mardi 14 novembre 2023

En Berry, le premier tour de vélo ! (2)


Des points de vue imprenables

Ma petite-fille m'avait accompagnée jusqu'à mon lieu de vacances, sa présence me rassurait, mais pas tout à fait suffisamment pour que j'essaye le vélo tout de suite : attendons un peu pour voir de quoi je suis capable ! D'emblée, mes amis m'avaient fait essayer plusieurs montures, toutes plus belles les unes que les autres : trop petite, trop haute, un dérailleur ? Pour quoi faire, des pneus costauds tous terrains... Non, c'est le noir, le poussiéreux, le cabossé, qui faisait un petit bruit en pédalant, c'est vraiment l'ancien qui m'allait le mieux, le même que les années passées, tout simplement... On ne change pas une équipe qui gagne, nous nous connaissons depuis tant d'années, pas besoin de rodage, le noir ferait l'affaire, deux sacoches, pas de lumière, des bons freins, une petite sonnette, quelques scotchs pour tenir les câbles, mon ami avait gonflé les pneus à bloc, je pouvais voir venir... Mais pas trop loin !

Il faut pédaler bien droit, faire attention, rester prudente, pas trop le premier jour, un peu plus le deuxième, crescendo, crescendo... Chaque année, mon fils aîné me faisait des recommandations précieuses, j’étais à fond pour le crescendo, je n’aurais pas pu faire plus tellement j’appréhendais, j’étais donc sage par nécessité. Bon, essayons les voisins, pas trop loin, c’est tout plat, la garantie de les retrouver accueillants ! C’était parti, je m’étais rassemblée sur ma selle, si je tombe c’est catastrophique, pas facile de faire du vélo seulement une fois par an avec une année de plus à mon compteur personnel !


Ça roule, même pas mal, plus de genoux, plus de hanches, ça soulage de se déplacer en deux roues, mon vélo est crasseux, plein de poussière, même une petite toile d’araignée entre les rayons, chassée d’un revers de main, les sacoches défoncées de l’intérieur mais entières de l’extérieur, très bien, pas de soucis, pas de chichis à la campagne... Jamais, je n'ai jamais fait le ménage entre les rayons, roulez jeunesse !


Le vieux vélo qui me va comme un gant


J’ai un vélo parfait pour aller rendre visite aux voisins. Premier virage, impeccable, petite descente en douceur, arrêt bien négocié, pile devant leur splendide propriété ! Entretenue comme à Versailles, à la perfection, des arbres immenses, très vieux, bien plus vieux que les propriétaires. Le grand tilleul, c’est le roi, il fait encore très jeune pour son âge (plus que centenaire), malgré le temps trop chaud, il tient le coup, il est merveilleux ! On ne peut que l’admirer, il nous fait réfléchir, comment s’y prend-il pour parvenir à rester aussi beau depuis un siècle ? J’en reste bouche bée à chaque fois. Mes voisins le respectent, l’entourent affectueusement du regard, ils ne font rien de spécial pour lui, l’arbre se débrouille tout seul contre vents et marées. C’est la merveille de leur parc qui est déjà très beau, et plus jeune que le tilleul... À l’automne, les cyclamens poussent à cœur joie sous le couvert des grands arbres, noyers, noisetiers, tilleul, ils prennent une place folle, chaque année de plus en plus grande, mes amis prennent soin de ne jamais y passer la tondeuse : attention, tu vois bien (dit-elle à son mari), les cyclamens arrivent, il faut leur laisser toute la place ! Et une immense coulée violette illumine la pelouse encore verte. Une vue presque irréelle !



À l'automne le jardin est aquarellé, le mauve s'infiltre partout, interdiction d'y mettre les pieds

Nous étions tous contents de nous revoir, et patati et patata, mais quand nous sommes arrivés aux maux de nos âges, il y en avait à dire long comme le bras, j’avais sorti mes deux oreilles, ma disponibilité... En tant d’années elle ne m’en avait jamais dit autant, les douleurs, les chagrins, les craintes, les empilements de morts dans son cœur, les absences irremplaçables. Plus les années passaient, plus les chagrins duraient, ils pesaient lourd, difficile de redresser la barre... L’avenir avait du mal à exister, malgré les envies et les curiosités d'aujourd'hui, intactes…



Des points de vue imprenables

Elle me raconta avec des mots adaptés, délicats, par allusions, les douleurs qu’elle supportait vaille que vaille, elle existait malgré tout, il y a tant à faire ici ! Sa propriété était un bijou. Dehors, dedans, tout était beau à voir, elle ne faisait rien au hasard, elle construisait chaque pièce de son « Château » avec soin, tout devait s’accorder, les formes, les couleurs, pas une aquarelle suspendue aux murs ne jurait avec les rideaux... Danielle, veux-tu quelque chose à boire ? Bien sûr C., un grand verre d’eau sera parfait ! Un délice... Elle me connaissait, pas de petits gâteaux, du thé et de la conversation, des regards, la parlotte, nous étions bien dans sa belle cuisine, aussi claire que la galerie des glaces… Elle mettait toujours un beau géranium rouge à la fenêtre, grande ouverte au soleil !


Des points de vue imprenables

Elle surveillait son mari pour que rien ne lui arrive de fâcheux : il est fragile du cœur, tout le reste tient bon, il oublie bien un peu les noms et d’autres petites choses... Je le surveille ! Elle pourvoyait à tout, à presque tout... Elle le couvait comme un enfant, et lui se laissait faire. Ils parlaient depuis toujours tous les deux en même temps, tout le temps de la conversation, il ne fallait pas avoir de problème de cervicales pour les suivre du regard !


J’adorais lui faire raconter l’histoire de leur belle maison qui datait du 17/18e siècle, il y avait toujours un détail que j’oubliais d’une année sur l’autre. Elle était très souvent prise par un ouvrage sérieux qui demandait une attention démente, construire une maquette de château presque disparu, élaborer une prochaine exposition au musée du bourg, fabriquer des albums de photos pour les visiteurs... Sur le temps extra-scolaire elle animait des groupes d’enfants, jamais je ne l’ai vue faire le ménage dans cette grande maison, mais elle devait le faire tôt le matin, quand moi je dormais encore. Sa demeure était une gravure de mode, on pouvait manger par terre. Trop pour moi, mais vital pour elle !


En les écoutant, je remarquais qu’ils s’agaçaient l’un l’autre, de plus en plus, ils ne prenaient plus de gants avec moi, les disputent pétillaient joyeusement, c’était toujours lui qui perdait au ping-pong. Moi, je ne ramassais pas les balles, j’attendais que ça se tasse...


Souvent, je montais la côte pour faire un petit coucou aux deux oiseaux qui se castagnaient allègrement, rien ne nous empêchait de bavarder... À bientôt Danielle, viens quand tu veux... J’y allais !


Depuis toujours, le parc de mes amis était devenu pour moi un monument historique, une récompense, j'y venais absolument quand je voulais. Dès l'entrée, je posais mon vélo sur le banc de pierre, et je pouvais aller sous tous les arbres en faisant très attention aux cyclamens, je sortais l'appareil photo et je marchais doucement dans tous les sens, quelquefois même je ne touchais pas l'appareil photo... Je regardais !



Des points de vue imprenables

Mes amis, je vous l'avais bien dit, pas de chronologie, impressions, arrêts sur images, dix jours après mon retour, mon cerveau est encore là-bas...


Mon vélo me manque, j'ai remis ma genouillère, et je vais prendre le métro... À bientôt, je vous embrasse. 


8 commentaires:

Marie Claude a dit…

Quel joli billet te suivre au fil de tes promenades entre visite aux amis et contemplation de cette si belle campagne où les ciels sont magnifiques.
Tu as repris le même compagnon de balade sans oublier ton joli chapeau...
J'aime ces endroits "aquarellés".
Te voilà revenue dans cette ville qui est belle mais tellement trépidante!!
Nous attendons la suite selon ton inspiration....
Bisous du matin.

Danielle a dit…

Merci Marie Claude, merci, tu m'encourages à poursuivre, ma monture m'a menée aussi loin que possible, mais en fait je ne réclamais pas les kilomètres, les ciels changeaient de couleur en un tour de roue !

Dans mon bourg du Berry, à la fin de l'automne je n'entendais qu'un seul cri dans les rangs : attention aux cyclamens, ils avancent, ne pas tondre, ne pas marcher dessus, attendre et voir !

Bonne semaine Marie Claude, je t'embrasse fort.

Enitram a dit…

Comme elle me parle ta bicyclette, elle ressemble à celle de ma grand-mère ! Moi, j'ai reçu en cadeau de Noël mon premier vélo bleu, pour mes dix ans !
J'imagine tout à fait cette conversation avec ce couple ami et leur belle maison entouré d'un magnifique parc, fleuri en cette saison de cyclamens !
Bonne soirée ! Bises du soir

Danielle a dit…

Ta première bicyclette bleue, je la vois d'ici toute pimpante ! Quelle chance !

Entre les cyclamens et les nouvelles du bourg, du monde... Nous avions fort à faire !

Merci de ton passage.

Bises du matin

siu a dit…

Oui, c'est vraiment facile (et agréable...) d'imaginer tes balades sur ton vélo aussi vieux que cher, tout comme tes papotages avec les amis, tes promenades dans un calme impayable et l'émerveillement devant de paysages et une nature si spectaculaires...
Merci Danielle, en attendant le prochain billet... va savoir qu'est-ce que tu vas encore nous montrer et raconter ;-))

Bonne journée!

Danielle a dit…

Merci chère Siu...Oui, chaque petit coin est spectaculaire, il m'a suffi de regarder :-))

J'ai encore du mal à émerger dans ma ville...

Oui, oui, oui, je continue...

Passe une bonne fin de semaine, je t'embrasse très fort.

Brigitte a dit…

Il est superbe ce vieux vélo noir !Et les tapis de cyclamens sont de véritables merveilles qui s'étalent et prennent davantage de place d'année en année. Dans mon p'tit bois derrière chez moi c'est superbe maintenant ce sont leurs jolies feuilles qui sont apparues . Et qu'il est bon de retrouver ses amis vaille que vaille d'une année sur l'autre .
Bonne soirée Danielle et bise du soir

Danielle a dit…

Chère Brigitte, j'imagine très bien ton petit bois avec les cyclamens, une merveille !!

C'est vrai, retrouver ses amis, "vaille que vaille" mais les retrouver, est une grande joie !

Je t'embrase fort, Brigitte passe un beau WE.