mercredi 31 août 2011

L'Indre... Inventaire avant départ.


L'Indre c'est maintenant, j'en ai les larmes aux yeux. J'arrive...

De l'air, de la lumière, des oiseaux, des rivières, les vignes, des fleurs, des mirabelles, des pêches, des figues juste au dessus de ma tête quand je mange dans le petit jardin tout vert de la maison... Les mûres en grappes, gorgées de jus couleur de sang, pendent généreusement, aïe ça pique, je prends les plus grosses, je laisse les autres aux mouches, ça repique aux mollets, ouille, ouille, les orties ne sont pas mes amies... Avec seulement un peu de sucre en plus, je ferai de délicieuses confitures, les belles étiquettes sont prêtes... Les trèfles à quatre feuilles que je ne trouve jamais, parce que je regarde en l'air dans le bleu du ciel, dans les arbres... Loin, aussi loin que je peux, je compare les couleurs, celles qui passent déjà sous le pinceau du temps, les plus soyeuses, les plus éclatantes, les plus changeantes,  je suis tranquille pour tout le mois, les verts et les bleus seront parfaits, dans tous leurs états.


La petite loge ensevelie (maison de vigne)

Et les chemins qui montent, qui descendent, je les suis sur mon vélo, tantôt à pied, tantôt sur ma selle, les abeilles, les papillons, les vaches dans les prés, les marrons, les noires et blanches, je les aime toutes autant, je ne parle pas tout de suite des noix et des noisettes, car je serai presque de retour, non, les noix et les noisettes je les garde pour la fin... La fin de l'été, la fin des vacances, la fin des prés fraîchement coupés.

Les voisins, les voisines, le boulanger et son délicieux Paris-Brest, galettes de pommes de terre, galettes au fromage, le pâté berrichon, le petit pont qu'il me faut passer pour aller plus loin... Beaucoup plus loin vers l'étang, muet comme les carpes... Sa surface calme, brille comme du papier glacé, pas de vent, pas une ride, j'ai vu glisser des cygnes, voler des hérons, houlà ! Un gros ragondin, un rat même qui vient manger les grains de blé réservés aux grosses carpes, ça saute ici et là, et hop, l'étang frétille !


Les dernières bottes

Encore plus loin, du silence, deux ou trois voitures qui passent quand même, mais presque rien... Les maisons de vigne qui meurent doucement le nez dans le maïs, leur toit est crevé, il y pousse de la vigne, la porte est toujours ouverte mais il n'y a jamais personne qui vient s'abriter du soleil, se reposer du travail de la terre, mettre l'âne à l'ombre... Seules les histoires le racontent, les vignes par ici sont abandonnées comme les fermes, qui deviennent les unes après les autres des résidences secondaires...

Sur mon vélo le soir, je respire toutes les odeurs des herbes, la paille, le foin coupés depuis longtemps mettent à mon cou une goutte de leur parfum, distillée par le vent... Je pédale dans une délicieuse odeur d'eau de toilette, l'eau parfumée se répand sur toute la campagne, personne n'y échappe...


L'étang d'argent

Marianne, toute cette année la vie a été difficile pour vous, prenez patiente.je viens vous voir, restez au jardin, j'apporte le cake, nous prendrons le thé tout près des rosiers.  La voisine près du moulin, juste en bas de la petite descente j'entends le glouglou de la rivière, qu'il faudrait nettoyer : bonjour, je vais passer prendre des nouvelles... Le fermier d'à côté avec toutes ses vaches et sa bonne humeur me verra aussi : comment allez vous, comment avez-vous fait cette année ? Où en êtes-vous avec le lait ? Il y a beaucoup de gens par ici, il faut faire très attention, on les trouve devant leur porte, rarement sur le chemin, je fais quelques pas vers eux, et me voilà en bonne compagnie...

Les prunes, les Sainte-Catherines, les mirabelles, je vais vous mettre en pot, en compotes, même si je dois me baisser jusqu'à terre pour vous ramasser, je vous aurais... Les pommiers, si beaux, si ronds, si gracieux, aux fruits qui brillent de loin, pourvu que je trouve des Reinettes...

Le jour, il ne faut rien manquer de voir, écouter sans bruit, sentir, marcher, pédaler, s'asseoir sans bouger de peur de déranger... Attendre seulement que la lumière change... Ça bouge dans l'herbe, tant mieux, nous serons plusieurs... Le soir, je regarde les étoiles.

Je me souviens comme j'ai pleuré le premier jour quand je suis arrivée à Istanbul, devant la première grande mosquée, si royale, si belle, si raffinée, je vais sans doute avoir du mal à parler aussi quand je vais revenir en Indre, une boule dans la gorge, une émotion forte venue des saules, des chênes, des noyers va me prendre, je le sais... Comme à Istanbul la première fois...


L'automne à la Chardin (presque)

lundi 29 août 2011

Venise 2011... Une visite à Torcello.


La cathédrale de Torcello (derrière) et Santa Fosca

Chaque année, c'est comme un rituel, il faut que j'aille à Torcello, pour voir la belle des belles cathédrale Santa Maria Assunta

Cette année, j'avais encore dans les yeux les mosaïques de Ravenne que je venais de voir, si fraîches, si colorées, si précieuses, si élégantes, si subtiles... J'avais fait le tour de la ville, en comptant sur l'émerveillement, la surprise, la beauté, l'envoûtement... Ravenne, c'est bien plus que cela ! J'y reviendrai...



Le pavement de briques et le pont Diavolo


Le petit canal qui se perd dans les herbes

Pour arriver à Torcello, il faut longer la Fondamenta et son très beau petit canal, la promenade a été restaurée il y a quelques années, les briques mises en chevrons, sur leur tranche, tapissent le sol et donnent une belle idée du pavement moyenâgeux, j'admire en passant le beau pont du Diable (restauré en 2009) sans parapet, comme à l'origine, dans sa grande simplicité, un passage obligé, épuré, comme l'étaient autrefois tous les ponts de Venise. Je respire les odeurs des herbes des jardins, des espaces laissés entièrement libres à la végétation, en friche... Presque plus personne n'habite l'île, quelques restaurants bien à l'ombre accueillent quelques clients, des noces... Un accordéoniste qui espère remplir sa sébile, sous un acacia, sature l'air de sa musique... Comme j’aurais préféré le silence...


Les marbres de Torcello : au sol, les ambons...

Je revenais de la visite, j'avais pris tout mon temps dans la cathédrale, j'avais révisé chaque détail avec l'audioguide, histoire de me rafraîchir la mémoire, de ne rien oublier. J'ai dû faire vite, seulement pour les photos, interdites, mon ami italien m'avait dit, dépêchez-vous, sans flash...


Photo de la crypte prise il y a quelques années

Cette année, la visite de la petite crypte, derrière le choeur, et de celle sur le côté ouest, faisait partie d'un circuit insolite (!) qui avait permis d'augmenter les prix d'entrée... Pourquoi pas...


La Vierge et l'enfant dans l'or


Le Jugement dernier dans l'or et le feu

À Torcello, on est transporté par la beauté du lieu, sa simplicité, sa clarté éblouissante, ses somptueuses mosaïques, la Vierge à l'enfant noyée dans l'or patiné par les siècles et le fabuleux Jugement Dernier que l'on peut lire comme une bande dessinée... Une fois par an, je ne me rassasie jamais de sa lecture...

Torcello comptait 10000 habitants et une dizaine d'églises au Xe siècle, aujourd'hui, il reste peut-être peut-être 20 habitants, tout au plus. Seule la très belle cathédrale (reconstruite au XIe siècle) et l'église Santa Fosca (entre les XI et XIIe siècles) juste à côté, attirent sans cesse du monde vers leurs coupoles... Au XIVe siècle, l'évêque déménage à Murano, Torcello devient une simple paroisse... On utilise en masse les matériaux de ses bâtiments pour le développement de Venise... Torcello, c'est la fin, et c'est le commencement de Venise...


Le mariage attendu à S. Fosca

De nombreux mariages se célèbrent dans la petite église de S Fosca, j'en ai vu des robes blanches à traîne, sans traîne, des soies, des mousselines légères pour les dames, des costumes sombres pour les messieurs, j'ai toujours été charmée par l'élégance, le goût raffiné et l'originalité des noces par ici...


L'ange Gabriel de l'Annonciation

Je revenais donc de mes éblouissements, après avoir (re)jeté un coup d'oeil sur le musée : je suis restée un bon moment devant l'Annonciation dite de l'atelier de Véronèse, qui provient des portillons de l'orgue d'une église détruite depuis longtemps.

Le retour, je le fais toujours à pas comptés, j'avais laissé devant moi, loin devant, les touristes de ma fournée, les mariés étaient en plein mariage, les cigales chantaient sur les arbres, invisibles, les restaurants attendaient le client, et voilà qu'un autre tour de bateau amène un nouveau contingent de visiteurs... Rires, bavardages bruyants, ça doit être le lieu qui inspire cela, la procession s'entend de loin, ils avancent joyeusement sous le soleil, à ma rencontre.


J'ai pris mes cliques et mes claques...

Avant de repartir, je me suis dit, prenons une belle photo du pont Diavolo, la lumière est parfaite, beaux reflets, douceur de la fin de journée, quel beau souvenir... Hélas, je n'ai jamais pu prendre la photo que je voulais, il y avait toujours quelqu'un qui stationnait dessus, là, pour manger une banane, ici, pour discuter le coup, prendre des photos souvenir (comme moi) : attends, attends j'arrive, je veux être sur cette photo ! Et voilà que le petit ballet des photographes s'organise, ce qui fait que j'ai pris mes cliques et mes claques et que je suis partie... J'ai pris le pont de dos, très vite, je n'ai pas eu le joli reflet que j'espérais, la photo d'art, ça sera pour l'année prochaine... De toute façon, un séjour à Venise, je ne peux même pas l'imaginer sans Torcello.

Les touristes que j'avais croisés, qui partaient vers la cathédrale, revenaient déjà sur leur pas, à croire qu'ils n'avaient rien visité du tout, ça n'était pas possible de faire si vite, j'en étais seulement au pont et les voilà déjà de retour, tout joyeux de reprendre le bateau... Ils m'ont embarrassé la vie sur le pont, et que je te pousse, et que je te redescend, comme un essaim d'abeilles ils butinait l'histoire, la belle atmosphère dorée et le paysage perdaient peu à peu de leur sens... Qu'avaient-ils pu voir en si peu de temps ?

Plus de regret pour prendre le bateau, j'avais seulement en tête les fleurs délicates sous les pieds des prophètes, les bleus du ciel paradisiaque, les fleurs, les arabesques, et l'or de la  la cathédrale...

À l'année prochaine... La vie passe comme un éclair...


Torcello, à l'année prochaine...

samedi 27 août 2011

Venise 2011… Mabel Palaçin, dans le magasin à sel...


L'école sur la Fondamenta de la scuole sur la Giudecca

Une année sur deux, Venise devient un grand centre d’art contemporain, une année sur deux, c’est une grande joie pour moi de me trouver là. Le mois sera court pour tout voir… Les 31 jours du mois ne suffisent jamais, rien à faire, il faudra revenir, revenir, revenir.…



Le palais Dona delle Rosa Fondamenta Nove



Les tous petits appartements vers Garibaldi (lieux d'expos)

Cette année j’avais entrepris la visite systématique des évènements collatéraux à la Biennale d'art contemporain, souvent installés dans des palais, des couvents, des appartements, des lieux fermés toute l’année... Je monte les marches des demeures anciennes avec empressement, je regarde la promiscuité des appartements vers Garibaldi, composés de deux pièces sans aucun confort, et je pense à la difficulté de la vie par ici il y a quelques années seulement...

De belles découvertes d'artistes contemporains,  j’en ai faites : Mabel Palaçin artiste catalane, photographe, vidéaste.

L’exposition avait lieu dans un magasin à sel sur les Zattere (j'ai passé mon doigt sur les murs encore chargés de sel). Voici son œuvre telle que je l’ai vue, et telle quelle m’a touchée :

Je ne savais rien de l’œuvre, rien de la construction de l’installation, rien de l’artiste.


Son installation s'intitule: 180°. J'ai cherché une réponse théorique à cette appellation sur Wikipédia, mais comme elle rendait encore plus difficile la compréhension du concept, je ne vous la livre pas. Je reste sur la découverte, l'émotion que j'ai eue en la regardant. Le spectateur est le premier transformateur de l'oeuvre, elle lui traverse le corps et l'esprit, comme par enchantement. Iriez-vous d'abord chercher de la théorie aux paysages de Corot, Hopper ou Nicolas de Staël ? Moi, je sais qu'un angle à 180° est un angle plat, donc une ligne droite, donc la règle des 180° au cinéma donne l'impression de continuité dans l'image.

Sur un très grand écran, une immense photographie, en haute définition, d’un bâtiment énorme,  est balayée avec un long  traveling avant à 180° donc, d'un bout à l'autre très lentement. On peut donc apprécier chaque détail...

Ce bâtiment à Venise (des années 30 ou du début du 20e siècle, je ne sais pas) m’était totalement inconnu, une raison supplémentaire pour être intriguée... De petits ornements fresqués (lions de Venise, motifs floraux, rubans, lauriers blancs sur fond rouge brique), parcourent toute la façade, le mystère est total.


Les ornements blancs sur fond rouge

Une à une, sur le grand écran, les fenêtres de cet édifice s'éclairent et se mettent à vivre de l'intérieur, chaque fenêtre devient celle d’un appartement dont on apercevait le décor et l’ambiance. Des personnages marchent dans la Fondamenta…D'autres stationnent sur la terrasse de l'immeuble. Toutes les images sont fixes.

Ensuite,  tout ce que nous voyons en plan large sur le grand format est repris en plans rapprochés et fractionnés sur des écrans adjacents, cette multiplicité de points de vue forme alors autant d’histoires à imaginer sur la vie des gens qui habitent l’immeuble. Des gros plans sur les silhouettes qui passent dans la rue et en terrasse donnent encore de la puissance à l'ensemble, tout le bâtiment et la Fondamenta deviennent des espaces de vie quotidienne énigmatiques.

On entend des voix et des bruits, mais rien ne bouge, tout glisse à 180°

  

Je pense que la vidéo vous aidera (peut-être) à comprendre et à imaginer ce que j’ai du mal à expliquer.

Tout cela est d’une grande beauté.

Bien sûr, ma curiosité piquée au vif m’a conduite sur la Giudecca pour voir ce bâtiment inconnu. J’avais demandé aux animateurs de l’expo où ces photos avaient été prises.

Là, en voyant ce bâtiment scolaire, fermé pour les vacances, j'ai compris qu'il  avait été choisi sans doute pour son isolement, qu’il avait permis, facilité la réalisation d’une telle mise en scène.j’ai compris que tous les appartements éclairés, les silhouettes de la rue, les personnages des terrasses, tout avait été inventé et mis en scène par Mabel Palaçin.

Longtemps je suis restée dans son ombre à le photographier, j’avais en tête l’œuvre de Mabel Palaçin animée, vivante, lumineuse, et me voilà moi aussi à tronçonner sa façade, explorer son environnement par des petites vues rapprochées, toutes plates. Ce côté de la Giudecca reste isolé, les maisons anciennes voisinent avec les constructions modernes, de petites corte y subsistent, dans le calme et les fleurs… Un vrai régal…


La Fondamenta côté maisons anciennes, juste en face de l'école


La même vue du côté constructions modernes



Tous les côtés à la fois et l'école au bout


La petite corte à côté

Je suis retournée plusieurs fois voir l’installation de l’artiste, toujours avec la même émotion, la même fascination.


 Le banc pour se reposer et admirer, juste avant de repartir de la Giudecca

mercredi 24 août 2011

L'Indre... Inventaire avant départ.



Dans quelques jours seulement j'y vais, j'en ai les larmes aux yeux. J'arrive... De l'air, de la lumière, des oiseaux, des rivières, les vignes, des fleurs, des mirabelles, des pêches, des figues juste au dessus de ma tête quand je mange dans le petit jardin tout vert de la maison... Les mûres en grappes, gorgées de jus couleur de sang, pendent généreusement, aïe ça pique, je prends les plus grosses, je laisse les autres aux mouches, ça repique aux mollets, ouille, ouille, les orties ne sont pas mes amies... Avec seulement un peu de sucre en plus, je ferai de délicieuses confitures, les belles étiquettes sont prêtes... Les trèfles à quatre feuilles que je ne trouve jamais, parce que je regarde en l'air dans le bleu du ciel, dans les arbres... Loin, aussi loin que je peux, je compare les couleurs, celles qui passent déjà sous le pinceau du temps, les plus soyeuses, les plus éclatantes, les plus changeantes,  je suis tranquille pour tout le mois, les verts et les bleus seront parfaits, dans tous leurs états.


La petite loge ensevelie (maison de vigne)

Et les chemins qui montent, qui descendent, je les suis sur mon vélo, tantôt à pied, tantôt sur ma selle, les abeilles, les papillons, les vaches dans les prés, les marrons, les noires et blanches, je les aime toutes autant, je ne parle pas tout de suite des noix et des noisettes, car je serai presque de retour, non, les noix et les noisettes je les garde pour la fin... La fin de l'été, la fin des vacances, la fin des prés fraîchement coupés.

Les voisins, les voisines, le boulanger et son délicieux Paris-Brest, galettes de pommes de terre, galettes au fromage, le pâté berrichon, le petit pont qu'il me faut passer pour aller plus loin... Beaucoup plus loin vers l'étang, beau tout le temps... Sa surface calme, brille comme du papier glacé, pas de vent, pas une ride, j'ai vu glisser des cygnes, voler des hérons, houlà ! Un gros ragondin, un rat même qui vient manger les grains de blé réservés aux carpes, ça saute ici et là, et hop, l'étang frétille !


Les dernières bottes

Encore plus loin, du silence, deux ou trois voitures qui passent quand même, mais presque rien... Les maisons de vigne qui meurent doucement le nez dans le maïs, leur toit est crevé, il y pousse de la vigne, la porte est toujours ouverte mais il n'y a jamais personne qui vient s'abriter du soleil, se reposer du travail de la terre, mettre l'âne à l'ombre... Seules les histoires le racontent, les vignes par ici sont abandonnées comme les fermes, qui deviennent les unes après les autres des résidences secondaires...


Sur mon vélo le soir, je respire toutes les odeurs des herbes, la paille, le foin coupés depuis longtemps mettent à mon cou une goutte de leur parfum distillée par le vent... Je pédale dans une délicieuse odeur d'eau de toilette, l'eau parfumée se répand sur toute la campagne, personne n'y échappe...


L'étang d'argent

La voisine près du moulin : bonjour, je viendrai vous voir pour avoir des nouvelles... Le fermier d'à côté avec toutes ses vaches et sa bonne humeur me verra aussi : comment allez vous, comment avez-vous fait cette année ?

Les prunes, les Sainte-Catherines, les mirabelles, je vais vous mettre en pot, en compotes, même si je dois me baisser jusqu'à terre pour vous ramasser, je vous aurais... Les pommiers, si beaux, si ronds, si gracieux, aux fruits qui brillent de loin, pourvu que je trouve des Reinettes...

Le jour, il ne faut rien manquer de voir, écouter sans bruit, sentir, marcher, pédaler, s'asseoir sans bouger de peur de déranger... Attendre seulement que la lumière change... Ça bouge dans l'herbe, tant mieux, nous serons plusieurs... Le soir, je regarde les étoiles.

Je me souviens comme j'ai pleuré le premier jour quand je suis arrivée à Istanbul, devant la première grande mosquée, si royale, si belle, si raffinée, je vais sans doute avoir du mal à parler aussi quand je vais revenir en Indre, une boule dans la gorge, une émotion forte venue des saules, des chênes, des noyers va me prendre, je le sais... Comme à Istanbul la première fois...


L'automne à la Chardin (presque)

Venise 2011... L'amour prisonnier sur le pont Accademia.


La dorure du soleil couchant...

Je ne les avais jamais remarqués, comment est-ce possible ? Depuis quand date cette mode ? Cette tradition ? Ce culte ? Les enlève-t-on chaque année ? Le poids de l’amour est énorme par ici…

C’est en montant lentement sur le grand pont en bois d’Accademia qu’ils m’ont sauté aux yeux.


 Les accroche-coeurs

Des dizaines de cadenas fermés à double tour étaient accrochés aux rambardes de ce grand pont, le dernier des quatre qui enjambe le Grand Canal, avant d’arriver au bassin de S. Marc

J’ai examiné chacun et j’ai vu que si certains étaient gravés de façons très artisanale, d’autres portaient les noms des amoureux aussi finement ciselés que dans une bague de fiançailles…


 Retrouvons-nous ici dans 10 ans...

Il y en avait de toutes les couleurs, de toutes les grosseurs, de toutes les formes.

Beaucoup portaient la date de cette année, 2011, c’est pourquoi je me suis demandée si c’était une toute nouvelle mode sur ce pont des soupirs…

Il suffit pour commencer un rituel que quelques uns s’y collent et que les autres suivent, la motivation est grande à Venise…

Je me suis dit aussi, c’est peut-être un groupe, un énorme groupe de visiteurs qui s’est donné le mot, chacun vient avec son amoureuse/amoureux et son cadenas,  chacun grave son nom, ses initiales, chacun fait des promesses, on ferme et on jette la clé dans l’eau, certaines clés sont enfermées dans le cadenas, on est donc obligé de s’aimer toute la vie ?


À la vie, à la mort...

Toutes ces breloques vont rester suspendues au dessus de l’eau, combien de temps ? Si ça se trouve, au bout de plusieurs années, le pont va s’écrouler, le poids de l’amour va tout faire basculer, il peut provoquer une acqua alta gigantesque à force d’accumuler les clés d’acier et de cuivre juste en dessous…

Roger, Antoine, Isabelle, Marco, José, Francette, Igor, Fanny,  丹妮尔…Vous y croyez encore, et encore, et encore, et encore… Vos amours pèsent lourd sous le pont.

À côté de moi, au dessus des cadenas, les appareils photos vibraient, en duo, en trio, en famille, en groupe, personne ne peut passer le pont sans sa photo souvenir : j’y étais, regarde, c’est la plus belle vue de Venise et c’est vrai, toute les heures, chaque minute ajoute une lumière nouvelle à cette avenue d’argent, d’or, irisée, bleue, verte, presque parfumée...

Chaque année je passe et je repasse, je m’arrête, je regarde aussi loin que possible, et je sors moi aussi mon appareil, la tentation est forte, je ne résiste jamais à l’appel du large.

Maintenant la lumière est parfaite, et plus tard, ça sera encore plus beau, tiens, avec la pluie l’effet doit être magique, il faut que je revienne, je n’ai pas encore tout vu…



À la biennale d’art contemporain, j’ai vu un film (The clock), qui dure 24 heures en temps réel, quand il est trois heures sur votre montre, il est trois heures sur l’écran, l’artiste a recensé 3000 extraits de films ou de séries télévisées du monde entier, plus ou moins connus, qui marquent le temps avec des gros plans sur des montres, des horloges, des chronomètres, tout ce qui indique l’heure, minute par minute, l’ensemble de ces collages reforme un film composé de micros fictions,  reliées les unes aux autres, drôles, dramatiques, terrifiantes, des petits suspenses qui durent quelques secondes quand il s’agit des films de Hitchcock. C’était très impressionnant, on avait toujours l’heure exacte sur l’écran... Fascinant, l’artiste américain (Christian Marclay, Lion d’or de la Biennale) a fait une performance extraordinaire... La salle de projection se trouvait  en fin de parcours des oeuvres contemporaines, dans la Corderie de l'Arsenal. J'y suis bien restée vingt bonnes minutes, écroulée dans un confortable fauteuil, avant de m'apercevoir du temps réel entre ma montre et les images... J'étais éblouie, je me suis dit comment c'est possible de faire ça ?

Sur le pont Accademia, il faudrait faire ça, filmer le paysage avec toutes les lumières, tous les sons, toutes les impressions... Qui défilent pendant 24h, minute par minute. On pourrait aussi demander à Monsieur Monet de s’installer à demeure sur un pliant et de nous faire la même chose avec ses pinceaux, comme il a fait avec la cathédrale de Rouen… Moi je verrais bien Monsieur Turner remettre des petites brumes ici où là à chaque heure du jour et de la nuit… Photoshop pourrait s’y mettre aussi, 24/24h, il pourrait mélanger les heures et les lumières, on ne reconnaîtrait plus rien du tout, ça serait totalement expérimental...

Mais bon, c’est comme l’amour, des promesses, toujours des promesses... Attendons de voir aussi pour les cadenas s’ils seront encore là l’année prochaine, je vous tiens au courant... Promis.


Par un soir d'orage.. 



Lumière du matin...

A vous maintenant...

mardi 23 août 2011

Venise 2011... Le sac idéal ?


Le nouveau sac gris souris avec la couronne de perles vénitiennes
 (achetée chez une dame qui les fabriquait encore)

J'ai toujours cherché l'idéal, celui qui va correspondre à mes besoins, à mon goût... Ça ne vous rappelle rien ? C’est ainsi que je commençais mon post du 24 février dernier… Sur le sac idéal, spécial Venise.

Pour finir je n’ai emporté aucun des sacs que j’avais photographiés sur le porte-manteau de bois, pour illustrer mon billet.

Chacun avait sa faiblesse, son charme, mais finalement l’idéal, je ne l’ai pas trouvé…

J'ai acheté un nouveau sac bien avant mon départ, souple, léger, gris souris, passe muraille, pas magnifique, mais pratique, des poches partout, devant derrière, à l’intérieur, presque trop. Je ne l’avais pas vraiment choisi pour son style ni son élégance, mais pour le confort de la bandoulière, bien plate à passer autour du corps, et sa belle capacité : clés, éventail, bouteille d’eau, livre, carte, papiers divers, carnet, crayon, porte-monnaie, mouchoirs en papier, appareil photo, et éventuellement, un fruit acheté ça et là en route…

Il fit l’affaire pour l'aller en wagon-lits, j’étais contente de moi, j’avais bien choisi pour une fois, pas de regret, que des avantages, j'ai même pu y mettre un petit sandwich... En général, le petit sandwich du train est une affaire d'État, j'y pense au moins deux jours à l'avance, il doit être constitué uniquement de choses que j'aime particulièrement et que je ne mange pas très souvent, qui ne dégoulinent pas partout, qui se tiennent correctement dans le papier d'aluminium, la récompense en somme, le plaisir solitaire, l'interdit, l'exception... Et souvent, il me suffit de penser gruyère, jambon, pain, et cornichon, pour me faire un bonheur complet. Facile à satisfaire, la dame...


Je vous ai parlé aussi de mes idées positives, arrivées en trombe sur le quai de la gare de Lyon, comme un bain de jouvence, j’étais prête, profondément prête à tout accepter de Venise : le monde, les marchands des temples, les dégradations, la chaleur, la poste vendue, et bien d’autres choses qui m’auraient agressée en temps normal.

C’est ma Venise, impossible d’y toucher sinon je hurle, les grincements de dents, les énervements, c’étaient les idées de l’année dernière, pour cet été j’étais toute neuve, assagie, tranquille… Je ne sais toujours pas pourquoi.

Je n’avais pas pensé à mon genou, tout simplement. Allons bon, que veut-elle dire encore ?

Je n’avais pas pensé que l’état un peu douloureux de mon genou m’empêcherait de faire ce que je voulais, absolument tout ce que je voulais.


 Rêver près du petit embarquadaire



Admirer  la très vieille corte byzantine campo Margherita


Regarder le petit coup de soleil

Pour visiter, photographier, écrire, me payer une glace, regarder le ciel… Le sac gris souris était largement suffisant, mais c’était sans compter la communication avec le monde via Internet… J’en avais besoin, tous les jours il fallait que je communique, donner des nouvelles c’est bien, mais en recevoir, vous connaissez ce délice… J’avais besoin de mon mini ordinateur presque en permanence, si je ne voulais pas, au retour de la promenade, "courir" à la maison le chercher, pour repartir ensuite communiquer sur une terrasse, à mon quartier général. Aller, venir, revenir, c’est bien quand on est parfaite du genou… Mais cette année, il fallait éviter du surcroît de travail à ma rotule... Il fallait donc partir comme un sherpa, tout sur le dos, une seule route, un seul chemin, pas de repentir, je pouvais ainsi planter ma tente n’importe où…


Le sac à provisions jardin très criard

Ainsi donc, dès le matin, j’allais faire mes course chez le Billa du coin avec l’ordinateur dans le sac à provisions, pas besoin de revenir sur mes pas, je déchargeais au retour, armes et bagages au café, pour boire mon petit verre d’acqua frizzante et tapoter sur mon clavier. L’idéal ?

Pas sûr du tout, car d’ailleurs l’idéal existe-t-il pour tout, dans tout ? Combien de fois avais-je fait la comparaison entre le sac gris souris idéal et les évènements de ma vie : tout prévoir, est-ce possible ? Tout idéaliser, est-ce bien raisonnable ? Les dérèglements sont-ils toujours cause de tourments ? Comment faire pour vivre avec conviction, avec passion même, sans pour autant idéaliser, c’est-à-dire passer à côté de la vie ?

De la tête aux pieds, j’avais réalisé cet été qu’il me faudrait faire autrement que d’habitude, sans pleurer, sans gémir, être dans la vie c’est déjà bien, entièrement bien ? Pourquoi pas, mais idéalement bien, ça n’arrive pas très souvent, j'ai essayé cette formule haut de gamme tout le mois de juillet avec succès.



Le mini ordinateur pas si petit que ça

Avec mon sac à provisions si voyant, absolument improvisé, si puissant... Je lui devais tout, il m’avait permis de rencontrer à S. Barnaba Françoise et Paul, mes chers lecteurs inconnus (post du 3 août), de communiquer avec moindre mal pour ma rotule, le joyeux mélange du poulet et des oignons, du pain et des poivrons parfumait mes idées...

Au bout du bras tout allait bien, aucune gêne, je pouvais supporter la charge, et je ne portais pas tous les jours de quoi manger pour une semaine… À chaque jour suffit sa peine.

Voyez, ici aussi je réfléchis, rien de ce qui est prévu n’est tout à fait accompli, il faut composer avec la vie, comme avec des notes de musique, il faut inventer une mélodie qui vous oblige à être heureux, à n’être pas tout à fait malheureux… À être bien, à être mieux...

En rentrant de Venise, enchantée, des projets pour l'année prochaine, il me reste tant de choses à voir, j’ai retrouvé mon Alice, ma voisine de 96 ans mais peut-être bien 97 aujourd’hui, qui me dit dans un seul souffle, aux pieds de l'escalier, mon chapeau encore sur la tête, ma valise à la verticale en arrêt sur ses roulettes, après les remerciements pour la carte de Venise : je ne pars plus, je ne déménage plus, comment ça déménager, mais Alice pour aller où, j’avais tout prévu, j’allais en maison de retraite et j’ai tout arrêté, je ne veux plus y aller… Vous avez bien raison Alice, ne faites pas ça, pourquoi, quelle drôle d’idée, vous êtes si bien ici, ne me dites plus de choses pareilles, je ne veux plus les entendre… Nous nous sommes embrassées, mais j’ai pensé, comment cette décision lui était-elle venue et puis disparue ? À 97 ans, Alice hésite encore, Alice ne sait pas… Alice ne sait pas encore tout à fait quoi faire… Alice a besoin de la petite mélodie, même quelques notes, juste le Do, ou le Ré... Le Fa...

Rien n’est fixé pour toujours, il faut sans cesse revisiter toutes nos idées, quel bel avenir,  moi je ne veux pas qu’Alice parte de mon étage, demain, je vais lui porter un pot de confiture d’abricots à la vanille…



dimanche 21 août 2011

Avignon 2011... Performances.


La table, le figuier et le (faux) lilas rose

Pendant le petit séjour d'été que j'ai fait chez mon frère en Avignon, nous mangions tous les jours dans le petit jardin, pas si petit que ça puisqu'il est au moins, à vol d'oiseau, 50 fois plus grand que mon balcon... Il y a des d'arbres de toutes sortes, dont des lauriers fleur et des lauriers sauce, un magnifique figuier avec plein de fruits délicieux que nous avons dégustés tous les jours : nous les mangions au fur et à mesure de leur mûrissement, branche après branche, pas le temps de traîner... De la lavande qui sentait bon, surtout le soir ou les jours de pluie, des plantes grasses, des grosses touffes d'acanthe, un beau bonsaï dans un grand pot bleu, un prunier qui fait des vilaines prunes aigres, on ne sait pas pourquoi, mais c'est beau, un bananier oui, oui, oui, une année j'ai vu deux petits régimes de bananes qu'on n'a pas pu manger, les bananes ne se sont jamais assez développées pour faire un dessert flambé, c'était juste pour la déco... Il y a aussi un joli arbuste qui fait des grosses grappes de fleurs roses, tout le monde appelle ça du lilas dans cette maison, mais ce n'est pas un lilas...

Mon frère rêve d'une pelouse bien drue, depuis des années... Il rêve encore... Mais il m'a dit : l'année prochaine, tu verras... On verra !

Deux chats et un gros chien gardent la maison, une belle guirlande de lumière avec des ampoules de toutes les couleurs se balance dans toute la largeur du jardin, pour faire la fête dans les soirées.

Sur la terrasse du jardin il y a une table ronde, en joli bois peint, qui permet de recevoir huit personnes, bien à l'aise, sous le grand parasol.

Il y a aussi de quoi faire un barbecue au charbon de bois, mais ils n'en font jamais, c'est trop pénible à nettoyer, dix minutes de grillades seulement contre deux heures de nettoyage... Le choix est vite fait... Le grill électrique est parfait...

Une belle vie de campagne à la ville, avec quelques abeilles et papillons... Des moustiques le soir, on se tape les épaules et les jambes, on fait brûler des bougies à la citronnelle, on met de la crème, des émulsions qui font pchittt... Et tout va bien...

À la grille d'entrée, il y a une petite sonnette qui fait de la musique quand on appuie sur son bouton, le soir, dès qu'on s'en approche, la lumière s'allume toute seule pour mettre la clé dans la serrure... Le chien qui se réveille au moindre bruit vient nous saluer avec empressement...

Une vraie vie de château... Un beau château.


Performances


Un matin sans la bouilloire


Avec la bouilloire

Donc, après manger, il faut bien débarrasser la table, alors c'est à ce moment-là que mon frère fait ses performances. Avec un petit plateau rond et rouge, il essaye de tout enlever en une seule fois, il faut beaucoup d'habileté, bien calculer son coup pour tout empiler sans rien casser.


Un matin


Un midi


Le soir où on a un peu triché...

Il ne dit pas : je vais débarrasser la table, mais, je vais faire une performance, alors j'ai eu l'idée de tout photographier... Comme mon frère est un artiste, forcément la performance était très belle, très équilibrée, très étudiée.

Nous n'avons jamais triché, sauf un soir où nous étions huit, trop de choses, trop de risque, trop, trop, trop... Il a fait deux voyages... Je n'ai pris que le premier grand voyage...


Nature morte pour bon vivant


Variante artistique... Et délicieuse

Quelques fois l'artiste nous préparait des assiettes de fruits et légumes pour conserver nos lignes, des vraies natures mortes, superbement magnifiques et délicieuses... Pour des bons vivants.



Avec les figues du figuier...

Vivement l'année prochaine qu'on se roule dans l'herbe... Le château sera de plus en plus fort !