L'étang bleu
J'étais au bord de l'étang d'argent, tout frétillant, au soir, à la fraîche, dans le silence le plus total, à part le bruit que faisait le monde qu'il y avait dans l'eau.
Les petites poules d'eau noires avec un joli dessin blanc sur le front faisaient un boucan de tous les diables, elles ont peur de tout, le moindre mouvement d'un passant, un coup de vent, le retournement de carpe, elles partaient en brigades mobiles loin devant elles...
Les canards à col vert ou gris avaient l'ouïe moins fine, il me semble, ils restaient entre eux à faire des ronds dans l'eau en se tenant loin du bord... De temps en temps ils mettaient la tête sous l'eau... Juste pour voir.
Les hérons de toutes sortes, blancs, gris, dorés, montés sur leurs échasses, faisaient les cent pas, lentement, autour de l'étang. Ils ont une patience d'ange, j'en ai vu qui restaient des heures sans bouger une oreille, à guetter le poisson, on aurait dit des leurres en carton... D'autres avançaient à pas mesurés, au milieu des cygnes, sans gêne, sans bruit... Sans espoir peut-être ? Ne connaissant personne.
L'île...
Au milieu de l'étang, sur la petite île coiffée d'une grosse touffe d'herbe, des canards et des cygnes faisaient une halte en terre ferme, j'ai même vu un gros rat qui s'est secoué le poil dès qu'il a eu les pieds au sec... Pas très engageant, heureusement qu'il était loin.
L'eau de l'étang fourmillait de petites vagues, de ronds, de zébrures, d'éclaboussures provoquées par les carpes qui venaient respirer un grand coup en surface, et tous les autres autres nageurs du lieu qui tournicotaient dans tous les sens.
J'avais sorti ma paire de jumelles et je regardais à la loupe tout ce petit monde...
l'oeil de la grosse voiture
Voilà qu'une voiture, une grosse, vient s'arrêter juste derrière moi, sur la petite route qui borde l'étang, les chiens et l'homme en sortent, deux chiens de chasse qui fouinaient partout, les oreilles basses, pousse toi de là que je m'y mette... Ils étaient chez eux.
Le propriétaire de l'étang, c'était lui, me salua gentiment : nous nous connaissons depuis des années, des connaissances de dix minutes par année... Bonjour madame, vous avez bien raison de lire au bord de l'étang, c'est bien agréable... Et là, pour le taquiner un peu, je lui parle des jolis hérons qui peuplent son bel étang, et me faisant encore plus sournoise, je pousse la description, il y en a beaucoup, de toutes sortes, c'est très beau... Ah ! Ne m'en parlez pas, ils mangent tout le poisson, ils sont là toute la journée, mais bientôt vous verrez arriver les cormorans, alors-là c'est complet, il bouffent le poisson et vont me narguer sur l'île en écartant leurs grandes ailes pour les sécher au soleil... En me disant cela il prend la pose du cormoran insolent, les coudes levés et les mains sur la taille, imitant les oiseaux qui plastronnent... Mais si je prends mon fusil, ils vont pas rester là longtemps, moi je vous le dis ! Intérieurement, je pensais : des cormorans, chouette, je vais les voir ! Voyez comme les avis divergent, moi je viens pour admirer les oiseaux et lui pour les abattre, rien ne peut nous réconcilier, nous ne sommes pas du tout du même côté des réalités, allez, pour calmer le jeu, maintenant je poserai uniquement des questions qui ne l'embarrasseront plus.
Mais le coup était parti...Moi, j'en ai marre, marre de peiner pour rien, vous n'imaginez pas le boulot que c'est un étang, il faut tout le temps le surveiller, le nettoyer, le vider une fois par an, ramasser le poisson et le vendre, à un prix, je ne vous raconte pas, si ça continue je vais arrêter de faire le mariole, viendra qui veut sur l'étang, je ne m'en occupe plus... Si j'avais dix ans de moins, mais c'est que je commence à être fatigué de toute cette gymnastique, faut les nourrir les carpes, faut passer tous les jours, j'en ai marre... Et puis le prix que ça coûte en blé, ça ne rapporte rien, je rentre à peine dans mes frais, non, j'arrête, j'ai passé l'âge. C'est vrai, je trouvais qu'il avait pris un petit coup de vieux, le propriétaire !
Et puis, il me raconte comment il avait trouvé l'étang lors de son acquisition il y a maintenant quinze-vingt ans : c'était un ramassis d'immondices, ça ne ressemblait plus à rien, et ça faisait déjà plus de vingt ans qu'il était comme ça, j'ai tout refait, je ne me suis pas ménagé, je l'ai remis en eau, moi j'aime bien la nature, vous savez... Il regardait au loin tout le chemin parcouru, avec fierté.
Si vous restez encore à lire ici, vous allez les voir d'ici peu, les rats qui viennent jusqu'à la réserve de blé que j'ai aménagée pour le poisson. Vous voyez ce distributeur automatique que j'ai installé sur l'eau, il marche au soleil, j'ai installé un truc économique, vous allez voir... Moi, je n'avais pas du tout envie de voir les rats monter sur les fils du réservoir pour aller dîner... Nous n'étions d'accord sur rien...
Il fit remonter ses deux chiens, allez les gars, on y va, bonsoir madame, bonne lecture, fait doux ce soir.
6 commentaires:
De votre récit, je raffole de l'épisode relatant votre rencontre avec le propriétaire de l'étang.
Peut-être avez-vous un point commun, votre amitié avec ce lieu, avec le personnage " étang ", tout simplement!
Tes photos sont magnifiques !
Chère Miss, vous avez raison, je crois que j'ai une amitié avec le lieu, j'y vais tous les jours, et tous les jours je vois autre chose...
Cordialement à vous.
Merci Enitram, de ta visite commentée :-))))
Bises du jour.
Fais attention qu'on ne te prenne pas pour un canard ;)) Bises
:-)))) je fais doucement, ni bruit de vélo, ni bruit de pas...
Bises à toi, merci d'être passé.
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