mercredi 14 février 2024

Les petites histoires des choses de la vie, et l'Art Brut à la Halle Saint-Pierre...

Exposition d'Art Brut à la Halle Saint-Pierre

Mon primeur a changé de métier ! Maintenant, il est banquier...

L'autre matin d'un dimanche gris, la dame qui stationnait dans sa boutique, après avoir acheté deux fruits, lui demanda : tu peux me prêter 5 euros ? Mon épicier banquier lui dit : bien sûr, attends, la barbe, tu vois, je n'ai pas un sou de monnaie. Comme la dame insistait : ah zut, il faut que j'aille voir ma sœur, je n'ai pas assez d'argent ! Attends, tiens, je te donne dix euros et tu me donnes les trois pièces de un euro qu'il avait aperçues dans le fond du portemonnaie... Le banquier a un œil de lynx, l'accord s'est conclu entre eux, voilà, tu me dois dix euros, après un rapide calcul mental, la dame acquiesça et le remercia, merci mon ami... Elle repartit d'un bon pied mais mauvais œil, en toute tranquillité. Le banquier d'occasion nous raconta son histoire : cette dame était très âgée, un peu à l'ouest, mais conduisait encore sa voiture avec maestria, tu verrais quand elle fonce avant le feu rouge, ça fait peur. Elle était médecin des Hôpitaux de Paris, maintenant, elle compte ses sous tous les jours, et souvent elle me dit : il me reste quatre euros cinquante, la banque (la vraie) est de plus en plus exigeante avec elle, le monsieur qui attendait derrière moi à la caisse, dit : elle doit être sous tutelle ! Pour finir, tu sais, je lui prête sept euros tous les jours, et tous les jours elle revient me les rendre... J'ai dit à mon ami le primeur banquier : c'est bien mon ami, ne change pas. Il nota sur un papier, attaché avec une pince à dessin, la dette de la dame, il y avait une longue liste de noms, rien qu'avec des nombres à deux chiffres, certains étaient barrés, il était rentré dans son argent mon primeur/banquier...

Il sourit : elle me doit sept euros tu vois, tu es témoin. Oui, j'étais témoin de sa solidarité, souvent il donnait de la nourriture à ceux qui s'asseyaient sur le banc derrière l'église, pendant plusieurs jours de suite, sur les histoires de la rue, il en connaissait un rayon...

Les autels de voyages de Marion Oster - 1960 (Niger)




Les autels de Marion Oster (détail)

Dans le bus, il y avait un monde de dingue : avancez, avancez donc dans le fond ! Personne ne bougeait, tout content de sa place gagnée de haute lutte, en se tenant solidement aux barres, les tangages passaient comme une lettre à la poste, cependant un couple de personnes très âgées, très fragiles, en équilibre dans la partie centrale, ne disait rien, un jeune père de famille délogea ses deux enfants assis sur le siège à l'avant du bus, un peu en hauteur (que je n'utilise jamais) : laissez donc votre place au monsieur ! Mais le monsieur ne voulait pas gravir l'Everest : mais non, je ne veux pas, j'ai une prothèse de hanche, je sais ce que je peux faire ou pas, pas un merci, pas un : "c'est très aimable à vous", le grincheux trouvait que le "cédage" de place n'était pas fait pour lui, il envoya promener l'auteur de l'amabilité avec un œil noir. Je me disais illico : voilà comment les vieux se font bien voir dans les transports en commun !

Les grandes sculptures de Jean Branciard - 1954 Gleizé


Les grandes sculptures de Jean Branciard - 1954 Gleizé (D'un côté)

(Comme de l'autre)


Jean Branciard - 1954 (détail)

De loin j'aperçois un de mes voisins qui pressait le pas, comme à son habitude, j'avais toujours l'impression qu'il allait à un rendez-vous urgent ou prendre un train : bonjour monsieur, vous courez comme d'habitude ? Oui, tant que je peux le faire... Passez une très bonne journée ! Et il était déjà loin, il était donc tout le temps en train de tester ses capacités, un peu comme moi, je me suis surprise à penser la même chose en prenant les escaliers du métro, vaquant avec facilité dans les musées, les expos... Profitons de cette chance pendant que c'est possible, suivi d'un : demain, je vais où ?


Gérard Éli - 1953 (France) (céramique)

Une voisine, encore une, explosait de partout, l'ascenseur déconne, mon médecin a pris sa retraite, il est parti sans rien dire, où je vais aller ? Il faut que je descende voir ma sœur à l'autre bout de la France, j'ai encore tout à préparer, la régularisation des charges de notre immeuble est vraiment très chère cette année, j'en ai marre, marre, marre... Je voyais bien que ça pétait de partout, elle en voulait au monde entier, comme d'habitude, le verbe haut... Mais dis-moi, lui dis-je, tu nous ferais pas une petite déprime ? Tout va mal, t'es pas bien, un petit repos s'impose, pense au printemps qui ne va pas tarder, à ta sœur que tu vas retrouver avec plaisir, mais je savais au fond de moi que rien n'y ferait, se battre contre le monde entier, il faut avoir les épaules...


Kirsten Stingle - 1970 - Artiste autodidacte américaine (céramique)

Une autre voisine, un peu "fêlée" mais grand cœur, que je n'osais pas toujours aborder, disons que je fuyais plutôt dès que je la voyais débouler, par crainte de ne pouvoir m'en dépêtrer facilement... Les mots sortaient sans s'arrêter, pas moyen d'en placer une, il fallait être costaud sur ses jambes pour rester sur le trottoir à l'écouter sans broncher, ça risquait de durer longtemps, pour n'importe quel sujet, aussi bien la visite du médecin, racontée minute par minute, que l'achat d'une salade, tout faisait des mots dans le moindre détail, il fallait attendre avec patience, mais comme elle n'en finissait jamais tant que vous étiez là, pour prendre congé, filer à l'anglaise, courir même, un prétexte bien affûté, qui tenait la route, était impératif : excuse-moi, j'ai un rendez-vous urgent, je suis déjà en retard... Ça pouvait marcher, sinon tant pis pour vous, le piège se refermait, coincé, ficelé, le pied dans la porte... Les mots, les mots, les mots défilaient à vive allure ! Plus d'une fois je l'ai saluée de la main, de loin, sur l'autre trottoir, en pressant le pas, m'enfournant prestement dans l'ascenseur qui partait, ouf ! Sauvée... C'est une personne pleine de qualités, toujours là pour rendre service, mais trop présente, et depuis peu, intrusive... De jour en jour ça s'aggrave !



Ronan-Jim Sévellec - 1938 (Brest) - Les boîtes reproduisent le réel en miniature...

La petite dame qui attend l'autobus en bas de chez moi, toujours en noir jusqu'au turban, me redit sans fin, chaque fois que nous nous croisons, qu'elle prend toujours le bus pour aller jusqu'à Paris, elle allait manger dans le café où mangeait son mari quand il travaillait : j'y vais toujours, j'aime bien, ça me fait une sortie, mes enfants me disent : maman, va prendre l'autobus, sort, prend l'air... Bon vent ! Elle est si chaleureuse, si fragile, quand je la prends dans mes bras pour l'au revoir final du jour, j'ai peur de la casser... Elle me dit : au revoir ma chérie !



Ronan-Jim Sévellec - 1938 (Brest) - Les boîtes miniatures

Un dimanche, mes voisins m'ont invitée à prendre le café, adorables, un plaisir d'être en leur compagnie, le couple avaient même invité une de leurs amies pour discuter de l'alimentation, je ne sais pourquoi ça paraissait important pour elle, elle voulait en savoir plus, tout le monde savait que je fuyais les bonbons, les gâteaux et les pâtes, le sucre en général, et que je m'en portais bien... Un drôle d'animal cette dame-là, mais ça les intéressait... Parfait, une occasion comme une autre d'être en bonne compagnie... Nous voilà sur tout à fait autre chose, la discussion allait bon train, rien d'alimentaire, les choses de la vie et comme moi j'aime bien les choses de la vie, j'étais à mon affaire. M. commence à raconter la mort de son père, sans crier gare, je sentais l'émotion gagner tout le monde, M. nous a raconté comment sa famille avait tenu en vie son père, tout le long du voyage de retour dans son pays d'origine dans l'Océan Indien. Un grand moment de vie avant la mort... Puis se fut au tour de leur amie invitée de parler des glucides et des protéines. La mort douloureuse de son père encore jeune, les larmes dans les yeux elle se demandait encore comment elle ferait pour vivre quand le tour de sa maman viendrait ? Plus question d'alimentation, mais des deuils, des chagrins, des parcours difficiles... Après cette grande conversation, nous étions amis pour la vie !



Ronan-Jim Sévellec - 1938 (Brest) - Les boîtes miniatures...

L'Art Brut de la Halle Saint-Pierre : une exposition à tomber par terre, trop d'œuvres, oui trop, du rez-de-chaussée au premier étage, je ne savais pas où jeter les yeux, comment faire, où aller, de partout il y avait des chefs-d'œuvre, j'ai dû y revenir deux fois, une fois pour le bas et une autre fois pour le haut (avec ma petite-fille qui frétillait comme moi). Des artistes inclassables, selon les critères de l'art brut naïf ou traditionnel. Les artistes présents sont sans formation artistique, pour la plupart, mais "possédés par la passion de la création". Tout au long de la visite, j'entendais des expressions, interjections, du genre : c'est dingue, génial, Oh ! Ah ! À tomber par terre, incroyable ! Et chacun courait d'une œuvre à l'autre, émerveillé...

Pas un mot à rajouter, ni même enlever

J'ai mélangé les photos des deux étages : au rez-de-chaussée les inclassables, les "bruts", au premier la céramique, des artistes émancipés des critères classiques mais plus investis sur les scènes culturelles alternatives, le sensible et l'imagination aux commandes, et beaucoup de poésie, un délice ! De la belle beauté !

À la Halle Saint-Pierre, on peut prendre un thé, un café... Une petite halte avant ou après l'expo, la joie commence là, à l'arrivée ou au départ...

Les pauses à la Halle Saint-Pierre, en arrivant ou en partant, thé café... C'est la joie !


Commande familiale spéciale en cours...

Je suis lente en ce moment, je fais beaucoup de travail manuel, les perles me tiennent longtemps à table, il fait gris... Je reviens très vite, mes amis, prenez soin de vous, je vous embrasse.