Le soleil y était, roulons petite, il reste encore des chemins d’aventure ! À chaque coup de pédale un nouveau regard, je voulais tout emmagasiner, rembobiner, garder, figer... Mais non, tu reviendras l’année prochaine ! Allons, roulons, un petit peuplier en flammes, des herbes jaunes, des noyers déplumés, des effets de lumière dans tous les coins, je savais où étaient les vaches, les pommiers, une dernière pomme cueillie à l’arbre, pour la route... Arrivée à l’étang, je me suis assise sur mon siège tripode et j’ai fait l’inventaire de l’air et de la douceur du jour. Les hérons étaient au rendez-vous, les cormorans, les carpes sautantes, les ronds dans l’eau à chaque saut, il y avait du monde, mais beaucoup trop loin pour la photographie.
J'ai pleuré souvent au bord de l'étang, car c'était beau à pleurer
J’ai poussé à pied vers l’allée des grands chênes, je ne me lasse jamais de cette cathédrale, laissant ma monture reposer dans l’herbe, les mains dans le dos, les yeux grands ouverts sur tout, pas un bruit, rien à faire... Il commence à faire froid, il va bien falloir m’en retourner, j’ai pas de lumière sur mon vélo, pas de sonnette non plus, juste mon tripode en biais dans ma sacoche ! Allez, le reste, tu le referas l’année prochaine. Peut-être, comme avait dit ma voisine qui est partie avant moi dans le Grand Paris... Il arrive un moment dans la vie, quand il vaut mieux regarder derrière que devant, où pour les projets, on n'emploie plus le mot : peut-être... C’est certain !
J'ai poussé à pied jusqu'à l'allée des grands chênes...
Mais la belle journée s’achevait, magnifique ! Le soir de ce dernier tour de piste, je savais que j'avais vu le plus beau, avec cœur, je me parlais toute seule : souviens-toi de cet arbre, de ce noyer qui cette année fait tomber ses noix sous mes pas comme un don du ciel, des vaches qui te regardent toujours avec étonnement, tournent la queue et puis s'en vont, elles se moquent complètement que j'attendais depuis un quart d'heure, sans bouger, prête à leur tirer le portrait, pour la pose idéale...
Toujours plus belles...
Comment vais-je faire pour ne pas oublier toutes ces sensations réconfortantes, à l'abri des bruits du monde, des avenirs incertains, du pire qui était à craindre ? Ici, personne ne marche, ne roule, ne parle, je suis entièrement seule avec la beauté de ce petit bout de Paradis !
Je me souviens de chaque pas, chaque tour de roue, chaque pente douce, virage, quelques noyers m'ont surprise à donner des noix sonnantes et trébuchantes, alors que j'y étais passée depuis des années sans rien ramasser, l'année est à noix, l'année est à moi ! À l'année prochaine, si je peux, je reviens, ne bougez rien ! Je n'ai pas ramassé assez de noix, je n'ai déjà plus rien...
Mes amis, je mets du temps à remonter mon temps du Berry, je compte encore sur votre patience ! Il pleut, il vente des jours entiers, je ne mets presque pas le nez dehors... Je vous embrasse...


