Dans quelques jours seulement j'y vais, j'en ai les larmes aux yeux. J'arrive... De l'air, de la lumière, des oiseaux, des rivières, les vignes, des fleurs, des mirabelles, des pêches, des figues juste au dessus de ma tête quand je mange dans le petit jardin tout vert de la maison... Les mûres en grappes, gorgées de jus couleur de sang, pendent généreusement, aïe ça pique, je prends les plus grosses, je laisse les autres aux mouches, ça repique aux mollets, ouille, ouille, les orties ne sont pas mes amies... Avec seulement un peu de sucre en plus, je ferai de délicieuses confitures, les belles étiquettes sont prêtes... Les trèfles à quatre feuilles que je ne trouve jamais, parce que je regarde en l'air dans le bleu du ciel, dans les arbres... Loin, aussi loin que je peux, je compare les couleurs, celles qui passent déjà sous le pinceau du temps, les plus soyeuses, les plus éclatantes, les plus changeantes, je suis tranquille pour tout le mois, les verts et les bleus seront parfaits, dans tous leurs états.
La petite loge ensevelie (maison de vigne)
Les voisins, les voisines, le boulanger et son délicieux Paris-Brest, galettes de pommes de terre, galettes au fromage, le pâté berrichon, le petit pont qu'il me faut passer pour aller plus loin... Beaucoup plus loin vers l'étang, beau tout le temps... Sa surface calme, brille comme du papier glacé, pas de vent, pas une ride, j'ai vu glisser des cygnes, voler des hérons, houlà ! Un gros ragondin, un rat même qui vient manger les grains de blé réservés aux carpes, ça saute ici et là, et hop, l'étang frétille !
Les dernières bottes
Encore plus loin, du silence, deux ou trois voitures qui passent quand même, mais presque rien... Les maisons de vigne qui meurent doucement le nez dans le maïs, leur toit est crevé, il y pousse de la vigne, la porte est toujours ouverte mais il n'y a jamais personne qui vient s'abriter du soleil, se reposer du travail de la terre, mettre l'âne à l'ombre... Seules les histoires le racontent, les vignes par ici sont abandonnées comme les fermes, qui deviennent les unes après les autres des résidences secondaires...
Sur mon vélo le soir, je respire toutes les odeurs des herbes, la paille, le foin coupés depuis longtemps mettent à mon cou une goutte de leur parfum distillée par le vent... Je pédale dans une délicieuse odeur d'eau de toilette, l'eau parfumée se répand sur toute la campagne, personne n'y échappe...
L'étang d'argent
Les prunes, les Sainte-Catherines, les mirabelles, je vais vous mettre en pot, en compotes, même si je dois me baisser jusqu'à terre pour vous ramasser, je vous aurais... Les pommiers, si beaux, si ronds, si gracieux, aux fruits qui brillent de loin, pourvu que je trouve des Reinettes...
Le jour, il ne faut rien manquer de voir, écouter sans bruit, sentir, marcher, pédaler, s'asseoir sans bouger de peur de déranger... Attendre seulement que la lumière change... Ça bouge dans l'herbe, tant mieux, nous serons plusieurs... Le soir, je regarde les étoiles.
Je me souviens comme j'ai pleuré le premier jour quand je suis arrivée à Istanbul, devant la première grande mosquée, si royale, si belle, si raffinée, je vais sans doute avoir du mal à parler aussi quand je vais revenir en Indre, une boule dans la gorge, une émotion forte venue des saules, des chênes, des noyers va me prendre, je le sais... Comme à Istanbul la première fois...
L'automne à la Chardin (presque)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire