Dès le début de mon séjour, je l’avais rencontrée à l’enterrement (voir post 1), encore triste. J’étais retournée la voir chez elle et nous avions repris notre conversation de l’année précédente : comment faire pour lui redonner confiance, pour retrouver l’envie de vivre ? Après la visite de sa belle maison, où pourtant elle ne se trouvait pas bien, j’avais admiré toutes les belles choses qu’elle faisait : broderie, peinture, couture, compositions florales. Devant un verre d’eau, elle n’avait pas eu l’idée de m’offrir un thé, pas le temps, il fallait qu’on parle. Depuis la mort de son mari, elle était triste à perpétuité... J’ai une idée, M., si tu changeais tout dans ta salle de séjour, "son fauteuil", le canapé trop loin de ta télé, la table, tout... Pour fabriquer une pièce à toi ? Tu devrais faire un plan, y réfléchir, tu pourrais te faire aider au besoin. Qu’en penses-tu ? Oui, peut-être ! Tu sais, M., le souvenir de ton mari jamais ne disparaîtra, il est au fond de ton cœur pour toujours, mais malgré son absence, maintenant, il faut que tu continues à vivre, tu veux ? Oui, il faut... Et puis la conversation reprit son cours sur la pluie et le beau temps, sur le jardin recyclé en pelouse depuis qu’il n’y pousse plus les poireaux et les salades. M., je peux cueillir quelques pommes de tes pommiers pour manger avec mon boudin demain ? Mais oui, viens donc ! Je suis repartie avec trop de pommes et des grosses bises, fortes...
Le grand cyprès, entre deux eaux !
La nature me demande énormément d’attention, chaque petite virée en vélo est une bénédiction, je peux encore, quelle chance... Je prends toujours le chemin le plus long pour aller au bourg, j’agrandis le trajet le plus possible pour le retour. Le nombre de kilomètres ne fait pas partie de mes interrogations, ce qui m’intéresse, c’est ce que je vois, ce que je rencontre, surtout ceux que je rencontre, souvent je mets pied à terre : bonjour, comment vas-tu ? Pas difficile de tirer un bout de ficelle entre nous.... Ça marche à presque tous les coups !
Je me demande si je vais pouvoir retourner à l’étang avant mon départ, je guette un coin de ciel bleu assez solide pour tenir un après-midi, retrouver les lumières, les points de vue, toujours les mêmes, cadrés différemment, ça n’est jamais assez, jamais je ne me lasse d'un chemin...
Depuis que des voisins, pas loin, sont repartis vers la région parisienne, je rentre dans leur magnifique propriété, sans portail fermé, ouverte au quatre vents : tu peux y aller quand tu veux, tu fais comme chez toi ! Je photographie leur beau tilleul argenté, centenaire au moins, qui devient tout rouquin avant l’hiver. Et hop, je leur envoie la photo. Tous les volets sont fermés, les pots rentrés, le parc tondu de près... Je me sens seule, ils me manquent !
Le tilleul centenaire, après leur départ !
Je fais attention à tout depuis que je compte les jours avant mon départ.
À tout bout de champ je vais voir les poules, je regarde mon ami qui cette année, fin octobre, n’a pas encore fini d’élaguer les haies, il travaille dans le noir de son atelier à bricoler sur des machines : tronçonneuses, tondeuses, taille-haies... Tous les matins il se trouve un petit travail, pas forcément nécessaire, mais indispensable à son moral. Je vais le voir tous les jours, même deux fois par jour : tu fais quoi ? Il m’explique, plus lentement que l’année dernière, quelques fois même je l’aide, ça me serre le cœur, moi qui ne connais rien à rien de tout ce qu’il savait faire avec brio, maitrise, invention, dans une petite maison, ou un grand chantier. Cet artisan méticuleux, talentueux, devient vulnérable avec une méchante maladie, il fait durer le temps des petites réparations, et devient le bricoleur qui laisse traîner ses outils... Nous ne nous quittons jamais le soir, encore dans son atelier, où il termine son petit ouvrage, sans nous embrasser à pleins bras, avec affection : à demain, dors bien, fais attention à toi...
Les deux petites poules, la troisième est toujours ailleurs !
Bientôt viendra l'heure de partir de ce magnifique environnement, comment vais-je faire pour me passer de tout ça, les gens, la nature, les poules et les pommes, le silence et la beauté, la pluie et le beau temps, à ma porte, sur la pelouse, à toutes mes fenêtres, les arbres, les fleurs et les oiseaux, le ciel bleu ou gris... Tatouages indélébiles dans ma mémoire. J’interroge souvent mon téléphone sur le temps qu’il fera demain pour filer une ultime fois vers : l’étang, l’étang... Encore, encore une petite fois !
Mes amis, prenez patience, je suis lente depuis mon retour, il faut que je reprenne mon souffle à pied, j'ai retrouvé le métro, le bus, j'ai perdu mes repères... Suite au prochain numéro !!




2 commentaires:
Merci pour ce billet, chère Danielle, où tout est si beau, important et précieux : tes photos (quels arbres magnifiques..!), ton souvenir de ces paysages si chers et inoubliables, tes rencontres, tes pensées...
On ne peut que partager l'intensité de tes sentiments à l'égard aussi bien de M., dont on espère qu'elle va retrouver, sinon la joie, au moins l'envie de vivre, aussi bien que de ton ami bricoleur dont l'àge se fait sentir de façon presque cruelle... Et j'imagine que tes visites sont pour lui du baume au coeur.
Puis, pour finir, le tableau de ces poules assez sympas et en bonne santé qui pourtant semblent... décollées ;-))
J'attends le prochain billet en te souhaitant, chère Danielle, un beau week-end.
Et je t'embrasse fort de fort !
Merci chère Siu pour ce beau partage ! Le baume aux cœurs pour mes compagnons de route en difficulté, je l'espère bien sûr... Quelques fois même, j'ai l'impression que ça marche un tout petit peu, mais les paroles sont comme la mer sur le sable, il faut toujours recommencer... Ha ! les petites poules qui étaient trois, avec un seul œuf par jour pour le propriétaire désespéré :-)))) Nous faisaient bien rire...
À toi aussi un beau WE chère Siu, ici il pleut depuis le matin !!! Je t'embrasse très fort.
Enregistrer un commentaire