L'Adoration des Mages - Federico Zuccari (1564)
Cette année, comme toutes les autres, je suis allée revoir l'église de San Francesco della Vigna. Chaque année, comme toutes les autres, j'ai découvert des beautés nouvelles, dissimulées dans un coin plus sombre, laissées de côté en passant trop vite, des beautés que je n'avais jamais vues jusqu'à ce jour, je ne sais pas vraiment pourquoi. Il me faut des années et des années pour faire le tour d'une église, il y a tellement tellement à voir dans ces lieux : un marbre sculpté, un tableau, un vase de fleurs bien disposées sur l'autel, un rai de lumière qui s'incruste au sol, un lustre qui clignote, un détail cent fois ignoré et qui un jour me saute aux yeux. Les églises de Venise sont des sources inépuisables de rencontres esthétiques.
Quand je suis arrivée à San Francesco della Vigna, lieu pourtant familier, j'y suis entrée avec un regard neuf, pas facile quand vous y venez depuis des lustres. Tout de suite à gauche de l'entrée principale, après avoir franchi la belle et blanche façade de pierre d'Istrie d'Andrea Palladio (1562), la petite chapelle Grimani me parut toute nouvelle. Comment était-ce possible de ne l'avoir pas mieux remarquée ? Deux fresques de Federico Zuccari, l'une d'elle (l'Adoration des Mages) est peinte à l'huile sur du marbre, restaurée il y a quelques années, certains corps et visages restaient cependant un peu effacés, éclairée par un projecteur pour quelques centimes d'euros, elle me faisait toujours grande impression. La douceur des couleurs, un peu passées, me fit penser à de l'aquarelle : transparente, légère, lumineuse, douce, une vraie beauté que j'avais laissée dans l'ombre. J'y suis revenue plusieurs fois au cours de mon séjour, je me suis contorsionnée dans tous les sens avec ma tablette pour la saisir aussi bien que je la voyais, mais je n'y suis pas du tout parvenue... À chaque visite, j'ai admiré la puissance de cette composition qui, grâce à ses formes et ses couleurs, invite ses admirateurs à grimper jusqu'au ciel, immensément bleu, repris en écho au premier plan de l'oeuvre par la robe de la Vierge et le manteau du mage noir. Tout en haut brille l'Esprit Saint... Au loin passe un cavalier, sans doute une allégorie ? Deux anges accompagnent l’événement avec grâce, la vieille architecture vacille, s'écroule, la légende chrétienne laisse espérer aux croyants des jours exceptionnellement nouveaux et heureux. Les artistes talentueux n'ont pas leur pareil pour inventer des réalités légendaires... Comment y résister ? Moi qui n'ai aucune croyance religieuse, je reste en admiration devant les richesses chromatiques qui animent les matières et les corps, l'harmonie parfaite entre les couleurs qui peuvent même se heurter en chantant, comment échapper à ce monde de douceur et de beauté, tout paraît si simple, si essentiel, si éternel... Magnifique ! Sur l'autel, deux vases en cuivre rutilant achevaient le prodige devant mes yeux. Ces moments précieux passés au pied de belles œuvres "oubliées" (par moi) m'enchantèrent.
La Résurrection de Lazare - Federico Zuccari (1561)
L'autre fresque, la Résurrection de Lazare, dans la même chapelle, sur le mur opposé, du même artiste, de la même période (17e), attira aussi mon regard. Une vraie fresque faite à la peinture à l'eau sur un mur en pierre, d'une telle fraîcheur ! Mais elle était placée trop haut, il fallut que je me mette sur la pointe des pieds, pour me rehausser d'un rien, totalement insuffisant pour prendre une belle photo, pas de recul... Lazare ressuscité, encore un mystère pour moi, mais la même pâte, la même fluidité, la même aquarelle, la même admiration !
Je n'ai pas voulu quitter l'église sans glisser une petite pièce dorée pour actionner le projecteur sur la Vierge à l'Enfant de Giovanni Bellini.
Empruntée sur Wikipedia
Sur ma photo les couleurs sont plus conformes à l'original, sur la photo de Wikipedia on a une meilleure approche du sujet, plus de détails, combien ai-je de photos de ce tableau ? Je ne sais plus, mais beaucoup, c'est comme un réflexe, et si cette fois-ci, je faisais mieux que les dernières fois ? Non, à chaque passage je déclenche...
Comme l'on fait lors de visites à des proches que l'on connait par cœur, on prend son temps, on savoure les retrouvailles, tout est simple avec eux, il suffit de s'embrasser et de se regarder dans les yeux, sourire... À San Franscesca della Vigna, c'est exactement pareil, je prends mon temps pour les retrouvailles, avec le sublime tableau sur bois d'Antonio da Negroponte. Sa Madone et l'Enfant Jésus, qui trône sur un petit autel du bras droit du transept, est toujours plongé dans le noir, il faut vraiment savoir qu'ici se trouve une merveille, il faut vraiment mettre une pièce pour éclairer le tableau, il faut vraiment le regarder longuement, s'en pénétrer pour le garder à jamais et prendre des photos, la hauteur est bonne, on peut y aller, plus on revient à Venise et plus l'envie d'en conserver chaque détail me tenaille... J'ai toujours l'impression d'oublier quelque chose, et c'est vrai, le décor est tellement riche, les codes, les symboles chrétiens y sont si foisonnants... Restauré il y a quelques années, ce trésor est revenu à sa place pour mon plus grand bonheur...
Comme l'on fait lors de visites à des proches que l'on connait par cœur, on prend son temps, on savoure les retrouvailles, tout est simple avec eux, il suffit de s'embrasser et de se regarder dans les yeux, sourire... À San Franscesca della Vigna, c'est exactement pareil, je prends mon temps pour les retrouvailles, avec le sublime tableau sur bois d'Antonio da Negroponte. Sa Madone et l'Enfant Jésus, qui trône sur un petit autel du bras droit du transept, est toujours plongé dans le noir, il faut vraiment savoir qu'ici se trouve une merveille, il faut vraiment mettre une pièce pour éclairer le tableau, il faut vraiment le regarder longuement, s'en pénétrer pour le garder à jamais et prendre des photos, la hauteur est bonne, on peut y aller, plus on revient à Venise et plus l'envie d'en conserver chaque détail me tenaille... J'ai toujours l'impression d'oublier quelque chose, et c'est vrai, le décor est tellement riche, les codes, les symboles chrétiens y sont si foisonnants... Restauré il y a quelques années, ce trésor est revenu à sa place pour mon plus grand bonheur...
La Madone sur le trône, admirant l'Enfant Jésus - Antonio da Negroponte (1470)
On peut même dire que c'est à cause de Negroponte que j'ai oublié les Federico Zuccari ! Puisqu'il faut un coupable pour me justifier, voilà, oeuvre d'art contre oeuvre d'art, je n'y vais pas de main morte...
Lors de mes visites, j'ai toujours remarqué la présence du même moine franciscain qui circule dans les allées, un mot aimable à chaque visiteur, un sourire, l'explication que vous cherchez, une indication concernant son église, l'accueil est fraternel...
San Francesco de la Vigna ne ressemble à aucun lieu de Venise, il reste dans le quartier un peu de vie ordinaire, des commerces de proximité, des bistrots populaires, mais pour combien de temps encore ? Combien de temps les habitants pourront-ils résister aux sirènes de l'immobilier, et de Airbnb ?
En attendant, j'en profite...
San Francesco de la Vigna ne ressemble à aucun lieu de Venise, il reste dans le quartier un peu de vie ordinaire, des commerces de proximité, des bistrots populaires, mais pour combien de temps encore ? Combien de temps les habitants pourront-ils résister aux sirènes de l'immobilier, et de Airbnb ?
En attendant, j'en profite...
8 commentaires:
Je t'ai "accompagnée" avec plaisir dans la visite de cette église !
J'ai aimé les détails de cette madone magnifique.
Voir et revoir de si beaux lieux,remarquer un détail qui a échappé,tu l'écris si bien.
Le devenir de Venise, j'avais vu une émission très intéressante des habitants qui essaient de la préserver,mais....elle est "victime" de son succès.
J'espère que tu pourras en profiter et partager toutes ces "merveilles" encore longtemps
Belle soirée Danielle avec des bisous du soir
Le padre Adriano a fait valoir ses droits à la retraite, j'étais à sa dernière messe dans une chiesa bondée, beaucoup d'amitiés,de joie, de photos avec les familles, les sorelle, suivi d'une grande fête dans le premier cloitre. L'avant veille la paroisse avait inauguré avec le padre la restauration du sottoportego proche avec la pierre démarquant le lieu où la peste s'était arrêtée il y a fort longtemps....il fallait le faire, stopper cette terrible maladie!!!
Merci Marie Claude, oui tu as raison Venise est victime de son succès hélas !
J'espère aussi pouvoir y retourner, normalement ça devrait être bon pour 2017 !!
Pour rapporter des trésors d'impressions...
Grosses vise du jour.
Ah ! Ben zut alors, le padre part à la retraite il paraît si jeune :-))
Merci Martine pour cette suite de l'histoire:-))
Je t'embrasse fort.
je 'souris' comme la madone en lisant tes visites ecclésiastiques, artistiques ... et
j'aimerai t'accompagner comme une ombre...je connaissez bien venise, mais je découvre encore et redécouvre de nouveau les coins oubliés...
biiiises
Chère Elfi, merci, tu découvres toi aussi encore et encore, mais c'est toujours comme ça à Venise tu le sais, je le sais, nous le savons :-)))
C'est pourquoi je me dis chaque année, justement quand je veux cesser d'y aller : l'année prochaine je reviens, je ne peux pas m'en passer, c'est si beau !
Oui aussi ce que tu dis "redécouvrir" c'est si vrai !
Je t'embrasse très fort.
Ton regard découvre chaque fois des merveilles ...
Tu sais en parler et tes photos me permettent de te suivre .
Bonne journée et bises bien pluvieuses
Merci Brigitte pour ta bienveillance...
J'ouvre mes yeux, mais heureusement, je ne vois qu'à moitié, il faut toujours recommencer, et je vais de surprise en surprise...
Toi aussi passe une très bonne journée et un très bon WE.
À très vite.
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