L'écran grand format :
Depuis le confinement, j'ai vu mon poste de télé d'une autre façon : mais pourquoi, pourquoi ne l'ai-je pas pris un peu plus grand ? Tu radotes, Danielle, tu nous a déjà parlé de ton questionnement existentiel... Oui, la vie est faite d'une succession de ratiocinations, le lundi, vous pensez blanc, le mardi, gris, et ainsi de suite, tout l'arc-en-ciel y passe... L'essentiel n'est-il pas de pouvoir penser, et de le dire autrement à chaque fois, pour espérer un changement, une évolution, un approfondissement, et même un retour à la case départ ? Souvent même, on reste dans ses pas, sans bouger d'un iota...
Oui, c'est vrai, je m'en souviens, j'ai dit que je regrettais de n'avoir pas écouté mon fils qui me disait au moment de l'achat de mon poste, il y a déjà cinq ans : mais, maman, tu pourrais prendre un peu plus grand, non ? Pas du tout, mon fils, il est parfait comme ça, il se marie très bien avec mon meuble Ikéa et ma salle de séjour, et mon fils chéri avait dit : bon, bon, bon. Puis le temps a repris son cours, toute heureuse d'avoir un téléviseur avec de belles couleurs, qui marche comme une horloge, totalement raccord avec le mobilier et la marche du monde... Quand on a tort, on a toujours l'impression que le monde entier est contre vous, mais non, juste que le lundi, c'est gris, le mardi, c'est mauve... Le...
Puis est venu le temps du coronavirus et du confinement... Qui dure... Pour les vulnérables, dont je fais partie...
Maintenant que je suis hyper branchée, et que je sais surfer sur toutes les plateformes qui proposent des films, des documentaires... Maintenant que je peux sélectionner ce que je veux regarder en VOD, je fais moins la maligne. L'autre soir je regardais un film passionnant, la biographie d'une femme juge à la Cour Suprême des Etats-Unis : RBG Ruth Bader Ginsburg, qui a œuvré toute sa vie pour l'égalité homme/femme au sommet du pouvoir judiciaire américain. Je voyais les sous-titres une ligne sur deux, j'ai manœuvré dans tous les sens pour lire les deux lignes à la fois, rien à faire, j'ai révisé mon anglais déjà si pauvre... Je me suis dit : c'est quoi, cette affaire de sous-titres illisibles ? C'est la plateforme, ou mon téléviseur ?

Puis l'idée du mercredi est revenue : gris clair, si je changeais ma télévision pour plus de plaisir ? Ça se réfléchit, un de mes fils était maintenant d'accord pour reprendre la mienne, bien plus grande que la sienne. On avait tout mesuré, même mon gendre s'y était mis, oui, dix bons centimètres de plus, ça serait très bien, Danielle !
Affaire conclue, mon fils chéri, tu peux t'en charger ? Tu as carte blanche, j'avais dit l'essentiel, pas question de la ramener, il avait tout compris d'un seul coup d’œil. Des années étaient passées, on repartait de zéro pour la dimension ADÉQUATE ! Bien sûr, maman, je m'en charge... Vous voyez la douceur de ma vie avec des fils, gendre et belle-fille doux comme des agneaux... Merci, mes enfants...
C'est l'évidence : la mort dans l'âme, ce n'est pas demain que je vais remettre les pieds dans mon cinéma de quartier ! Je vais faire comme beaucoup de gens qui n'osent pas encore gravir les tapis rouges des salles obscures : regarder un peu plus la télévision, en choisissant mieux le programme, il y a quantités de plateformes à disposition, gratuites et payantes, les replays, le streaming... L'idée du nouveau format pour voir plus grand, plus loin, décidément me plait beaucoup...
Entre nous, vivement que je puisse retourner dans ma salle de ciné, accueillante, confortable, amicale, programmée par des connaisseurs du 7e art ! J'y allais plusieurs fois par semaine, sans me ruiner, j'ai abandonné pour elle depuis longtemps mon passe dans les grands circuits UGC/MK2...
Mais tant que nous vivrons sous le temps Corona, la vie restera compliquée...
Comme on ne vit qu'une fois, et que moi, vulnérable, il vaut mieux que je me dépêche, bouclons cette décision au plus vite, quelle chance, pas besoin de feuilleter les catalogues via internet, on avait juste défini une chose : il faudrait une 46 pouces, même marque, même design, même belles couleurs... Mon fils n'a rien dit de plus que : parfait, je m'en occupe !
La pensée grand format :
La pensée grand format, je l'ai trouvée ce matin, en écoutant la radio, (France Culture) : une semaine avec le grand philosophe Vladimir Jankélévitch (1913-1985). Ce matin-là, les invités décortiquaient la vertu de la "sincérité". Bien des fois, j'avais remarqué qu'au prétexte de la sincérité, la vérité, beaucoup de malveillances se déversaient dans le détour d'une conversation. entre deux personnes, et même quelquefois entre "amis". Jankélévitch revient sur cette façon de dire sa pensée avec "sincérité", et il rajoute : cette sincérité doit rester bienveillante, dans le respect de la personne à qui s'adresse tout discours sincère.
Au prétexte de dire à quelqu'un "ses quatre vérités, avec sincérité", bien souvent on le blesse, avec brutalité, sans le respecter. Je ratiocinais dans mon coin, je me souvenais de quelqu'un qui m'avait raconté avec quelle brutalité, "sincère", il avait reçu d'un médecin un verdict de santé, funeste... Le laissant complètement écrasé, sans forces. Ou tel autre qui avait reçu en pleine face un jugement "sincère" sur sa production artistique, sans ménagement, sans respect, sans délicatesse... Engager un entretien avec quelqu'un ne nous exonère pas de le faire avec le respect le plus basique, je suis d'accord avec cette idée fondamentale...
Souvenez-vous du personnage d'Arsinoé (dans Le Misanthrope de Molière) qui vient voir sa copine Célimène pour lui dire "sincèrement" tout le mal qui se dit sur son compte dans les salons :" Je viens par un avis qui touche votre honneur, témoigner l'amitié que pour vous a mon cœur", et en profite allègrement pour lui déverser le tas de saloperies qu'on raconte sur son dos en toute" sincérité".
Vladimir Jankélévitch trouve la "sincérité" encore plus vertueuse si elle est accompagnée du respect et de la bienveillance, et qu'elle ne doit pas servir de porte d'entrée à la malveillance : ces précisions m'allaient tout à fait. Merci Monsieur Jankélévitch !" La sincérité toute nue" a vite fait de calomnier, d'humilier "l'adversaire".
La saga de l'artichaut :
Mon artichaut le 2 septembre, j'attends ton fleurissement...
En place, sur ma table, depuis le 19 août 2020, voici le troisième artichaut que j'espère voir fleurir, légère ouverture des feuilles qui se durcissent, mais je ne vois toujours rien venir de plus précis... J'espère encore... Mes amies m'ont dit : il faut du temps. Jankélévitch a dit : il faut du respect, de la bienveillance, mon fils me dit : parfait, je m'en occupe !... Moi, je me dis : patience...
Mes amis fidèles, mes passagers d'internet, à très vite entre mes lignes, prenez soin de vous et des autres... Je vous embrasse.