J'avais noté sur mon agenda, depuis longtemps, le passage de cette tisseuse du temps dans une galerie parisienne, toujours aussi inattendue, ses merveilleux tissages de fils, noués, tendus, enveloppants, qui dévoilent des mystères intérieurs... Je les adore ! Sitôt que Chiharue Shiota envahit un espace, il prend immédiatement tout votre cerveau. La première fois qu'elle m'avait sauté aux neurones, en 2011 (à la Maison Rouge, lieu fermé maintenant hélas !), j'avais trouvé ses installations uniques, d'une poésie touchante, captivantes et ineffaçables. Depuis je suis ses fils de couleur sortis de ses pelotes mentales. Elle incorpore "au fil" de ses fantaisies des objets qui disparaissent, suivant l'angle de vue, avec une infinie légèreté, la transparence de ses œuvres nous livre petit à petit ses obsessions. Dans ses fils, elle y cache des vêtements, des objets, des papiers qui tombent en cascade... C'est merveilleux ! Aujourd'hui s'y ajoutent des petites bronzes remplis d'inextricables fils de cuivre (?)
Elle explique : "À notre mort, notre existence se reflète dans nos vêtements et les objets qui nous entourent. L'existence dans l'absence : c'est un des thèmes de mon travail". Je rapproche cette intention du travail de Chiharu Shiota de que disait également le grand artiste Christian Boltanski de son œuvre : laisser des traces de la vie... Sa représentation de l'absence était si intense et touchante... Combien de fois ai-je eu les larmes aux yeux devant ces œuvres superbes, et très fortes émotionnellement !
L'exposition venait de commencer, tout était bien briqué dans la galerie, les pense-bêtes expliquant les œuvres et le parcours de l'artiste, impeccablement rangés sur deux piles : anglais/ français... Peu de monde, vraiment peu de monde, la chance de faire du corps à corps avec le travail de Chiharu dans le calme et la contemplation...
Chantal Akerman (allez-y voir sur Wikipedia) cinéaste belge (1950-2015) :
Je la connais depuis toujours, son style, ses histoires, ses lenteurs, ses plans presque fixes fascinent ou agacent. Je ne sais plus depuis combien de temps j'ai vraiment rencontré ses films, peut-être bien sur le Festival du Film de la Rochelle dans les années 80, que j'ai fréquenté pendant quinze ans. L'énorme film de cette cinéaste (détestée ou aimée) : "Jeanne Dealman, 23 Quai du Commerce, 1080... Bruxelles" (1975) dure trois heures et demie sans une miette d'ennui, un ravissement tout au plus, je l'ai vu plusieurs fois et chaque vision m'a permis de le re-découvrir en modifiant mon point de vue, ou apercevoir un plan que je n'avais pas vu la fois précédente... Une nouvelle plongée dans l'inconnu, comme toutes les belles œuvres d'art qui peuvent être regardées/lues à l'infini tellement elles sont riches de sens, d'émotion et de beauté, Jeanne Dealman est de celles-là... Un champ de fleurs, un beau ciel bleu nuageux, des vaches dans un pré jamais ne lassent, les perspectives du regard ou de la compréhension varient avec le spectateur. Jeanne Dealman est de cette trempe !
Depuis peu (2022), le film a été reconnu par l'une des revues (britannique) de cinéma, les plus connues au monde, Sight and Sound, comme : " Le meilleur film de tous les temps". Le film est revenu en salle le 19 avril, restauré ! Je m'y suis donc précipitée, plein de choses m'avaient échappées, le temps avait passé pour moi aussi, modifiant mes perceptions, bien sûr ! L'œuvre est splendide, émouvante, et éternelle... Chantal Akerman avait 25 ans quand elle a réalisé ce film. "Son élection tient ainsi du miracle dans une industrie encore dominée par les hommes, comme le rappelait Isabelle Huppert dans notre dernier numéro. Seyrig et Akerman ont réalisé, à titre posthume, le casse du siècle." (Les Inrockuptibles). Bravo !!!
Jeanne Dealman est une histoire simple (?) qui se passe sur trois jours de la vie d'une femme jeune qui se prostitue à domicile, chaque jour avec un homme différent, pour arrondir ses fins de mois et élever son fils adolescent, enfermée dans une vie répétitive, qui rythme invariablement les heures qui passent... Un jour, tout va de travers, la vie se dérègle. Et bascule vers le drame... Allez voir ce film et mettez-vous définitivement du côté du chef d'œuvre ! Vous verrez !
L'orchestre d'amateurs :
On y va ? Bien sûr, pas question de rater ça, musique italienne, deux chanteurs lyriques, l'itinéraire à plusieurs mains pour arriver à la salle, interrogation des passants du quartier, on finit par se retrouver dans un petit temple protestant qui aime bien la musique, entrée libre, participation aux frais à votre bon cœur... On se repère : ah, tu es venu ! Tiens, on est plusieurs de notre chœur, nous étions entre gens heureux, l'orchestre d'amateurs (une vingtaine de musiciens) non diplômés mais passionnés faisait plaisir à voir. Tous les musiciens avaient la banane, les doigts tremblaient un peu sur les instruments, les yeux rivés, un peu sur le chef et beaucoup sur les partitions, chacun avait le sourire et le trac...
À dire toute la vérité, de la musique j'en ai entendue de la mieux jouée, du chant, j'en ai entendu aussi du mieux chanté, avec de jolies voix, puissantes et enchanteresses, oui, c'est sûr et certain, mais du bonheur comme ça sur la figure de tous ces passionnés de musique, je ne l'ai jamais vu comme ça ! J'étais heureuse d'être là, au milieu d'un travail en commun avec un chef hors du commun, après le concert, j'ai su que les musiciens avaient eu seulement deux répétitions et un raccord de dernière journée pour se mettre ensemble, les chanteurs pareil, le chef (de conservatoire) à la retraite depuis un certain temps, avait réuni ses anciens élèves qui n'avaient pas joué ensemble depuis plusieurs années, pour un ultime concert, il avait écrit pour "chacun" une partition qui tenait compte des possibilités personnelles du musicien... Un chef sur mesure ! Plus d'hésitation...
Les applaudissements nourris après chaque morceau faisaient frissonner l'assistance de plaisir : bravo, bravo ! Le compte y était pour l'affection, la joie, l'illusion peut-être, mais avant tout la générosité ! Quelle chance de se trouver là, l'exploit était à la hauteur, la musique italienne annoncée tenait ses promesses, j'avais même oublié pendant deux bonnes heures, le drame du matin, le vol brutal de ma carte bleue à la billetterie... Et tous les problèmes qui arrivaient en ribambelle : la culpabilité de me trouver si bête, si inattentive, si crédule, si... Et le vol d'argent qu'il fallait "encaisser"... Les démarches tous azimuts à faire pour essayer de me faire rembourser par la banque, enfin bref, les galères du matin furent oubliées comme par enchantement par la chaleur de la rencontre musicale, merci les amis, si vous saviez !
L'amitié, le bonheur du groupe chasse bien des chagrins, des peurs, des colères, l'après-midi fut comme du miel qui coulait dans mes veines, pour me réconforter...
Mes amis, portez-vous bien, moi je fais tout ce que je peux, et ce n'est pas peu, je vous embrasse. À bientôt.
4 commentaires:
Merciiiii !!! chère Siu, tu sais, ce n'est pas trop difficile pour moi, d'écrire sur les émotions que me procurent les œuvres, en général, c'est vraiment ce que j'essaye de faire sur mon blog, allez au plus juste pour moi! Les artistes n'en disent pas souvent plus long sur leurs œuvres :-))
C'est vrai, plus que vrai, souvent, l'imperfection redonne des dimensions plus humaines... Surtout ne soyons pas parfaits...
Oui, j'ai mis tout en route pour récupérer l'argent volé... Attendons la suite...
Il fait beau, je n'ai pas été bousculée... Ouf !
Passe un bon WE chère Siu avec de belles choses à voir, à entendre, à aimer... À espérer !
Je t'embrasse fort, à très vite.
Chiharu je me souviens de l'expo au "bon marché" (qui ne l'est pas ..entre parenthèses!!)
Tellement originales ces oeuvres,un succès pleinement mérité,de plus tu as pu les admirer presque seule au monde..
Il faut avoir un réel talent pour réaliser un film si long sans lasser les spectateurs...
Cette réalisatrice s'en est allée bien jeune,apparemment elle l'avait décidé...un peu triste
Je n'ai pas vu ce film que j'ai noté.
Un bon moment ce spectacle,même si tout n'était pas parfait,les artistes ont joué et chanté avec tout leur coeur et transmis leur joie!
Mince, vol de ta carte avec tous les tracas et désagréments engendrés.Je repense à la perte de ton petit porte monnaie qui elle, avait connu une fin heureuse!
J'espère que tu vas pouvoir être remboursé...
Un joli WE chère Danielle malgré tout..avec de gros bisous esoleillés du matin bien sûr!!
Un petit coucou à Siu....
Oui Marie Claude tu as bonne mémoires pour le Bon Marché :-)) cette artiste a du temps devant elle pour nous rendre heureux avec ses œuvres...
Oui, les films très longs (quand il sont bons) sont comme des gros livres dont chaque ligne vous plait !
Oui, le petit porte-monnaie rouge quelle chance d'être tombé aux pieds de gens honnêtes !!! Une bénédiction...
J'attends avec impatience de raconter ma petite histoire à la police pour espérer récupérer mes sous !!!
La journée s'annonce enchanteresse, douceur, soleil et parasol auprès de mes lauriers rouges en fleurs... Ce matin j'ai senti leur bon parfum...
Bon WE à toi aussi Marie Claude, plein de belles choses, je t'embrasse.
Coucou Marie Claude, c'est toujours un plaisir de te lire.
Un bon week-end à toi aussi!
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