samedi 8 mai 2021

Mon frère, Yves Boussin, est sur ma sellette (2)

 

Aujourd'hui encore, mon frère est sur ma sellette

L'animal ? 


Le gorille aquarellé (mon préféré parmi mes préférés...)

Depuis des mois déjà, il reste à sa table de travail qui se trouve dans la salle de séjour, au centre de la vie familiale, de la vie quotidienne. La panoplie des crayons à encre de Chine est toujours à sa place, dans un coin de la grande table, elle fait partie du décor. Il s'installe à sa place préférée, étale sa grande feuille de papier à dessin, le plus près possible de la grande fenêtre et l'œuvre commence, après avoir choisi un modèle d'animal, dans un livre, sur une photo, un document qui passait par là, il va même chercher sur internet. L'essentiel réside dans le choix qui va s'imposer à lui, il faut qu'il "sente" la bête comme le chasseur à l'affut avec son fusil, le bestiau doit lui coller à la plume, au pinceau, au feutre, et en avant, l'aventure commence ! La page blanche va se noircir, chaque trait compte... Les premiers traits lui donnent une indication insuffisante pour la réussite totale, mais tout peut "déraper", il ne sait jamais ce qui va se passer, le blanc doit se noircir par couches successives, le cheminement est traître, pas possible de gommer, repentir interdit, il faut avoir l'œil ! Le coup de crayon juste ! Chaque jour, l'animal tout blanc doit se remplir, il faut qu'il pèse son poids de plumes, de poils, d'écailles, de nervures, d'os, il prend du volume à vue d'œil, les ombres et les lumières naissent là où il faut. Pour finir, si l'animal vous regarde et qu'il se passe quelque chose entre vous, qu'une émotion vous traverse, c'est gagné ! Il y a un peu d'âme en plus !


Le tigre, l'émotion, même de profil ! La splendeur !

Jamais ne n'avais vu ce que je vois aujourd'hui, j'interprète l'animal à moitié dessiné, c'est le boulot du spectateur... Même si ce n'est pas du tout l'intention du peintre, à mes yeux, petit à petit l'animal disparait. Dans le réel, il reste très peu de gorilles dans le monde, "leur sauvetage interroge sur les limite de l'intervention humaine" (Le Monde 25 juillet 2020). Le tigre, même combat, il y avait 100000 tigres dans le monde au siècle dernier, il n'y en aurait plus que 3200, personne ne peut dire aujourd'hui s'il restera des tigres dans 50 ans... (WWF). Jamais les dessins de mon frère n'ont mieux illustré à mes yeux le désastre mondial pour les animaux sauvages... Leurs regards me touchent doublement depuis que je connais leur situation, ils vont être rayés de la carte...


La magnifique tortue des mers

Elle peuplent nos océans depuis 150 millions d'années, aujourd'hui, 6 des 7 espèces vivantes sont considérées comme menacées ou gravement menacées... (WWF). Je vous épargne l'énumération de tous les animaux sauvages qui vont disparaître dans les prochaines années, mais je peux accorder une place de premier plan à ceux qui prolifèrent dans les cartons à dessin de mon frère... Tu fais quoi aujourd'hui ? Un cheval. Ah bon ! Formidable, ce n'est pas premier cheval qu'il fait, mais il recommence sans cesse, d'autres poses, d'autres races, ça ne finit jamais...


Le début... (2021)


Cheval "work in progress..." (2021)

J'adore ses chevaux, ils sont calmes, solides, si fragiles, et surtout, ils ont le regard doux... Ils n'ont pas peur de disparaître, il en reste encore beaucoup de par le monde... Petit à petit la crinière va s'épaissir, pour l'instant, il en est là !




Un lynx de face et de profil, le mignon petit chat

Au début, j'ai bien cru que c'était des chats, surtout celui de profil, quand il n'avait pas encore les poils sur les oreilles qui l'identifient nettement... Moi qui n'ai pas de fascination particulière pour les animaux de compagnie, à part pour le chat que j'ai gardé pendant 20 ans, j'aime les animaux de mon frère, impressionnants, magnifiques. Quand je les fixe dans les yeux, et sachant ce que sais sur leur avenir incertain, j'ai l'impression qu'ils m'appellent au secours, et que je ne peux rien faire de plus... Ce face à face est intense, j'ai l'impression que mon frère est en train de dessiner l'arche de Noé... Malgré lui... Pas de sauvetage de dernière minute... C'est foutu !

En attendant le jour de leur jugement dernier, les animaux sauvages nous quittent à cause de nous, les causes en sont multiples : déforestation, cultures intensives, réchauffement climatique, pollution, urbanisation, braconnage, surexploitation pour cause de consommation excessive des sociétés (quand d'autres meurent de faim), catastrophes naturelles, bêtise, inconscience, pas de réflexion à long terme et surtout, l'appât du gain du monde marchand ! 


Le bouquetin

Dès la prochaine naissance, je vous le présente avant qu'il disparaisse !

La nature nous a confié tous les animaux, qu'en avons-nous fait ? Disparaître...

Les animaux sont pourtant nécessaires à la beauté du monde... Tués...

Nous avons perdu l'idée de la collaboration avec les animaux au profit de l'exploitation, l'extermination... Définitive... ?

Vers la fin de la vie, quand on en a plus derrière que devant, est-on plus sensible à la beauté du monde, de tout le monde, des êtres vivants ? 

Moi, j'attends avec impatience mon séjour dans le Berry, vers l'automne, pour faire un tour vers l'exceptionnel diversité des espèces, des couleurs, un corps à cœur avec les beautés de la nature... 

Souvent j'ai des regrets, de n'avoir pas su réfléchir à tout ça plus tôt ! Que de temps perdu !

Mes amis, le temps se radoucit, mais les masques sont toujours de saison, gardons patience, prenez soin de vous...

8 commentaires:

Marie Claude a dit…

Quelle belle arche de Noé, mais malheureusement comme tu l'écris nous réalisons un peu tard, tous les ravages que nous avons fait dans le monde animal et ailleurs...
J'ai un faible aussi pour ce gorille superbe dessin, et ce regard!!!
Bravo à l'artiste.Ton frère doit être heureux d'être mis à l'honneur sur ton blog, il le mérite vraiment.
De grosses bises du soir Danielle et merci encore pour ce partage.

Danielle a dit…

Merci Marie Claude, oui, mon frère est très touché par la place que je lui fais sur mon blog, très ému ! Je suis contente aussi...

Moi aussi j'adore le gorille, si proche !

Je t'embrasse fort Marie Claude, passe un joli dimanche... À très vite...

siu a dit…

Moi aussi j'aime beaucoup le gorille, avec son air moqueur et ses yeux plus vifs que vifs...
Mais celui qui m'a le plus profondément touchée c'est ce lynx qui nous regarde si intensément. Nous avons l'habitude, probablement pas vraiment correcte, d'affubler aux animaux de caractéristiques humaines auquelles -en plus- sont souvent liées nos attirances et prédilections. Et donc ce lynx si magistralement dessiné m'a fait penser à un homme, un homme très intelligent et pas moins sensible, qui à cause de sa vieillesse vit désormais dans une maison de retraite...

Ta phrase "la nature nous a confié tous les animaux" me fait réfléchir. Je pense à cette espèce d'héritage envenimé du christianisme (dont la culture, qu'on le veuille ou non, imprègne aussi les non croyantes comme toi et moi) qui part du moment de la genèse où Dieu dit "faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre": voilà, à mon avis, du moins une partie des causes de la catastrophe écologique qui est bien loin de voir sa fin.
Je me sens bien plus en phase avec ces Grecs anciens selon lesquels "ce monde-ci, le même pour tous les êtres, aucun des dieux ni des hommes ne l'a créé", je vois donc l'humanité à l'intérieur du monde de la nature au mème titre que n'importe quel autre de ses éléments, tous avec les mèmes droits mais pour ainsi dire pas par générosité ou gracieuseté de quiconque.
Vaste programme, j'en conviens... Ce qui est sur c'est que l'homme avec son hybris est celui qui a manqué de respect envers la nature; comme s'il n'en faisait pas partie... mordre la main à celui qui le nourrit, vous dites, et nous, plus prosaiquement: sputare nel piatto dove si mangia (cracher dans l'assiette où l'on mange). Y a-t-il plus grande sottise?

Je peux bien imaginer ta grande envie de séjourner de nouveau dans le Berry: tu auras peut-ètre des surprises, après tout ce temps... J'espère qu'elles seront bonnes, en tout cas on sera comme toujours très curieux de lire tes récits.

Je t'embrasse fort du dimanche!

Brigitte a dit…

Ces dessins de ton frère ... Quel magnifique coup de crayon . il leur donne vie avec son talent et c'est vraiment très beau .
Je te souhaite de pouvoir aller comme tu le souhaites dans le Berry.
Bises du dimanche

Danielle a dit…

Merci Siu pour ton point de vue si pointu, bien sûr nous faisons partie qu'on le veuille ou non des héritages religieux ancestraux.

Le genre humain est dominateur, oui, il pouvait dominer sans exploiter, sans saccager, sans profiter comme il l'a fait, il n'a pas su, ne saura jamais s'arrêter, je n'ai plus d'optimisme. Nous avons tous droit à la terre, à sa beauté, sa générosité, son immensité... OUI ! Nous connaissons aujourd'hui des dérives mortelles...

Berthold Brecht disait : l'homme est un loup pour l'homme !

Merci chère Siu pour tes mots. Je t'embrasse très fort.



ELFI a dit…

je prends un moment pour parcourir ton blog et je m'arrête ici pour dire mon admiration. .. ces dessins sont merveilleux ... reste en bonne santé par ces temps difficiles ! je t'embrasse

Danielle a dit…

Merci chère Brigitte, pour "ton coup d'œil" si chaleureux.

Si tout va bien, le Berry sera à moi, les mares, les arbres, les chemins creux, les pommes et les figues... Et mes voisins !

Passe une bonne fin de dimanche ensoleillé. Je t'embrasse fort.



Danielle a dit…

Elfi, toujours un plaisir de saisir tes quelques mots bienveillants.

Promis je prends soin de moi et toi fais attention :-))

Je t'embrasse en retour très fort.