jeudi 16 mars 2023

Brèves de mes comptoirs : ascenseur, trottoir, supermarché, métro, centre de santé... Les mots de la vie !

 

Les chèvrefeuilles de juin dernier... En attendant le printemps !

Au supermarché :


La petite glycine de l'année dernière

Comme dans un divan de salon, bien calée entre les rayons des choux et des endives, pour savourer le plaisir de la rencontre, nous avons démarré sur les chapeaux de roue... Je l'avais aperçue de loin qui piochait comme moi dans les légumes de saison, en plein supermarché, au milieu du monde, mais seules au Monde. Mon sac posé à terre, pour me délester d'un poids supplémentaire pour mon genou, on pouvait y aller... Comment vas-tu ? Cette question se pose en regardant la personne bien dans les yeux, pour tenter d'aller un peu plus loin que la  sempiternelle réponse ordinaire : "oui ça va, et toi/vous?". Les yeux, le sourire, la petite mine en disent souvent plus long que le son des mots... Nous avons repris nos conversations laissées en friche, une bonne dizaine d'années, comment, pourquoi... Je ne sais même pas précisément à quel moment elle a évoqué sa petite enfance : j'avais six ans, pas plus, à l'école espagnole on me disait que j'avais une vilaine écriture, donc j'en avais déduit que j'étais une "mauvaise" tout court...  À confesse aussi, je disais au curé que j'étais "mauvaise", il me prenait très au sérieux, me demandait si je faisais des vilaines choses avec les garçons, avec les filles, je ne savais même pas de quoi il parlait, tu comprends pour moi c'était juste mon écriture qui était moche ! J'étais une rebelle, avec mon beau-père qui a bien essayé de me lutiner,  me faire des petites caresses sexuelles dans le noir, tard, jusque dans ma chambre, j'ai résisté, j'ai toujours résisté, il ne m'a jamais eue... Plus tard, en France avec mon mari, j'ai résisté aussi, mon mari était resté à la mode espagnole, les hommes d'abord, les femmes aux fourneaux, comme il voyait que j'aimais bien lire, il cachait les livres tout en haut de l'armoire, il profitait que j'étais haute comme trois pommes, il fallait que je prenne l'escabeau... J'ai résisté, j'ai lu, j'allais à la bibliothèque, il me suivait de loin, il ne voulait pas que je lise, en français en plus, tu imagines... Je lisais, je n'ai jamais arrêté... Une guerrière, je te dis !! Et maintenant alors, il fait quoi ? Bah, maintenant, les jeux sont faits, il rouspète, je rouspète, et je fais ce que je veux... Mais quand même, quelquefois ça reste  encore difficile, ! Mes petits-enfants me le disent encore aujourd'hui : "mamie, tu es une guerrière". Il ne sait pas écouter ses petits-enfants, il me fait : j'sais pas quoi leur dire, c'est pourtant pas compliqué, je lui réponds : écoute-les simplement, écouter, c'est pas compliqué !!! Tu sais, des fois quand mon fils me raconte son travail informatique très compliqué, je n'y comprends absolument rien, mais je dis toujours : tu fais des merveilles, mon fils, c'est formidable ! C'est pas compliqué de s'émerveiller, lui, il ne sait pas le faire, il s'embête avec ses petits-enfants ! Bon, c'est pas tout ça, porte-toi bien bien bien ! Et chacune a repris son panier, son caddie pour faire le tour des produits frais, saison ou pas saison, je t'embrasse fort, j'ai été tellement heureuse de te revoir et de discuter un peu. Je l'adore, c'est une vraie conteuse, elle a toujours plus d'une histoire dans son sac, elle raconte sa vie avec brio, une diseuse née pour les vérités bonnes à dire ! Maintenant qu'elle a pris de la bouteille, elle n'oublie toujours pas les petites embrouilles, les tours de passe-passe, elle connait mieux le début de son histoire, j'apprends au centuple avec elle.... Elle m'émeut !

À l'hôpital :


Le beau tamaris d'avril 2021, pas loin de chez moi

Nous attendions notre tour, toutes les deux, un petit suivi tranquille, une dame plus jeune que moi avec un bras plus gros que l'autre, j'ai tiré le fil... Elle a du retard aujourd'hui, vous attendez depuis longtemps ? Une petite heure environ, bon, bavardons... Elle n'avait pas l'air de souffrir, ça va madame ? Oui, je viens ici depuis 17 ans. Ah bon ! L'ancien chef de service est parti à la retraite, j'ai pris la suite avec la nouvelle chef de service, elle est bien aussi, vous imaginez, un cancer avec des métastases qui se baladent un peu partout, on me soigne de tous les côtés, mais ça va... Un peu mal dans le dos, mais faut pas se plaindre... Elle me donna un conseil : vous connaissez le curcuma, le frais ? Oui bien sûr ! Ben, il faut en manger souvent, plusieurs fois pas jour, vous l'écrasez et hop, vous le mangez, c'est bien pour le cancer... Merci de vos conseils madame. Ah ! Voilà la docteure, ça va aller vite, elle est ressortie souriante, patiente, n'oubliez pas le curcuma ! Non, non, je vais en acheter, merci, portez vous bien madame, bon courage... Au comptoir de l'hôpital je ne vois pas souvent les patients rire, on espère que les bonnes nouvelles... Toute contente de ma consultation, devant derrière, de gauche à droite, rien à redire, je plie mes affaires, fini pour aujourd'hui, aïe, fin prête, dans ma précipitation, je me rends compte que je n'avais pas remis mon soutien-gorge, zut, pas grave, vous le remettrez chez vous, glissez-le dans votre sac. Ben oui, c'est une bonne idée, elle était pressée de voir la suivante, et moi de partir... À la sortie de l'hôpital, quand j'ai traversé le jardin d'en face, il faisait presque beau, du soleil, de la liberté, quel beau jour ! Rien de méchant pourvu que ça dure...

Dans le métro :



Les deux pies joyeuses en février 2021, en bas de chez moi

Dans le métro, j'en vois des bébés, beaux comme le jour, mais des comme ça c'est rare, la vraie gravure de mode, le bébé de cinéma, la carte postale, une photo de famille à lui tout seul, sage comme une image, contre sa maman mais face à moi... Souriant, le bébé d'exception, je ne pouvais pas laisser passer l'occasion de féliciter la maman : il a quel âge votre petit, un garçon splendide, vous pouvez en être fière ! Elle l'était, il est tout sage, oui, il attend le sein. Magnifique, quel joie d'allaiter un enfant, et hop c'était parti, la maman souriait comme un ange sous l'avalanche de mes compliments, j'avais un peu forcé la dose, mais pourquoi pas, c'est bien de faire plaisir à sa prochaine, le bébé est magnifique, profitons-en... Nous avons fait deux stations pleines d'exclamations, de "guiliguilis", l'enfant riait de bon cœur, je ne sais pas pourquoi quand la maman et son bébé sont descendus, je lui ai dit : soyez heureuse ! Merci, ça sonnait juste pour elle, je crois ! Elle avait un sourire radieux...

Sur le trottoir :


Glycines toutes neuves de mi-avril 2022, on y est presque...

Comment va le petit moral ? Bonne mine je trouve, mieux, mieux merci, chouette, il ne pleuvait pas, le trottoir était à nous, nous habitons la même tour, prenons notre temps, elle revenait de loin, dépression, burn-out, amaigrissement, la seule chose qui lui plaisait dans sa détresse, effet secondaire bienfaisant disait-elle... Mais voilà, la détresse passée, le poids avait regrimpé, ce qui n'était pas fait du tout pour lui plaire, elle rouspétait après elle-même, j'aime pas comme je suis... Chaque chose en son temps, tu ne peux pas tout faire à la fois, te voilà mieux dans tes baskets, active, des projets, une vie devant toi. Elle ne disait pas non : j'ai repris mes pinceaux... Merveilleux, raconte ! Je mets des couleurs à qui mieux mieux... Formidable, ça doit être beau... Tu peux passer si tu veux, ça me fera plaisir de te montrer mes œuvres. Bien sûr, je n'y manquerais pas, ça me fera vraiment plaisir. Tu peux passer quand tu veux, le matin je suis toujours là. Un matin j'y suis allée, mais je n'ai pas sonné à la bonne porte... Je savais à coup sûr son prénom, mais le numéro de l'appartement restait à vérifier, elle ne perdait rien pour m'attendre !

Voilà des mois qu'elle luttait tant bien que mal pour aller mieux : je suis au bout du rouleau, je voudrais que ça s'arrête, voir le bout du tunnel. Finalement elle a repris pied, la résistante faisait l'artiste, j'avais hâte de sonner à la bonne porte pour admirer ses étincelles, ses arcs-en-ciel. La semaine prochaine ça sera fait ! Aujourd'hui j'ai sonné au bon numéro, j'ai vu ses tableaux pleins de couleurs, paysages improvisés, personnages mystérieux, les tableaux s'empilent, elle fait des projets... Je suis repartie tranquille...

Au centre municipal de santé :


Petit pastel de fin de printemps  2021

On a toujours un petit bobo quelque part, on ne veut pas attendre, en urgence le centre de santé  reçoit tout le monde... Il faut se lever tôt,  on bavarde,  du coin de l'œil on se distribue les tours d'arrivées... Après le monsieur en jaune, ou après la dame en vert : elle était toute emmitouflée dans un grand manteau, avec le masque, seul les yeux dépassaient, elle avait passé soixante-dix ans bien tassés, elle était accompagnée d'une femme beaucoup plus jeune qu'elle (que je connaissais de longue date) qui veillait un peu sur elle, copines de quartier. Elle se présenta géographiquement : je viens d' Arménie, il y a très très longtemps. Sa voisine me dit : si tu savais ce qu'a vécu M., il y en aurait pour des heures. Oui, ça, j'en ai vu des trucs dans ma vie, toute petite, j'ai vécu dans un orphelinat, très heureuse vraiment, et depuis que je vieillis je suis plus forte sur le plan immunitaire. Ah bon ! Bravo madame, continuez comme ça, là, voyez, ça va bien pour moi, juste une petite prise de sang à faire, pour vérifier... La plus jeune me raconta de A à Z son épisode Covid 19 : je suis restée sur le flan, mes neurones décapités, j'ai dû prendre un congé à mon boulot, je suis passée de directrice à maîtresse d'école, plus d'énergie pour diriger une équipe, j'ai été KO ! Ben dis donc, tu as dégusté ! Je viens consolider mes arrières, je me fais suivre de loin en loin. Tu as bien raison, courage... La porte du centre allait ouvrir, attention, chaud devant, la dame plus âgée qui se portait comme un charme avait tombé le masque et me montra ses dents, quatre-vingt-trois ans et toutes mes dents, elle avait en effet des dents superbes, bien blanches, et un grand sourire, elles sont toutes là, les vraies, magnifique. Bravo, félicitation madame, bonne continuation...Nos chemins se sont séparés dans les salles d'attente ! J'ai adoré ce petit concerto, entre Covid 19 et belle denture, j'ai largement  eu de quoi combler les vides de la pendule !

Mes amis, profitez de tout avec passion... Je vous embrasse !

6 commentaires:

siu a dit…

Chacun a son histoire, tout à fait particulière et parfois incroyable, et toi Danielle comme une espèce de sage-femme tu as le don de les faire sortir, toutes ces histoires... Moi toujours heureuse et souvent émue de les lire !

Un grand merci, aussi pour les belles photos fleuries.

Gros bisous et bon week-end !

Marie Claude a dit…

Oh là là tu as rencontré beaucoup de personnes connues ou inconnues (et un bébé d'exception).. avec leurs histoires,et heureusement dans l'ensemble pour chacune d'entre elles tout va beaucoup mieux!!
Des nouvelles rassurantes pour ta santé,nous sommes heureuses.
Bientôt avec le printemps arrivant je suis sûre que bientôt tu partageras de nouvelles photos fleuries.
Des pies ont installé un nid tout en haut d'un grand arbre dans le jardin,j'aime les voir confectionner avec soin leur logis.J'espère que le vent fou que nous avons ne va pas mettre en péril la future progéniture!.
Joli WE à toi Danielle avec de gros bisous du matin bien sûr!!

Danielle a dit…

Merci Siu de me suivre dans mes petites histoires de rues... Merci !!!

Je sors d'hier de l'opération de la cataracte pour le premier œil, je vais sans doute la raconter, dans d'autre dimensions que la mienne... :-)))

Il fait beau, le vent souffle, les nuages sont immenses le printemps est à la porte, il sonne !!!

Je t'embrasse fort du jour, à très vite.



Danielle a dit…

Coucou Marie Claude, oui, oui, je rencontre du monde, les histoires s'accumulent dans leurs diversités...

Oui, le printemps commence à faire des ravages de couleurs partout, fleurs, arbres, oiseaux, tout le monde est prêt au départ, je suis contente !

J'espère que "ton" nid va tenir le coup !! Croisons les doigts...

Bon, bon WE printanier, je t'embrasse printemps !!

Brigitte a dit…

Merci de ces petites histoires que tu racontes si bien, chacun la sienne et toujours beaucoup de différences entre toutes . J'aime toujours autant tes brèves de comptoir!
Bonne fin de dimanche et des bises .
A tout bientôt

Danielle a dit…

Merci Brigitte pour ton attachement à mes brèves, merci !!!

À toi aussi bonne fin de dimanche, ici tout gris de toute la journée...

Je t'embrasse fort à très vite.