lundi 26 mars 2012

Le jardin du Palais Royal... La Cour d'honneur et les colonnes de Buren.


J'ai profité d'un jour clair de soleil, à l'orée du printemps, pour aller faire le tour du jardin du Palais Royal. Ce jour-là il n'y avait personne, l'installation de Daniel Buren était en restauration et le public n'y avait pas accès, j'en ai profité pour prendre des photos, ce lieu est maintenant extrêmement touristique, pourtant de 1985 à 1986, pendant sa réalisation, cette oeuvre de Buren (Commande publique) suscita une énorme polémique.

Je peux en témoigner car j'y venais régulièrement, aussi souvent que je le pouvais, ça m'amusait beaucoup d'entendre le public critiquer avec véhémence ce projet qui se construisait sous nos yeux.

De légères palissades en bois, hautes d'environ un mètre, délimitaient le site, le public pouvait tout à loisir en faire le tour et regarder les progrès des travaux. Des centaines de personnes venaient comme moi participer à la discussion publique à ciel ouvert autour de ces frêles barrières. Les controverses allaient bon train, souvent le ton montait, on s'emportait, s'insultait, pendant que d'autres essayaient de calmer le jeu, ça durait des heures et ça faisait un joli boucan, pour être tout à fait honnête, il y avait beaucoup plus de détracteurs que d'admirateurs, dont j'étais. J'ai tout de suite adopté les colonnes Buren et mon engouement dure encore...

Pourtant le projet était intéressant, réaliser deux plateaux virtuels, l'un oblique, l'autre horizontal comportant 260 colonnes, toutes de hauteurs différentes et de couleur identique, blanche rayée de noire. On retrouve les bandes verticales sur les stores de chacune des fenêtres du Palais Royal. La fontaine, conçue par Patrick Bouchain, permet de faire courir un film d'eau sur la pente naturelle du terrain. Une ouverture sur l'eau, entourée d'une petites balustrade, permet au public de s'accouder, de se pencher et bien sûr de lancer les pièces et faire des voeux, c'est sans doute la magie et la tranquillité du lieu qui s'y prêtent. La restauration récente de celle-ci, qui interdisait la promenade sur les plateaux, m'a permis de prendre les photos.

La place Royale, je ne l'avais jamais vue fonctionner autrement que comme parking, des dizaines de voitures y stationnaient en permanence; personne n'y trouvait à redire, les détracteurs préféraient le parking à Buren, à "l'horreur de Buren".

Des arguments véhéments, j'en ai entendus... Le plus courant était celui-ci : d'accord pour l'art moderne, mais pas à Paris, pas ici, dans cette magnifique cour d'époque, ça ne convient absolument pas au lieu, Paris est défiguré, on ne mélange pas les styles (qui sont mélangés sur au moins 150 ans rien que sur le lieu), et puis, qu'est-ce que c'est que ces trucs en deux couleurs qui ne veulent rien dire ? Personne n'était d'accord, ni sur le lieu, ni sur la beauté de l'oeuvre, ni sur la commande d'Etat, tout ça n'a ni queue ni tête, c'est nous qui payons, on a notre mot à dire... On ne veut pas de ça, on ne veut pas l'horreur de Buren dans notre Cour d'honneur.

J'allais au Palais Royal participer aux discussions des barricades,  je venais jeter de l'huile sur le feu, c'était très drôle,  mes arguments modernistes faisaient mouche et c'était le tollé général : rappelez-vous la tour Eiffel qui elle aussi défigurait le paysage, et pourtant conservée après l'exposition Universelle de 1889... Tout le monde la trouvait moche, trop haute, trop industrielle, trop visible, et pourtant... Que serait Paris sans sa Tour Eiffel, quelques fois même je ne sais même plus du tout quoi penser d'elle, tout comme la Joconde, leur célébrité reste un peu énigmatique pour moi... Les oeuvres quelquefois ne sont pas célèbres pour leur valeur intrinsèque mais pour la légende qui s'est créée autour d'elles, il faut sans cesse y  réfléchir pour les regarder mieux... Elles font partie de notre paysage. Depuis, il y a eu la pyramide du Louvre avec sa belle trouée de verre, décriée aussi, mais les clameurs se sont vite tues... Le centre Pompidou aussi avait fait couler beaucoup d'encre  en 1977, pourtant quel bonheur d'entrer dans ce temple d'art contemporain qui ressemblait à une grosse usine de couleur, où tout était gratuit, je me souviens, j'en étais une des premières visiteuses avec mes enfants... Puisque nous ne construisons plus de cathédrales, il faut bien laisser à la postérité de quoi s'émerveiller, autrement...

Depuis le succès de la Cour d'honneur avec les colonnes, il y a de plus en plus de monde dans le coin, le jardin est pris d'assaut, surtout pendant les vacances, j'ai donc profité d'un temps calme, sans trop de touristes pour flâner, le long des arcades, et j'ai pris le jardin à revers, en transparence, à l'envers... Je n'avais pas l'esprit aux voeux, pas de pièce, et puis d'ailleurs des ouvriers travaillaient encore à la fontaine... La prochaine fois je fais des voeux...









Dans le jardin, les deux lecteurs, au soleil

8 commentaires:

Miss Lemon a dit…

Bonjour Danielle

J'aime dans votre série de photos toutes les verticales qui forment un écho aux colonnes de Buren et aux autres.
Le conservatisme est un moyen de protection, c'est l'expression d' un sentiment de peur, comme si les architectures d'époque si variées ne se mêlaient pas et ne constituer pas la ville en soi!
Il ne s'agit pas de mépriser le passé mais bien de le célébrer en faisant vivre les lieux dans la vie d'aujourd'hui!
C'est bien une manière de protéger le patrimoine plutôt que de tout mettre sous cloche.
Bien beau billet!
Miss Lemon.

Brigitte a dit…

Surprenant ce décor contemporain avec ces alignements de colonne, mais beau aussi .Le mélange des , c'est je crois, le changement qui fait peur aux gens qui critiquaient si vivement ces colonnes .
J'aime énormément ta dernière photos ces deux personnes semblent bien sereine et profitent des premiers doux rayons de soleil paisiblement
Bonne semaine à toi

Danielle a dit…

Miss, vous apportez des précisions très riches pour comprendre l'évolution des ville, bien sûr vous avez raison la création au temps présent, permet de célébrer le passé, la ville d'aujourd'hui, se conjugue au présent et au passé.

Merci Miss, Bonne fin de journée.

Danielle a dit…

Brigitte, sans doute la peur est pour quelque chose dans le refus, c'est sûr, presque tous les courants de peinture ont connu ces rejets... Le public avance moins vite que les créateurs, c'est vrai.

Brigitte, moi aussi j'aime bien ces deux lecteurs en plein soleil...

Bises à toi.

Michelaise a dit…

Le principe de l'art dans la cité est pourtant admis pour toutes époques... sauf paradoxalement pour la nôtre ! On a des églises 16ème qui jouxtent des églises médiévales, des palais renaissance à côté de palais XVIIIème, des places XXème bordées de monuments plus anciens, remaniées, mais dès lors qu'on assiste à l'événement du neuf dans du vieux, on crie très fort !! il faut laisser du temps au temps et les facheux sont oubliés, voire sont parfois les premiers à admirer le résultat.
J'aime ta série de reflets, on t'aperçoit un peu par-ci par-là, et les lecteurs sur le bancs sont charmants.

Marie-Josée a dit…

Tu sais que tu me fais un grand plaisir? Les jardins du Palais-Royal sont mon coin préféré de Paris et tu me les as fait découvrir sous un angle inédit, pour moi, à travers les vitrines.

Quant à la juxtaposition du moderne et de l'ancien!!! C'est tellement Montréal qui s'est développée et se développe encore de façon totalement anarchique que j'ai l'habitude et ne me formalise plus de grand'chose...

Bonne semaine à toi et salutations à Colette et à Cocteau lorsque tu repasseras dans «mes» jardins!

Danielle a dit…

Tu as raison Michelaise, il faut laisser du temps au temps, mais quelque fois ça prend vraiment beaucoup de temps :-)))

On me voit, je voulais éviter ça, mais...

Grosses bises chère Michelaise.

Danielle a dit…

Alors-là je suis bien contente si le Palais Royal est ton endroit préféré, car moi aussi j'aime beaucoup ce lieu, il faut juste choisir sa saison pour ne pas être débordé par le nombre...

Je ne manquerais pas de dire bonjour à tout le monde en y revenant...

Promis !

je t'embrasse fort Marie-Josée.