Des voiles d'aujourd'hui sur le Grand Canal
Si vous habitez dans un appartement qui donne sur un Rio, tôt le matin, vous pouvez être réveillé par le chahut des éboueurs et des livraisons de toutes sortes...
Moi, j'habite dans une petite rue très ancienne, la nuit, quand je ne dors pas, ce qui arrive très rarement, j'entends les voix des gens qui passent et qui parlent fort, le bruit des valises à roulettes et les cris des fêtards...
Je suis encore assez loin de la rue, un peu protégée par quelques lauriers roses et blancs, des rosiers grimpants qui ont du mal à se frayer un chemin le long de la grille... Mes fenêtres sont collées à celles des voisins, et fatalement, j'entends la télé des personnes du dessus : « ils sont un peu durs de la feuille », m'a dit mon logeur... Mais ce ne sont pas non plus des forcenés de la télé, ils ne l’allument pas de la journée…
Au début, c'était mon cauchemar, le soir, quand je rentrais chez moi, je me disais invariablement : pourvu qu’ils ne mettent pas la télé trop fort, et bien sûr ils la mettaient, pas trop tard pourtant, ce qui fait que finalement, c'était tout à fait supportable... Mon fils ainé m’avait dit un jour, alors que je me plaignais de je ne sais quoi : c’est bizarre maman, dès qu’ils sont hors de chez eux, les gens ne supportent aucun bruit, et cette petite maxime m’avait fait réfléchir…
Et puis... Le temps a passé et je m'y suis faite totalement, sans bougonner. J'ai tout simplement retourné la situation à mon avantage, j'ai fait de la philosophie Zen, à la suite de celle de mon fils, c’est pénible cette façon de vouloir absolument s’enfermer dans ce qui vous dérange au lieu de virer de bord : penser à autre chose, en prendre son parti, surtout que le chuchotement de leur télé en version originale n’était pas du tout exagéré… Mais moi, comme une forcenée, je voulais le silence complet… A Venise c’est souvent difficile de ne pas vivre un peu avec ses voisins quand on n’habite pas un palais, ou le dernier étage d’une maison bien située…
Un soir je me suis dit : ça suffit de te braquer, tu vas faire autrement que de te ronger les sangs pour un petit murmure de rien du tout...
Le clapotis de la nuit...
J'ai joué normalement à la soirée très agréable qui s'annonçait admirablement bien... Je lisais, écrivais, étudiais le parcours du lendemain, je repérais l'église où je déposerais les vœux de réussite, de bonheur, de santé, d’avenir… Pour mes amis et les miens qui ne croient en rien du tout... On ne sait jamais... Parfois je regardais un DVD de ma toute petite collection personnelle...
J'avais de quoi occuper largement la soirée à des choses plaisantes... Je me suis même mise à penser à la Venise des siècles précédents où le bruit envahissait la cité, la construction des maisons, des palais, des églises qu'on édifiait, qu’on démolissait, qu'on rebâtissait au cours des siècles, le Grand Canal, il a fallu cinq cent ans pour le faire aussi beau qu'aujourd'hui... Sans compter le bruit du travail, dans toutes les cours, du fer qu'on battait, de l'eau qu'on remontait du puits avec les grands seaux en métal, le vacarme des roues des petites brouettes, charrettes, même légères, quelques chevaux par dessus les ponts, les bagarres, les cris de toutes sortes... Achetez mes beaux poissons tout frais pêchés du jour, mes rubans, mes dentelles !... Les gondoliers sur les tous les ris, ils ne devaient pas se faire de cadeaux pour la priorité, il y en avait dix mille au 16e siècle, contre quatre cents aujourd'hui, les roulements de tambours, le son des trompettes qui annonçaient les nouvelles condamnations, les coups d’épées dans l’eau, les grands voiliers qui voilaient dans le grand bassin de S Marc... Et les fêtes ! Il y en avait beaucoup, des fêtes, et les plombs qu’on brise pour sortir de prison, il n’y avait pas que Casanova qui volait de ses propres ailes, les éclairs, les coups de tonnerre... Quand tous les anges musiciens de tous les tableaux de toutes les églises soufflaient dans leurs instruments, et les luths, les violons qui s'y mettaient aussi, ça en faisait du bruit ou de la musique, comme vous voulez... Donc pour la Venise silencieuse, vous repasserez... Il restait même encore une ferme avec des vaches, à S Marta, après la guerre, m'a dit un ami... Des chiens qui hurlaient, des chats qui se battaient, y avait-il des poules, des coqs et des lapins ? Tiens, il faudrait que j'aille voir dans les livres comment on faisait ces affaires-là par ici... Seules les brodeuses, les enfileuses de perles, les doreurs et les peintres, tous ces silencieux, pouvaient légitimement se plaindre du bruit que faisaient leurs voisins...
Donc, le petit bruit du petit murmure de la télé de ma voisine, vous parlez d'une affaire...
Le silence du soir qui descend
Le bruit des valises à roulettes, il faudrait que je fasse des recherches pour trouver l'équivalent au 17e siècle, au travail, la science n'attend pas, j'ai soif d'apprendre...
Et pour finir de réfléchir à l'ambiance générale de la Sérénissime, l'autre soir, comme j'écoutais un beau concert de bel canto dans la cour intérieure du Palais des Doges, bourré à craquer d'au moins mille personnes, j'entendais le léger flonflon des orchestres de la place S Marc, Puccini et Verdi s'en sortaient très bien sous la baguette de monsieur Myung-Whun Chung qui n'écoutait que sa fougue...
Alors vous parlez, le bruit des infos du monde de ma voisine...
15 commentaires:
mettre les voiles .. un morceau de vie.. je ne me lasse pas, je voulais aussi mettre un commentaire du précédent billet.. des situations vécues..merci!
merci Elfi de mettre les voiles avec moi...
Bises du jour.
Bonjour Danielle,
Je comprends ton raisonnement qui t'a bien servie pour ne pas trop t'énerver, mais je me demande dans quelle mesure il est juste... Les activités humaines qui se prolongent bien avant dans la nuit ne sont-elles pas liées à la fée électricité? et les heures de sommeil en moins aussi.
Comme la pollution lumineuse, la pollution sonore a probablement décuplé avec les siècles d'autant que la cohabitation de personnes n'ayant pas les mêmes habitudes de vie et parfois pas la même culture, rend les choses plus complexes qu'autrefois.
Cela étant dit, je salue ta démarche zen dont tu pourras à nouveau te servir l'été prochain!
Ton texte d'aujourd'hui me rappelle celui de Donna Leon. Dans un de ses romans une vieille dame qui infligeait le bruit sa télé à longueur de journée connait un triste sort... Pas facile de rester zen mais tu as fait le bon choix.
Merci pour ce fragment de vie vénitienne.
Bonne journée,
Bises
J'aime tes retours de Venise, la belle !!!! Tu as tellement d'anecdotes à nous conter...
C'est fabuleux, cette vie intense sur un si petit bout de terre!!!!
J'ai trouvé un quartier paisible lors de mon séjour, c'est celui de San Polo et pourtant un authentique quartier vénitien mais les bruits sont comme des murmures là-bas...
A bientôt
Sur la pointe des pieds...
Marie-Josée, je partage ton point de vue quand je suis en colère, car moi je suis toujours très soucieuse du bien être de mes voisins...
Mais que veux-tu... Je passe en mode Zen quand il faut me calmer et prendre du recul...
A Venise il faut beaucoup se calmer...
Bises à toi Marie-Josée, à tout bientôt.
AnnaLivia, quelques fois j'ai bien failli faire comme Donna Leon, faire mourir mes voisins du dessus...
merci à toi de passer sur mes terres :-)))
Bonne soirée;
Enitram, je suis ravie de partager mes coups de griffes et mes émerveillements...
Sur la pointe des pieds où avec tes grosses chaussures reviens quand tu veux.
Bonne soirée.
Coucou Danielle... bentornata a casa!
Je tiens à t'assurer que, meme si je n'envoie pas de commentaires, je te lis toujours et avec le plus grand plaisir.
Bon Avignon si tu es encore là, et gros bisous du matin et du week-end!
Cela s'appelle la zen attitude ...Et tu as bien fait de l'adopter la vie est ainsi plus belle.
Ta photo est remarquable et dégage beaucoup de calme .
Belle journée
Bises du samedi
Un conseil Danielle : si tu veux le calme ce n'est en Italie qu'il faut aller……. Je ne t'apprends rien ! !
Les bruits des autres tant que je ne peux pas pas les attribuer à quelqu'un cela ne me gêne pas. MAIS ceux qui mangent au ciné, je les tuerais …..si je n'étais pas un poil civilisée.
Bon aujourd'hui je suis tranquille les voisins sont déjà à distance plus que raisonnable mais en plus ils sont tous partis…il y a un standing à tenir.
QUI A DIT QUE J'ÉTAIS DE MAUVAISE HUMEUR ?
Merci Danielle pour ces beaux moments.
Françoise
Complètement d'accord pour ceux qui mangent au ciné !!! c'est l'horreur
Merci Siu, merci beaucoup, oui je sais que tu es quelque part par-là, ça me touche...
Je suis encore en Avignon, sous le soleil et la chaleur...
Passe une bonne journée bien entamée...
A bientôt...
merci Brigitte, c'est vrai la vie est trop compliquée... J'ai pas osé intervenir... Alors j'ai pris sur moi... Mais au cinéma je rouspète tout de suite :-)))
Passe une bonne journée toi aussi.
Françoise, si tu savais pour je peux détester les bruits au cinéma... Je fais tout de suite des remarques :-)))
Vivement ma campagne Indroise bientôt avec les petits oiseaux...
Bises à toi et bon WE dans le calme et pas du tout de mauvaise humeur...
Enregistrer un commentaire