La performance (1) d'un déjeuner (2011) au jardin
On s'en va ! La décision est tombée nette, ils quittent la grande maison, le jardin, les figuiers, c'est bouclé, signé, vendu, acheté, ils quittent l'extra-muros... C'est là que j'ai eu les larmes aux yeux... Voyons, Danielle, ce n'est pas toi qui déménages, qui quittes le jardin plein de moustiques, des tigres, qui piquent comme des sauvages dès que tu mets le nez dehors !
L'idéal n'existe pas, il n'existera jamais, il faut continuellement s'adapter à la réalité, et c'est ce temps d'adaptation qui s'appelle souvent : le regret, le chagrin, qui peut aller jusqu’à la grosse déprime, si on n'y prend pas garde...
C'est vrai, ce n'est pas moi qui déménage, mais je l'ai connue depuis tant d'années, cette maison, avec le plaisir de la visite, des vacances, du beau temps, du ciel bleu, et du jardin. Chaque fois que j'y pensais, j'emportais un bouquet de laurier, accroché à son bout de ficelle dans ma cuisine : pendant des mois, il me faisait penser à la maison d'Avignon, à eux, mon frère, ma belle-sœur, le chien, le chat, et quelque fois même un merle tombé du nid que ma belle-sœur nourrissait au biberon ! La petite nostalgie, le spleen... Je ne sais pas, mais de la tristesse, sans nul doute... Mais c'est peut-être moi qui la porte à l'intérieur...
Les bons arguments, il y en a des tonnes... Le jardin ? Mais on ne peut plus y aller : la chaleur, les moustiques, et le bas du dos qui crie dès qu'il faut jardiner, ce n'est pas toi, Danielle, qui jardines ! On ne peut plus faire de fêtes dehors le soir à la fraîche, tellement on se gratte les jambes sous la table. La dernière fois, ils avaient mis des photophores sous la table, près des jambes, pour faire du bien : on avait peur de se brûler et on se grattait quand même...
Oui, oui, c'est vrai, maintenant la grattouille, les piqûres gagnent du terrain... C'est au fond de moi que ça se passe !
Oui, mais le matin, on pouvait quand même petit-déjeuner dehors, avant le grand rush des moustiques. Mais c'est vrai, maintenant la terrasse est totalement tordue, à cause des racines du figuier qu'ils avaient planté il y a quelques années, il a pris tellement de hauteur, une telle envergure, qu'il fait à présent valser les grandes dalles de pierre sous la table. Il donnait des figues magnifiques, chaque matin, il suffisait de lever les bras pour déguster ses grosses noires... Ma belle-sœur, grande confiturière, ne pourra plus saisir ses figues, même celles qui poussaient très haut, elle avait tout prévu et allait les chercher avec une grande perche au bout de laquelle il y avait un petit sac en tissu qui les recevait délicatement. Mais elle ira chez ses amis... Danielle, voyons, c'est chouette aussi d'aller cueillir des fruits bien mûrs entres amis, les grands paniers seront de rigueur, ça sera joli comme tout, et les confitures seront aussi bonnes, sinon meilleures, avec l'amitié en plus... Il y a toujours plus de fruits que de pots de confitures à remplir... Tu le sais bien, oui, mais c'est au fond de moi que je sens du vide...
Performance (1) d'un matin (2011) au jardin, étape 1
Je me suis baignée souvent dans le spa qu'ils avaient installé au fond du petit jardin : avec la minuscule échelle, on enjambait le bord, l'eau était toujours à température ambiante, il y avait des bulles qui jaillissaient de partout, on bavardait, c'était un lieu de conciliabules... Je me souviens des serviettes de bain, et des maillots qu'on faisait sécher sur le dos des chaises en métal, l'été...
Le voisinage était silencieux, pas de radio, pas de télé intempestives, il n'y avait pas non plus les grands immeubles d'aujourd'hui qui vous regardent un peu de travers derrière les arbres hauts et dénudés de l'hiver.
C'est comme ça, la nostalgie, on ne peut pas bien l'expliquer, on la ressent comme un vide, un passé victorieux sur l'avenir... Au début... Après, on est dans l'avenir... C'est l'attente qui rend triste...
Il y avait bien quelques petites herbes au fond du jardin, dans un grand bac, toujours un peu sec, inondé de soleil : verveine citronnée, basilic, thym... Oui, d'accord, et la pisse de chats, tu y penses, Danielle ? Non ! La pisse de chats, je n'y pensais même pas, je lavais bien les herbes, c'est tout !..
Moi aussi je fais comme ma belle-sœur, je vais chercher mes souvenirs dans un petit sac d'été... Mais il n'y a que moi qui fais ça, eux, ils sont heureux comme tout de déménager, la décision s'est prise avec enthousiasme, du neuf, de l'avant, du changement, de la déco en perspective... Où va-t-on mettre les œuvres d'art de mon frère, les verreries et ceci et cela, toutes leurs choses accumulées pendant des années ? Il y a des grands placards qui les attendent... Oui, Danielle, comme tout le monde, toujours beaucoup plus à la sortie qu'a l'entrée... Où va-t-on mettre ceci et cela ? Pas de problème, dit mon frère, il dit toujours : pas de problème... Il trouve toujours une solution... Mais moi, où vais-je mettre mes regrets, mes souvenirs, les années passées dans le petit jardin ? Arrête, Danielle... Pour s'amuser, mon frère disait : bon, vous ne savez pas, on va disposer des tabourets à la grille du jardin et de temps en temps, on viendra s'asseoir devant, pour pleurer, en souvenir... Et tout le monde riait... Ils avaient pris la bonne décision...
Performance (1) du matin, étape 2, avec salto avant de la cafetière
Pour les animaux, ça sera moins rigolo. Le chien ? Il faudra le sortir trois fois et plus par jour. Pas de problème, dit mon frère, j'aime bien marcher, c'est bon pour la santé de faire le tour du pâté de maisons en toutes saisons. Bon, le chat ? Aucun problème, il ira gambader sur les toits d'Avignon, le voisin fait ça avec le sien, ça marche très bien. Voilà pour les animaux, c'est réglé au cordeau... Mon frère et ma belle-soeur seront dans la ville à pied d'oeuvre, pas besoin de prendre la voiture pour aller au cinéma, au théâtre, aux expos, prendre un pot, manger une glace, regarder les passants qui passent... Oui c'est vrai, ça sera vraiment bien pour moi aussi, je pourrais à tous moments partir prendre des photos, je suivrais le soleil dans tous les coins, comme le marin sur son bâteau...
(1) Performance : Débarrasser d'un seul coup la table, sur un seul petit plateau, c'était toujours mon frère qui réalisait cette oeuvre d'art !
(1) Performance : Débarrasser d'un seul coup la table, sur un seul petit plateau, c'était toujours mon frère qui réalisait cette oeuvre d'art !
Avant que le figuier ne soit devenu énorme
J'ai fait le tour de la maison de l'intérieur, je regardais chaque espace d'un œil humide, c'est la dernière fois, dernière fois que je monte l'escalier de la mezzanine, dernière fois que je regarde l'atelier de mon frère : un coin seulement, Danielle, un coin d'artiste, n'exagérons pas, ça s'installe n'importe où... Mon frère travaillait dans n'importe quelle circonstance... Oui, c'est vrai, mais... Assez, Danielle, avec les mais... C'est sûrement de moi que ça vient, ce petit spleen...
Un coin droit de l'atelier (2018)
Le coin gauche de l'atelier en 2009
Le même coin en 2018, y'a pas à dire, ça sent le départ...
Vous vous rendez compte, la prochaine fois que j'irais en Avignon, je serais directement en ville dans un magnifique appartement, avec mezzanine pour moi toute seule, une suite de luxe, sans moustiques... Quelle chance ! Mon frère m'a dit : tu auras la clé, tu pourras faire comme chez toi, un deuxième chez toi...
J'en ai les larmes aux yeux, mais je ne suis pas vraiment sûre que ce soit de la joie, ça doit venir de moi...
Eux, ils sont tellement resplendissants de joie, ça va déteindre sur moi, c'est sûr, il suffit d'attendre les belles couleurs de l'été ou de l'automne...
Mes amis, la prochaine fois, je vous parle des deux magnifiques artistes que j'ai vus au Musée d'Art Moderne de Paris... Ne quittez ni mes lignes ni mes photos ! À très vite...
6 commentaires:
Oh là là je comprends ta peine de quitter ce si bel endroit plein de souvenirs!!
Bon ils restent dans cette si belle ville, ils ont choisi "ce déménagement" et ton frère ne voit que le positif...c'est le principal.
Pour les moustiques même en ville je pense qu'ils seront présents...chez moi ils s'invitent même à l'intérieur et les prises électriques avec répulsif sont indispensables!!!Je redoute d'ailleurs....
Un bel endroit t'attend pour ta prochaine escapade et à 2 pas de belles promenades.
Bonne fin de W.E prolongé
De gros bisous du soir
chez nous, le mauvais temps et le froid tue les moustiques... mais je préfère le sud ...sans ou avec moustiques...:)) le centre ville d'avignon est aussi joli, et je comprends la difficulté d'entretenir un jardin.. nous avons une jungle permanente... bises.. et à bientôt au sud!
Marie Claude, ce que tu me dis ne fait pas rêver pour les moustiques :-((
Mais j'y retourne en mai pour un deuxième petit séjour d'adieu :-)) je suis bien contente...
Pour toi aussi. bon lundi et gros bisous.
Elfi, oui, oui, le centre d'Avignon est beau, très beau, fini la jungle du jardin :-))
Je t'embrasse très fort pour ce lundi et les jours suivants.
Nostalgie,nostalgie quand tu nous tiens ... Tu y retournes en Mai dans cette jolie ville et c'est demain ou presque ! Tu seras de suite dans les belles ruelles et tu vas en profiter encore. Une page s'est tournée .
Je t'embrasse avec plein du soleil de ce matin
Chère Brigitte... Et la vie continue...
Je suis contente de revenir encore une fois dans l'ancienne maison avec jardin plein de moustiques...
Après je vous raconte...:-))
Je t'embrasse du soir.
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