dimanche 26 janvier 2014

La rencontre...



Le délicieux gâteau portugais Pasteïs de nata (Lisbonne)

Un temps gris, plombé, presque pluvieux, un petit frimas d'hiver, voilà un matin qui commence bien !

Aucune importance, il y a le marché qui se tient deux rues plus loin, il est grand comme un grand magasin, les petits étals se tiennent de chaque côté de la rue sous des abris en plastique : oranges, pommes, carottes, betteraves, salades et fruits exotiques... Les poulets exhalent une bonne odeur, ils tournent sur les broches, en plein air, tout le monde en profite, la rue se réchauffe aux herbes de provence... Le charcutier, qui vient du Portugal, se différencie uniquement de ses voisins par les "Pasteïs de nata", délicieux petits flans coulés dans un nid de pâte feuilletée, que l'on mange tièdes... Comme à Lisbonne...

Les poulets nous parfument également au printemps, l'été et l'automne, ils sont toujours là, personne ne s'en plaint, ils font partie de notre paysage urbain, les herbes, l'ail et les pommes de terre nous mettent toujours l'eau à la bouche, il fait des affaires prodigieuses...

Tiens, le marchand de volailles n'est pas là, que se passe-t-il, il est malade ? Espérons ne jamais entendre cela...

Au bout de la rue il y a du monde, bientôt les élections municipales, chacun y va de son couplet, pour les paroles personne n'est avare, je te promets ceci, cela, oui, mais...

Les oranges du Portugal sont merveilleuses, je les ai découvertes l'année dernière chez mon "petit épicier du coin",  il m'avait encouragée à les goûter et je les ai adoptées, elles valent bien les maltaises qui sont déjà là et pour les confitures, il va falloir que je me mette à l'ouvrage, j'ai une grosse "clientèle" qui attend.


J'ai descendu dans mon jardin

Le fleuriste aussi est là en toutes saisons, un vieux de la vieille qui passe la moitié de son temps entre son petit noir arrosé au café d'à côté, et son jardin de trottoir... Il faut attendre un peu c'est tout, il revient toujours... Je vous fais un joli paquet ? Non, pensez donc, pas de tralala, c'est pour moi... Et pour l'arrosage, il connaît toutes les recettes, il suffit de le suivre à la lettre, je vous le dis, il a de la bouteille, il sait comment faire...

Bonjour madame, venez donc par-là ! Ce bonjour-là est bien un peu intéressé, mais l'agrément de la rencontre et du petit sourire fait partie du lot, le commerce de ma rue chante comme il peut, pourvu qu'il tienne le coup, je charge les pommes de terre, les dattes fraîches en branches et la salade, attention de ne pas écraser les petits flans... Les fleurs iront en dernier sur le haut du panier...

Antoine ! Voilà des années que je ne l'avais pas vu, pourtant nous habitons comme qui dirait la porte à côté. Comment vas-tu ? J'ai bien remarqué, à la vitesse de sa réaction, qu'il ne m'avait pas bien remise, zut, le coup de vieux, mais la surprise et la joie sont les plus forts... Nous voilà partis à égrainer les années accumulées, tu t'es remis comment ? Il avait perdu sa femme il y a maintenant une petite quinzaine d'années, il avait beaucoup pleuré, elle lui avait manqué "au début", maintenant il navigue entre ici et là-bas : sa maison de campagne, dans les champs, il n'est pas malheureux, ses enfants vont bien, ses petits-enfants itou... Antoine, tu te sers de Paris ? Pas du tout, je reste ici, je suis un casanier, il avait un sourire qui ne disait rien de plus.

Je suis contente de t'avoir rencontré, vraiment, moi aussi, et il a repris son chemin dans le sens inverse du mien.

J'avais travaillé pendant dix ans avec sa femme, dans mon service, une femme exceptionnelle qui avait franchi les échelons un à un. Comme elle avait des lacunes en orthographe et que lui était directeur d'école, ça faisait quelque fois des humiliations qui étaient bien difficiles à avaler pour elle... Je l'ai vue pleurer, je l'ai consolée comme j'ai pu, elle me brisait le cœur : voyons Jacqueline, ce n'est rien ça, tu peux compter sur moi, ne t'arrête pas là, ce sont les idées qui comptent, après pour les installer sur un papier t'inquiète pas, et elle repartait comme en quatorze... Elle avait de l'avenir.

Longtemps j'en ai voulu à Antoine, et puis aujourd'hui, je lui disais : je suis contente de t'avoir rencontré, et c'était vrai aussi...

Le temps diminue les chagrins, délaye les rancœurs, attendrit les cœurs, combien de fois avais-je vu Jacqueline trembler devant l'homme de sa vie, il lui en imposait... À bientôt Antoine, porte-toi bien, il était raide comme la justice, peut-être qu'aujourd'hui il s'était un peu ramolli avec sa vie, je ne sais pas, passe un bon dimanche...

8 commentaires:

Marie-Josée a dit…

Il y a un bail! Et pourtant, je suis venue, de temps en temps...

Ton billet me fait du bien alors qu'il n'y a encore aucun espoir de marché à l'horizon de mon côté de l'Atlantique. Avec le -20 d'aujourd'hui, normal qu'il ne soit pas question de vendre des fleurs ou des fruits sur les étals.

Dans mon pays de scolarité récente, je me fais un point d'honneur de mettre mes compétences linguistiques au service de qui n'a pas eu ma chance d'étudier et j'aime bien jouer le rôle d'écrivain public. C'est plaisant de voir les yeux de quelqu'un s'illuminer alors qu'il reconnaît : «C'est exactement ce que je voulais dire!»

Bonne semaine, Danielle, et grosses bises du pays de la froide température, tout particulièrement cet hiver!

Danielle a dit…

Oui, Marie-Josée un bail ! Ça fait plaisir !

Tu vois, ma collègue, elle les avait les idées, bien placées même, mais écornées seulement par l'orthographe. Je te vois bien à ton bureau, avec ta plume d'oie posant les mots aux bons endroits pour donner des idées à ton "public"

Je t'embrasse Marie-Josée, si tu es revenue c'est que t'as séché un peu tes larmes, j'en suis bien contente...

Amélie a dit…

Quel joli texte là encore... souvent on pointe du doigt celui qui fait "moins bien" que les autres il est vrai... ce peut être pour l'orthographe, ou autre chose. et on n'imagine pas que ces gens souffrent aussi et ne s'en fichent pas du tout.

A mon travail, j'ai une collègue également très peu douée en orthographe qui fait le métier de... secrétaire !! elle est si agréable que la Direction l'a gardée et à tour de rôle nous lui corrigeons ses fautes (pourquoi pas ?? ne serait-ce pas l'humain qui primerait avant tout ? et bien plus important que tout le reste, ou presque).

J'ai connu également une autre collègue ayant de grosses lacunes, elle s'était acheté un "dictionnaire numérique" qui était sensé lui corriger ses fautes (car elle n'avait pas avoué à son Chef qu'elle n'y comprenait pas grand chose à l'orthographe...), elle le trimbalait partout dans sa poche. Le souci c'est qu'il fallait bien là aussi faire un choix... j'avais, avait, avé, avez... et elle nous demandait quel était le bon choix à faire.

Pas facile pour toutes ces personnes de se frayer un chemin professionnel (et même parfois personnel !) et de garder la tête haute...

Est-ce rattrapable ou non, je ne saurai le dire, là encore, il faut sans doute j'imagine un bon professeur qui mette en confiance l'élève (de quelque âge que ce soit) et qui fasse redécouvrir l'orthographe de manière joyeuse. Sans pointer du doigt, sans se moquer, et surtout sans condamner...

A toutes ces personnes, je dis "chapeau", car il est difficile de le cacher, et il est aussi difficile de voir dans le regard des autres un fond de moquerie...

ELFI a dit…

j'aime beaucoup ces deux récits..
la dame aux sac et l'instituteur..
une aide pour l'orthographe serait le bienvenu :)))

Danielle a dit…

Amélie oui, pas se moquer, pas condamner, mais aider sûrement... Vous avez raison...

Je sais aussi que c'est une souffrance pour ces personnes...

Merci Amélie pour votre contribution.

Bises du soir.

Danielle a dit…

Merci Elfi pour votre belle fidélité dans mes lignes :-))))

Bisous du soir.

Brigitte a dit…

Ah l'orthographe ...plus je vieillis et plus je fais de fautes !!!
Il faut dire que je ne relis pas toujours mes commentaires ou alors une fois postés et c'est ... Trop tard !!!
Mon compagnon fait des fautes qu'il me demande de corriger lorsqu'il envoie des mails ,ce que je fais avec grand plaisir .Par contre il ne fais pas de complexe .Je comprends bien que pour une secrétaire ce soit plus difficile à vivre ;mais bon personne n'est parfait ,pas vrai?
Encore un billet plein d'humanité .Elle est animée ta rue avec son petit marché et tu nous offre comme d'hab des merveilles ,merci Danielle et bises pluvieuses

Danielle a dit…

Chère Brigitte, ton compagnon a entièrement raison :-))) en situation professionnelle, je comprends que cela soit très pénible pour les personnes qui en souffrent...Elles ne sont pas autonomes...

Le petit marché est presque comme un grand, mais lui il est petit :-)))

Je t'embrasse fort, bonne soirée à toi.