vendredi 16 juillet 2010

Papperlapapp... De Marthaler et Viebrock en Avignon.



Quelle chance de me retrouver en Avignon pour le festival... La dernière fois, c'était... Il y a au moins quarante ans... Avec un ballet de Maurice Béjart... Depuis, de l'eau a coulé sous nos ponts, Maurice Béjart a construit sa belle carrière et puis, il a même pris le temps de mourir.

Je me souviens encore aujourd'hui, avec émotion, de cette magnifique cour des Papes, les gradins montaient si haut que j'en avais le vertige et même un peu peur... La trompette de Maurice Jarre sonnait les trois coups, solennellement, et on s'embarquait pour l'aventure...

Ce soir, c'est la même émotion, les bavardages du public bruissent, ils font de la musique , comme les cigales sur les arbres ! Les gradins de bois de Jean Vilar, on fait place aux fauteuils confortables, recouverts de cuir : rouge pour le beau carré d'as, les meilleures places, et gris pour toutes les autres.



Je suis assise dans le cuir rouge, au 10e rang, la vue est parfaite. Face au grand mur du Palais, ponctué de petites ouvertures, la chapelle papale signale à droite sa présence, avec cette superbe loggia gothique, sculptée dans la pierre, comme une ombre chinoise, légère et finement découpée...



Je remarque que presque toutes les fenêtres du mur qui forme le fond de scène, sont équipées de double vitrage et entourage blanc, 7 climatiseurs sont accrochés à 7 d'entre elles ... Je me dis : c'est bizarre cet arrangement, comment est-ce possible ? (je n'avais pas vu que cela faisait partie du décor...) Qui a pu laisser faire cette modernisation ? Incroyable !! Peu à peu, j'ai compris que Marthaler était passé par-là, pour ajuster l 'histoire ancienne aux temps modernes ?

La trompette, la même que pour Béjart, sonne le début de la représentation. Il fait chaud , le soir tombe, les projecteurs font plein feu.

Le spectacle vivant est à l'oeuvre... Presque plus besoin de décor artificiel.

Le petit livret du spectacle m'annonce : Dieu et les 7 premiers jours de sa création... Je n'y comprends rien, je ferme le petit fascicule et je fais confiance à ma propre création de spectateur. Papperlapapp veut dire blablabla, vieille expression allemande, donc inutile de chercher plus loin, voyons voir ce blablabla...



Un groupe de personnages arrive sur le plateau, en visite, guidé par un aveugle... Comme l'aveugle, je vois bien que je vais devoir tout inventer. Nous allons voyager, revisiter l'histoire du Palais, je laisse vagabonder mon esprit à la rencontre des évènements du plateau. Je fais mes propres associations d'idées...

Le palais des papes chante, parle, un peu d'histoire, beaucoup de théâtre, peu de paroles...

Les hommes et les femmes se cherchent, se trouvent, se perdent, leurs croyances vacillent, renaissent... L'histoire traîne le genre humain sur toutes les routes...

Bien des scènes évoquent pour moi Pina Bausch, les sarabandes d'hommes et de femmes qui se déchirent, se rejoignent, se désirent, se repoussent sans cesse.

Les recyclages (machines à laver) des comportements humains se font et se défont devant nous. Traditions, religions, sont entièrement molestées...

Il suffit de laisser aller son esprit et de bien observer le troupeau humain, misérable, et vulnérable investir la scène, en tous sens. L'aventure humaine part dans tous les sens, dans le bruit et la fureur... Et la musique, très présente tout le long du spectacle.

Marthaler est génial, il utilise tout, l'espace, les paroles (peu,) le chant, la musique, le bruit , le grand fracas qui parcourt le public (des rampes qui amplifient le bruit sont installées aux pieds des spectateurs) fait merveille, nous sommes littéralement dans le fantasmatique... J'adore !

Certaines scènes se répètent, et se répètent encore... Ou simplement il ne se passe rien, une à une les fenêtres du grand mur s'allument, des ombres passent dans le Palais, les femmes se mettent à chanter tout en haut, près du ciel... Magnifique !

Alors, las d'attendre les enchaînements, le public manifeste son incompréhension, il hurle, il siffle, il injurie, il tape des pieds, il sort brusquement, en paquet, des gradins, pour manifester son mécontentement, d'autres applaudissent, se lèvent, crient bravo !! C'est le bonheur, le spectacle vivant est vraiment vivant.

Je suis ravie d'être là, dans la contestation, d'aimer pendant que d'autres détestent, ça bouge, ça vocifère, et moi, j'applaudis la belle et forte création. Je vais de surprise en surprise, j'ai abandonné l'histoire, quelle histoire ?

Tout est orchestré de façon minutieuse pour désorienter le spectateur, et ça marche fort bien. Les impatients ne sont pas contents...A la fin de cette épopée, tous les personnages repartent d'où ils étaient venus, d'un camion qui crache ses gaz, presque en coulisse. La traversée se termine.

Le chahut recommence, mais les admirateurs dépassent largement le nombre des détracteurs...

Bravo Monsieur Marthaler et madame Anna Viebrock, j'ai vécu un grand moment de théâtre.  

2 commentaires:

Aloïs a dit…

Danielle je reviens mardi matin au calme lire ce billet qui mérite autre chose qu'un survol
A tout de suite

Danielle a dit…

A mardi Françoise, avec grand plaisir.

Bonne journée d'aujourd'hui.