La maison du pendu, Auvers-sur-Oise (1873) - Paul Cézanne, 1839-1906
Souvenir papillon :
Lors d'une de mes visites (régulières) aux Puces de Montreuil, j'ai vu, au milieu du bric-à-brac d'un brocanteur, cette petite reproduction d'un tableau de Cézanne, encadrée avec du papier collant, par un amateur. Il n'avait pas du tout changé, j'ai cru pendant des année que ce tableau était l'oeuvre de Pissaro... Pendant mon adolescence, j'ai aimé par dessus tout Paul Cézanne, et particulièrement sa Maison du Pendu, la douceur et le mystère de cette peinture avaient pris une place de choix dans mon cerveau. Alors, voir mon souvenir d'adolescente couché négligemment, comme un vieux papier gras, sur le trottoir, m'a beaucoup touchée, je l'ai aussitôt capturé, repêché dans les filets de mon téléphone, comme un très beau papillon... Plus tard, j'ai su que Pissaro et Cézanne s'étaient beaucoup influencés l'un l'autre... Les années ont passé, et l'art contemporain a pris le dessus dans ma vie, mais je n'ai jamais oublié Pissaro et Cézanne... Comme je n'ai jamais hiérarchisé les arts, le temps, les modes, les courants ne changent rien à l'affaire, partout dans le monde les œuvres qui m'émeuvent sont les bienvenues dans mon cœur...
Des mots, mais lesquels ?
Je peux vous aider ? J'avais hésité, avant de me lancer, quelle réception fera-t-elle à mon : j'peux vous aider ? Quand on veut aider quelqu'un, que l'on juge en difficulté, on ne sait pas comment il va réagir, s'il va même accepter. Non, non, ça va aller, et elle essaya de faire glisser son corps entre les chaises de la terrasse du café qu'elle voulait quitter. Elle lorgnait du coin de l’œil son engin roulant qui ressemblait plus à une moto qu'à un fauteuil roulant, il était rouge et flambant neuf, les chromes rutilaient avec déjà quelques égratignures, et elle devait encore et encore le roder.
Son corps, ses jambes surtout, résistaient, elles refusaient de la porter, elle fit de grands efforts pour arriver près de l'engin à trois roues, moi je restais debout devant elle. J'ai lancé la conversation, je me disais : chouette ! Cette dame était ma voisine du rez-de-chaussée, vingt mille fois nous nous étions croisées, vingt mille fois elle était restée muette à mes : bonjours ! Voilà plusieurs années que nous nous côtoyions sans qu'elle me regarde, me reconnaisse, me parle. Chaque fois que je la croisais avec ce discret : bonjour ! Elle ne répondait jamais. Bon, attendons le bon moment, et puis là, sans l'espérer, il est venu... Bien des fois je l'ai trouvée revêche, obstinée, aveugle, pas sympa : Bonjour madame ! Sans retour...
Vous avez eu raison de me proposer votre aide, merci, même si je n'en fais pas usage, je vous en remercie. Il m'a fallu beaucoup de temps pour quitter mon agressivité, avec la cinquantaine qui est là je suis peu plus sage, j'ai mis beaucoup de temps, mais en fait, j'ai vraiment mis trente ans à abandonner ma colère, mon chagrin et ma déception. Je suis handicapée depuis ma naissance et je n'ai jamais pu m'y faire, vraiment jamais. C'est difficile, vous savez, d'accepter l'inacceptable...
Je comprends, oui, expliquez-moi encore. Elle était debout devant sa moto/chaise et moi, je me tenais le long de la chaise, devant elle, et alors le miracle a eu lieu, j'ai osé : quel est votre prénom ? Geneviève, et moi c'est Danielle. Maintenant qu'elle savait mon prénom, que je connaissais le sien, elle pouvait me regarder dans les yeux, avec le sourire. Nous avions fait le chemin ensemble...
Allez, lança-t-elle, rentrons ensemble. Bien plantée sur sa monture, elle allait doucement à côté de moi, nous étions à cinq ou six cents mètres de notre tour, tous nos efforts maintenant se portaient sur la conduite de la moto rouge. Le siège était bien large, confortable, elle savait y faire, la Geneviève. La moto/fauteuil neuve était déjà cabossée, la tôle n'avait pas résisté à ses hésitations, accélérations, freinages, les apprentissages ont eu raison de la belle peinture rouge ! Bah ! Dit Geneviève, c'est que de la tôle froissée, elle restait confiante, gaie, allez, on y va...
Maintenant l'handicapée du rez-de-chaussée a un prénom, moi aussi j'ai un prénom pour elle, nous sommes enfin deux personnes pour la rencontre... La prochaine fois je lui dirais : bonjour Geneviève, comment va l'apprentissage, il fait beau, vous allez bien ? Ainsi de suite, le petit collier de la communication se mettra autour de son cou, du mien, plus de blanc, plus de silence, des mots, peu importe lesquels...
Nous sommes arrivées au pied de la tour, elle fit un effort énorme pour monter la pente de la rampe de l'immeuble, un coup à gauche, à droite, les ailes de la monture en prenaient pour leur grade, mais nous en riions sans gêne, nous avions gagné la partie ! Une autre voisine qui la connaissait bien, elle l'appelait par son prénom, s'y était mise pour la guider, je me suis dit, elle connait du monde, tant mieux, nous sommes plusieurs à plaisanter sur les pare-chocs chromés bien entamés...
Geneviève, je vous guette, sortez de chez vous, nous pourrons parler, rire, être un peu ensemble...
Mes amis, passez un bon été, je reviens... Je vous embrasse...
10 commentaires:
j'aime cette tranche de vie!:))) bises
Tout comme toi, peu importe l'oeuvre, son auteur,le style,je réagis " au ressenti,au coup de coeur",avec certaines préférences parfois.
Belle histoire avec ta voisine avec laquelle "tu as sympathisé",votre prochaine rencontre sera bien agréable.
Je me souviens d'une voisine hautaine,jamais bonjour et un jour elle a eu un bébé,ce n'était plus du tout la même personne,sympathique aimable et même ma fille a fait du baby sitting chez elle. Elle a quitté l'immeuble et parfois je la rencontre,nous sommes toujours très heureuses de nous revoir.
Tes jolis papillons voletant m'apportent un peu de fraîcheur et la chaleur n'est pas finie,canicule la semaine prochaine par ici...
A bientôt Danielle
Bises du soir
Ton coup de coeur me plaît bien à moi aussi !
Et ta rencontre aussi !Une belle histoire dont les pages vont se tourner différemment maintenant que le mur de glace est franchi ...Comme quoi, il suffit juste parfois de quelques mots ,les tiens ont suffit ce jour là et c'est très chouette .
Belle journée et bises toujours ensoleillées
Ton "j'peux vous aider?", je veux dire tes doutes à propos de l'opportunité d'aider quelqu'un qui pourrait (ou pas?) en avoir besoin, me fait penser à toutes les fois où j'aimerais aider quelques touristes, et il y en a de plus en plus qui viennent visiter Trieste, car c'est vraiment quelque chose que j'aime beaucoup faire. Parfois je crois en voir quelques uns en difficulté... à un coin de la rue... la carte de la ville à la main qu'ils ont l'air de ne pas bien savoir de quel coté la tourner... Et moi qui me demande si intervenir ou pas... Parfois je laisse tomber, surtout quand ils ont une allure, en dépit de tout, fermée et sure; autrefois, s'ils ont l'air d'etre pour ainsi dire plus ouverts et perméables, je prend courage et demande "may I help you?" ou bien "posso darvi una mano?", selon qu'ils me semblent étrangers ou italiens. Parfois (et ce sont les fois que je préfère!) on finit par avoir meme une petite conversation, et je leur donne par exemple quelques renseignements ultérieurs de ma propre initiative, ce que généralement ils semblent apprécier.
Mais plus d'une fois je me suis rendue compte, hélas trop tard!, que j'avais donné une fausse information, ou bien oublié de leur dire quelque chose d'important, et je regrette tellement que ça continue à me tarabuster... je peste contre moi-meme et le bon moment qui est déjà loin derrière moi pour pouvoir remédier. Mais je finis par me dire qu'il y a des malheurs qui sont bien pire que ça... ;-))
Tant mieux si mes papillons t'apportent un peu de fraîcheur :-))
Tu as raison Marie Claude, quelques fois il faut attendre longtemps avant de rentrer en contact avec les gens... Avec succès, mais quelque fois on n'a pas envie d'attendre et on laisse tomber.
Passe un bon WE Marie Claude avant les grosses chaleurs...
Bises du soir frais.
Oui Brigitte, je suis contente d'avoir brisé la glace... J'attend de la revoir pour pousser le bouchon un peu plus loin :-))
Chaud chaud les marrons chauds, il va faire chaud, mais j'ai mon ventilateur prêt !
Je t'embrasse du soir.
Oh ! Siu, c'est super chouette de pouvoir renseigner les touristes, même si quelque fois tu te trompes ce n'est pas grave du tout... Ils redemandent à quelqu'un et voilà, la chaîne s’agrandit...
ça m'est arrivé plein de fois de me tromper, sans me traumatiser :-))
C'est vrai que devant cette dame j'étais au pied du mur, pile ou face, j'y vais j'y vais pas ? j'ai risqué le coup, nous y avons gagné ! Mais j'étais tranquille, je crois que c'est ça qui m'a aidée...
Continue à aider les gens, c'est mieux pour tout le monde :-))
Je t'embrasse fort.
Elfi merci, j'aime bien ce que tu dis "une belle tranche de vie" c'est beau !
Bises très fortes, à bientôt.
Tu as raison, chère Danielle, il faut que j'apprends à rélativiser.
Je vais surement y penser, la prochaine fois... merci à toi!
Je t'embrasse fort!!
Oui Siu, l'essentiel c'est d'aider, il faut rire du reste :-)) Oh ! zut je me suis trompée, bon, ils trouveront bien :-))
La prochaine fois tu iras franco ! C'est rigolo en plus...
Moi aussi je te ré-embrasse fort.
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