Le tas de bois au bout du sentier
J'habite l'Indre pendant un mois par an, dans mon château, ma villa, mon jardin d'automne, que je loue chaque année pas du tout pour des raisons de santé, mais pour la joie, la beauté de tous ses sentiers. C'est une ancienne petite fermette toute retapée par le propriétaire dans les moindres détails, c'est beau, et le jardin est recouvert d'herbe drue et bien verte, il y a deux grands arbres : un tilleul et un figuier qui s'entrelacent près du vieux puits, ils ont le même âge, sans doute près de 100 ans...
Le défilé des souvenirs :
Le défilé des souvenirs :
La confiture de mûres, faite avec les baies ramassées à la main, les pieds dans les ronces, leur odeur sucrée, vanillée, divine, quand elle se mettent à bouillir dans le chaudron, en un tour de main j'en avais aligné quelques pots sur la table, chaque année j'ai recommencé... Pourtant cette année j'y ai renoncé, j'en avais encore largement assez dans mes placards pour attendre l'an prochain...
Les noix, je savais sous quels arbres il fallait ramasser les plus grosses, quelquefois quand l'année était moins bonne je glanais aussi les petites, il ne fallait pas faire la difficile, l'année dernière je les ai toutes épluchées, enlevé même la petite peau si fine, je les ai mises dans des pots en verre et quand j'ai voulu les manger, offrir, elles étaient toutes moisies, j'ai tout jeté... Tristement ! Mais non Danielle, il ne fallait pas faire comme ça, tu dois juste les casser sans te presser, l'hiver au coin du feu ou de ton radiateur, ne t'embête pas avec la petite peau, tu les mets au congélateur, ça marche très bien... Je vais faire comme ça...
Les noix
Les noisettes, j'en ai rempli de pleins paniers, j'allais chez une voisine qui avait un petit parc aussi beau que le Paradis, à la fin du mois de septembre, aux pieds des noisetiers, il y poussent des milliers de cyclamens sauvages, des violets, des blancs, pour la cueillette des noisettes il fallait faire attention à ne pas piétiner les fleurs... En choisissant les plus grosses, elle me racontait ses voyages à l'autre bout du monde, me montrait les photos, m'expliquait tout ! C'était passionnant... On s'asseyait sur un banc...
Les noisettes
Les fruits du grand figuier, bien en évidence au dessus de la table de la salle à manger du jardin, étaient toujours mûres à point pour les desserts, cette année j'ai essayé d'en faire de la confiture, je ne l'ai pas encore goûtée, j'attends les crêpes et les copains pour la Chandeleur, un peu avant ou un peu après, nous avons toujours autant de plaisir à les manger, mais la confiture qu'ils préfèrent c'est quand même celle que je fais avec des oranges achetées chez le marchand du coin, celles des mûres et même des mirabelles viennent très loin derrière... Mes clients sont difficiles.
Le désert réjouissant au dessus de la table en plein air
Les grosses salades du jardin de mes hôtes, les haricots verts, les courgettes, les tomates et les aubergines me sont livrées presque tous les matins, avec le sourire, le bonjour et les baisers, tu n'as besoin de rien d'autre ? Merci c'est merveilleux, merci mes amis.
Tous les jours j'ai besoin de toute la beauté du coin, de respirer, de marcher dans l'herbe, de regarder le ciel étoilé...
Tous les jours j'ai besoin de toute la beauté du coin, de respirer, de marcher dans l'herbe, de regarder le ciel étoilé...
Souvent avec les légumes du jardin, il y avait quelques grappes du raisin qui commençait à être mûr, en échange, je prenais des nouvelles de la famille, du voisin, on parlait de tout ce qui n'allait pas si bien que ça, maintenant qu'on se connaissait depuis des années on ne se gênait plus pour se lamenter sur les mauvais jours, les mauvaises nouvelles qui font mal, qui blessent, qui tenaillent, qui font souffrir plus que d'autres, on se prenait dans les bras... C'étaient les brassées de certains matins... Tu fais quoi cet après-midi ? Je vais voir les champs, je roule, je pédale, je vais faire mes petits tours parfumés aux odeurs de l'automne... Tu as raison, bonnes promenades, fais attention... Tu as mon numéro de portable ? Je l'avais...
Les odeurs, celles des feux de feuilles, de branches et d'herbes, quelle bénédiction, il fallait attendre d'être dans le bon vent, celui qui garde la fumée bien droite, c'est la loi, il ne faut pas enfumer son voisin, mon hôte savait que je prenais ses flammes en photo, il me prévenait : Danielle, je prépare un feu pour demain... Quand il avait déchargé ses tombereaux de végétaux, il plantait sa fourche juste devant, le feu changeait de hauteur presque tous les jours, il renaissait de ses cendres au fur et à mesure que le grand jardinier nettoyait le petit parc, il coupait, égalisait, élaguait, et transportait ses coupes dans une jolie petite charrette jusqu'au tas de bois vert à brûler... Alors-là, les odeurs se répandaient jusque dans nos maisons respectives, j'avais juste envie de respirer jusqu'à complète extinction du feu...
Le beau tas d'herbes au début, devant une rose trémière
Le petit cratère du soir
Mise à jour du tas un matin suivant
La petite charrette de ramassage
Les vaches dans les prés, toujours tranquilles, tiraient la langue, faisaient claquer leur queue, bougeaient leurs oreilles pour chasser les mouches, pissaient un coup, bousaient mollement à qui mieux mieux, c'était toujours une merveille de les voir, on se regardait de longs moments dans les yeux jusqu'à ce qu'elles abandonnent la place pour continuer leur repas... Souvent je m’asseyais juste devant elle, mais pour me relever, il fallait que je tire sur mes bras pour que mes jambes en fassent autant... Quel travail !
Les cygnes, les hérons, les ragondins, les canards glissaient les uns à côté des autres sans se déranger, ils formaient des ronds, des triangles, des zigzags sur la surface de l'eau, l'étang est toujours resté ma promenade favorite, je restais des heures dans le silence, la beauté, la lumière et le doux froufrou des ailes des oiseaux sauvages qui se déplacent dès le moindre bruit, de temps en temps une carpe sautait par dessus l'horizon, juste pour se détendre...
À la ferme d'à côté, où toutes les vaches sont enfermées pour la traite de leur lait, pas de sortie pour elles, elles doivent rester à côté de la trayeuse électrique, matin et soir, leur lait coule dans les tuyaux, la paille de leur litière est changée deux fois par jour, mais le spectacle reste pitoyable, il ne vaut pas celui que donnent leurs collègues dans les champs... Ici, elles ont très vite de la merde jusqu'au cou, on peut dire tout ce qu'on veut, moi je les plains...
Je bavarde avec l'éleveur, il répond à toutes mes questions, il ne me cache rien, je crois, il est pour les grands rassemblement d'animaux dans les fermes des 1000 vaches, plus besoin d'importer le lait, savez-vous que tous les yaourts de chez Danone sont faits avec du lait qui vient de Lituanie ? Pas du tout, je ne sais rien de tout ça...
Il continue de faire un élevage pas du tout intensif de deux gros cochons roses pour avoir à disposition les jambons, les boudins, les côtelettes, tout ce qui fait du bien avec de la purée ou des patates sautées...
Derrière l'église, il y a un petit chemin exposé tout le temps au soleil, il traverse des jardins, tout le long des petits murets de pierres sèches, les fleurs et les arbres dépassent, il faut que je me mette sur la pointe des pieds pour apercevoir plus facilement les pommiers et les plans de tomates... On n'entend rien de ce côté-là, pas de voitures, pas de promeneurs non plus, je suis toujours seule à suivre ce sentier...
Les reines des reinettes sont les seules pommes que j'aime à la folie, cette année je n'en ai trouvées aucune, j'ai roulé, roulé jusqu'au seul coin où je sais qu'elles poussent sur un grand pommier sauvage, cette année pas une à me mettre sous la dent, quel dommage pour les tartes et les compotes... Il faudra attendre l'année prochaine, j'espère !
Le petit chemin vert, les gens d'ici l'appellent "la routine", tout à côté de chez moi, est un objet d'admiration permanente, du matin au soir il change de vert, vert d'eau jusqu'au vert bouteille, j'ai juste une porte à pousser, vous le verriez, vous en tomberiez tout de suite amoureux... Voilà où j'en suis.
Je ne peux pas vous parler de tout ce que j'ai vu, ça finirait par vous ennuyer... Cependant, encore un dernier mot : l'atelier de mon hôte, un grand hangar plein de trésors (il fait tout dans sa maison et son jardin) est très, très, très bien rangé, même plus que cela, j'y ai vu des tableaux, des obsessions, des marottes, j'ai tout pris en photos et je lui ai montré les photos de ses œuvres, il a ri, et puis j'ai pris tout ce qui traînait dans le jardin, tout ce qui me plaisait, il m'a dit, mais c'est incroyable Danielle, tu as les yeux partout, toutes ces choses que je ne voyais plus... Il n'en revenait pas de tout redécouvrir, depuis, il ne fait pas plus attention qu'avant, il me laisse aller partout en toute liberté, c'est vraiment bien... Dans son jardin, son hangar, j'ai tout le temps fait des découvertes... Une fois sur ma tablette et sur Facebook, nous les regardions ensemble... Je vous en fais profiter :
Les beaux tuyaux et les outils du hangar de mon hôte :
Les beaux tuyaux et les outils du hangar de mon hôte :
De l'ordre certes, et des harmonies parfaites
Dans le jardin de mes hôtes :
Des ombres, des lumières et des couleurs
Prochaine promenade : Brescia la Lombarde, la belle des belles...