dimanche 9 juin 2013

Un monde du troisième type...




Le petit patio dans la Zone 3, 4 et 5, le soleil était présent partout

J'ai été saisie par le gigantisme de l'endroit, une espèce de bâtiment tripode, énorme, très haut, avec des parkings tout autour. Dès l'entrée, on voyait bien que ça serait difficile de trouver une place, des centaines de voitures stationnaient dans tous les sens, ça bouchonnait pour sortir, j'avais une heure d'avance, ça pouvait encore aller, il était encore possible de faire des tours et des tours pour trouver la seule place de libre.

Finalement, au bout de plusieurs tours, mon amie m'a dit : descends, ne rate pas ton rendez-vous, je vais chercher une place à l'extérieur, et ce qui qui fut dit fut fait.

Voyons, je feuillette le petit carnet violet qui était joint à la lettre fixant le jour de mon rendez-vous, je cherche le mode d'emploi de la maison, un guide parfait, tout y était : toutes les étapes du parcours étaient rangées dans l'ordre d'arrivée, dirigez-vous vers l'accueil central, formalités administratives pour ouvrir votre dossier... Vous serez prise en charge par l'équipe pluridisciplinaire...

Mais bien avant d'en arriver à la première étape, l'accueil, j'ai vu une foule de personnes en blouse blanche qui fumaient, bavardaient, riaient, se détendaient au soleil, car ce jour-là il faisait beau et doux, tout autour d'autres gens roulaient allègrement la potence à laquelle ils étaient reliés par de petits tuyaux transparents, des sachets de toutes les couleurs y pendaient...

Ceux qui roulaient leur mat prenaient aussi le soleil, mais ne fumaient pas.

À l'intérieur de l'accueil central, il y avait beaucoup de monde assis dans les salles d'attente pour les formalités, les guichets étaient pleins, quelques brancards arrivaient de l'extérieur, j'y ai vu plus de mouvement que d'inquiétude, l'agitation est la première chose qui saute aux yeux. Il y avait une petite file d'attente pour les dossiers d'admission, là où j'ai présenté ma fiche on m'a dit : allez dans la zone 1 au fond à gauche, présentez-vous, ça ira bien comme ça, vous verrez... Au fond à gauche...

J'ai filé dans la Zone 1, plus calme, claire, spacieuse, ensoleillée, mon amie n'était pas encore revenue du parking, je me disais, il va pourtant falloir que je revienne dans la Zone d'accueil pour donner mes papiers, je marchais en regardant partout à la fois.

Quand je suis arrivée dans la Zone 1, la dame de l'accueil m'a dit : vous êtes passée par les formalités ? Non, on m'a dit de venir directement chez vous, il faut que j'y retourne ? Non, je vais voir, non, ne vous inquiétez pas, je vais le faire, allez vous asseoir, on vous appellera... Mais moi je pensais, ça m'étonnerats que ça marche, puisque je n'ai pas montré mes papiers...

La grande salle d'attente était silencieuse avec de belles baies vitrées donnant sur une toute petite colline d'herbe verte avec des arbres derrière, les gens attendaient sur des banquettes de couleur, certains avaient le cou pris par un gros pansement, comme s'ils avaient été opérés d'une trachéotomie presque guérie, enfin, c'est ce que je me disais... Chacune des personnes à pansement était accompagnée, comme moi, ça doublait forcément le nombre de visiteurs, il y avait plein de revues à lire, bien rangées sur les tables, tout était neuf, propre et bien ensoleillé. On va passer un bon moment ensemble...

Soudain j'ai entendu le piano qui résonnait dans le grand hall de la Zone 1, il y avait un piano à queue, noir, qui pouvait être utilisé par les amateurs de musique en visite, en attente, un peu d'art, de douceur dans ce monde du troisième type.

Je n'ai donc jamais présenté de papier, ni carte verte, ni pièce d'identité, ni attestation, rien, je faisais juste partie de la liste, mon nom et mon numéro de Sécu figuraient sur le bordereau de l'hôtesse d'accueil, on m'attendait, ça allait bien se passer, tout le monde était gentil avec moi, sourire, courtoisie, respect, ça rassure... Asseyez-vous... J'ai lu, j'ai regardé, j'ai bavardé, j'ai attendu...

Un à un les gens qui disparaissaient à l'appel de leur nom revenaient avec un gros pansement blanc sur le cou, ils n'avaient pas du tout l'air de souffrir, ils lisaient tranquillement les revues ou discutaient avec leur accompagnateur, j'avais emporté ma tablette pour lire, mais à la place j'ai fait une photo pour le souvenir et l'insolite de la situation, la belle lumière, les grandes baies ensoleillées, le piano qui résonnait et les malades qui attendaient, au loin il y avait aussi la Zone 3 puis 4 et 5...

Toutes les questions que tout le monde se pose, vous vous les posez aussi, vraisemblablement : est-ce que ça va faire mal, est-ce que je vais avoir un gros pansement comme ça pour rentrer à la maison, est-ce que je vais vraiment avoir le résultat du prélèvement tout de suite ?... Tout a l'air d'être très bien organisé, je ne compte pas mon temps, il n'y a  pas d'horloge... Certaines questions restent sans réponse...

Je voyais des personnes qui passaient sur des brancards à l'arrière des salles de consultations, derrière les baies, l'architecte avait prévu un circuit malades et un circuit visiteurs, impossible de se croiser, seulement des yeux.

Quand mon tour est venu, l'infirmière m'a tout dit sur ce qui allait se passer, comme les consignes de sécurité dans un avion, on ne cache rien, on explique tout, transparence, sourire et grande patience... Vous sentirez un peu l'aiguille dans le nodule, ça ne dure pas longtemps, il ne faut pas avaler, vous levez la main si vous voulez que le médecin arrête... Je n'ai rien senti du tout, avec la petite anesthésie locale ça a marché comme sur des roulettes, enfin bref, plus de peur que de mal...

J'en suis ressortie avec mon beau pansement blanc dans le cou, zut ! Il va falloir que je prenne le métro comme ça...

Madame, m'a dit le médecin, c'est bénin, pas de soucis, mais il faudra enlever, il est trop gros, prenez votre temps, aucune urgence, sourire, au revoir madame.

J'étais sur un petit nuage, sauvée par le gong, le sourire de mon amie fit le reste, elle m'avait attendue le plus longtemps possible, jusqu'au "bénin", elle pouvait partir tranquille, je verrais pour la suite, mais pour l'instant tout va bien, qu'importe le pansement, je vais prendre la navette qui me ramènera au métro, même le chauffeur du bus vous attend, tout est vraiment bien organisé... Quelle belle journée !

Dans la grande maison, j'ai bien ressenti l'humanité, l'accueil et l'accompagnement, ils étaient ensemble à mon rendez-vous, ça a été beaucoup plus facile pendant tout le parcours, mais c'est mon amie qui a fait tout en plus grand, plus réconfortant, plus émotionnant, plus à mes côtés, c'est elle qui a rendu tout tellement plus supportable... Et puis c'était bénin... Ce fut ma grande chance.

Quand je suis sortie de l'Institut en plus de mes textos, j'ai aussitôt téléphoné à tout mon monde, ce n'est rien, c'est bénin, je rentre, je vais me payer un bon gâteau, du sucré pour fêter l’événement,  tout mon monde a trouvé que c'était exactement ce qu'il fallait faire, amplement mérité, surtout choisis bien, va chez un très bon pâtissier, pas question de gâcher l'affaire...


L'Institut Gustave Roussy est le premier centre européen de lutte contre le cancer : 2 600 professionnels dont les missions sont de soigner les personnes atteintes de cancer, de mettre au point des thérapies nouvelles et de diffuser les connaissances dans les communautés médicales et scientifiques, françaises et internationales. La prise en charge passe aussi par le dialogue, une relation de confiance et un accompagnement de la personne dans sa globalité. 


Épilogue : Le gâteau n'a pas été à la hauteur de la joie attendue, un Paris-Brest doit être parfait, il ne devrait pas être permis d'en acheter un rassis, surtout chez un très bon faiseur... Je l'ai pourtant mangé avec coeur, la prochaine fois il sera meilleur, mais pour aujourd'hui, j'étais positive sur toute la ligne... 



C'est le bon Paris-Brest de chez Monsieur Jacques Genin que j'aurais aimé manger !

12 commentaires:

Amélie a dit…

Ravie pour vous de cette bonne nouvelle !!! et vous avez raison, un bon Paris-Brest c'est un enchantement, un rassis ne devrait pas être permis !! (moi aussi je "console" mes émotions par une pâtisserie ;) )bises du dimanche (pluvieux chez nous depuis 5h ce matin...)

Album vénitien a dit…

Je retiens le mot' bénin" qui est quand même , et je m'en réjouis pour toi, le mot qui résume ton histoire du jour.Et puis, je m'attarde sur tout ce que tu nous racontes , tout ce qui parle d'accueil et d 'humanité. C'est important dans la société qui est la nôtre aujourd'hui!un paris-Brest..j'en ai mangé un..une fois dans ma vie...il devait être parfaitement lui même car j'en garde un souvenir ému...on n'en voit pas souvent dans nos pâtisseries de campagne et pas beaucoup plus en ville.C'est un dessert raffiné que l'on sert trop rarement dans les restos chics.
Bénin..alors tout va bien dans le meilleur de ta vie .Bises pluvieuses..hélas.

ELFI a dit…

j'avale ces mots avec plaisir...
jamais mangé un paris-brest

Danielle a dit…

Merci Amélie, bénin aujourd'hui et c'est tant mieux, vive les bons Paris-Brest :-)))

Bises du soir.

Danielle a dit…

Oui Danielle bénin est un beau mot de la "faim".

C'est vrai l'humanité nous réconforte tellement !

Je comprends ton souvenir ému pour le Paris-Brest comme le mien du pâtissier Genin à Paris...

Je t'embrasse Danielle, il ne pleut plus ce soir !!!

Danielle a dit…

Elfi merci pour tes mots, si tu peux trouver un bon Paris-Brest n'hésite pas, s'il est bien fait c'est un petit paradis...

Bises à toi et bonne semaine.

Brigitte a dit…

C'est bénin ouf me suis-je dis ...N'empêche, heureusement que tu étais accompagnée ,une présence affectueuse ,c'est toujours meilleur pour le moral .Par contre j'suis pas très Paris-Brest,plutôt tartelette !!!
La prochaine fois que tu succomberas à la gourmandise ,je te souhaite d'en trouver un plus savoureux .
Bonne semaine et bises

Marie Claude a dit…

Je suis heureuse pour vous de cette bonne nouvelle.Le Paris-Brest (même rassis)était bien mérité!

Danielle a dit…

Oui Brigitee, moi aussi j'ai fait ouf, ça ne sera pas pour cette fois-ci...

L'accompagnement c'est capitale/moral :-)))

Vivement le prochain Paris-Brest, et toi Brigitte, bonnes tartelettes et bonnes, très bonne semaine.

Bises du jour.

Danielle a dit…

Merci Marie-Claude, espérons qu'il n'y aura pas de prochaine fois, espérons :-))

Absolument le Paris-Brest même rassis était délicieux :-))

Grosses bises à très vite.

Michelaise a dit…

Que ce mot est doux, même en rouge, et surtout répété à l'envi !! Et comme il est important que ces endroits où l'on va toujours un peu la trouille au ventre, soient humains, comme tu le décris si bien. Une dure étape mais te voilà rassurée, et nous aussi !! Quant au Paris Brest, ma foi, c'est sûr qu'il ne peut se permettre d'être rassis !! quel dommage mais c'était bien secondaire en effet ! Prends bien soin de toi Danielle

Danielle a dit…

Chère Michelaise, l'Institut G. Roussy est un gigantesque centre, bien pensé, le malade est vraiment le centre de l'attention de tout le personnel......

Promis je fais au mieux... Autant que je peux...

Bises fortes du soir.