mardi 10 mai 2022

Où vais-je aller ? Que vais-je découvrir ? Allons dans le Marais !



 

Vitrine, rue Vieille du Temple

Dans ce quartier, j'y vais toujours pour voir les transformations, les ravalements, les arrangements, les enjolivements, les disparitions... C'est le quartier de mon enfance, je le répète souvent  !


Les parasols, rue Béranger

Découverte (1) : Lovis Corinth

Mon but était d'aller voir en premier la Galerie Karsten Greve, rue Debelleyme. Quand j'y suis rentrée, j'ai poussé un cri de joie, c'était trop beau ! L'artiste exposé ne datait pas d'hier, mais pour moi, qui le découvrais, un de plus dans ma "petite" collection, un vrai coup de cœur  : le peintre allemand Lovis Corinth  (1858-1925, 67 ans). À y regarder de près, rien de très très nouveau : des fleurs, des vases, des couleurs joyeuses qui donnent le La... Puis, toute la gamme du bonheur ! Ces bouquet puissants m'ont renversée, je sautais comme un cabri devant chacun d'eux, j'avais envie de les cueillir tous, je m'y suis  appliquée...

Ce peintre est exposé pour la première fois en France, 100 ans après sa mort, dans cette galerie. Le chemin fut long depuis l'Allemagne où il est enterré... Il a commencé à vivre de son art à la quarantaine, en vendant un premier tableau (religieux) à un confrère... Marié à une juive et soutenu par de grands collectionneurs juifs, Corinth devient un artiste non grata aux yeux du IIIème Reich, il est considéré comme un peintre "dégénéré". 295 tableaux ont été saisis et la plupart vendus à l'étranger, surtout en Suisse.

Il y a de la représentation réaliste dans ses bouquets, certes, de la grâce dans chacune de ses fleurs, de l'interprétation personnelle et du sentiment, ses couleurs sont fortes, très travaillées... Jusqu'à l'abstraction. Difficile de renouveler le genre, mais il y est parvenu (à mes yeux). Pourquoi cette joie profonde en regardant ses toiles ? Une vraie communication, une heureuse rencontre en seulement neuf tableaux ! Cent ans après ! Merci la Galerie Karsten Greve, un beau cadeau !!





Lovis Corinth (1858-1925)

Comme la nature qui sans cesse se renouvelle, les peintres tentent d'y parvenir, chacun à leur manière. Ils nous laissent souvent surpris, craintifs, admiratifs, touchés ou indifférents... L'art, comme la nature, n'a jamais dit son dernier mot... Ne laissons pas la nature devenir "une nature morte", protégeons-là pendant qu'il en est  temps...  Encore ? Laissons la croître et multiplier... J'avais en tête toutes ces interrogations en admirant Lovis Corinth !



Lovis Corinth (1858-1925)

Dans ce quartier, les touristes sont revenus, le monde se presse en terrasse, il fait beau, comme si rien de moche ne se passait dans le monde... On ne peut pas penser 7 jours sur 7 à la terre entière...

Découverte (2) : Eugène Delacroix dans l'Église Saint Denys-du-Saint-Sacrement

Au détour de ma promenade, rue de Turenne, je tombe nez à nez avec l'église Saint-Denys-du-Saint-Sacrement (19e siècle), je n'y avais jamais mis les pieds. Dès l'entrée, elle procure une belle impression, grande, assez claire, pleine de colonnes gigantesques...


Saint-Denys-Du-Saint-Sacrement

Dans le coin à droite, dans la chapelle de Marie, une Piéta d'Eugène Delacroix, exécutée en 17 jours ! On reconnait un peintre de talent de loin, mais je n'avais jamais entendu parler de ce tableau. Devant mes yeux écarquillés, l'œuvre prenait des dimensions inattendues. Des Piéta, il en existe des centaines, voire des milliers, ce thème artistique classique de l'iconographie chrétienne (sculpture/peinture) surprend encore avec l'interprétation de Delacroix, encore et toujours. Cette magnifique Piéta nous communique toujours l'énorme sensation de douleur, de tristesse, de pesanteur qui se dégage de la scène : de chaque côté du Christ, Marie-Madeleine avec ses bijoux, Marie-Salomé (demi-soeur de Marie) avec ses yeux rougis, au dessus de Marie, dont les bras répliquent le supplice de la croix, Jean l'apôtre, le vieux Nicomède (un des premier disciples de Jésus), au fond une femme qui pleure. Tous sont au désespoir, le rouge sang a coulé des pinceaux de Delacroix ! Le Christ mort, blafard, blanc ivoire, dans une lumière aveuglante, le distingue à peine de sa mère Marie...


Piéta - 1844  - Eugène Delacroix (1798-1863)





Détail

Delacroix représente les flacons remplis de parfum dont se sont servies Marie-Madeleine et Marie-Salomé pour aller embaumer le corps du Christ, détail très délicat. Une lumière entoure les flacons, la ceinture de Marie-Madeleine me rappelle le merveilleux turban du "Bain turc" d'Ingres, que j'adore aussi...


Le Bain turc - 1862 - Ingres (1780-1867)

Les deux peintres sont morts à quelques années d'écart, Ingres survécut quatre ans à Delacroix, qui était de vingt ans son cadet...

La visite continue, une à une je refais inlassablement les petites cours qui se cachent derrière les lourdes portes en bois, restées ouvertes... Souvent je rencontre des gens, on discute, je prends le pouls du quartier, je passe un bon moment à l'air libre...


La petite cour enchantée

Aussitôt la gardienne vient vers moi : vous cherchez quelque chose ? Pas du tout madame, je visite, votre cour est magnifique, j'admire le jasmin qui monte gracieusement autour du porche. C'est mon jasmin, madame, tout ici, c'est moi qui l'ai planté. Félicitations, c'est superbe ! Aucun locataire ne m'a aidée, j'ai tout fait toute seule, j'ai même transporté des pots très lourds, j'ai risqué de me casser le dos, mais c'est fait. Bravo madame, vous avez la main verte et beaucoup de goût ! Et comme je m'étonnais qu'aucun locataire n'ait mis la main à la poche pour la déco florale de toute beauté, elle me dit : c'est comme ça madame, c'est comme ça... Pour en remettre une couche, l'ouvrier qui bricolait dans le passage précisa : ah ça, madame, votre jasmin, il ne va plus durer trop longtemps, les façadiers vont devoir le démonter pour repeindre l'immeuble... Catastrophe, le jasmin n'avait aucune chance devant le ravalement... Je suis repartie sur la pointe des pieds : au revoir madame, tenez bon, au revoir monsieur bon courage, bonne journée...



Les cours embellies grâce à la nature et aux gardiennes...



La magnifique cour de la galerie Perrotin, rue de Turenne

Depuis des années, le quartier a petit à petit "changé de mains", impossible d'habiter Paris aujourd'hui sans le sou, beaucoup de sous, le coût de l'immobilier est exorbitant ! Cependant, on compte dans la capitale 256 000 logements sociaux, qui représentent 22 % des résidences principales... Il n'y aurait plus aucun logement insalubre ! Il y a des progrès à faire, pour que Paris conserve sa mixité sociale...

Mes amis, prochainement je vous parle de mes visites au Musée d'Orsay, et de nouveau au Petit Palais, portez-vous bien, méfions-nous du virus qui rôde encore. Je vous embrasse.





6 commentaires:

siu a dit…

Quelle chance tu as eu, chère Danielle, de passer ton enfance dans le Marais...

Et qu'ils sont beaux ces tableaux florales de Lovis Corinth, que je trouve si charmants et captivants exactement pour les raisons que tu décris si bien: je pense que j'aurais utilisé les mème mots, les mèmes pensées... si seulement j'en étais capable.

Quant à cette Piétà de Delacroix je la trouve en effet superbe aussi bien que vraiment touchante, et c'est vrai que la ceinture de Marie-Madeleine fait penser au Bain turc d'Ingres, tableau celui-ci que j'aime bien moi aussi (j'ajoute que le turban de la baigneuse me rappelle aussi tes beaux torchons ;-))

Un super grand bravo à cette gardienne! Et quel dommage pour ce qui va arriver à son jasmin... Mais sur la disparition violente (je ne trouve pas un autre adjectif) des plantes citadines nous avons déjà tout dit en d'autres occasions je crois, en plus ça fait tellement mal seulement d'y penser... :-((

Je te souhaite un bel après-midi et t'embrasse fort!

Danielle a dit…

Merci chère Siu pour tous tes mots si sincères si gentils !

Je n'avais pas pensé à mes torchons, mais tu as raison, tout ça se ressemble !! (Bientôt la photo de la pile ) merci Siu !

Oui, j'ai trouvé cette gardienne incroyable, l'ingratitude de "ses locataires" lui paraissait naturel : "comme ça", le jasmin, moi aussi je trouvais que c'était raide de l'enlever sans penser à le repositionner... L'histoire doit s'accomplir !!!

Bonne fin de journée, je t'embrasse fort. il fait beau !





Marie Claude a dit…

Une bonne idée cette promenade dans le quartier de ton enfance où tu dois trouver du changement.Il reste cependant ces cours pleines de charme grâce aux gardiennes.
Tristesse en effet pour le jasmin,à la fin des travaux elle fera peut-être une autre plantation.
Magnifiques bouquets aux harmonieuses couleurs de ce peintre que je découvre grâce à toi!
Elle est très belle cette Pieta réalisée par ce grand peintre,celui-çi je le connais....
Toujours des merveilles à admirer dans les églises.
Encore un bon moment passé avec ce billet.
Belle journée
Tu as raison ce virus est toujours présent,restons prudents.
De grosses bises du matin

Brigitte a dit…

Il est beau ce quartier et la nature magnifique relayée par ce peintre dont tu parles si bien.Ces bouquets sont de vrais beautés et je t'ai imaginée sautant de joie comme un cabri !
Quelle jolie cours embellie par la gardienne qui en effet à la main verte ...
Bises de ce jour

Danielle a dit…

Oui Marie Claude, je connais mon "quartier" bien cartographié dans mon souvenir, mais il a changé de ton du tout au tout ! Je peux aller dans ses coins inexplorés :-))

Les bouquets de Corinth ont tout pour me plaire : l'harmonie, le déséquilibre, les cadrages, la grâce et la palette magnifique de l'artiste...

Ma journée a été bien employée avec "l'admiration"

Merci Marie Claude de me suivre :-))

Passe une bonne fin de semaine, je t'embrasse fort du matin/midi

Danielle a dit…

Merci Brigitte, imaginer me voir sauter comme un cabri, est un beau compliment : je prends !

Ouvrons nos yeux, gardons nos masques, j'y cours.

Gros bisous du jour ensoleillé, à très vite.