lundi 24 janvier 2011

Louis-Ferdinand Céline...Ne sera pas de la fête !

En prenant mon métro, comme tout le monde, j'ai lu un "gratuit" pour passer le temps, dénicher une petit info furtive, un entrefilet qui dit en 2 lignes ce que vous devrez chercher en une heure pour en savoir plus... Sur Internet.

Justement : Céline ne sera pas de la fête, c'est le titre de "Métro". C'est une vraie douleur, cet homme-là.

J'ai attendu d'avoir au moins cinquante ans avant de le lire, quel talent, quel immense écrivain : Voyage au bout de la nuit (1932), Mort à crédit (1936), un feu d'artifice, une écriture somptueuse, des inventions à toutes les lignes... Quand on lit Céline, il faut souligner tout le livre, on ne peut pas sauter une page, même une ligne, pas une virgule, on ne peut pas, il se passe toujours quelque chose dans ses mots. C'est de l'émotion pure, il est bouleversant... Il voulait écrire comme on parle, quand on parle magnifiquement, les mots de dessous sur ceux du dessus, et on en sort émerveillé... Voilà comment j'étais quand j'ai lu ce livre, je l'ai tout de suite rangé dans mes grands : Proust, Molière, A. Cohen... Tous ceux que j'ai mis dans mon profil (mon meilleur...), pour présenter mes goûts dans mon blog... J'ai bien pesé mes choix, vraiment ceux que j'aime pour toujours, et pas forcément depuis toujours...

Je lisais ce livre tout doucement, pour tout déguster mot à mot, il n'y a rien à jeter dans Louis-Ferdinand Céline, c'est un écrivain hors du commun qui bouleverse la vie, qui a bouleversé la mienne... J'avais perdu beaucoup de temps, cinquante ans, c'est tard !

Rappelez-vous : "Voyager, c'est bien utile, ça fait travailler l'imagination. Tout le reste n'est que déception et fatigues. Notre voyage à nous est entièrement imaginaire. Voilà sa force.

Il va de la vie à la mort. Hommes, bêtes, villes et choses, tout est imaginé. C'est un roman, rien qu'une histoire fictive. Littré le dit, qui ne se trompe jamais.

Et puis d'abord tout le monde peut en faire autant. Il suffit de fermer les yeux. C'est de l'autre côté de la vie".

C'est ainsi que commence le "Voyage au bout de la nuit."

Depuis, je l'ai suivi dans tous ses livres avec le même bonheur..

Je vais relire le "Voyage", et puis "Rigodon", son posthume, c'est urgent, c'est pressé, si j'avais un talent d'écrivain j'aurais voulu avoir le sien, une écriture qui bouge tout le temps, qui crée tout le temps, qui fait pleurer, qui fait rire, c'est vraiment le seul que j'aurais bien aimé imiter. Vous pouvez ouvrir le livre à n'importe quelle page, c'est beau ! Son style, c'est le fond de l'âme, c'est du beau travail, comme il disait lui-même en parlant de Montaigne.

Je n'osais même pas dire que je venais de lire Céline à plus de cinquante ans... Ah bon ! Tu n'avais jamais rien lu ?

Non, je n'avais jamais rien lu, car j'avais toujours refusé de le lire, pendant très très longtemps, vous savez maintenant, cet horrible personnage était moins beau que dans ses livres, cet antisémite de première, cette grande pointure de la collaboration, j'avais l'impression qu'en lisant ses romans je pouvais encore lui faire plaisir, et ça, je ne le voulais pas. Je ne voulais pas mettre mes yeux là-dedans, il ne le méritait pas. Quand j'ai acheté ses livres, j'ai tout acheté en poche, les moins chers du marché. Je ne voulais pas enrichir ses héritiers.

J'avais lu Bagatelle pour un massacre (1937), et j'avais pleuré de désespoir, il employait les même mots que dans ses romans, il disait les mêmes belles choses pour traiter les Juifs de charognards, et d'autres mots qu'il avait inventés pour les humilier, leur cracher dessus, les haïr... Dans ma lecture de "Bagatelle", chaque page était un supplice, je me disais : non, non, il ne peut pas écrire ça, ce n'est pas lui, c'est pas possible, il n'a pas le droit, pas lui, un de mes écrivains préférés... Ignoble !

Il s'est bien défendu, il a bien crié son innocence après la guerre, personne ne l'a cru à part ses amis, quand on lit Bagatelle on ne peut pas le dire innocent, il est coupable. J'ai tout lu, je sais tout, sur son racisme, un grand écrivain n'a pas le droit de dire avec tant de talent des choses horribles et répugnantes sur autrui. Écrivain, médecin... Collabo, antisémite, même les Allemands trouvaient qu'il en faisait trop ! Après la guerre il a été condamné à un an d'emprisonnement, confiscation de ses biens, 50 000 Francs d'amende, condamné aussi à l'indignité nationale...

On ne peut pas lui faire la fête aujourd'hui, biffer, raturer ses mauvaises pensées, ses mauvaises actions, ses écrits immondes, c'est beaucoup trop tôt pour oublier tout ça, on ne peut pas le mettre sur la sellette pour lui faire la fête, moi je trouve qu'on a raison de le retirer de la liste des Célébrations Nationales 2011, il ne les mérite pas.

Non, vraiment, la République ne peut pas oublier son antisémitisme frénétique, même si elle reconnaît son immense talent. Génial Céline, comme j'aurais aimé que tu sois un homme bien...

13 commentaires:

Danielle a dit…

Robert, heureuse venue chez moi, c'est toujours un plaisir d'avoir un bienveillant de plus...

Très bonne journée.

A tout bientôt.

Denis a dit…

Vous semblez oublier Mea Culpa, Bagatelles pour un massacre, l'Ecole des massacres et surtout les Beaux Draps.

Danielle a dit…

Non Denis, je n'oublie rien, merci de rappeler ces titres qui nous font horreur, merci.

Bonne journée...

D'Art en Arts a dit…

J'adore ton billet, Danielle, tu as su exprimer ce que je pense, bien mieux que je ne l'aurais jamais fait...
"Génial Céline, comme j'aurais aimé que tu sois un homme bien...", tu as tout dit dans cette phrase, un grand bravo à toi !
Bises.

Norma

Danielle a dit…

Merci Norma, de mêler ta voix à la mienne.

Passe une très bonne soirée.

Marie-Josée a dit…

Bonjour Danielle,

Une petite confession : j'aurai cinquante ans en mai prochain... et je n'ai pas lu Céline. J'ai essayé à quelques reprises, mais il m'est toujours tombé des mains. Je n'entrais pas dans sa petite musique...

Je veux bien réessayer une nouvelle fois puisque deux des auteurs que tu préfères -Molière et Proust- sont aussi pour moi par mi les plus grands... Je t'en reparle donc.

Danielle a dit…

Merci Felice de ton passage, pour Céline, pas très utile de passer ton anniversaire avec lui... Attends un peu, peut-être auras-tu envie un jour :-)))

Moi je le compte c'est vrai, parmi les très grands auteurs, son style me touche énormément.

Oui, si tu arrives à lire Céline, ça serait super si tu pouvais m'en dire deux mots, même petits :-)))

A tout bientôt Felice, bonne journée pour demain.

Michelaise a dit…

Je n'ai pas lu Céline Danielle, à cause de sa sinistre réputation. Et pourtant, je sais que c'est un écrivain hors pair, ton billet le confirme, mais que veux-tu je n'arrive pas à avoir envie. Cela viendra un jour, ton enthousiasme pour son style y sera forcément pour quelque chose. Je laisse mûrir. Ton billet est parfait pour dire que, souvent, les choses ne sont pas aussi manichéennes qu'on aimerait le croire

Enitram a dit…

J'ai lu "voyage au bout de la nuit" et j'avais plus de cinquante ans ! Oui, j'avais une certaine réticence depuis qu'un prof de philo nous avais quelque peu décrit le bonhomme ! Ce livre parle bien de l'absurdité de la vie à son paroxyme et laisse entrevoir un minime espoir, juste à la fin du livre lorsque ce bateau s'en va au loin...
Désespoir quand tu nous tiens ! Suis-je trop idéaliste ????
Sinon l'écriture est forte et simple et tape tellement bien mais...

Danielle a dit…

C'est vrai Michelaise, tu dis bien ce qu'il faut dire, les gens ne sont pas manichéens, Céline ce grand écrivain, était un homme abject...

Ne te presse pas, et finalement on peut très bien vivre sans lui...

Bisesss du jour.

Danielle a dit…

Enitram, tu vois Céline se lit dans la force de l'âge, avec l'esprit critique..

J'aime son style brillant et simple, ses personnages sont si près de nous, si forts, si faibles, si humains...

Comment a-t-il pu écrire la haine ?

Passe une belle journée, toute belle.

Jacques Razu a dit…

Mais Madame, "un homme bien" (et gendre idéal) ne peut en aucun cas être génial ! Le "bien" ou le Génie : il faut choisir (et d'ailleurs on ne choisit pas : ça vous tombe dessus comme ça et c'est très lourd à porter croyez-moi !)

Danielle a dit…

Mais Monsieur, puisqu'on ne choisit pas, vous seriez donc le gendre idéal ou l'homme génial ?

A votre bonne santé...