jeudi 9 août 2018

La vie en rose ? Post triste !

La vie ! Vous en fait voir de toutes les couleurs...

Au début, la vie se présente avec des couleurs layette, vous vous souvenez bien avoir tricoté (surtout les filles) le rose et le bleu presque exclusivement. Et puis après, les vies sont venues avec des couleurs plus variées car le monde avait évolué, les filles et les garçons naissent aujourd'hui avec les couleurs de l'arc-en ciel, nous avons gagné du terrain sur la monotonie. Moi aussi, je me souviens de mes débuts, en bleu pour le premier de mes fils, en bigarré pour le deuxième... Qui tricote aujourd'hui pour les nouveaux-nés ? Les supermarchés, les magasins, les boutiques en ligne...

Alice, bien sûr, ma voisine de palier, centenaire, continue dans la nouvelle maison de retraite de tricoter encore exclusivement en bleu, rose et blanc. Je m'émerveille de son travail, mais je ne dis jamais rien pour les couleurs, les couleurs de son temps... Puisque je parle d'Alice, je peux vous dire que sa fracture du bassin s'est bien arrangée, depuis quelque semaines elle re-marche avec une canne, mais je me fais beaucoup de soucis quant à l'hypothétique retour dans son appartement. Ses enfants et elle-même semblent maintenant opter pour la maison de retraite, pas très loin de chez moi, Alice préfère "être servie". J'en suis très attristée, mais attendons la décision familiale finale... Alice n'a plus envie de vivre, voilà des années qu'elle m'en parle, et je lui dis : oui, Alice, je comprends, mais restez, restez donc, rien que pour nous... Mais maintenant, elle semble dire autrement : je ne me plais plus dans mon appartement !

Quel grand vide si Alice ne revient pas ! Je ne suis pas allée la voir avec ma voisine (celle que tout le monde adore, et moi aussi, dans la tour), j'étais trop triste, je n'ai pas pu, je n'ai pas pu...


Alice, revenez !


En ce moment, ce n'est pas rose dans ma tour, un couple au 7e a été catapulté, lui, est décédé la semaine dernière à l'hôpital, c'était un sacré jardinier. Ils avaient pris en location depuis de très nombreuses années un petit lopin de terre communal (appelé communément jardin ouvrier), tout ce qu'il plantait arrivait à maturité, c'était un artiste aux pouces verts, dit le voisin du 8e qui le connaissait très bien, vous auriez vu son jardin, fleurs et légumes se côtoyaient avec harmonie, c'était incroyable, il était formidable ! Il lui dressait des couronnes de lauriers, au lieu de parler du mort, on parlait des fleurs du mort et tout le hall d'entrée de l'immeuble s'était couvert des fleurs et des légumes de Manuel ! Je n'ai pas entendu souvent des éloges funéraires aussi beaux. Petra : quelquefois, je la voyais le soir à la fraîche redescendre la petite côte, elle revenait de leur beau jardin,  à petits pas, son panier d'osier à la main, pesant, rempli de légumes de toute beauté... Ces derniers temps, ils allaient tous deux à très petits pas, lui avec une canne, il avait frôlé la mort plusieurs fois, à chaque fois direction hôpital... Depuis peu, elle perdait la tête, allait faire ses courses sans un sou... Elle est maintenant elle aussi à l'hôpital...



Mes amis du 7e, je pense à vous

 Elle avait un accent espagnol à couper au couteau, il lui manquait quatre ou cinq dents du haut, je ne comprenais jamais complètement ce qu'elle disait, mais je m'arrêtais toujours pour écouter ce qu'elle avait de si pressant à me dire... On se quittait avec un sourire, comme elle n'entendait pas très bien, je lui disais assez fort : passez une bonne journée, passez une bonne soirée, chouette, il fait beau, zut, il fait froid selon le cas... Et elle allait trottinant...  Leur appartement restera vide, elle ne reviendra pas...

Les défections s'empilent dans ma tour, les morts, les désertions, la roue tourne trop vite, il faudrait y glisser des petits cailloux pour la freiner...

Les anciens de la tour s'en vont petit à petit, la roue tourne trop vite... Trop vite...

La vie en rose  ? Dans ce film que j'ai vu dernièrement, certainement pas,  il faut avoir un moral bien trempé pour lui résister,  mais je ne peux pas tout prévoir. À la fin du film j'en suis ressortie avec "un petit moral".


Ne cherchez pas, le film s'appelle : The bacchus lady (1h50), d'un réalisateur coréen E J-Yong

E J-Yon, inconnu à mon bataillon de réalisateurs, une belle découverte, mais voilà, pour son film il faut tenir le coup... À vous de voir...

Le film raconte la vie très dure d'une personne âgée qui, faute d'une retraite suffisante, complète ses revenus en se prostituant. The lady bacchus est le terme élégant traduit en anglais pour désigner une prostituée... Voyez la version originale sur l'affiche en coréen...

Son quotidien est traité de façon douce-amère pour ne pas faire sombrer le spectateur... Elle rencontre des hommes de son âge, leur propose de "s'amuser"' un peu avec elle... Ses habitués prennent de l'âge tout comme elle, souffrent de maladies incurables (cancer, Alzheimer, solitude profonde), certains font appel à elle pour en finir... Elle donne le coup de pouce qu'il faut...

La fin est complètement morale puisque Lady Bacchus termine ses jours en prison.

Au sortir de la séance, le temps de me remettre de mes émotions, je rentre dans une discussion avec une spectatrice qui vient devoir le même film que moi... Et nous voilà parties dans une conversation qui la touche personnellement, elle me raconte la vie de sa maman qui est atteinte de la maladie d'Alzheimer... Mais surtout de la sienne qui bascule, comment faire madame ? Comment va être ma vie d'ici quelques années ? Je suis seule avec ma mère, mon frère est aux Etats-Unis, elle perd de plus en plus la mémoire, je dois lui répéter des dizaines de fois la même chose, cependant elle continue de vivre seule dans son appartement, mais pour combien de temps ? La voilà partie direct sur le droit à l’euthanasie, il y a déjà plusieurs pays qui sont bien plus en avance sur nous sur ce sujet...

Elle trouvait que ces personnes coûtaient chers à la société, elle prenait le parti de l'euthanasie à la place de l'aide... Je n'arrivais pas à le croire, je suis restée à l'écouter, mais au fond de moi j'étais effondrée...


Le poirier sauvage

Mais je n'avais pas fini de pleurer, car entre-temps j'ai vu un nouveau film que je vous recommande : "Le poirier sauvage" de Nuri Bilge Ceylan (turc), 3h08. Un chef-d'oeuvre ! J'ai adoré chaque plan magnifique, chaque parole, même celles pleines de désillusion dans beaucoup de domaines de la vie : amour, croyance, famille, société, avenir, solidarité... Paroles amères, cinglantes, arrogantes, provocantes et pleines de doutes... Sinan, jeune diplômé, vient de terminer ses études qui doivent lui permettre de passer le concours pour devenir instituteur... Il revient dans la maison familiale, il n'est ni aimable, ni sympathique, l'empathie lui manque, il est plus critique que compréhensif, il va rater le concours... Sinan a écrit un livre qui s'appelle "Le poirier sauvage", il veut le faire éditer, mais le chemin sera long... Long aussi le chemin du rapprochement avec son père, joueur invétéré qu'il méprise... Le chemin sera court pour nous spectateurs, les rencontres sont multiples et passionnantes, émouvantes, faisant jaillir de multiples questions... Mais j'ai beaucoup pleuré, je pleure encore... Quelle belle rencontre, quel bonheur de voir un tel film, Ceylan nous donne le temps de vivre un morceau du chemin, tellement humain, que parcourt Sinan. À la croisée de ses chemins, les doutes s'accumulent... La fin reste tout de même pleine d'espoir.

Bravo l'artiste ! Un film à voir absolument...

Allez, le prochain post sera vert, vert comme l'herbe, vert comme les arbres, rose comme les fleurs... Bel été mes amis...


9 commentaires:

Marie Claude a dit…

Oh Danielle ce billet loin d'être rose,mais la vie est ainsi faite,des moments de joie mais aussi de grande tristesse où nous devons "lutter".
Je pense bien à "notre Alice" et je la comprends un peu,tu nous le disais qu'elle en parlait souvent!!
Il y a 2 ans que ma voisine de palier s'en est allée,tout comme Alice elle en avait assez..
Dans l'attente de la vente de son appartement,sa porte reste définitivement close,45 ans d'amitié s'en sont allés!!!
Très triste aussi pour tes voisins du 7éme.
Très envie de voir "le poirier sauvage",je l'avais noté;j'avais beaucoup aimé "winter sleep" du même réalisateur avec des paysages magnifiques!
Ton prochain billet sera certainement plus gai et nous donnera "la pêche"!!
Gros bisous du matin

Danielle a dit…

Oui Marie Claude la vie n'est pas couleur layette, nous sommes d'accord...

Je comprends pour ta voisine, le manque ! 45 ans d'amitié ça n'est pas rien...

Bon film pour le Poirier sauvage...

Oui, le prochain post sera plus gai !

Je t'embrasse très fort.

siu a dit…

Tellement vrai... la vie est faite aussi bien de joie, que de tristesse. Et nous ne devrions jamais oublier de nous réjouir pour chaque moment de bonheur qui nous arrive, pour petit qu'il soit.
Quant à "notre Alice", si j'essaie de me mettre dans sa peau sincèrement je ne sais pas vraiment quoi lui souhaiter. En tout cas et de tout mon coeur, bien sur, que tout ce qui lui arrivera encore ne soit pas trop lourd à supporter.

Gros bisous, chère Danielle, en attendant les orages qui devraient atténuer la canicule...

Brigitte a dit…

La vie est parfois cruelle … Alice ne reviendra peut-être pas … Les voisins du 7 eme …
Je songeais à aller voir le"Poirier " Je vais y aller la semaine prochaine si c'est encore possible?
Ton prochain billet sera plus rose ,je l'espère. Mais tu sais, c'est pareil partout ..; Hier j'ai rencontré une amie: son mari est hospitalisé . Ma sœur me téléphone ce midi: son mari est de nouveau à l'hôpital …
Allez haut les cœurs, la vie continue et la fraîcheur d'hier nous a fait un bien fou .
Je t'embrasse fort Danielle

Enitram a dit…

Je veux voir le second, ton résumé et ton ressenti confirme mon choix ! Merci ! Je me laisserais bien tenter par le second mais...
Beau week-end !

Enitram a dit…

confirment ! serait mieux !
Bises

Danielle a dit…

Oui, Siu, on devrait ne pas oublier de se réjouir de chaque moment de bonheur, mais en vrai, j' oublie quand même... Et je le regrette...

Pour Aliçe, je suis comme toî je ne sais pas pour elle... Mais je vais regretter sa présence...

Il fait frais aujourd'hui, ça fait du bien.

Je t'embrasse du soir.




Danielle a dit…

Oui Brigitte haut les cœurs, même si les cœurs sont en berne...je n'y arrive pas toujours...

Mais oui, haut les cœurs, la fraîcheur fait du bien.

Brigitte baisers du soir.

Danielle a dit…

Énitram, tu va aimer c'est sûr !! C'est un film qui va en profondeur et beau !

Plein de bises du soir.