lundi 10 janvier 2011

Avant la suite du Cambodge... Monoprix. !


Je ne résiste pas au plaisir de vous raconter la délicieuse rencontre que j'ai faite aujourd'hui...

Dans un Monoprix tout près de chez moi, je baguenaudais parmi les rayons de vêtements, qui avaient tous changé de place, grand ménage d'hiver en attendant le printemps.

Une dame au cheveux bien blancs, petit sac de course au bras, se promenait elle aussi entre les pulls, et me dit : on se croirait au BHV, ils changent tout, ça coûte combien ? Elle me désignait un joli gilet en cachemire qui se vend 145 euros, mais ils sont fous, qui va acheter ça par ici ?

Je trouve que tout augmente, et la voilà partie à me faire la conversation.

Regardez, là, avant Noël, j'voulais monter mon caddie par l'escalator et il est resté coincé, résultat je suis tombée, 4 côtes de cassées... Vous avez été emmenée par les pompiers ? Bien sûr, un mois immobilisée comme ça, elle prit la position de la momie, les bras le long du corps pour me montrer. Alors-là, je peux vous dire que j'ai eu mal, ça m'a appris beaucoup de choses, ah bon ! Oui, mes enfants m'ont aidée, surtout ma fille, énergique comme tout, j'ai 80 ans voyez, elle m'a dit déshabille-toi, en un temps record j'étais nue dans la baignoire, vous imaginez, elle voulait me laver, pour m'aider bien sûr.



Elle m'a dit, t'arrête pas l'eau du robinet quand tu te savonnes ? Ben non, moi j'arrête pas l'eau du robinet quand je me savonne. Elle a été brusque avec vous ? Non non, elle est énergique, vous voyez, bon, tu vas mettre ces chaussures-là et on va sortir se promener, il faut que tu marches un peu, faut pas rester immobilisée, je mets celles-ci à la poubelle, elles sont vraiment trop usées, et hop ! Elle faisait des petites mimiques pour illustrer le bavardage entre sa fille et elle, montrait du doigt les chaussures, fermait le robinet avec la main...

On est allées jusqu'au parking pour faire un tour, j'ai marché un peu dans la neige...

Et votre fils (elle m'avait dit qu'elle avait un fils), il est gentil aussi avec vous ? Oui, mais c'est pas pareil, il m'a aidé aussi, il a fait des courses.

Mon gendre aussi a été gentil, il rend ma fille heureuse, faut pas en demander plus.

L'autre jour, quand je suis sortie sur le parking avec ma fille, on a fait un magasin qui vendait de l'art, j'ai vu un beau tableau qui représentait New York, j'ai montré du doigt et j'ai dit, je veux ça, pour ma petite fille, elle a vingt ans, elle est allée à New-York. Mon gendre, il a tout bricolé chez moi en un tour de main, des trucs qui attendaient depuis des mois, des années, il a réglé le mélangeur sur la baignoire, réparé la pendule, il était content que j'ai pensé à sa fille pour le tableau, la première chose que j'ai achetée, la première fois que je suis sortie, c'était pour elle, il était content, il m'a tout fait, il est gentil.


J'ai beaucoup appris de mes enfants avec cet accident, vous avez été surprise de leur attitude ? C'était pas comme vous vouliez ? Si, ils sont gentils, j'ai pas à me plaindre... Mais je sentais comme une petite touche de citron dans les tranches d'orange qu'elle me débitait.

J'peux pas leur donner de l'argent, si je suis malade, qui va payer ? Vous avez vu Sarko, il veut faire un impôt obligatoire, bon, un impôt c'est toujours obligatoire, à partir de 50 ans, pour payer la dépendance... Vous voyez, j'peux pas leur donner de l'argent.

Elle avait la langue bien pendue, les yeux rapides, du bon sens, mais j'avais bien senti une petite amertume dans le miel de son discours, bonne continuation, prenez soin de vous... Et j'ai filé faire mes courses...

Je me disais, cette histoire va passer avant le Cambodge, je vais vous la raconter, j'étais joyeuse comme tout d'avoir ramassé cette pépite-là, ma collection d'émotions est exactement à mon goût, simple, humaine, directe, exactement comme cette dame qui avait tant de choses à dire sur la vie, j'avais compris que sa fille était un peu brusque, mais tellement efficace, elle n'a pas pu me dire si tout était vraiment doux pour elle...

Quand j'entends des histoires aussi belles, des désirs de parler si forts, j'écoute de partout, pour ne pas en perdre une miette, et au bout du conte, tout le monde est content.

16 commentaires:

la fourmi....... a dit…

"""ADORABLE, "DANIELLE" """
je me régale,
le plaisir a te lire, est comparable,
a un bon chocolat,
que je ferais durer,
en le laissant fondre doucement...
c'est dire........!
quel régal.....!!
"""merci"""
bizz.....claire

Danielle a dit…

Ben moi quand je te lis, c'est du miel que je bois...

Merci la petite fourmi... j'aime beaucoup l'idée du chocolat...

passe une bonne journée.

D'Art en Arts a dit…

C'est très joli, au "bout du conte", Danielle...
Tu nous as encore fait passer un moment délicieux, c'est vraiment bien d'être pareillement ouverte aux autres !
Norma

Danielle a dit…

Comme je suis contente Norma, de m'être bien faite comprendre, merci de ta lecture attentive.

A tout bientôt de te lire.

Bises du soir.

Dominique Seidler a dit…

Je connais des gens dans mon quartier qui s'interrogent sur le fait que je parle aux autres ... Il en est même qui pense probablement que je suis une commère ! mais je m'en fous, je fais comme toi je PARLE avec les gens et j'ECOUTE surtout ! comme tu dis les deux bavard(e)s sont content(s)et puis il s'est passé quelquechose d'humain, de l'humanité ... Du coup,on apprend beaucoup des autres et sur soi. On est tous sur le même bateau et on dirait qu'il y a des personnes qui croient qu'en se regardant en permanence le nombril ils vont être à l'abri de tout! c'est le régne de "tout pour ma g....., les autres je m'en fous!" Dommage ... pour eux !!!

Miss Lemon a dit…

Comment se fait-il qu'une chose aussi naturelle que la discussion soit ainsi devenue une telle incongruité à la limite de l'inconvenance...?

Merci Danielle de nous donner ces témoignages d'un quotidien trop bafoué et de nous faire réfléchir.

Bonne soirée, Amitiés.
Miss Lemon.

Marie-Josée a dit…

Bonjour Danielle,

En lisant ton histoire, j'ai tout de suite pensé à Gabrielle Roy, écrivain que j'adore et je suis allée repêcher, dans ma bibliothèque, cette citation qui clôt le paragraphe d'introduction de son recueil de nouvelles : «Un jardin au bout du monde» :

«Un jardin au bout du monde» est né de la vision que je saisis un jour, en passant, d'un jardin plein de fleurs à la limite des terres défrichées, et de la femme y travaillant, sous le vent, en fichu de tête, qui leva vers moi le visage pour me suivre d'un long regard perplexe et suppliant que je n'ai cessé de revoir et qui n'a cessé, pendant des années, jusqu'à ce que j'obtempère, de me demander ce que tous nous demandons peut-être du fond de notre silence : Raconte ma vie.

Évidemment, on ne peut pas dire que la petite dame du Monoprix était une silencieuse! Mais elle témoigne bien de ce désir de se raconter dont parle Gabrielle Roy.

Merci pour ce joli billet!

Danielle a dit…

Artemisia, continues de parler et d'entendre, il se passe quelque chose d'humain...

Tu as totalement raison, ce qu'on apprend des autres nous aide beaucoup à nous comprendre nous-même.

Oui, on est tous sur le même bateau, ramons ensemble, dans le sens de l'humanité, sans préjugés.

Bises du soir.

Danielle a dit…

Miss, c'est vrai j'aime beaucoup ces rencontres qui vont vite à l'essentiel. Entre inconnus souvent la parole est plus libre, plus vraie.

Merci d'être passée Miss.

A bientôt.

Danielle a dit…

Felice oui, je crois que ce désir de se raonter existe pour tout le monde.

Tu vois cette dame qui exprimait simplement sa relation à ses enfants au moment ou elle vivait une dépendance, m'a fait penser à la mienne le jour ou ça me touchera... Comment ça se passera pour moi ?

Gabrielle Roy raconte sans doute des vies (je ne la connais pas) mais les gens qui parlent tentent de raconter la leur

Merci Felice de me donner envie de lire des tonnes de livres.

A tout bientôt.

Danielle a dit…

Felice, encore un mot, Gabrielle Roy, se fait porte parole sans doute, des vies silencieuses, tu as raison la petite dame elle, racontait très bien, avec beaucoup de subtilité le grand désaroi dans lequel elle s'est trouvée nue dans la baignoire par exemple, qui n'a eu cette idée pour lui-même ?

Merci Felice de ton intervention qui aide à a réflexion.

Marie-Josée a dit…

Rebonjour Danielle,

ou plutôt bonsoir avec le décalage...
Une dernière petite réflexion : ayant eu à côtoyer cette grande dépendance de proches récemment, je crois que seul l'humour sauve... Cela devient difficile lorsqu'il n'est plus possible.

Gabrielle Roy (1909-1983) était une très grande dame de chez nous que j'ai eu le privilège de rencontrer pendant toute une soirée au bord du St-Laurent là où le grand fleuve se fait mer à Petite-Rivière-St-François. Peut-être raconterai-je un jour cette rencontre...

Si tu as envie de lire Gabrielle Roy, commence par «Ces enfants de ma vie» ou «Rue Deschambault»...«La Route d'Altamont» aussi! Tu m'en reparleras...

Danielle a dit…

Je garde en tête cette grande dame pour mes prochaines visites à la bilbiothèque...

c'est vrai l'humour peut nous sauver de bien des situations difficiles.

Biens sûr Felice, il faut raconter cette rencontre...

merci à toi.

Bises du soir ou du matin :-))

Michelaise a dit…

Un bonheur Danielle cette pépite-là... tout est tellement juste, bine rapporté et judicieusement observé
une petite tranche de vie, comme un tranche de cake, à déguster sans modération

Danielle a dit…

Comme je suis contente Michelaise que vous dégustiez comme moi cette "tranche de cake"...:-)))

Merci de passer.

Grosses bises du soir.

Aloïs a dit…

J'arrive un peu tard mais il restait quelques miettes de tes tranches de vie comme tu sais si bien nous les préparer.
Me voilà rassasiée je vais aller faire un tour de voeux au Cambodge maintenant