jeudi 16 février 2023

Avignon dans ses recoins... (2)

 


En Avignon, la grande manif du 31 janvier 2023 contre la réforme des retraites, aperçue de très très loin... J'ai zoomé à fond...


Vue par un photographe, près des remparts 

Ma sœur m'avait dit : pas de problème, demain de bonne heure, je te dis où sera la "Manif retraites". Elle avait son indicatrice locale, pur jus d'Avignon qui devait lui donner des infos de dernière minute... À demain !

Je me souviens des manifs que je faisais déjà dans mon jeune temps, pour des "bonnes causes", la paix, l'égalité, la justice... J'en ai vues des vertes et des pas mûres, celles où l'on "courait partout", des plus tranquilles aux plus agitées, plus brutales et même plus assassines, je n'avais pas mal aux genoux, alouette, alouette ! Les itinéraires de dernière minute, je connaissais, j'attendais donc celui de ma sœur, qui ne vint jamais. Ni le soir ni le lendemain ! Trop occupée sans doute avec sa compagnie de route...

Alors, ne voyant rien venir, l'âme tranquille, je profitais du silence de la ville d'Avignon pour rechercher les clameurs, les trompettes, voir les drapeaux, mais rien de rien. Soudain, j'aperçois au loin, très loin, des drapeaux qui bougent, quelques personnes, et c'est tout... Je demande à droite, à gauche : excusez-moi, vous savez où doit avoir lieu la manifestation ? Bien sûr, elle fait le tour des remparts, ils contournent la ville. Première nouvelle, je pensais que tout le cortège viendrait sur la grand place du beau Palais des Papes, pas du tout ! Un petit moment de solitude, que fais-je ? J'avais appelé déjà deux fois ma sœur sur son portable, rien n'y faisait, elle me laissait tomber, débrouille-toi, ma fille... De toute façon, portable ou pas, il y avait sans doute trop de bruit pour que ma frangine entende mon appel... Le tour des remparts, pas question, mon genou serait mécontent !

Plan B, immédiatement : si j'allais visiter le beau Palais des Papes ? Personne à l'horizon, les plus bruyants, invisibles étaient derrière les murs crénelés, beaucoup de magasins avaient fermé leur rideau de fer... La visite touristique s'imposait, allez Danielle, l'occasion est trop belle, il n'y aura personne, c'est ta chance ! Prends ton billet d'entrée, le Palais t'attend !


La vieille porte d'entrée de la tour d'honneur du Palais (2023)

A Paris, il y aura celle du 11 février... Va voir ton beau Palais ! Moi qui rêve tout le temps à des musées, des expos, des places fortes où les arts anciens et nouveaux ouvriraient spécialement leurs portes pour moi, j'étais servie, pas un chat, je pensais même qu'ils allaient me faire entrer gratuitement dans la forteresse, mais non...

La grande salle de garde, 170 m2 , juste éclairée par des petites fenêtres, me faisait quasi un peu peur... Très vite je m'étais faite à la pénombre, j'avais mis autour du cou la tablette qui allait avec le billet d'entrée, je ne savais pas du tout comment m'en servir, mon appareil photo par dessus, mon sac à main, ma grosse doudoune, l'équipement sherpa au grand complet... En me donnant mon billet, la dame m'avait dit : il y a plus de trois cent marches à monter, croyant sans doute me décourager, mais non, armée jusqu'aux dents, j'ai eu les trois cents marches à l'arrache... J'ai tout visité de fond en comble !


L'immense salle de garde (2023)


Les belles ombres des peintures du Moyen-Âge (2023)

Je ne pouvais partager ma joie avec personne, il n'y avait personne ! Ma tablette ne bougeait pas de place, bien à plat, pendue à mon poitrail, puisque je ne savais pas encore m'en servir, on verra plus tard, mais très tôt, une dame, perdue comme moi, m'a expliqué l'affaire, et j'ai compris du premier coup (L'HistoPad est une tablette tactile qui est remise à chaque visiteur. Elle permet de vivre une expérience de visite ludique et interactive. Grâce à la réalité augmentée le visiteur peut visualiser une grande partie des salles du Palais des Papes telles qu'elles pouvaient être au XIVème siècle).

Carrément formidable, magique, ainsi apparaissaient sur mon petit écran, les tentures, les décors des salles d'apparats, les festins en train de cuire, les cardinaux en symposium... Tout le Palais vivait aussi vrai que nature au XIV siècle sous mes yeux ébahis... Il suffisait de se connecter dans beaucoup de salles sur les bornes prévues à cet effet, pour rêver, le miracle se renouvelait à chaque fois, avec explications à la clé !

Rien de tout ça avec mon appareil photo et mon téléphone...


La grande chapelle (14e siècle) 


Retable du portement de croix (moulage en plâtre 19e siècle, d'après l'original en marbre polychrome du 15e siècle qui se trouve dans l'église Saint-Didier à Avignon) 


Détail... 

J'ai du faire les faire haut la main, les trois cents marches, je ne sentais plus rien, plus de genou, plus de pieds, un peu de courage ma fille, le moment est mal choisi pour te plaindre !

La petite chapelle Saint-Martial (14e siècle), sublime avec ses peintures restaurées en 2014, la porte vitrée était fermée pour protéger les peintures, il m'a suffi de coller mon téléphone sur la vitre pour emporter toutes ses belles couleurs... 



La chapelle papale Saint-Martial (2023)

Les fresques me semblaient sorties tout droit du broyage des pigments, les restaurations rendaient ce prodige possible, resplendissant, les appartements du Pape (cabinet de travail, chambre) avaient retrouvé une fraicheur exceptionnelle...


La chambre du Pape, 14e siècle

Il y avait, paraît-il, quelques oiseaux dans les entrelacs des feuillages, mais je n'en ai vu aucun, pas assez attentive !


Un cabinet de travail, 14e siècle

Au bout de cent marches j'ai eu froid, c'est bien de visiter une bâtisse comme le Palais, en hiver, l'effet est saisissant, les grandes cheminées devaient ronfler nuit et jour pour réchauffer le Pape !

J'ai terminé par la cour d'honneur, où se donnent tant de superbes spectacles, 2000 spectateurs, classé au Patrimoine Mondial de l'Humanité, le festival d'Avignon est crée en 1947. Les premières années, le festival a été l'œuvre d'un homme, Jean Vilar, il engage sa volonté militante pour diffuser vers le plus grand nombre, et en particulier vers les jeunes (dont moi), une culture théâtrale. 

C'est grâce à Jean Vilar que mon aventure de spectatrice de théâtre a commencé, elle ne s'est jamais arrêtée... Je lui dois tout ! À Paris, au TNP (Théâtre National Populaire), au Palais de Chaillot (un autre Palais), j'ai vu toutes les pièces que la troupe proposait, avec tous ces merveilleux comédiens dans des textes inoubliables et revisités sans cesse aujourd'hui, il m'a insufflé l'enthousiasme, la curiosité, le spleen et la joie, le bonheur. Je n'ai pas eu l'occasion d'aller au festival d'Avignon aussi souvent qu'il aurait fallu, je le regrette, mais les spectacles que j'y ai vus, je ne suis pas prête de les oublier ! Les coups au cœur  pour  Shakespeare, Molière, Marivaux, Beaumarchais, André Gide, Pirandello, Corneille, Bertolt Brecht et tous les autres... Merci !!

Quand je me suis retrouvée dans cette cour, seule, j'entendais encore des voix...


   La cour d'honneur !!

Après avoir monté et descendu toutes les marches du Palais,  je suis restée un moment dans le vide de la cour d'honneur, je me suis assise dans un petit coin, près des boulets des catapultes, j'étais avec Jean Vilar, je ne pouvais rien inventer de plus beau... De plus sonnant et trébuchant !


Les boulets retrouvés dans des fouilles successives du Palais

Tout s'est poursuivi en famille, les belles places, les cafés pour les boissons chaudes, la bonne odeur vanillée des crêpes, on se donnait rendez-vous pour le thé, le petit chien de mon frère et de ma belle-sœur profitait de tout avec sa queue qui frétillait...




Les places,  rues, jardins qui nous ont vus passer !

Quelques jour sont toujours trop courts, mais j'avais remis la clé dans leur serrure, renoué des dialogues autrement qu'au téléphone, textos sur textos, le compte n'y était pas...  Restait à calculer un retour possible, à la belle saison peut-être ?

À bientôt les amis, pour (presque) tout ! Passez une belle fin de semaine, je vous embrasse.

8 commentaires:

Enitram a dit…

Une belle balade que tu nous commentes avec précision et passion !
J'étais venue à Avignon, il y a 40 ans et je n'avais pas vu cette belle chapelle ! Tes souvenirs du théâtre de Jean Vilar me font rêver ! Jamais vu non plus ! Quelle chance !
Belle fin de semaine !
A bientôt !

Danielle a dit…

Enitram il est encore largement temps de revoir toutes ces belles choses en Avignon, un jour de manif, où le ville est déserte, toute autour des remparts... Ou alors en jour normal c'est beau aussi.

Jeans Vilar j'ai tout vu de lui, c'était un peu mon idole ! Il m'a filé ce coup de folie des arts vivants, toujours vivants pour moi...

Merci Enitram, à très bientôt, je t'embrasse du soir.

Marie Claude a dit…

J'ai retenu pour visiter le palais des papes,se tenir informé d'un jour de grève😉...
Heureuse de voir tes photos car je n'y suis jamais allée,cette chapelle restaurée est magnifique!
Je vais y revenir en détail!
Bravo pour l'escalade des marches mais le spectacle en valait la peine.
Ces tablettes complètent bien la visite.
Quand on est à Avignon,c'est sûr l'âme du grand Jean Vilar créateur de son festival,plane....
Un beau W.E chère Danielle et des gros bisous ensoleillés du matin.

Danielle a dit…

Hihihih !!!! Oui Marie Claude tu as tout compris, il faut attendre un jour de grève !!! :-))

Oui, ce Palais papal est magnifique !C'est le plus grand palais gothique du monde ! J'ai pas regretté mes ascensions ou mes descentes...

Quand je suis dans la cour d'honneur, je rend les honneurs à tous les comédiens, danseurs, musiciens... qui nous donnent tant de bonheur...

Toi aussi Marie Claude, passe un bon WE, plein de belles choses.

Bises du soir.

siu a dit…

Voilà que la grève c'est OK aussi pour visiter les musées (pas seulement pour l'autoroute à péage... ;-))
Et toi tu mérites vraiment une medaille, pour avoir monté (et descendu...) toutes ces marches !
Tes photos, tout comme les autres que j'ai vu (n'ayant jamais été à Avignon) me font voir un Palais des Papes sans doute ravissant, et au mème temps sévère, austère dans cette grandiosité impressionnante qui intimide presque... je crois que c'est aussi une espèce d'effet d'entrainement qui des remparts glisse jusqu'au Palais... mais je dis n'importe quoi probablement ;-))
Et toute ma honte en déclarant que je ne connais pas Jean Vilar : voilà l'occasion pour exploiter la toile et faire de belles découvertes...

Je te souhaite une excellente fin de semaine, chère Danielle (en mème temps que je me demande si dans ton prochain post tu vas nous parler d'Avignon ou de Paris... ;-))
Je t'embrasse très fort du matin !

Danielle a dit…

Ah ! Merci chère Siu, merci de me décerner la médaille d'escaliers, j'en suis fière :-)) Non, non tu ne dis pas n'importe quoi, les remparts ont le même âge que le palais des Papes ils ont donc un air de parenté !!!

Ah ! Jean Vilar, le grand inventeur du théâtre populaire, il était acteur, metteur en scène et chef de troupe (TNP) !!! Tu vas faire connaissance avec un grand homme :-))

Me revoilà à Paris et déjà il m'entraîne...

Passe une bonne fin de soirée et un bon dimanche, je t'embrasse fort.

liliforcole a dit…

Rare moment

Sept heures passées de l’après-midi.
La Cour est calme.
Nous sommes quelques-uns assis autour de Vilar.
Silencieux, détendu, jambes allongées, lunettes relevées, il songe…
Tout à l’heure du bout des lèvres, à peine,
Il a formulé quelques remarques, émis quelques conseils…
Déjà ailleurs…
Il semble satisfait de la répétition,
Entamée dès quatre heures sur le plateau encore brûlant.
Il fallait reprendre quelques passages de scène.
Il nous guidait par touches légères comme il sait le faire…

Le grand soleil a basculé du côté des rives du Rhône.
Il accroche de l’or à la crête des murs.
Le ciel pâlit.
L’ombre se coule et emplit lentement la Cour.
Les teintes délicates se nuancent comme des fleurs.
Parfum de bois, de pierre chaude…
Tout à l’heure, au crépuscule,
La marée montante du Public viendra bruire près des grands murs
Et bourdonner sous la voûte d’entrée.
Ils entreront dans un murmure heureux.
Le soir, comme retenu, descendra peu à peu…
La lumière, discrète, prendra, délicatement, le relais du jour…
Et nous entrerons tous ensemble au séjour de l’Imaginaire…
Pour l’instant, le temps semble suspendu… Rêvons…
Dans un silence étrange, Vilar exhale cette phrase,
Comme s’il caressait en souriant les mots :
« C’est l’heure délicieuse ! »

Georges RIQUIER

Danielle a dit…

Merci Liliforcole, merci !

Je me souviens avoir eu en poche, dès la rentrée scolaire, au début de l'automne, le carnet de places qui me permettraient d'aller voir au TNP TOUTES les pièces (une douzaine il me semble) de la saison... Au Théâtre de Chaillot (Palais du Trocadéro), sous les trompettes de Maurice Jarre pour accueillir le public peu avant les trois coups... Tout était parfait, je me souviens encore des costumes des pièces de Molière, tous taillés dans des tissus genre, teintures naturelles, sobres, que je trouvais merveilleux, à l'époque on disait "d'une esthétique dépouillée". Ce sont les textes, les acteurs qui brillaient ! Jean Vilar privilégiait les grands textes classiques et proposait des auteurs inconnus...

Rares moments !

Bon dimanche, bien cordialement !