Le premier fil rouge
Mon fil s'est enroulé autour de deux histoires microscopiques. L'une se passait en province : la ville de Langres organise une grande année pour le tricentenaire de la naissance de Diderot, presque tout au long des 365 jours de fêtes, il se passe quelque chose de beau dans la cité de l'encyclopédiste...
Je me suis engagée pour l'occasion, dans un groupe d'amateurs qui chantent des chansons traditionnelles populaires du 18e siècle... Nous rions bien, nous chantons bien aussi, et nous offrons nos petites ritournelles au public des rues de Langres, un jour tous les mois et demi environ, le reste du temps il faut bien apprendre les chansons, les arrangements originaux sont tous créés par notre chef de choeur... Nos petites pièces sont accompagnées de percussions inattendues : sabots de bois, bâtons, triangles et micro-cymbales de moines bouddhistes, le tout réglé comme du papier à musique... À la fin de l'envoi, nous lançons tous nos chapeaux par dessus les moulins...
Notre compagnie déambulait ce samedi allègrement, recherchant le public, dans la rue principale, car en fait à Langres il n'y a qu'une seule rue commerçante. Il fallait bien choisir l'heure de nos passages, ce matin-là il n'y avait personne, et de plus il faisait froid... Pas un chat dans l'artère... Renseignement pris, il y avait du monde dans le petit théâtre (du siècle dernier), bien au chaud, des congressistes tenaient le haut du pavé sur un thème tout à fait en rapport avec Diderot puisqu'il s'agissait de l'Encyclopédie du Web. Nous nous sommes dit, voilà, le lieu idéal pour interpréter notre belle musique, dès qu'ils sortiront du théâtre on leur fera une belle aubade, ils seront notre public favori, succès garanti !
Nous avons formé notre cercle, bien ajusté nos accessoires, sabots, bâtons et tout le toutim, sourires, attention ils sortent, nous entonnons notre premier chant, qui parlait des petits métiers, paroles oubliées... Et nous voyons nos intellos faire le tour de la petite pelouse pour ne pas nous écouter, pas un regard, pas une seconde d'attention, un de ces grands hommes dit à l'autre : allez viens, ce sont des amateurs... Nous étions devenus totalement transparents... Nous sommes restés à chanter nos beaux chants devant le théâtre vidé, heureusement quelques personnes qui avaient suivi notre troupe et bien d'autres qui étaient venus, attirés dès les premières notes, restèrent pour nous écouter, nous les manants, les sans-grades mais chantant juste, avec bonheur, des pièces originales et très agréables, même émouvantes à entendre... Notre petite formation qui comptait quand même une grosse vingtaine de personnes, n'intéresse pas les beaux parleurs, l'art de la rue, mon cher c'est du pipi de chat, bon à donner aux cochons... Pour nous la musique c'est Mozart, Haendel, ou Vivaldi, le reste n'est rien, ont-ils sans doute pensé en évitant de nous entendre... Nous aussi nous aimons les Grandes Musiques, mais aussi les Petites Chansons qui parlent d'amour, de travail, de la vie des champs, notre chef en avait retrouvé de délicieuses, avec des mélodies subtiles et des accompagnements de notre temps... Le 18e siècle est très riche en chansons tirées de la vie quotidienne...
Une fois le petit concert terminé, nous piétinions de rage devant tant de mépris et si peu de courtoisie à notre égard... Nos bâtons nous fourmillaient entre les doigts... Ainsi va le petit monde, nos congressistes confortablement installés sur les bancs de velours rouges du théâtre, ayant pourtant discuté tout un matin de choses importantes comme l'encyclopédie du Web, beautés du monde et régionales comprises, se montrèrent insensibles à l'art populaire, négligeant les chanteurs qui s’époumonaient devant eux. Il est vrai que l'heure du repas étant largement dépassée, leurs ventres affamés n’eurent point d'oreilles, ils avaient pris du retard sur le poulet en gelée... ... Mais sur la bêtise, ils avaient de l'avance, ils furent les premiers arrivés.
Le deuxième fil jaune
L'autre histoire s'est jouée dans mon immeuble : bonjour, comme tu as bonne mine, magnifique, elle revenait du grand large, toute halée, en bonne santé physique et morale, elle faisait plaisir à voir, ma voisine... Dis-donc, au fait, comment fais-tu ta confiture d'orange ? Rien de plus simple, mais je prends des Maltaises uniquement, moi finalement j'étais bien contente d'être la conseilleuse en marmelade... Je voyais bien qu'elle était pressée, bon, tu mets combien de sucre, 800gr, moi je mets ça, non, non, cette année j'ai oublié de simplifier, j'ai mis le paquet entier, un kilo pour un kilo, ah ! Oui, moi je mets 800gr... Bon et après, tu fais comment ? Je commençais à égrainer la marche à suivre, toute fière, il faut bien éplucher les oranges, laisser le moins possible de peau tu vois, oui, c'est ça, moi j'ai des soucis avec la peau, je mets une couche de sucre, une couche de rondelles d'oranges et je laisse macérer toute la nuit, moi je prends du vrai sucre, bien sûr, mais non pas du tout, je ne fais pas cuire longtemps, quelques minutes et tout va bien, et de fil en aiguille c'est elle qui me donnait sa recette de confiture exceptionnelle, sans me laisser placer la mienne... Celle qu'elle m'avait pourtant réclamée...
Je voyais bien qu'on ne faisait pas du tout pareil, mais elle était pressée, j'ai rengainé mon gingembre, ma cannelle et mes zestes d'oranges, bon d'accord, je vais bien enlever la peau, voilà ce qu'elle avait retenu, mais j'en avais dit si peu c'est vrai, pas le temps, elle n'avait pas le temps, il faudra attendre l'année prochaine pour tout remettre à plat... Si elle veut...
Il faisait froid mais beau, un joli temps pollué de la région parisienne, un ciel tout gris avec des petits petits rayons de soleil, j'ai filé aux Puces pour trouver l'extraordinaire, quand je suis revenue je n'avais rien trouvé du tout qui puisse se mettre dans un musée, ni sur une étagère, j'avais juste fait le vide dans ma tête, c'était très bien, j'avais déjà l'idée de mon prochain post pour mon blog, allez, raconte la musique et les confitures... Ainsi va mon petit monde ! Tout est cousu de fil blanc...
Tout est cousu de fil blanc
11 commentaires:
Ainsi va la vie terrestre...
Une certaine indifférence pour l'autre, celui d'à côté, celui que tu croises tous les jours.
Difficile d'accaparer l'attention de cet autre qui,vaguement, salue l'autre!!!
Étrangers les uns aux autres nous sommes, et d'avoir l'écoute attentive n'est pas donnée à tout le monde. Tu as cette ouïe fine et ce regard clairvoyant.
Tu sais également que toute Musique n'est, depuis l'origine des temps, qu'un va et vient entre le populaire et le savant. Elle a besoin de beaucoup d' échanges extérieurs pour enrichir ses belles mélodies et harmonies!
Voilà ce que certains de ces Messieurs et Dames doctes ne savent sans doute pas cultiver dans leur jardin.
M de Sclos
Je me prépare pour Venessia d'ici une bonne semaine...
Et de fil en aiguille tu nous décris ton petit monde .
J'imagine la déception de ton groupe lorsque les gens sont sortis et n'ont prêtés aucune oreille à vos chants ...
Et ta voisine si pressée qu'elle ne t'écoute même pas ou si peu ...
Ainsi va le monde, ainsi va la vie.
Toi si observatrice, si attentive, tellement à l'écoute...La prochaine fois peut-être?
Bises pluvieuses
Bien sûr Martine tu as raison ces messieurs dames ne savent pas cultiver leur jardin, mais je crains bien que là dénomination "amateurs" nous a été fatale, mais là il faudrait une réflexion plus poussée sur les pratiques culturelles... Et leurs réceptions...
Pas grave, mais beau sujet de billet...
Chère Martine, bon séjour à Venise, cours partout, regarde Venise dans les yeux, et fais de belles photos, prends du plaisir à tout, comme tu sais si bien le faire.
Jét´embrasse fort.
Brigitte, c'est vrai notre déception fut grande pour nos chants... Mais nous n'avons pas dit nos dernières notes :-)
Quant à ma voisine rien de bien inquiétant, elle fait souvent comme ça, c'est une impatiente...
Grosses bises Brigitte, il,pleut un peu par ici...
De l'incommunicabilité, du sentiment de supériorité qui en étouffe beaucoup et de l'inénarrable (mais fort bien narrée !!) bêtise humaine... de tout un peu et, en transparence la déception qu'on éprouve, souvent, à fréquenter d'un peu trop près nos semblables ! Ton billet est peut-être cousu de fil blanc, mais il est très observateur, un peu triste mais pas découragé pour autant ! haut les cœurs, Danielle !! Et passons outre tous les faux culs, les pédants et autres prétentieux, qui n'ont que mépris pour leurs semblables, et oublions les vite !! vous aurez plus de monde la prochaine fois, c'est sûr !!
Oui Michelaise haut les coeurs, nous n'avons pas été découragés pour autant :-)
Il ne pleuvait pas et nos notes dégoulinaient avec grâce sur le public qui trouvait tout ça très agréable...
Michelaise je te fais des belles bises.
Personne n'écoute plus personne , ne fait attention à personne et nous sommes devenues des extraterrestres avec nos envies de communiquer (autrement que sur le web .. ) aider par un petit sourire ou un geste de gentillesse ... bien , laissons les donc ces méprisants de la ' culture ' du coeur !
moi je t 'envoie de grosses bises et te félicite pour ces belles chansons qui sortent de l'oubli!
Dommage que ces gens n'aient pas écouté vos chansons... c'est ainsi à présent, les humains sont tellement sollicités de toute part, on dirait qu'ils n'aspirent plus qu'à une chose : être "tranquille" ou plutôt qu'on ne les aborde plus pour aucune raison. Et même un groupe de chanteurs y mettant toute leur âme n'a plus de valeur à leurs yeux. Plus personne ne prend le temps de, justement (!!), ralentir le pas pour la découverte, la beauté et l'émerveillement d'un spectacle improvisé... mais si bien travaillé. C'est assez navrant comme constatation.
Pour ce qui est des personnes qui demandent conseil tout en n'écoutant pas ce qu'on leur dit et en plaçant bien en avant (!!) LEUR vision des choses, LEUR avis, LEUR façon de faire... je trouve cela assez navrant également. Beaucoup de gens entament ainsi une conversation pour se sentir exister, presque pour qu'on les voie (je pense ?), et en profite pour se valoriser (peut-être même malgré eux ?), rehausser un peu l'image qu'ils ont d'eux-mêmes (?), être utile à quelqu'un, lui montrer qu'ils savent des choses, et être entendu, exister dans les yeux de l'autre. Tout cela est bien humain évidemment, se "positionner" par rapport à l'autre, ou dumoins essayer, quand on cherche un besoin tellement important d'attention, qu'on en oublie d'écouter l'autre, pour la question première qui nous a fait l'aborder... Peut-être cela nous est-il tous arrivé un jour ou l'autre, un jour où nous nous sentions en recherche d'attention, en recherche parfois-même d'identité (??). Souvent on s'en aperçoit de suite "mais qu'est ce que je fais ? je parle encore de moi !" et l'on s'en veut mais il est trop tard. Et l'autre personne en face se sent déçue car pas écoutée, pas entendue, pas comprise non plus, un peu bernée (?) car elle avait des choses à dire intéressantes et elle avait été sollicitée, ce qui l'avait sans doute ravie dans un sens. Les relations humaines sont complexes et chacun réagit de par sa position propre. Difficile... très difficile.
Mais l'écoute tout de même (!!) c'est un minimum je crois.
BON WEEK-END à vous Danielle :)
Chère Amélie, merci de votre participation à mon petit monde :-))
Bien sûr Amélie,vous avez raison, les gens n'écoutent pas en général, rappelez-vous la chanson "parlez moi de moi il n'y a que ça qui m'intéresse" je n'ai plus le titre de la chanson en tête...
Demain il fait beau gardons le moral et les idées hautes :-))
Bises du soir Amélie.
Et même si il n'y avait qu'un ou une à vous écouter, c'était beau !!! Et c'est le principal dans ce monde qui tourne si vite...
Vous méritez mieux, je le sens mais tant pis pour eux !!! La prochaine fois...
Très bonne journée avec plein de chansons dans le coeur, du 18e siècle ou autres!!!
Bises ensoleillées, yes!!!!!!!!
Enitram je t'assure nous méritions mieux :-)))
La prochaine fois oui, oui, oui, il fait beau, les chansons nous les referons !!!
Bisous ensoleillés de ce jour.
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