"Ce qui est dit n'est jamais dit puisqu'on peut le dire autrement" Robert Pinget
C'est cette impression là que j'ai chaque fois que je vais à l'étang... Comment dire autrement ce que je vois ? J'essaye encore, encore et encore... Tout reste à dire...
Impossible de ne pas y aller tous les jours, impossible de ne pas manger des noix sur les petites marches qui mènent à l'eau, j'ai caché mon casse-noix : un rognon de silex, dans les orties, juste assez près pour ne pas me piquer les doigts, impossible de ne pas aller y voir de plus près avec mes jumelles, et regarder au loin les oiseaux qui viennent de plus en plus nombreux mettre leurs pattes fines à l'épreuve du temps qui passe... Ils sont de toutes les couleurs, de toutes les grosseurs, les grands hérons blancs ressemblent à ceux de La Fontaine, les autres je les ai vus dans les livres, je n'ai même pas retenu leurs noms, j'ai trop à faire à les regarder.
L'étang... La fin de l'été
Ils restent avec moi dans le silence, dans les bruits d'ailes, dans les hoquets de l'eau quand les carpes sautent, visibles entièrement, comme des gymnastes de compétition qui tournent autour de la barre...
Et flop, elles font des ronds dans l'eau...
Rien n'est plus attractif que de regarder vivre l'étang, tout est changeant, le ciel, l'eau, les animaux, on en apprend tous les jours. Je fais tous les efforts qu'il faut pour l'apprendre par cœur, mais je n'y arrive pas, je ne peux pas en si peu de temps en savoir autant que ceux qui sont nés là !
Alors il se déploie tout entier dans sa diversité... Il faudrait explorer cm par cm un peu comme sur une toile de maître, un bleu ici, un vert là, comment faire pour le mouvement, le saisissement, le bourdonnement, le fourmillement, les ailes déployées, et la pose sur l'eau, comme une feuille de papier de soie, si précise, si légère...
Avez-vous vu un héron, grand comme celui de la fable de La Fontaine, s'envoler ? Ses deux pattes fines comme des brindilles dépassent de ses plumes arrières, elles sont absolument à l'horizontale dans le prolongement du bec, le cou est légèrement rangé dans les plumes, les deux grandes ailes font le reste, il vole, c'est superbe !
Je cherche les envols, je les surveille, et les atterrissages, aussi doux qu'un bout de laine qui se pose sur l'eau, les deux pattes en avant, elles se posent exactement là où il était hier ?
Il faut que j'apprenne tout ça très vite, plus que quelques jours, quelques heures, je pars demain...Pour regarder, admirer, ajuster, discerner, être là, juste à côté, ça va être difficile de ne plus rien voir, rien entendre, quand je serais en ville.
Je ne me baisse plus pour ramasser les noix, je passe dessus et craque, j'écoute leur bruit, j'en ai déjà un plein panier, assez... Les poires c'est pareil, je les regarde pendre sans les toucher, elles succombent les unes après les autres sur l'herbe, elles sentent le vin, le sucre, les abeilles adorent ça, elles ronronnent...
Les figues ramollissent, et penchent sérieusement sur la branche, j'en ai trop mangé, je n'en ai plus envie, j'en garde toujours une pour mettre sur la table du jardin, les papillons y viennent se restaurer en remuant les ailes, sous le figuier, ça bourdonne de partout, tout le monde est à table, ils finissent les restes... C'est une année à papillons...
Les vignes sont vides
Les vignes sont vides, aucune grappe ne dépasse, j'ai vu des paniers remplis de raisin noir et blanc passer d'une main à l'autre, en un quart d'heure c'était bouclé, la vendange était faite, des petites vendanges du propriétaire...Tout est en fûts, en bouteilles, les feuilles des ceps rougissent sous les derniers rayons du soleil...
Les pommes que personne ne ramasse font du cidre dans l'herbe, tout le monde se régale par terre, les vers, les mouches, les oiseaux, même les écureuils s'en donnent à cœur joie, c'est la fin de la saison...
Dans les fossés, j'ai déjà vu les premières petites châtaignes, brillantes, lisses, rangées par trois dans les bogues bien piquantes, bien vertes, sont-elles en avance elle aussi ? On m'a dit que oui, mais les premières ne sont pas bonnes, il faut attendre pour les mettre autour de la dinde.
Impossible de trouver des tomates, elles tournent de l'œil sous les feuilles, les salades montent, montent...Seules les bettes tiennent encore le haut du pavé... Les haricots sont rangés dans les bocaux. On ferme, c'est l'automne ! Revenez plus tard.
Pour un tout petit bourg, les morts ont été nombreux cet été, je ne parle pas des végétaux, des fleurs et de l'herbe écrasée, non, je parle de ce que j'ai entendu ici et là... Morte à 25 ans d'un accident de la route, mort à 40 ans d'un cancer agressif, des suicides de l'année, ici on m'en a racontés, j'ai eu de mauvaises nouvelles de quelqu'un qui m'est cher...
Allez, il est temps de rentrer...Les couleurs se mélangent avec le noir...Les odeurs tournent au vinaigre, l'ensilage sent le rhum, de quoi saouler tout l'équipage...
4 commentaires:
Une fin d'été ou un début d'automne, poétiques à souhait, avec plein de beaux souvenirs ailés... Une jolie rentrée en douceur !
Bon retour !
Enitram merci... La rentrée s'annonce intéressante, en douceur, on verra...
Bises du soir à toi.
Toute cette jolie nostalgie, l'indre va continuer vers l'hiver... et toi, parfois, n'as-tu pas envie d'y venir aussi "hors saison" pour la connaitre mieux ? sous ses aspects plus rudes, moins doux ?
Jamais pensé à ça, moi je transhumance seulement l'été, avec la location de la petite maison, pas de chauffage, pas de bottes, pas de pulls, pas de parapluie... Tu vois Michelaise que des trucs faciles qui me donnent 100% de plaisirs... En hiver, J'Théâtre, cinéma expos , j'prends patience, j'prends le métro bien au chaud, en fait j'peux pas trop faire autrement...
Hors saison, c'est hors de question, louer une maison pour faire du feu c'est trop coûteux...:-)))
Merci de passer sur mes terres Michelaise, j'aime bien.
Bisous du soir.
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