Nicolas Poussin - La Sainte Famille - 17e siècle
Le mardi, c'est souvent le jour où j'ai envie d'aller voir une exposition dans Paris, et bien sûr, c'est le jour de fermeture des musées nationaux, alors je me rabats sur les autres musées, ou bien je vais au cinéma... Je ne sais pas pourquoi ! Il faudra que je creuse la question.
C'est donc aussi pour approfondir mes connaissances qu'un vendredi, j'ai eu soudain le besoin impérieux d'aller voir l'exposition de Nicolas Poussin au Grand Palais. Ce n'est pas que j'aime particulièrement Nicolas Poussin, je le trouve plutôt ennuyeux, ses sujets ne m'intéressent pas, et comme tout le monde l'adore, je voulais aller voir sur place et comprendre pourquoi ce peintre ne me procure aucune émotion, pourquoi, oui, Nicolas Poussin, le "peintre des gens d'esprit", ne me touche pas...
C'est décidé, j'y vais, je vais prendre mon temps, étudier, comparer, entrer dans la peinture, changer d'avis, de point de vue, retourner ma veste, m'éclairer, me surprendre, boire à la source de la beauté, labourer le champ de mes savoirs en jachère, faire enfin comme tout le monde : aimer Nicolas Poussin, mais je crains quand même que mon inculture abyssale et mon obstination n'y fassent obstacle... Essayons, me dis-je, essayons !
Contente, pleine d'enthousiasme, je me précipite dans le métro, installée confortablement, près de la fenêtre, ma place préférée, je me plonge entièrement dans le journal gratuit que j'avais pris au vol avant de descendre sur le quai... Opéra ! Mon changement, hop ! Je descends rapidement du wagon, aussitôt sur le quai j'ai senti qu'il me manquait quelque chose, horreur, le métro s'engouffrait sous le tunnel et moi, je venais de comprendre que je n'avais pas pris le sac noir que j'avais posé sagement à mes pieds, et à l'intérieur duquel j'avais rangé mon appareil photo chéri !
J'étais au désespoir ! Je monte quatre à quatre (presque) jusqu'au guichet qui vendait les billets : je n'ai pas le temps, madame, me dit l'employé, un voyageur vient de se trouver mal sur le quai, allez en fin de ligne à Levallois et voyez s'ils l'ont retrouvé !
Je sais, je ne me fais aucune illusion, mon appareil photo est perdu, perdu, perdu corps et bien...Quelle idiote, quelle tête en l'air, je peste contre moi-même, j'ai instantanément perdu l'estime de moi. Ceux de mes lecteurs qui me suivent depuis très longtemps se rappelleront peut-être comment j'ai failli perdre ma tablette sur un banc de Central Park à New York... Ce jour-là, les Dieux étaient avec moi et je l'ai retrouvée...
Aujourd'hui, au bout de la ligne du métro, j'y était allée aussitôt, mais rien d'abandonné n'avait été signalé, j'avais beau pleurnicher, l'histoire se terminait mal, mal, pas de chance !
Les yeux remplis de larmes, je rentrais à la maison la mort dans l’âme, adieu Poussin, adieu mes prochaines photos, je ne pouvais attribuer à personne d'autre que moi-même cette énorme inattention... Il faudra en payer le prix.
Nicolas Poussin - les Muses - 1632 - Beaucoup de toges, un homme et une femme presque nus, des anges qui volettent au dessus de ce petit monde... me laissent totalement insensible...
Toutes les questions, je me les suis posées : tu vas mal ma fille, perdre ainsi ton appareil photo, je ne voudrais pas être à ta place, je me suis mise à douter de tout, surtout de moi-même, voilà 10 ans que je me trimbale dans les transports en commun avec mon appareil photo dans un sac, posé à terre ou sur mes genoux, un sans faute jusqu'à Nicolas Poussin...
Dans mon malheur, par bonheur, je n'ai pas raté l'exposition de Velázquez au Grand Palais, depuis toujours les œuvres d'art me consolent.
L'affiche de l'expo prise avec ma tablette...
Dans cette expo il était interdit de prendre des photos, ça tombait bien vu la perte de mon appareil, aucune file d'attente pour rentrer (il paraît que l'expo ne marche pas, comme celle de Nicolas Poussin, d'ailleurs), pas trop de monde devant les tableaux, aucun sujet de rouspétance !
Et voilà les grands portraits de femmes, d'enfants, tous de la famille royale puisqu'il en était le peintre attitré, sublimes ! Les photographies ont été prises sur Internet.
Finalement Velasquez a peu peint, à peine plus d'une centaine de tableaux tant il était pris par son rôle "d'agent artistique" du roi... Il n'a laissé aucun écrit sur son travail, il a signé très peu d'oeuvres, rendant souvent l’attribution de certaines d'entre elles (encore) difficile. Il fut le peintre officiel de la cour, il réalisa essentiellement des portraits du roi, de sa famille et des grands d’Espagne, ainsi que des toiles destinées à décorer les appartements royaux.
Finalement Velasquez a peu peint, à peine plus d'une centaine de tableaux tant il était pris par son rôle "d'agent artistique" du roi... Il n'a laissé aucun écrit sur son travail, il a signé très peu d'oeuvres, rendant souvent l’attribution de certaines d'entre elles (encore) difficile. Il fut le peintre officiel de la cour, il réalisa essentiellement des portraits du roi, de sa famille et des grands d’Espagne, ainsi que des toiles destinées à décorer les appartements royaux.
Si je n'ai pas été totalement admirative de ses œuvres de jeunesse, qui reprenaient les canons de l'époque (l'art était presque entièrement dédié aux représentations de l'histoire chrétienne), sa peinture devient un morceau d'anthologie quand il s'agit des représentations de la famille royale : la véracité de la représentation, la luxuriance des couleurs, les sujets choisis, tout impose des émotions aux spectateur d'aujourd'hui. Sans voix, sans parole, juste le bonheur de regarder ces figures enfantines, les bras ouverts, le regard un peu triste, la raideur des poses ne rebute pas, bien au contraire, nous sommes pris par l'embrasement et la douceur des matières, les visages de porcelaine me touchent...
L'infante Marguerite en bleu - 1659
La douce présence du velours bleu, l'éclats des fils d'argent, ce gros manchon de fourrure, l'attitude sérieuse du modèle, qui reste fragile sans être figée : ce portrait a une force et une beauté irrésistibles...
Maria Théresa, Infante d'Espagne - 1652
La chevelure extraordinaire de cette jeune femme, piquée de peignes papillons, est délicieuse.
Et ce portrait du Pape, rouge sang, est impressionnant, dur, sévère, adouci par la lumière ondoyante, ruisselant de la capeline qui recouvre son buste, il suscite encore aujourd'hui de la gravité, des interrogations, je le dévisage un long moment, son regard est encore perçant....
L'Infant Baltasar Carlos sur son poney -1634/1635
Représentation royale, fougueuse, dynamique, un grand paysage bleu-gris prolonge la perspective, la relève est assurée, pourtant l'enfant meurt à 16 ans d'une crise d'appendicite...
Au sommet de sa gloire, le peintre officiel de la cour exerce une influence prépondérante sur un groupe de disciples que l'on surnomme Los "Velazqueños", tels l'Italien Pietro Martire Neri, son ancien esclave maure Juan de Pareja, ou encore son propre gendre, Juan Bautista Martínez del Mazo.
Velázquez a eu une vie trépidante, entièrement dévouée au service royal, il a fait des choix qui peuvent surprendre, sa vie de surintendant l'empêche de peindre, comme les peintres sévillans de l'époque il a recherché du travail et des responsabilité qui lui ont permis de mettre sa famille à l'abri du besoin, de devenir riche. Dès le début de sa carrière, il a répondu au goût de sa clientèle majoritairement ecclésiastique, qui réclamait des scènes religieuses, des portraits de dévotions que je trouve moins belles, plus conventionnelles... Velázquez très jeune fait preuve d'un talent artistique considérable, un génie ! Le roi d'Espagne Philippe IV le prend à son service à l'âge de 22 ans, le roi et le peintre avaient sensiblement le même âge, Velázquez va peindre le roi d'Espagne pendant 37 ans !
6 commentaires:
Ah que je suis désolée, ma chère Danielle, pour la perte de cet appareil photo qui était si longtemps le prolongement de tes yeux et un peu aussi de ton âme... Et en plus, quand on est nous-mêmes les "coupables" de quelque chose qui nous fait mal, ça fait pour ainsi dire encore plus mal (et nous disons: "chi è colpa del suo mal, pianga se stesso!").
Bon, je ne crois pas pouvoir vraiment te consoler mais j'espère quand meme que l'image que tu verras ici te surprendra et te fera plaisir:
http://psychoactif.blogspot.it/2015/06/viens-danser.html
Le texte aussi d'ailleurs, et si tu veux le savoir, j'ai aimé encore davantage l'article précédent, "Le vieux couple et l'océan", lui aussi accompagné d'une belle image qui va, j'espère, te donner un instant d'apaisement.
Voilà, rien qu'un tout petit peu de changement d'air, de distraction... mais de tout mon coeur!
Gros bisous.
je suis aussi triste de cette perte..un outil pour souligner tes récits formidables...
poussin ne me dit rien..je n'aime pas les peintures pompeuses et néo-classiques...
mais ohoh..je suis de retour et je peux rattraper tes publications!!!! bises
Jusqu'à la fin de ton billet,je pensais "elle l'a retrouvé" mais non quel dommage!!!
Ce n'est que matériel (j'essaie de te consoler") mais quand même c'est un peu ton compagnon de balades .
Je me souviens de l'épisode à New York...
Tu nous présentes deux grands peintres,mais moi aussi je préfère Velasquez,le rendu de ces personnages,surtout les visages me fascinent...
De gros bisous du soir Danielle.
Merci Siu pour ton accompagnement :-))merci aussi pour les deux jolis articles de ton lien,de quoi méditer !!!
L'apaisement me vient aussi de cette petite phrase que m'a dite dernièrement ma petite fille de 22 ans (au loin en ce moment) : ma mamie adorée, j'ai hâte de te revoir...
Passe une très bonne journée Siu et à bientôt.
Elfi, merci à toi d'être de retour, tu me manquais...
C'est donc aujourd'hui que je vais voir Poussin en compagnie d'une amie qui ne l'aime pas non plus...
Je t'embrasse fort de fort.
Marie-Claude, moi aussi j'ai rêvé toute la journée de le retrouver, j'imaginais même voir quelqu'un avec mon sac et je lui disais, c'est à moi merci !
On m'a offert un autre appareil photo, mais cette histoire sera pour un prochain épisode de mon blog :-))))
Vive Velázquez et baisers du jour.
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