lundi 15 novembre 2021

Le Berry... Les gens... Bonjour, bonsoir, les petits bouts d'histoires... Épisode 9, et fin de la saison unique !

Promenade du soir au bord de l'eau dans la région naturelle de la Brenne

Pendant mon séjour dans le Berry, des gens, j'en ai croisés, des petites histoires, j'en ai entendues, souvent passionnantes : avec des gens étrangers à votre vie, on peut se laisser aller, pas de retours de bâton, juste des instants en suspension qui souvent font du bien. Écouter, parler, le petit jeu de la conversation ping-pong en vaut la chandelle, aucun danger, on n'est pas appelé à se revoir, à se côtoyer, rien à craindre. Cette liberté est bien agréable pour la vérité, souvent on peut dire franchement ce que l'on pense, il m'arrive de retrouver des bribes de mon histoire personnelle, et au lieu de m'embêter, elles m'intéressent, ça m'aide même beaucoup, je me dis : réfléchissons, voyons voir...


La petite porte en bois, rescapée...

Je l'avais retrouvée, immédiatement reconnue, mais oui, c'est F. devant la porte du kiné où on faisait la queue, on venait de toutes parts chez lui pour se faire papouiller le squelette. Elle était tellement mince qu'elle sentait à travers sa cuisse la réparation de sa hanche faite six mois plus tôt : je sens comme un bout de ferraille, je m'inquiète. Fugitivement, nous avons pu nous dire trois mots, mais : excusez-moi, c'est l'heure de mon rendez-vous. Je la sentais fébrile : dites-moi vous allez bien, à part votre hanche ? Oui, ça va, pas trop de changement, ça m'est tombé dessus, en six mois c'était réglé, il a fallu m'opérer, j'vous laisse, c'est mon tour. Je ne l'ai jamais revue du séjour, je n'ai pas eu le courage d'affronter la route pour aller la retrouver dans son univers, son petit lieu-dit de deux, trois maisons, il fallait croiser trop de voitures, j'avais peur, maintenant j'avais peur, plus peur qu'il y a deux ans... Je lui avais pourtant dit : j'irai vous voir... Il y a deux ou trois ans, elle m'avait parlé de sa vie de recluse, dans sa petite maison pleine à craquer, où elle m'avait invitée à boire un verre d'eau, elle avait juste les canards et les poules pour lui tenir compagnie ! F. ne se plaignait de rien, chez elle, pourtant, tout ressemblait encore au 20e siècle, pour rien au monde elle n'aurait quitté les lieux, ou aménagé plus confortablement sa maison, pas d'argent ? Pas d'envie ? Pas de goût de vivre ? Souvent, je l'avais vue triste...


L'échelle est posée au pommier sans pommes...

Je n'ai pas pu revoir Yolande, je suis passée cent fois devant chez elle, les fenêtres étaient toujours fermées, je ne la voyais jamais prendre le thé au soleil, elle était bien âgée maintenant... Je n'ai pas pu surmonter les aboiements de son chien noir, à l'entrée de sa maison. Plusieurs fois je me suis approchée de son portail, mais le chien noir me sautait dessus derrière la grille, méchant, pas méchant, les chiens gentils quand ils aboient me font peur aussi... J'avais pourtant dit à son fils : j'irai voir votre mère... Encore une promesse non tenue !


Autour de la mangeoire

Aïe ! Monsieur L. n'était plus sur sa petite parcelle, tous les volets de sa maison berrichonne typique étaient fermés, poules, oies et canards avaient disparu, ses beaux noyers poussaient sans noix, un peu grandi peut-être, le petit jardin fleuri, jardiné, était devenu tout gris, avec les mauvaises herbes. Le lieu-dit est en train de changer de main, monsieur L. était maintenant dans un Ehpad... Il y a deux ans, il m'avait dit que l'orme qui était au coin de sa propriété repartait à fond, il ne comprenait pas du tout pourquoi cette soudaine survie... Les ormes par ici sont victimes de maladies depuis des années... L'orme de monsieur L. est mort cette année, sécheresse, tornade de juin, gel, on ne sait pas ! Monsieur L. n'était pas bavard, il traînait volontiers dans son jardin, les conversations pouvaient aller bon train : et celui-là, Monsieur, vous l'avez planté quand ? Moi, je voulais que par ici tous les arbres aient de la bouteille. Bah ! C'est mon père qui l'a planté quand j'étais jeune encore, calculez... Pas centenaire alors ! Mais gentil comme tout...


Retour au champ

Dans la campagne, il y avait aussi des histoires puissantes, qui parlent de "savoir vivre" dans ces petites maisons berrichonnes que je photographie avec plaisir. La vie n'était pas facile, deux pièces, deux fenêtres, deux portes, et une petite lucarne en toiture, les appentis construis pour les animaux au fur et à mesure des besoins (poulailler, le cheval, le porc...) Encore regardées, recherchées, réhabilitées, témoins d'un passé inventé, idéalisé, conservées comme monuments historiques, personne ne voudrait y revivre "comme dans le temps", les gens qui y habitaient ne roulaient pas sur l'or. Dans le lieu-dit où je suis, il en reste plusieurs et certaines sont visitables, il suffit de pousser la porte... On se demande, avec nos yeux d'aujourd'hui, comment les gens pouvaient supporter cette vie-là... Ils pouvaient...


Le four à pain devant, le moulin derrière, comme on dit : "être au four et au moulin". 
Je comprends !

Mon ami m'a raconté ses aventures, ses difficultés, ses misères, aujourd'hui inimaginables : premier labeur à 8 ans (garder 30 vaches sans clôture, les emmener et les ramener), à 12 ans il faisait "la tournée" avec une charrette à cheval pour ramasser le lait dans les fermes alentours. Il m'a raconté aussi des histoires drôles : bricolage et pose de collets sur le parcours des lapins, toute une science pour ramener des lapins en douce, et quelle rigolade : tu sais, "braco" c'était un métier, je gardais soigneusement mes secrets de fabrication, je n'en parlais à personne. Après le verbe, l'action, j'ai eu droit en une leçon de moins de 10 minutes, à la fabrication d'un collet, directement sur l'établi, en moins de temps qu'il n'a fallu pour le dire, je l'avais en main... Aujourd'hui la myxomatose fait encore beaucoup mieux, il ne reste plus une queue de lapin qui traîne, quelques garennes et encore... Les chasseurs ne sont pas à la fête, tant mieux !


Le petit bois de chênes

Je questionnais sans arrêt, et là c'était comment ? Et ici encore ? Une vraie boîte à questions à laquelle tout le monde se prêtait avec tellement de gentillesse... J'avais même organisé une visite guidée autour d'arbres remarquables, pour des gens qui étaient pourtant natifs du coin... Nous avons tous bien ri et apprécié de nous retrouver sous les grands chênes, saules éventrés et toujours vivants, plus que centenaires, exaltants... Je faisais mon petit boulot de touriste avec joie ! Je voyais ce qu'ils ne voyaient plus, et nous avions le plaisir de découvrir ensemble ces beautés de la nature. Une fois devant les arbres, ils pouvaient bien mieux que moi leur donner un âge...


L'étang et la petite maison de thé

J'ai croisé la propriétaire du beau moulin du bourg : mais oui bien sûr, venez quand vous voulez prendre des photos, même quand je ne suis pas là, merci, merci ! Pour les photos, il a fallu que j'y aille souvent, il fallait bouger avec le soleil. Je me suis retrouvée dans cet endroit de rêve aussi souvent que je le voulais, la chance ! Surtout Évelyne, je vous en prie, ne coupez pas vos arbres, en deux temps trois mouvements nous avions échangé nos prénoms sans façon, elle m'avait dit : il faut que je fasse un peu de ménage ici, couper ici, et là. La malheureuse, voilà des dizaines d'année qu'elle résidait dans cette superbe propriété, et en cinq minute, toutes les permissions m'avaient été accordées, sur ma bonne mine : photos, noix et repos, visites illimitées. Moi j'aime bien les visites, m'avait-elle dit, je suis seule tellement souvent... Un échange promptement mené, une gentillesse extrême, je ne l'ai pas revue du mois... J'ai adoré voir le soleil décliner chez Evelyne...


Toujours grandiose chez Evelyne

Danielle, voulez-vous que je vous emmène voir un autre moulin, il a encore sa roue ? Avec plaisir, monsieur T. Et hop, par ici la bonne soupe ! Le moulin du 19e siècle s'apercevait  de très haut, aucune possibilité de faire la moindre photo, pas du bon côté de la roue, que finalement je n'ai jamais vue... Splendide ensemble 19e (vu d'en haut, de loin et de côté), le moulin, situé au creux d'un vallon vert, était maintenant habité, il vivait sa vie de maison secondaire au bord de la rivière. Monsieur T., qui n'avait pas voulu s'aventurer par la voie principale dans la propriété privée, au risque de rencontrer le propriétaire qu'il connaissait très bien et était très gentil (mais à qui il n'avait pas demandé la permission), nous avait fait prendre un chemin de traverse, d'où on ne voyait pas grand chose !!! Un peu frustrée, je l'ai remercié tant et plus... Merci monsieur T., très sympa de m'avoir emmenée voir ce très beau moulin... Plusieurs fois il m'avait invitée à prendre "La photo", mais rien à faire, j'avais le soleil dans le yeux, rien de faisable, je faisais semblant de cliquer... Ça marchait très bien, il était très content de la petite course qu'il avait faite pour me faire plaisir...


Le hérisson timide !

J'ai souvent pris le thé dans une propriété voisine et accueillante, pas très loin de mon fief : conciliabules, photos, potins du jour, tout l'agrément des rencontres avec des gens de ma génération. Une fois les problèmes de santé évoqués, nous parlions beaucoup de la nature, des arbres, des beautés historiques du coin, de l'épicier qui avait toujours des poireaux qui ressemblaient à des queues de vache... Danielle, vous venez quand vous voulez, cueillez donc les noisettes, profitez... Reposez-vous sous les arbres... Ce que je faisais...  De sa fenêtre, dès qu'elle m'apercevait, au plus loin dans son grand parc, me faufilant comme un écureuil avec mon vélo à la main, elle me faisait des grands signes : Danielle, venez prendre le thé ! Je ne me faisait pas prier... J'ai aimé ces moments de réchauffement entre amis...


Le grand tilleul haut comme un immeuble

Près des petites vigne,  dont une seule avait été vendangée depuis peu, et l'autre abandonnée faute de combattants, j'ai rencontré un ramasseur de châtaignes avec son petit-fils, il avait posé ses deux fusils (cassés) de chasse par terre et sorti son sac poubelle pour le glanage... Nous sommes restés en admiration devant ce mastodonte plus que centenaire un peu abîmé par le vent, la sècheresse, la vieillesse, la fameuse tornade... Les châtaignes étaient tombées par centaines à ses pieds... L'enfant se réjouissait de les faire griller... Le grand-père, berrichon de toujours, employait des mots du terroir que je ne connaissais pas... Passionnant !

Le petit noyer "tornadé" de cette année, je l'avais bien connu de son vivant

Rencontré également un cueilleur de pommes, service rendu à un voisin trop âgé pour le faire, cueillette également pour un propriétaire de la région parisienne, remonté sur la capitale en lui confiant les clés... Servez-vous, madame, choisissez... J'ai choisi une belle reinette bien croquante... J'avais remarqué que les voisins des maisons à volets fermés gardaient un œil bienveillant sur ces maisons délaissées un temps...


La compote

J'ai vu le loup le renard et la belette... Cette année, je n'ai pas fait attention aux chants des oiseaux, pas eu le temps... J'ai regardé sans cesse les travaux de jardinage entrepris chaque jour par mes amis pour garder leur espace dans la beauté de chaque saison, un travail à plein temps, j'étais tout le temps dans leurs pattes, la boîte à questions en action... Quelle chance !

Voilà comment se termine un séjour de six semaines couronné de succès dans le Berry, j'y pense tous les jours...

Mes amis à bientôt pour d'autres aventures plus  urbaines... Prenez soin de vos masques et gel, il y a du virus dans l'air, je vous embrasse...


10 commentaires:

FRANKIE PAIN a dit…

ta generosité fait plaisr à voir à lire et voir et entendre
ton chamant herisson et tes vue. je m'invite à ta compote. ON dirait que vous pommes se preparent pour un jeu d'échec
je vus salue grande dame

siu a dit…

Nature, et encore nature... Et rencontres et échanges...

Quoi désirer de plus?

Je te souhaite quand mème une belle soirée citadine :-))

Danielle a dit…

C'est vrai Frankie, j'ai pensé au jeu d'échec pour la compote !!

Merci, pour votre intérêt qui me touche.

Le hérisson s'est caché derrière son petit doigt à chacun de mes pas !!!

Moi aussi chère Frankie je vous salue bien amicalement.

Cordialement.

Danielle a dit…

Siu, tu as tout dit en quelques mots, très beau raccourci, grâce à mes petites publications j'ai passé en revue tout mon séjour en Berry, j'ai retenu la beauté de la nature, encore et encore... Vivement l'année prochaine...

Toi aussi passe une belle soirée italienne...

Je t'embrasse fort.

Marie Claude a dit…

Dernier billet très beau à lire malgré un peu de nostalgie...
La vie était rude avant et les gens ne se plaignaient guère, nous pourrions prendre des leçons...
Tu as échangé de bons moments, j'ai bien ri pour ta visite au moulin que tu as pu à peine deviner...
Tristesse pour cet orme qui avait repris de la vigueur, les "colères" de la nature n'épargnent rien.
Encore merci pour cette belle balade berrichonne.
Nous allons attendre ton prochain post urbain...
De gros bisous du matin

Gine a dit…

Je me suis réservée mes heures du matin pour lire - en deux matins - tes vacances campagnardes. Je suis sous le charme, des balades, des photos, des textes, des rencontres... Merci pour ces délicieuses chroniques !

Brigitte a dit…

Quel beau séjour nature et échanges étaient au rendez-vous ...Et toujours ta jolie façon de raconter et des photos superbes !
Merci pour tout cela
Bises du jour

Danielle a dit…

Chère Marie Claude merci, je suis si contente d'être aussi bien lue...

J'ai la tête grosse comme une citrouille, il faut caser le Berry et l'Urbanité ! Quel boulot !

Je t'embrasse du soir, à très vite.

Danielle a dit…

Oh ! Gine merci pour ta petite réserve de temps passé entre mes lignes et mes images :_)))

Contente, contente !!

Bises du soir à toi.

Danielle a dit…

Chère Brigitte, je me réjouis du plaisir que tu prends à mes merveilles, merci à toi !!

Je t'embrasse fort ce soir, à très bientôt.