La paille
Tous les jours, je m'applique à réunir les dernières affaires à emporter à la campagne, tous les jours je constate qu'il me manque une broutille, malgré la liste hyper pointue, cochée et recochée, il me reste toujours deux ou trois choses à terminer... Ainsi passent les jours de bouclage !
Une course par ci, une autre par là, le bus, le métro, pour un rien je prends les transports en commun et je file sur le Grand Canal, comme à Venise, ces images sont toujours en moi, j'ai gardé ses paysages au bord des yeux, ils me collent à la peau. Je décortique les stations sur mon beau plan du Grand Paris, puisque maintenant, il faut voir les choses en grand, très grand, trop grand ! Si je descends là, j'ai beaucoup à marcher, à cet arrêt-ci, j'y suis presque... Et qui sait, je vais encore découvrir quelque chose, cent fois regardée à la dérobée ?
Quel bonheur de glisser entre les mots des gens qui passent, toutes les histoires sont à construire, je suis une chipeuse de sons, de paroles, d'expressions, je regarde aussi beaucoup !
J'ai remarqué :
Qu'il y avait beaucoup de fleurs sur les balcons des maisons, mais pas assez, beaucoup de circulation pour un mois d'août ! Que les gens étaient imprudents avec leur masque, tantôt sous le nez, tantôt sous le menton, bien accroché aux oreilles, la peur des contrôles rend les mascarades pitoyables ! Calme-toi Danielle, tu ne fais pas partie de la police montée...
Les chauffeurs de bus bien emmitouflés derrière leur cabine de plexiglas faisaient comme ils voulaient, un coup oui, un coup non, mais répondaient toujours à mon : bonjour monsieur (rare sont les femmes). Même moi, le masque me fait perdre la tête, au sortir d'une visite d'église : ah zut ! J'ai perdu mon masque, zut, zut, zut, il va falloir que je trouve vite fait une pharmacie ou un petit magasin, contrariée d'être dérangée dans mon élan "touristique", je bougonnais... J'avais fait le tour de mon sac, de mes poches, non, il n'y est pas, pardi bien sûr, je l'avais sur le nez ! Je fais pareil avec mes lunettes, qui pèsent 12 grammes sans l'étui...
J'ai remarqué aussi qu'il y avait beaucoup de gens, beaucoup plus qu'avant, qui avaient construit leur appartement directement sur le trottoir, j'en ai vu qui faisaient leur lit dans les porches des magasins fermés... Ça me serre toujours le cœur...
Et mon vélo
Tiens, il faudrait que je me fasse cette rue-là, elle a l'air chouette, pleine de petites boutiques comme je les aime, une église sympa, un beau square, de jolies terrasses agrandies par le Covid, (c'est bien la seule chose de positive qu'on lui trouve à celui-là) : les cafés, les restos on vraiment pris leurs quartiers d'été et d'automne probablement, les terrasses chaussent plus grand ! Il faudra que je me souvienne de l'endroit, deuxième à droite, première à gauche !
Tous les jours, dans les bus, je trouvais une place assise, celle que j'affectionne le plus, près de la fenêtre, dans le sens du paysage, même si je fais que quelques stations, c'est ma préférée, maintenant que j'ai des cheveux blancs on ne peut pas me la contester, c'est ça aussi, le bénéfice de l'âge !
Et les mûres(murs) :
Avoir un genou traînant, ça aide, je ne fais pas la route en courant, prête à tout écouter, je mets mon micro (connecté à mon cerveau) en marche, quand je m'approche des gens qui parlent assez fort, j'arrive à capter un petit bout de l'histoire :
En passant près d'une terrasse : "Tu comprends, c'est juste un petit branleur, il a 19 ans, tu vois, et il veut rien foutre, comment je fais, moi ?" Les deux hommes avait terminé leur repas, pris le café, la discussion s'était arrêtée là... Père, employeur, tuteur, beau-père, désespéré ? Ce jeune-là n'avait rien pour lui, les paroles étaient dures : branleur, j'm'enfoutiste, borné... Rien pour plaire, le gars, ça démarre mal pour lui, j'espère qu'il va grandir vite pour se retrouver dans le peloton de tête... Encore une histoire qui commençait toute cabossée, elle partait en vrille...
Sur le bord du trottoir : Près du Palais de la Femme (centre d'hébergement de l'Armée du Salut, construit en 1910), deux femmes discutaient, mais manifestement pas paisiblement, l'une portait un enfant dans ses bras, l'autre en tenait un par la main : "Ils m'ont laissée tomber, tu imagines, avec les deux gosses, ils n'ont pas été gentils, maintenant je ne sais plus où elle est, elle était vraiment sympa pour me dépanner"... Elles parlaient fort entre elles, et j'en déduisis que la vie n'était pas marrante ni pour l'une ni pour l'autre, je pouvais un peu imaginer l'histoire, la recherche d'hébergement, la galère, la misère avec des enfants sur les bras !!!
À l'arrêt de l'autobus : Bonjour madame M., vous allez bien ? Oui, oui, très bien, et vous ? Pas de soucis avec votre santé, pas contaminée ? Si, ne m'en parlez pas, j'ai été bien malade comme un chien, hospitalisée, sous respirateur, j'ai passé un sale quart d'heure. Ah, quelle tristesse ! Oui, ça fait huit mois maintenant, je ne vais pas encore trop bien, je perds mes cheveux, j'ai mal encore dans les bras, je suis fatiguée, moi qui n'avait jamais rien eu jusqu'à présent, j'allais bien, bien, et voilà, quel dommage, quel dommage ! Sa vie était toute ratatinée depuis qu'elle l'avait attrapé... Mais parlons d'autre chose, et vous ça va ? Oui, très bien, quelle chance j'ai, prenez courage madame M., ça va passer, c'est trop long, je suis si contente de vous avoir rencontrée, prenez patience... Son histoire triste m'a trotté dans la tête, je la connaissais depuis toujours, pétillante, optimiste, rieuse, on pouvait dire d'elle qu'elle trottinait et non "marchait", rapide, pressée, elle avait toujours le sourire, je la saluais souvent, l'air du temps lui allait bien, elle respirait la joie de vivre... Pourtant, elle avait eu le deuil de son mari qui l'avait mise un bon moment bien en dessous du niveau de la mer, elle avait dû beaucoup nager pour revenir à la surface... "Prenez patience", que j'avais dit, mais comment faire pour retrouver la joie ? Vite !
Dans le métro : Elle se tortillait un peu, jeune, jolie, cheveux à la Botticelli, peau noire claire, elle répondait au téléphone sans enlever son masque : oui, bien sûr madame, pas de soucis, je comprends, je serais là, mais ce qui me gêne un peu, c'est de reprendre à 18h... J'ai imaginé qu'elle discutait avec une employeuse ou une agence d'emploi, et je me suis dit tout de suite : comment va-t-elle faire pour ne pas reprendre à 18h, est-ce que ça va être possible ? Tout le reste avait coulé de source, mais avec : "ce qui me gêne un peu", comment allait-elle s'en débrouiller ? Comment tenir bon sur un point aussi crucial ? Je suis descendue à la station suivante...
Les mûres
Maintenant, je n'y reviens plus, je pose mon crayon et ma gomme, je débranche, j'abandonne tout le monde, je vais me concentrer sur la campagne, je reste connectée et je fais tout à vélo... Avec prudence, bien sûr !
Mes amis fidèles, mes hasardeux, je vous embrasse, portez-vous bien bien... À Bientôt, pas trop tôt...
14 commentaires:
Imagine, ma chère Danielle, quelqu'un qui se prépare à traverser... je ne dis pas un désert, mais quand mème un terrain où il ne pourra plus compter sur une fréquentation très sympa qu'il aime bien, et le pauvre ne peut compter que sur une seule bouteille d'eau... Et bien ma bouteille d'eau c'est ce dernier billet avant ton départ, voilà pourquoi j'ai regardé seulement les quatre belles photos des pailles et des mures, mais n'ai pas lu le texte: je le garde comme de l'eau précieuse et pour le moment j'essaie de résister à l'envie... Tu peux sourire, en effet j'exagère un peu... ;-)) mais il y a un peu de ça dans mes pensées à l'idée que tu vas nous manquer assez longtemps.
De tout mon coeur je ne peux que te souhaiter un excellent séjour dans ton Berry: des journées pleines et intenses et au mème temps... balsamiques. ça te va? :-))
Nous tes lecteurs t'attendons ici... Super gros bisous de bon voyage!!
Ah chouette,je suis "passée" à tout hasard,l'habitude sans doute et encore un billet!!!
J'espère que ta valise est bouclée sans oubli, je connais cela toujours la crainte d'oublier un article "indispensable"..
Toujours une oreille attentive aux bribes de conversation que tu peux glaner par çi par là et ensuite tu nous racontes!!
Profite de ta campagne berrichonne, notre attente va être longue mais nous savons que tu vas être heureuse.
De très gros bisous du matin sois très prudente .
Oui chère Siu, ça me va très bien... Balsamique !
Ce matin, justement j'ai entendu que François d'Assise écrivait dans un récit très ancien : "que la nature gouvernait les hommes" et j'ai pensé qu'il était "moderne" sur cette façon de voir au 13e siècle...
Merci, pour ton attente... Merci pour ton intérêt...
La campagne va m'emballer ! Il faudra aussi que je reste très prudente sur mon vélo !
À très bientôt, toi aussi, Siu, profite de tout ce qui t'entoure. Je t'embrasse fort.
Merci au "hasard", je suis bien contente !!
Chère Marie Claude, je vois que tu connais parfaitement "la musique des bagages" les bribes de conversation sur la portée de la vie, nous en disent peu et long à la fois !!
À très vite chère Marie Claude, merci de m'accompagner avec tes recommandations de prudence :-))
Je t'embrasse très fort ce matin.
Vous lire est un régal , « tablette de buis » à la Pascal Guignard, c’est juste precis , et la rue parle d’elle-même avec le paradoxe des phtoos de votre futur voyage. Et ces listes qui se cochent recouchent ect
Merci de votre plume et de faire parler les gens avec respect
Bonheur bonheur quelle joie que vous visite ainsi je vous decouvre et vous lis. Merci
Les phtos sont très inspirantes.
Frankie Chère Danielle
frankie
Merci Frankie Pain tous vos mots sont encourageants et je les prends intégralement dans mon cœur !
Je ne sais pas pas comment vous m'avez "récupérée" mais je m'en réjouis...
À bientôt entre mes lignes en revenant du Berry... Je vais provisionner les sensations et les enthousiasmes... à partager !
Bises du soir.
Profite bien de ton échappée berrichonne Danielle
J'espère que mûres, pommes et noix seront au rendez-vous car dans la campagne lorraine, ils sont rares
A bientôt
Anne-Marie
Merci chère Anne-Marie, je profite Je profite, déjà fait une tarte aux mûres...peu de fruits...j'attends les noix...
Je t'embrasse très fort
A très vite pour un billet berrichon ! Je te souhaite des mûres ,des noix ,des pommes à profusion .
Bises du matin
Chère Brigitte, Coucou, les billets berrochons se dessinent !
Mais la publication n'est pas pour tout de suite...pour l'instant je cueille des mûres avant la pluie :-))
Vite, vite...
Je t'embrasse très fort.
Bonne cueillette ,c'est ce que je te souhaite . Elle l'était?
bises du soir orageux
Oui Brigitte très bonne pioche, mais il est grand temps, car les mûres trépassent sous les nuées de mouches...
J'ai réussi néanmoins à cueillir de quoi faire l'ultime petite tarte, très bonne.
Maintenant je reprends mon vélo avec prudence...
Je t'embrasse fort.
Voici un nouveau post tellement juste et pourtant indulgent. Le temps passe, aurai je celui de lire tes écrits précédents? De retour de Venise j'y retourne la semaine prochaine avec le Valentin-, les mois s'enchainent, je n'arrive plus à regarder par dessus l'épaule, les jours s'enchainant avec leurs faits divers, et variés.Un petit Livio a agrandi la famille durant la période Covid, le voir a été moins facile que pour le Valou. On tient la rampe comme on peut, avec prudence il est vrai, comme tu sembles le faire.Les saisons restent mes seuls repères, et les anniversaires!
Des journées à la campagne seront sans doute propices à de nouvelles émotions savoureuses, elles par contre nous marquent plus qu'avant, l'avant étant le temps de notre jeunesse. Porte toi au mieux, profite de l'air et des silences ponctués de bribes de mots chapardés ici ou là. Les oiseaux savent s'exprimer eux aussi! Mère Nature nous accompagne alors, à sa manière. Caresser les écorces d'arbre, frôler d'une main paisible les herbes folles, un grand plaisir. Parler aux abeilles aussi!Des jeux que chacun interprète à sa façon ... brassées de bises, avec l'écrit cela ne risque rien! Mina de Sclos
Merci chère Mina pour ton long message, et toutes tes bonnes nouvelles me réjouissent !
Regarde quand même un peu par dessus ton épaule ;-))même si je connais ton énergie infatigable !
Je rentre juste de mon Berry, mais je fais attention à ne pas casser mon rythme de la lenteur acquis en Berry, pour la région parisienne!!! Bon Venise dans tous les sens !!!
À très vite chère Mina, je t'embrasse fort.
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