L'entrée
Je me trouvais là, dans ce service d'hôpital de jour, pour accompagner une amie dont la maman était prise dans la nécessité de poursuivre son traitement par une chimio... J'étais en somme un soutien de famille, sa fille qui l'assistait allait et venait partout avec elle, moi je gardais les affaires et je méditais... Sans le moindre ennui, sans la moindre lassitude, c'est bien d'être ensemble pour s'entraider, se réconforter et poursuivre, faire ce qu'il faut faire, garder espoir... Mais mon amie s'est mise à pleurer, à un moment où nous sommes retrouvées seules toutes les deux, c'était tellement triste, tellement lourd à vivre...
Pendant leurs absences, un moment chez le médecin, un autre chez la diététicienne, la pose de la chimio, je restais à observer le public qui se présentait au guichet pour la séance ambulatoire à l'hôpital... Le monde venait par vagues, la plupart des malades étaient accompagnés... Une seule fois je me suis trompée en prenant l'accompagnant pour le malade...
Dans ce service, j'ai vu rapidement que dans le "couple" accompagnant/accompagné, le malade était toujours le plus mince, il avait perdu quelques kilos, le visage était plus ou moins triste, au guichet de l'accueil il restait un peu en retrait, les yeux ailleurs, préoccupé par d'autres questions que celles de l'administration. L'accompagnant prenait toutes les initiatives pour l'aider, fournir les papiers, plier le vêtement en quatre sur les genoux, sans cesse attentif au moindre mouvement du patient...Tu veux autre chose ? Non, non, ça va, merci...
Certaines dames avaient des chapeaux qui descendaient jusqu'au cou, les messieurs ne portaient rien... J'ai remarqué que plusieurs malades repartaient avec une petite sacoche noire à la taille, d'où sortait un petit tuyau en plastique transparent qui remontait sous le vêtement, la chimio faisait le trajet avec eux... Dans ma tête je voulais tous les aider, les encourager, leur dire : ne vous en faites pas, ça va aller mieux, prenez patience, courage, encore un peu... Mais je ne disais rien, je restais sur mon banc bien confortable, j'observais de loin, j'attendais mes amies... Je me disais aussi : quand ça va t'arriver, on ne sait pas, tu sauras...
Dans ce service d'hôpital de jour tout le personnel avait le sourire, le malade était roi, rien n'était de sa faute, même un gros retard était tout de suite excusé... Pas de soucis bien sûr, il y a une telle circulation... C'est maintenant votre tour, vous venez avec moi...Vous avez vos papiers, pas de soucis, le docteur va vous voir tout de suite, patientez, je suis à vous très vite... Ne vous inquiétez pas... Dites-moi ce qui ne va pas... Voilà votre planning, ça va ?
Je remarquais que presque tous les malades étaient accompagnés, ceux qui venaient tout seuls étaient sans doute plus solides que les autres, ils en étaient peut être à la fin du traitement, les forces de l'habitude avaient-elles remplacé les appréhensions, les angoisses, les sentiments d'abandon ? Ils venaient seuls, les valeureux... Un jeune avec une parente, une jeune fille avec sa grand-mère, tel autre avec deux amis, les "accompagnages" avaient des configurations très diverses, je m'appliquais à percevoir comment ils s' étaient fabriqués.
Tout était réglé comme du papier à musique, le temps était compté pour tout le monde : papiers, carte vitale, mutuelle, médecins, chimio, diététicienne, un peu d'attente entre chaque, des ambulanciers amenaient et remportaient leurs "clients".. Bras dessus bras dessous pour ceux qui s'en allaient à pied, à petits pas, confiants ?
Mon amie et sa maman sont arrivées les dernières, avec tous les conseils qui avaient été donnés pour supporter la chimio...J'ai félicité la malade : bravo, vous avez été forte, vous êtes une vaillante... Le plus dur avait été fait, la première séance était passée, il faudra assurer pour toutes les autres, pendant des mois...
J'étais contente d'être avec elles, ensemble ça fait du bien, si ça se trouve, autant que la chimio ?...
12 commentaires:
Tu as raison l'accompagnement aide énormément .Tu décris si bien les choses telles qu'elles se passent.
J'accompagne encore une amie 15 ans après à l'approche de son rendez-vous et contrôle annuel l'angoisse est toujours là ...Ne pas être seule la rassure; heureusement elle va bien ,très bien même .Nous en profitons après pour faire un peu de shopping et prendre une petit café.
Merci de ton témoignage .
Bises et bonne soirée
Brigitte, comme le petit café et le shopping doivent vous sembler bons !!
Je suis contente pour ton amie, c'est formidable que tu puisses l'accompagner dans les moments difficiles...
Belle amitié !
Je te bises du soir Brigitte.
Votre récit permet de relativiser , si besoin est ,les petits tracas du quotidien : il en faut du courage ... aux malades et aux soignants ;
La compagne de mon fils est infirmière dans un service très lourd et grâce à elle , je me dis plus souvent que la vie est magnifique ; et puis j'apprécie encore plus l'amitié et les petits gestes d'attention et de tendresse de mes proches !
Une petite voisine est restée bouche bée lorsque je lui ai proposé de l'accompagner pour son contrôle : ' Ah , oui vous feriez ça ... ça ne va pas vous déranger ? ... '
Les silences gênés sont bien souvent difficiles pour les malades qui ne demandent qu'une présence , rien qu'une présence ...
Votre témoignage ,où les petites choses se mettent bout à bout , discrètement reflètent bien l'atmosphère feutrée mais un peu lourde de ces consultations ;
Comme vous dîtes : et si un jour ça m'arrivait , je saurais !
je vous embrasse
Merci Estelle pour votre récit qui en dit long sur la solidarité et la disponibilité entre les gens.
Je reste persuadée que l'accompagnement fait du bien, même s'il ne guérit pas...
Je vous embrasse aussi Estelle.
Impressionnant, ton sens de l'observation et ta bienveillance, ton attention dédramatisent, et pourtant ce que tu racontes est terrible et, souvent, on a tendance à vouloir l'oublier, ou au moins à vouloir l'ignorer. Ce regard attentif, sans être curieux, mais pénétrant est très important, tu as osé regarder, vraiment, avec douceur, tendresse et humanité, et tu nous racontes, simplement. bravo pour cet article, encore !!
Chère Michelaise, c'est vrai mon regard n'est jamais inquisiteur, j'ose regarder comme tu dis, car ces moment de vie me concernent tout le temps...Ma compassion est sincère, tellement... Merci à toi pour tes encouragements, merci.
Je t'embrasse fort du matin neigeux...
C'est vrai ça, je sens moi aussi à travers tes mots toute ta bienveillance et ton humanité.
Ton billet est passionnant de toutes les observation que tu fais .
Si tu savais comme après ce rendez-vous, le café est délicieux avec en plus un petit goût de victoire.
Bises ensoleillées du matin
Bien sûr Brigitte, belle victoire et goût délicieux du café à deux...j'imagine très bien :-))))
Grosses bises eneigées à toi.
Parfois on croit qu'on le saura, mais même avec toutes les observations du monde on ne veut pas vraiment savoir pour soi...savoir vivre avec la mort dans notre quotidien, voir la souffrance dans le regard de l'autre et y reconnaître son propre destin, voilà la tâche de toute une vie et la grâce de vos billets Danielle permet de mêler à cette réalité inaliénable, la magie de l'instant présent, la tendresse du regard qui sait partager, la contemplation silencieuse de la nature source de méditation et de joies infinies.
Oui Isis, c'est vrai,on ne peut pas savoir pour soi... J'en suis très consciente et vous faites bien de me/nous le rappeler...
La tâche de toute une vie... Oui !
Vous dites admirablement tout cela...
Merci de votre aide et de votre passage...
Bises du matin.
Une image qui devient presque idyllique ... mais ce n'est pas toujours le cas... j'en suis arrivé à la conclusion qu'il vaut mieux y arriver sur ses deux jambes... quoi de plus triste que le couple malade brancardier.
brrrr j'ai un petit frisson le temps doit se refroidir, amenez nous plutôt dans les rues de Paris.
Robert, c'est vrai rien de plus triste que le couple brancardier/malade...
Bien sûr il y a aussi les balades dans les rues de Paris.A bientôt de m'y suivre...
Bises du soir Robert.
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