Photo empruntée sur internet
Je suis continuellement bercée par toutes ces voix basses : les murmures dans les bus, les ascenseurs, les grands magasins, la rue, dans tous les endroits où les humains peuvent se rencontrer...
Vous le savez, chers lecteurs, j'aime qu'on me parle à l'oreille, qu'on m'interpelle gentiment, et ça m'arrive souvent, je dois prêter l'oreille, elle doit dépasser, être visible sans doute, comme le nez de Pinocchio, car on me parle beaucoup...
Pour les murmures je dresse l'oreille, je connais une foule de choses... Pas plus tard qu'aujourd'hui, on voulait m'offrir des tissus, la dame assise à côté de moi dans l'autobus avait d'abord parlé du beau temps, elle ne savait pas comment s'habiller, le matin il faisait froid, l'après-midi il faisait trop chaud... Comme elle reluquait mon petit sac en tissu, fait (par mes) main il y a quelques années, elle me proposa d'emblée : j'ai plein de tissus chez moi, de très beau tissus, vous en voulez ? Je vous les donne volontiers, j'ai travaillé dans mon jeune temps dans des grandes maisons qui vendaient de très beaux vêtements, merci madame, mais je ne couds plus, ça m'agace maintenant, je n'ai plus la même patience, j'ai fait trop de sacs, j'en ai pour le restant de mes jours, merci mille fois, passez une bonne journée... J'avais pris un coup de vieux, sûr, puisque je ne ferai plus ce que je faisais avec tant de plaisir, j'étais passée à autre chose, sans me presser...
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Elle me tendait un gros paquet de poisson congelé : os dedans ? Au supermarché on prend le temps de se parler de choses très utiles, nous avons eu de la chance avec cette dame, j'ai compris tout de suite où elle voulait en venir, que "osdedans" voulait dire avec des arrêtes... J'ai pu lui expliquer rapidement, qu'il n'y avait pas d'arrêtes dans le poisson... Et que pour ses enfants, c'était parfait !
Les murmures dans le métro sont moins fréquents que dans le bus, peut-être cela est-il dû au côté voiture particulière, plus conviviale, plus intime, je ne sais pas... Le métro ne laisse pas souvent la place aux chuchotements des voix.
La rue regorge de bruissements, l'autre jour, alors que nous nous bousculions légèrement au coin d'un magasin : pardon, excusez-moi, j'étais dans mes pensées... J'espère qu'elle sont bonnes, vos pensées ? Non, je suis au chômage, elle m'avait dit cela avec un sourire et une tristesse infinie... Oh ! restez confiante, c'est tout ce que j'ai trouvé à lui répondre...
Je l'avais remarquée de loin, une belle femme encore jeune, bronze doré, un petit fichu très coloré sur la tête, elle se mettait des gouttes dans les yeux, elle avait la tête très renversée et baignait son œil, je me suis dit : tiens, voilà quelqu'un qui se met du collyre dans les yeux en attendant l'autobus, mais quand je me suis approchée, j'ai vu qu'elle prenait de l'eau directement dans une bouteille en plastique, versait un peu d'eau dans le petit bouchon bleu et se lavait ainsi chaque œil avec application... Je me suis dit : tiens, c'est bien hasardeux de se laver les yeux ainsi avec de l'eau minérale, elle peut s'infecter les yeux, elle progressait dans ses ablutions avec le lavage de nez, les deux narines, l'une après l'autre, bien délicatement, y passèrent, je me suis dis : tiens, elle n'est pas bien la petite dame, puis elle se versa de l'eau sur la tête, et recommença les opérations du début...
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J'ai mis un moment à m'apercevoir que la bouteille d'eau contenait une branche de buis, la dame se purifiait et prononçait des paroles adressées à Dieu, les gens autour d'elle recevaient sans broncher, et même en la remerciant, un peu d'eau qu'elle leur tendait dans le creux de sa main... Puis je fis la traduction de la scène à une femme musulmane qui regardait comme moi la bénédiction collective, elle en paraissait complètement éberluée.. Pas besoin de beaucoup de culture chrétienne pour penser : tiens, cette dame n'est vraiment pas bien, elle avait totalement perdu pied... Autour d'elle, elle avait disposé des sacs mous, en plastique, bien remplis : tout le contenu de sa maison !
Le bus était bondé, pas de place, il a fallu attendre une grosse descente pour m'asseoir confortablement et poursuivre mon trajet.
Encore des murmures d'arrêt de bus, j'attendais le passage de mon bus, assise à côté d'une dame qu'il me semblait connaître, mais je n'ai pas retrouvé d'où je la connaissais... Au loin nous voyons descendre une petite troupe de jeunes, pas plus de douze ou treize ans, des garçons, des filles, joyeux et bruyants, une adulte tenait la tête du cortège, une mère de famille fermait la marche, nous étions dimanche. Comme j’interrogeais du regard ma voisine, elle me renseigna tout de suite : c'est la prof de français, elle fait ça tous les dimanches, elle est vraiment sympa, elle emmène ses élèves à Paris, tous les cassés, les bilboques, c'est pour elle, elle a du mérite, moi je trouvais que c'était plutôt la Légion d'Honneur qu'il lui faudrait... Ma voisine continua à dire bonjour à tous les gens qui passaient, coucous, bises, serrements de mains, elle connaissait tout le monde, tout le monde la connaissait, je ne l'ai jamais retrouvée dans mes souvenirs... Mais quels talents, un petit mot pour chacun, un petit clin d’œil au beau dimanche ensoleillé...
Place de la République, le premier soir où j'y suis allée, il y avait du monde, pas moyen de comprendre quoi que ce soit en une seule visite, ici on discute économie, là de nouvelle constitution, ailleurs on vend à très petit prix des légumes, des sandwichs, les jeunes sont tous assis par terre pour écouter les interventions entièrement libres qui durent deux ou trois minutes obligatoirement... Je n'entends rien, je suis trop loin. Sous une tente très blanche, des médecins en blouses blanches racontent leurs métiers aux urgences des hôpitaux de Paris, situation que nous avons à peu près tous expérimentée : cinq, six heures, voire sept heures d'attente avant de passer devant un médecin... Mais vous avez peut-être vécu cette épreuve... Vous savez !
A ma deuxième visite sur la place, j'ai bien compris qu'il était question de tout changer, de réfléchir, les discussions allaient bon train, ça me rappelait les amphis sur les trottoirs de mai 68 !
Demain j'y retourne, moi ça me plait bien l'idée de refaire une constitution où l’être humain serait vraiment au centre de toutes les réflexions concernant la marche de notre société, sur la liberté, l'égalité et la fraternité rien à redire, ces chères idées me semblent toujours pertinentes...
Suite au prochain numéro....
Chut ! Graf de Jef Aérosol - 2011 place Stravinsky à Paris
8 commentaires:
Les murmures de la ville te parviennent seulement parce que tu sais les entendre !Et les gens te parlent parce que tu sais écouter ...
Merci de ce joli billet
Plein de bises pour toi
Chère Brigitte merci à toi de passer par-là:-) bon dimanche pour demain...
Je t'embrasse fort du soir.
ici... les murmures deviennent cri ... ou chanson... bises du sud
Elfi, ici aussi... Des cris... Et des chansons... Un ciel gris, de la pluie et le froid sur les pas du printemps...
Gros bisous du soir...
Je pense que tu dois "dégager" beaucoup de sympathie et tu sais être à l'écoute,on le ressent dans tes différents billets.
Pour la place de la République,en effet très intéressants ces échanges et réflexions,à condition qu'il n'y ait pas de dérive, ce qui n'est pas toujours le cas malheureusement.....
De gros bisous (un peu frais) du soir.
Tout comme toi Marie Claude je déplore les suites violentes quand elles ont lieu...
Mais pour les échanges et l'intelligence qui se dégagent place de la République, ça fait plaisir à voir... Même si peut-être tout restera sans suites...
Bises à toi pour aujourd'hui plein de pluie...
Gardons l'espoir Danielle ! Bon, j'ai toujours été un peu trop idéaliste mais ce mouvement citoyen m'encourage à croire encore à l'avenir...
Oui, Énitram gardons espoir, mais soyons réalistes :-)) le mouvement des citoyens y travaille...
Voilà plusieurs jours que la météo m'empêche d'aller voir et entendre les voix, place de la Republique...
Gros bisous du jour jour ensoleillé.
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