Chance, de Christian Boltanski
J'ai bien envie de revenir à ma dernière Biennale de Venise, il faisait doux, pas la grosse chaleur, donc un temps idéal, il suffisait juste d'avoir mon appareil photo et mon sac en bandoulière, j'avais oublié la bouteille d'eau... Bien sûr, je me suis tout de suite précipitée vers le pavillon français qui affichait Christian Boltanski... Personne... J'avais l'expo pour moi toute seule, quelle chance ! L'expo s'appelle Chance justement (bonne ou mauvaise), c'est vrai qu'il faut rudement de la chance pour arriver à exister et se construire une vie. Christian Boltanski a tendance à penser que généralement, c'est le hasard qui fait les choses. Le hasard est le thème de toute sa vie, de toute son oeuvre : "Notre vie est-elle écrite à l'avance et pouvons-nous intervenir sur son déroulement ? Pourquoi certains meurent et d'autres sont sauvés quand il se produit un accident ou un fait de guerre ? Y avait-il une raison, était-ce la volonté d'une puissance supérieure ou simplement le fait du hasard ?"
Oeuvre permanente à Berlin, le nom des victimes est apposé sur les murs sauvegardés
"Je pense aussi que chacun de nous est unique par le hasard de la naissance, et pour cela important." "Ce que je suis n'est-il que le fait du hasard ?
Christian Boltanski parle de son oeuvre avec une grande simplicité, il dit de lui-même qu'il n'est pas un intellectuel, il pense avec "ses tripes" c'est un artiste qui s'impose par la profondeur, la beauté et la grande émotion qui se dégagent de son oeuvre, après la surprise de la forme, avec lui on entre tout de suite de plein pied dans les questions de la vie, la mort, le souvenir, questions qui ne manquent pas de nous parler avec insistance de notre propre existence, du moins c'est comme ça que je reçois son oeuvre qui me touche tant.
L'oeuvre est à chaque fois différente, surprenante et fascinante, c'est pourquoi je n'en manque aucune (j'essaye). La roue tourne et c'est bien comme ça que j'ai vu son installation à Venise : 4 pièces, dans les pièces latérales 2 et 4, des gros chiffres qui défilent sur de grands compteurs, les uns verts pour les naissances dans le monde, les autres rouges pour les morts, il y a en moyenne 200 000 enfants qui naissent de plus que les gens qui meurent. les morts sont remplacés rapidement, aucun doute, l'humanité continue à se reproduire...
Le bébé aux trois images
Le ruban de photos
Dans la pièce centrale (1) immense, celle par laquelle le visiteur accède, un énorme énorme échafaudage qui prend tout l'espace, entre lequel défile un long ruban de photos (N et B), ça me fait penser à une grosse rotative qui imprime un journal, les photos représentent des têtes de nouveaux-nés, 60 polonais et 52 suisses décédés, le ruban de photos tourne à toute allure en faisant grand bruit.
Le bébé recomposé
Au bout de quelques seconde d'arrêt, tout se remet en marche, le ruban de photos tourne, sur le moniteur les images défilent, la grande mécanique du hasard de la vie se remet au travail. Qui sera le nouveau bébé chanceux ?
Puis de nouveau, la musique nous prévient que la "chance" a opéré, le miracle d'une naissance se fait devant nos yeux.
Chance
Je me suis promenée dans ce labyrinthe bruyant et j'ai réfléchi, forcément avec Boltanski, si on accepte de l'accompagner dans son travail, on est obligé de réfléchir, d'aller plus loin que la forme, de traverser les zones d'ombre, et forcément pour moi, d'être touchée, car il aborde toujours des questions essentielles de notre vie.
CHANCE est une oeuvre qui fait du bruit, du fracas même, elle dérange, peut même agacer, mais... Moi j'ai adoré, touchée, percée au coeur, c'est Boltanski le grand gagnant...
8 commentaires:
Bien loin de l'art de la Renaissance, mais le commentaire élogieux donne envie de se confronter à cette création. La retrouvera-t-on au grand palais, c'est le problème des créations actuelles elles sont trop souvent dans l'éphémère.
Oui Robert, loin de la Renaissance, mais pas si loin finalement, la renaissance a permis de voir plus loin avec la perspective, d'inventer, de redécouvrir le corps humain, de mettre moins d'or et plus de couleurs, ça bougeait fort en ces temps-là, de partout... et puis après la peinture s'est endormie pendant près de 400 ans... Depuis ça bouge encore de partout... Boltanski c'est maintenant, approchons, profitons, réjouissons-nous.
Merci Robert, je suis contente si ça te donne l'envie de la confrontation...
J'ai emprunté une phase chez vous sur Fabre mais je ne sais où...je suis tombée dessus par hasard et ne retrouve pas la date pour faire correspondre l'* à la parution; Aidez moi pour que je rende à Danielle ce qui est à Danielle!!!
Belle soirée
Martine de sclos
Chère Martine, je parlais de J. Fabre le 1er mai 2011 ça vous va ?
Gros bisous du soir...
Voilà qui est rectifié!
A+
On perçoit une très nette émotion à lire votre point de vue, je veux parler d'une émotion comme primaire car ce dont il est question ici, et que le quotidien nous permet d'occulter, est un fondamental.
La mort, la vie, destinée, hasard...toujours des questions, jamais de réponse, que des pistes selon les philosophies; et c'est bien pour cela que les artistes dé-rangent, car ils posent les questions qui font mal!
Merci pour votre lumineuse présentation!
Merci Miss, j'ai visé juste alors si vous percevez mon émotion, car c'est exactement ce que je vise, non pas à expliquer les oeuvres bien sûr, mais à communiquer le mieux possible pourquoi je les aime... J'essaye !!
A tout bientôt Miss.
Martine :-)))))
A bientôt !
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