Je devais bien avoir une douzaine d’années, et j’étais encore à l’école primaire. J'habitais Paris.
Dans ma classe, il y avait une toute nouvelle venue, une petite fille malgache, jolie comme un cœur et qui s’appelait Yvette.
Je me souviens de la couleur de sa peau, un peu café un peu lait, d’une douceur exceptionnelle, je le savais, car nous nous embrassions sur les deux joues, tous les matins, comme le faisaient toutes les bonnes amies.
Nous nous étions liées d’amitié, presque tout de suite. Nous sommes devenues des amies.
Elle venait de Madagascar, et son séjour ne devait pas durer longtemps, elle ferait une année scolaire et repartirait.
J’ai le souvenir de sa gentillesse et de sa réserve, elle était très polie, comme on dit : bien élevée ! Je ne savais pas bien à quoi correspondait son séjour court à Paris, son père avait une charge diplomatique et les déménagements étaient fréquents… Un jour ici, un jour-là.
Je devinais que ses parents avaient les moyens de venir de si loin, d’avoir un bel appartement, et de mettre leur fille à l’école, pour une année scolaire seulement. Tout ça restait un peu énigmatique pour moi.
Yvette était la coqueluche de la classe, la maîtresse lui avait demandé de nous faire un cours de géographie, nous devions tout savoir sur l’île de Madagascar, les vents et les marées, les villes et les habitants, les cultures et les transports, elle ne voulait pas perdre une si belle occasion de nous faire apprendre ce pays étranger, en liaison directe avec Yvette, le cours était fascinant et nous apprenions facilement ce que nous aurions eu du mal à apprendre dans nos livres.
Yvette répondit à toutes nos questions, son île offrait bien des mystères, et elle-même était singulière, une jeune fille au teint bronzé dans ma classe, à cette époque… Elle était unique !
Nous étions tellement amies que nous avions décidé d'échanger un présent personnel, à choisir, à la fin de l'année scolaire. Je n'ai aucun souvenir du cadeau que je lui avais fait, mais j’ai conservé, depuis maintenant 50 ans, le sien : une petite breloque dorée qui pendait autour de son bras, accrochée à son bracelet de pacotille. La petite babiole m'avait longtemps fascinée, et je rêvais de l'avoir à moi.
Le petit chaudron doré est passé de boîte en boîte, de déménagement en déménagement, de tiroirs en boîte à bijoux… C’est le petit chaudron d’Yvette.
Et puis un jour, Yvette est repartie à Madagascar avec ses parents…Cette grande île est toujours restée pour moi la petite île d’Yvette, je n’y suis jamais allée, refusant de passer des vacances dans ce pays d’extrême pauvreté.
Nous sommes restées en relation pendant de très nombreuses années, à suivre nos chemins scolaires puis trajets professionnels… Je me suis mariée, et j’ai eu mon premier enfant…
Yvette est revenue en France, peu de temps après la naissance du premier de mes fils, il devait avoir environ trois mois, beau comme un Dieu, bien sûr. Quelle joie de nous revoir, quelle amitié solide avions-nous fabriquée, pour qu’elle nous donne l’impression de reprendre la conversation là où nous l'avions laissée la veille.
J’avais mon fils dans les bras, nous admirions toutes les deux ses premiers sourires, il était beau comme un Dieu. Je voyais que mon amie Yvette ne souriait pas et semblait attristée.
Que se passe-t-il ? Qu’as-tu ? Pourquoi ce visage triste ? Elle me répondit en pleurant : comme tu as de la chance d’avoir un bébé, moi aussi j'aurais aimé avoir un bébé, blanc comme le tien !
Depuis mon amie Yvette est repartie pour son île, elle a déménagé plusieurs fois, j’ai essayé en vain de retrouver son adresse… Je garde au cœur une petite parcelle d’enfance, émerveillée par sa présence, et un grand choc, un moment de très grande tristesse, toujours intact, j’ai dans l’oreille les mots terribles…De mon amie Yvette.
Je lui dédie ce petit post, pour l'amitié, la vie, et la joie de s'être rencontrées.
10 commentaires:
J'ai aussi des "petits chaudrons dorés" de l'enfance. Ce sont eux qui construisent qui nous sommes maintenant, avec les expérience de la vie, et nous aident a les affronter parfois. Tu as un sens du récit excellent. C'est toujours un plaisir même(surtout?) quand le récit est émouvant ... Bonne journée Danielle !
c'est toujours un plaisir
de passer chez toi,
tes histoires sont sans égal,
MERCI,
belle et douce journée a toi.....
Artemisia...merci de me parler de ton émotion pour ce récit, ça me touche beaucoup.
Passe toi aussi une bonne fin de journée, à bientôt.
Claire, je suis ravie de ton passage, avec le plaisir dont tu me parles...merci.
Bonne fin de journée à toi également à très bientôt.
Que ce soit drôle,triste,émouvant ,ici,c'est toujours d'une extraordinaire façon que tout cela est conté
Un récit très émouvant en l'occurrence
Bravo
Elle est belle l'histoire de ton petit chaudron doré, et c'est toujours avec plaisir que je lis tes petits récits plein de tendresse, d'humour et d'émotion...
bonne soirée
Danielle
Merveilleuse Danielle, émouvante et drôle, selon les histoires.
Bonne journée,
et doux séjour à Venise
Françoise,je suis heureuse moi aussi de partager mes petites histoires de vie.
Merci de ton passage;
Passe une très bonne journée.
Danielle, je ne me lasse pas de pouvoir, rire et pleurer dans l'émotion du partage, merci Danielle.
Zen, bienvenue, et mille fois merci pour tous tes mots.
Très bonne journée à toi.
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