage que nous appelions "ermitage". Il bricolait TOUT ce qui ne marchait pas, inventait des solutions aux pannes diverses et variées. Il cassait les noix, les noisettes avec un marteau... Nous parlions !

Un beau matin, dans sa grange, la tête dans le seau, je le vois passer et repasser du jus qui ressemblait à du vin... Mon ami faisait de l’élixir totalement local, avec les raisins noirs de sa petite vigne montée en treille le long d’un grillage de la propriété !!!


Des points de vue imprenables

Son usine de fabrication était réduite, deux-trois outils rudimentaires suffisaient : des seaux, un vieux collant pour faire tamis, des entonnoirs, des passoires à trous en alu ou en plastique... Et quelques bouteilles bien comptées pour faire l’année !

L’élixir, plein de sucre, était très prisé dans le coin : à l’apéro, y’a pas meilleur, avec quelques noisettes du jardin, cassées, puis toastées depuis l’automne, et mises à l’abri dans des bocaux...

Depuis deux jours donc, il passait et repassait le jus de raisin qu’il avait extrait et écrasé au pilon dans un mortier, il me montrait les résidus sableux dont il fallait se débarrasser. Quand il me dit la quantité de sucre que "ça laissait pour chaque bouteille", environ 100 grammes, je n’ai pas eu envie de goûter : c’est trop sucré pour toi, et puis tu ne bois pas d’alcool... Tout était vrai !

Je n’ai pas assisté à tous les passages au tamis, du plus large au plus serré, mais j’ai vu les bouteilles remplies, une vingtaine, bien fermées avec un bouchon en liège, ajustés avec sa petite machine. Et hop !!! Dans un mois, on pourra prendre l’apéro !!!

Mon ami sait tout faire dans une maison, du sol au plafond, arranger un jardin, couper les haies, bricoler une machine, faire la compote avec les pommes du verger. Il aime les choses simples, "on ne gâche rien", tous les jours de sa vie de retraité, il vaque de bonne heure aux travaux d’entretien qui ne manquent pas dans une demeure à la campagne... "Je ne comprends pas, les poules ne pondent pas", il s’occupe aussi des œufs, du poulailler où les quatre poules allaient en liberté entre deux grands noyers et un cerisier... Un matin, on ne vit plus la poule noire : ben, c’est bizarre ! Nous l’avons cherchée et retrouvée, un vrai tour de passe-passe...



Un vrai tour de passe-passe

Pour mon vélo, la selle à la bonne hauteur, la chaîne sur le bon pignon, les pneus bien gonflés, les freins qui serraient, c’était lui. Les poireaux et les courgettes pour la soupe, lui encore. Je n’arrêtais pas de lui dire merci avec enthousiasme !

Le petit feu au fond du poulailler, allumé par petit vent et bruine légère, pour éviter toute contamination à la végétation environnante, c’était encore lui qui s’en occupait... Il en prenait soin "comme à la prunelle de mes yeux" ! Il entendait moins bien depuis quelques années, mais il voyait tout... Et de loin... Je le faisais sursauter quand j’arrivais à pas de loup !!!

Cette année, je carburais avec les courgettes et les poireaux du jardin, parfait ! J’achetais les œufs chez l’épicier du bourg, "ils viennent d’arriver, ils vont loin", j’étais tranquille pour la fraîcheur. Comme chaque année, nous parlions de tout, plus le temps passait, plus nous développions la philosophie : j’ai mal au dos, attention à la tension, rester prudent avec les escabeaux, les outils, prendre du recul, ne pas trop se plaindre... Le temps passait pour nous deux pareil, on se déglinguait chemin faisant, mais toujours vaillants...


Des points de vue imprenables

Je voyais bien que la philosophie nous servait beaucoup, moi j’allais aussi plus prudemment sur le vieux vélo, moins loin, j’avais mis du temps à reprendre confiance en moi. Je connaissais chaque virage, chaque chemin pierreux à éviter, chaque montée correspondant à la descente... Maintenant je regarde le paysage dans les yeux, et pour que rien ne m’échappe, je mets pied à terre pour aller encore moins vite, moins vite, moins vite... Jusqu’au bout...

Le bel étang plein de hérons, ragondins, carpes, canards, qui m’avait donné des jours et des jours, des années de beauté, n’existe plus. À la place, il y a un trou herbeux, vidé, abandonné, je n’avais plus envie de pédaler comme une malade pour aller l’admirer, ça tombait bien puisque j’avais réduit mon périmètre de balades : je me suis branchée philosophie pour accepter l’idée !

Voilà, je mets sous presse, mes impressions palissent déjà, paysages, veaux, vaches, cochons, oiseaux, les mots des gens, si précieux, vais-je avoir assez d'invention pour les retraduire ici ? Sur le clavier, l'émotion me gagne en tentant à peu près de décrire ce que j'ai vu, entendu, compris, retenu... Il faudra sans cesse y revenir...


Point de vue imprenable, en pensant à Nicolas de Staël


Mes amis, je retrouve mon blog après un long temps d'absence, je n'ai plus l'habitude de trifouiller les images et les mots, je compte sur vous pour démêler mes affaires... À plus tard pour la suite