Le début du petit papillon rajouté au premier torchon
J'ai un gros doute ! Ah bon ? Danielle, que se passe-il ? Voilà, je vous raconte, mais je n'ai pas encore totalement repris mon souffle : j'avais décidé de rajouter un beau papillon sur le tout premier torchon que j'avais entrepris, après les neuf que j'avais déjà terminés...
Voilà, voilà... Je lui tirais méthodiquement les ailes en vert, j'ai dû quand même faire et refaire certains rangs, je le savais, dans la broderie aux points de croix, toutes les croix comptent, un point de plus ou de moins et t'es foutu, le modèle fait la java sous tes yeux... Sur mon papillon vert, vous ne manquez pas de le voir, à l'œil nu, le défaut (je n'avais rien vu tout de suite) : quatre point qui se suivent du côté gauche, trois points de l'autre, juste en plein milieu, il faut toujours rectifier...
Rectifié... Le butterfly... Trois points partout, le corps de l'animal au centre
J'étais contente de moi, finalement, mais quand je suis arrivée dans le bas de son dos, le beau papillon était toujours de traviole, la deuxième paires d'ailles, plus petites, était décalée, j'ai défait, tranquille, sereine, l'abeille travailleuse, fallait faire attention ma belle, vivement que tu ailles chercher tes lunettes de près chez l'opticien... Bon, continuons, faire et défaire, c'est toujours travailler à la perfection...
J'ai mis mes plus belles couleurs, scintillantes, contrastées, pour les petits points finals, parfait, plus qu'à retirer les fils, comme pour une cicatrice bien réparée, un à un je les tirais avec précaution, pour ne pas emporter la broderie dans ma course. Alors là, c'est très réussi, rien ne cloche, l'équilibre parfait, de l'horlogerie suisse...
Mon petit papillon, tu peux t'envoler, tout marche bien
Me restait à tirer les fils de la toile tire-fil, et le tour était joué... Pour tirer les fils, il faut être concentré, un malheur est vite arrivé, on tire trop fort, ça coince un point, on ne tire pas assez, ça ne vient pas, il faut décortiquer bien sagement de tous les côtés, laisser une seule trame et voilà, le travail est terminé...
Tiens, c'est quoi le point un peu lâche sur l'aile droite ? Zut, le nœud trop petit est passé à l'endroit du travail, impossible de le remettre à l'envers, j'ai mis un temps avant de réaliser que c'était foutu, il fallait redéfaire une partie de l'aile, impossible de rebroder à l'aveuglette directement sur le tissu, j'étais dans de beaux draps. La tension interne montait, l'énervement également, et de fil en aiguille, je me suis dit, ça sera un torchon Léonard de Vinci : beau, mais inachevé ! Le papillon avait du plomb dans l'aile, accident de parcours, impossible de revenir à la case de départ, pas de double vie ! Après la bête estropiée, mais acceptée telle quelle dans mon esprit, un GROS DOUTE s'installa tout à fait. Si j'avais fait tout ça pour rien ? Les torchons sont-ils d'assez bonne qualité pour survivre aux machines à laver ? Je fouille dans mon armoire pour la comparaison, j'avais déjà quelques torchons en lin que j'avais trouvé aux Puces il y a très longtemps, je les trouvais plus fins, plus beaux, plus lisses... Le coup à l'estomac ! J'avais déjà un plan B en tête... Tout refaire ! Mais essayons d'abord la machine à laver, dix torchons, c'est pas la mer à boire, et hop, sitôt dit, sitôt fait, les voilà qui tournent à 40°.
Le papillon Léonard de Vinci : beau mais inachevé !
La sortie fut plutôt réconfortante, nickel, la broderie avait repris du corps, le tissu des torchons avait rétréci juste ce qu'il fallait, un petit retrait bienvenu, j'ai sorti la basse-cour, les papillons, et les fleurs, c'était bien le printemps sur mon séchoir...
Le printemps sur mon séchoir
Et voilà le travail : lavés, repassés (le Léonard de Vinci : deuxième en haut en partant de la droite)
Plus de crainte, le lavage a tout remis à l'endroit, les rangs se sont resserrés comme par magie, prêts à l'usage ! Maintenant, je vais continuer rassurée, car l'ouvrage ne s'arrête pas là... Combien de fois dans ma vie présente j'ai eu des doutes, pour des choses que je faisais naturellement "avant", combien de fois ai-je redécouvert des "recettes" de faisabilité que je croyais perdues ? J'ai remarqué que l'assurance s'estompe avec le temps pour moi, il faut que je remette sur le métier mes certitudes... Les torchons tombent bien, chaque fois il faut réviser, trouver des parades, des façons de faire, il n'y a rien d'automatique, il faut ajuster le travail, et chercher à recréer différemment...
Avec tout ça je ne vous ai pas encore raconté l'histoire de mon psychiatre original, de la mosaïque de mon amie qu'elle créée en écoutant des histoires, de l'amandier du 20e arrondissement que je ne peux pas photographier car je n'ai pas eu ma deuxième dose qui me permettrait de prendre, un peu plus rassérénée, le métropolitain ! J'ai vu mon primeur fumer, alors qu'il ne fumait plus du tout depuis longtemps, encore une histoire qui traîne ?
Mes amis, prenez soin de mettre votre masque, le gel en poche, pas trop près, marchez d'un bon pas, et gardons le moral !