Les noisettes fraîches et pomme, sur lit d'herbe
Bien avant mon arrivée, je le savais : Danielle, il n'y a rien ! Pas un fruit, pommes, mirabelles, figues, poires, rien, les noix noircissent sur l'arbre, les noisettes peut-être ? Le jardin ne va pas non plus... Les salades, oui, il y en a en masse, tu vas pouvoir en manger à tous les repas... J'avais, en direct, mon menu pour le mois ! Tous accusaient : le gel du printemps, le manque d'eau, la tornade de juin, le réchauffement climatique ! C'est pas gai !
En arrivant, comme vous le savez, j'ai fait illico une petite tarte aux mûres, il fallait se dépêcher, une course contre la montre, j'avais déjà une sacrée concurrence avec les insectes, les mouches et les abeilles qui butinaient mes mûres, j'ai pu répéter deux fois seulement l'opération tarte, ouf ! Après, j'ai fait des quiches avec ce qu'il y avait dans le jardin, tout allait bien, mais ça n'a pas duré non plus, je me suis mise à la salade et aux courgettes, il y en avait en quantité... Pour les dîner, la simplicité : soupes, j'utilisais les courgettes, les carottes miniatures et les tout petits poireaux, déterrés du jour, que me donnait mon ami... En fin de journée, on pouvait me trouver sous le noisetier qui débordait largement sur le chemin, j'ai d'abord recueilli les noisettes dans mes poches, puis bien vite, je suis passée au petit sac en plastique. Rentrée à la maison, je les mettais dans un petit panier d'osier pour faire beau et je prenais la photo ! Je n'ai pas connu le chômage technique durant tout le séjour...
Je m'étais bien organisée, une véritable usine, les récoltes étaient cassées le soir, ensuite bien étalées sur un lèche-frites, laissées à sécher quelques jours, et passées au four en fin de course... Pour bien les conserver et les ramener en trophée pour mes fils, bientôt les boîtes se remplirent 100 grammes par 100 grammes, l'écureuil pouvait se faire de la bile... Soir après soir, j'ai peaufiné ma méthode, je savais exactement quel outil employer : après la pierre qui cassait d'un coup sec mais qui éparpillait les coquilles dans tous les sens, j'ai opté pour le casse-noisettes ! Pas folle la guêpe, l'outil qui marche le mieux avait déjà été inventé, je le confirme... Mon ami m'avait dit : regarde bien sous le grillage, il y en a plein.
Pour bien regarder, il faut ouvrir l'œil, se baisser, et ramasser les noisettes. Il fallait se baisser toutes les trente secondes, une bonne gymnastique pour mon genou ? Pas sûr, pas l'idéal, mais où se niche l'idéal ? Je lorgnais de loin le développement des figuiers, ratatinés, les figues minuscules et dures ne seront pas pour moi cette année, je vais plutôt regarder du côté des noix qui noircissent déjà sur l'arbre... Pas bon signe du tout...
J'avais vu que par ici, les arbres en avaient pris, des coups... Étêtés, brisés, roussis avant l'heure, dénudés, rien n'a marché cette année... Le printemps avait fait espérer, puis le gel sur toutes les fleurs en a désespéré plus d'un, la tornade de juin a déraciné quelques épicéas, dont les racines de surface n'ont pas pu résister à la force du vent, les autres arbres, les grands, même les centenaires, ont eu des branches cassées... Mon noisetier m'a sauvée de la morosité, mon ami m'avait dit avant de partir quelques jours voir un parent dans le sud (après lui avoir demandé l'autorisation de cueillir, directement du coté de son grand jardin, les dernières noisettes) : Danielle, fais-toi plaisir, ramasse tout ce que tu veux... J'étais contente, plus de crainte de lui "voler" sa récolte, maigre quand même, sa pleine licence me mettait tout à fait à l'aise pour faire plus vite que l'écureuil... Mon changement climatique serait plus doux cette année... J'ai ramassé matins et soirs, les jours de petits et grands vents, et puis un jour, je n'en ai plus trouvées, il faudra revenir l'année prochaine... J'ai pu donner à chacun de mes fils une belle boite de noisettes bien toastées, retoastées, la conservation est une opération délicate, il y a plusieurs phases, l'apprentissage se fait sur le tas, la recette reste approximative, à peaufiner l'année prochaine : casser, ventiler ou mouver (bouger, en berrichon) plusieurs jours après (à vérifier), toaster, retirer les peaux le plus possible, comme on peut, à l'arrivée, tous les ont trouvées très bonnes, ouf !
Le soir à la veillée, ni lecture, ni broderie (que je n'ai jamais sortie), pas de feu de cheminée, plutôt devant la télé, en regardant vaguement les images, j'écoutais et je cassais... Quand j'avais bien travaillé, je pouvais être plus attentive à ce qui se passait sur l'écran, je me suis bien amusée... Depuis que je suis revenue au 11e étage, je regrette mes toutes petites courses à pied, matin et soir, au fond du jardin, derrière le grillage, mon casse-noisettes me manque...
Mes amis, suite au prochain numéro, les petits métiers perdus dans le bourg, et ma récolte de paysages que j'ai suivis avec le soleil... À bientôt, suivez moi, je compose pour vous...