En revenant de Trévise, le train s'arrête à Mestre, la ville usineuse et gazeuse de Venise.
L'arrêt ne dure que quelques minutes. Sur le quai, un couple de jeunes gens bavardent, rient, s'embrassent...
Le jeune homme monte dans le train, la jeune fille reste sur le quai, avec le gros chien tout fou.
Il ouvre la fenêtre, zut ! Me dis-je pour la clim, c'est pas terrible... Passe sa tête dehors.
Je ne parle pas tout à fait italien (comme vous le savez), mais j'entends bien qu'ils s'adressent tous les deux au chien, c'est vrai que pour la timidité, un chien c'est utile pour dire des banalités à la place des choses essentielles, ça unit, ça donne de la contenance, ça fait patienter.
Ils ne se disent pas encore au revoir, il blaguent en prenant l'animal à témoin.
Le train prend son temps, parfait pour l'observation, la conversation continue, je trouve que le jeune homme n'a pas l'air très vif... Que la jeune femme n'est pas rapide non plus... Parfait, ils vont bien ensemble.
Les plaisanteries continuent, le train démarre...
Et voilà notre amoureux qui tend ses deux bras par la fenêtre... Fait un large sourire... À son chien... Et referme la fenêtre.
J'ai repris ma lecture, ainsi va la vie...
J'ai repris ma lecture, ainsi va la vie...
La Facture :
Intriguée, je le suis depuis un certain temps, par le nombre de boutiques de maroquinerie et de textile qui sont tenues par du personnel, assez jeune, asiatique, à Venise.
Comme j'ai remarqué aussi que toutes ces boutiques proposent la même marchandise, d'un quartier à l'autre, aux mêmes prix exactement, je me suis dit : ils doivent faire partie d'un réseau de distribution commerciale qui prend de l'ampleur depuis plusieurs années... Je me suis dit aussi que peut-être, la marchandise devait venir de Chine ? Comme beaucoup de tout ce qui se vend à Venise, ce n'est un secret pour personne...
Comme je sais qu'à Venise, les loyers sont exorbitants pour les commerces bien placés, je me suis dit, un réseau dont la trésorerie doit tenir drôlement bien la route...
Ainsi va la mondialisation, l'uniformisation à Venise, c'est parfait, 22 millions de touristes par an, c'est bon pour le commerce...
Un jour que je me trouvais à regarder une petite robe pas chère du tout dans un de ces magasins, je vois deux jeunes gens discuter d'une facture qu'ils venaient de recevoir... Curieuse, je jette un oeil par dessus leurs épaules, espérant avoir un indice sur le circuit de distribution...
Contente de moi, j'avais retenu les initiales de la facture : ENEL, bon, c'est bien, je vais aller voir sur Internet ce que ça veut dire, n'oublions pas.
Rentrée à la maison, je tombe sur une lettre qui était adressée à mon logeur, dans ma boîte aux lettres ce matin : ENEL ! La facture d'électricité...Italienne...
Le voilà le réseau de distribution de mes boutiques, j'ai bien ri, et je me suis trouvée un peu bête.
Les chambres à louer :
L'année dernière, j'avais remarqué que dans une petite rue de Venise, pas très loin de chez moi, se refaisait un joli jardin, derrière un grand mur de brique, car en passant, j'avais vu du vert par la porte entrouverte. J'avais pensé illico, c'est super, les propriétaires refont le jardin, ils ont raison, quelle chance d'avoir des fleurs et du gazon dans sa cour, sous ses fenêtres...
Je n'avais jamais imaginé qu'il y eut de l'herbe de ce côté du mur.
Je n'avais jamais imaginé qu'il y eut de l'herbe de ce côté du mur.
J'avais remarqué aussi qu'ils refaisaient tout le pâté de maisons, juste à côté du jardin. Mais à Venise, de l'intérieur des maisons, toujours fermées, vous ne voyez jamais rien, vous ne devinez jamais rien, si la porte n'est pas ouverte. La complexité des constructions est difficile à saisir du premier coup d'oeil, je ne savais pas du tout à qui appartenait le jardin, à la porte de gauche ou à la droite ?
Ça travaillait dur, l'herbe allait bien pousser, à chaque passage je risquais d'en savoir un peu plus. Je suis repartie, je n'y comprenais toujours rien.
Cette année, en passant, j'ai vu le pâté de maison de droite et de gauche, refait, impeccable, un beau crépis, gris clair, les barreaux des fenêtres d'un beau marron foncé, des bacs à fleurs avec des géraniums rouges à toutes les fenêtres, de l'allure, de l'élégance.
J'ai tout compris quand je suis repassée un matin en allant faire mes courses : une dame et des enfants sortaient du pâté de maison de gauche en disant : Mais c'est dans quelle chambre exactement ? J'ai vu aussi le beau jardin pimpant qui allait avec la porte ouverte.
Bien sûr, il m'a suffit d'y regarder d'un peu plus près pour voir que tout le pâté de maison était transformé en chambres à louer, comme cela se fait dans tout Venise... Petit à petit, les propriétaires de maisons, d'appartements, transforment, arrangent...Et louent aux touristes, c'était même marqué, discrètement sur la sonnette... Guest House !
Le mystère était éclairci...Venise change, augmente son accueil... Je n'ai aucune idée des prix, je vais aller voir sur Internet...
Le scarabée :
En sortant de chez moi pour aller prendre le vaporetto, je vois un scarabée qui ne bougeait pas sur la marche de la maison d'en face, celle qui a un magnifique jardin, si j'en crois la grandeur du mur de briques qui fait presque toute la rue, les arbres qui dépassent et l'odeur superbe de l'herbe coupée de temps en temps.
Un scarabée, d'un vert miroitant, brillant, parfait ! D'une belle taille. Comme il ne bougeait plus du tout, je l'ai pris délicatement entre deux doigts, il a remué légèrement, sans doute une jambe cassée ?
J'ai rebroussé chemin avec mon petit trésor dans la main, n'allez pas croire que j'allais lui donner à boire ou toute autre chose, je ne suis pas meilleure que les autres.
Bon, s'il meurt, dans l'état où il est, je préfère qu'il meurt chez moi, j'adore les scarabées, en avoir un bien à soi, qui garde ses belles couleurs, j'adorerais ça. Surtout que c'est lui qui l'a cherché... Et moi qui l'ai trouvé.
Pas de culpabilité excessive, je porte le malade chez moi et je le pose délicatement dans une petite boîte à crayons, il bouge d'un millimètre, bon, il ne va pas tarder à rendre l'âme, je ne peux pas lui mettre la jambe dans le plâtre, ça lui fera un joli cercueil, sois sage et meurs gentiment, pendant que je vais me promener.
Et je n'y ai plus pensé du tout de l'après midi.
En rentrant, plus du tout non plus...
Son vert irisé m'est revenu en tête en faisant ma valise, pour partir le lendemain. Je regarde dans la boîte, il n'y est plus !
En rentrant, plus du tout non plus...
Son vert irisé m'est revenu en tête en faisant ma valise, pour partir le lendemain. Je regarde dans la boîte, il n'y est plus !
Ben ça alors, où est-il passé, j'avais fermé toutes les fenêtres, la porte à clé.
Bon, je vais faire le ménage, il a dû essayer d'aller se poser ailleurs, mais où ?
De toute façon, le ménage, il fallait bien que je le fasse, en grand pour demain... Je remue tout, je passe le balai sous tous les meubles, je passe les chaises une à une au peigne fin, je regarde sur les plinthes, les rideaux, je vire les coussins du canapé, je défais ma valise, on ne sait jamais, s'il faisait une sieste par-là ? Mais où ça peut bien aller, un scarabée qui a mal à une patte?
Jamais je ne le saurais, car je ne l'ai jamais retrouvé...
Si vous le rencontrez, faites-moi signe, c'est le mien.
6 commentaires:
Comme on est bien dans tes petites histoires de rien. On va, on vient, on prend le temps, on regarde, on flâne...et on est bien !
Je n'ai pas retrouvé ton scarabée, mais j'en ai un que je garde depuis de nombreuses années, il n'a pas perdu son vert irisé, c'était au temps où j'avais de beaux rosiers, aujourd'hui je ramasse les cigales, j'en ai toute une collection !
Alors as-tu trouvé la réponse pour ta guest house ?
Comme toi j'avais pensé que toutes ces boutiques de maroquinerie et leurs marchandises provenaient d'Asie...
je te souhaite un excellent week-end, ici il fait gris.
bisous
Danielle
Danielle, je suis contente, contente, de la flânerie que tu réserves à mes histoires :)))
Dommage pour le scarabée, et bravo pour les cigalles.
Ma guest house n'a plus de mystère pour moi, j'ai mis un nom sur des soupçons...
D'Asie ? c'est presque sûr...
Passe une très bonne journée, même dans le gris.
Danielle
Tes petites histoires sont toujours aussi savoureuses.
Personnellement je préfère voir des lieux transformés en chambre à louer que rester à l'abandon.
En France aussi maintenant toutes les maroquineries ou presque sont tenues par des asiatiques.
C'est ainsi au moins cela fait un commerce qui reste ouvert
Bon dimanche
Chouette, Françoise est passée !
Merci à toi, tu as raison, mieux vaut des commerces qui marchent.
A Venise pour les appartements c'est un peu différent, car ce système ne permet plus de loger les gens qui veulent y résider à l'année et travailler.
Ainsi va le Monde...
Bon dimanche à toi Françoise, bises du jour gris sur Paris.
Danielle, en voyant la photo du scarabée, j'étais persuadée que tu l'avais retrouvé, capturé et posé délicatement sur ces fleurs pour le tirer en portrait...:-(... Il n'y a pas que les maroquineries qui sont tenues par de jeunes asiatiques ( c'est pareil chez nous) Certains restaurants le sont également et là je me pose quand même une question...sont-ce les Vénitiens qui abandonnent le combat devant l'invasion...et puis c'est assez paradoxal d'avoir, parfois, un cuisinier italien et des serveurs asiatiques..quel melting pot !!
Continue de nous raconter de si jolies histoires..on les vit avec toi!
Ici dimanche très pluvieux et grêle aussi...vive le coin du radiateur ;-)
Bonne fin de journée
Danielle
Danielle, hélas non pour le scarabé :((
Pour le commerce je pense (pour en avoir discuté avec un commerçant) que les loyers sont trop chers pour résister, comme partout Danielle, c'est l'argent qui fait le ménage... Les petits sont mangés par les gros...
Merci de tes encouragements pour mes petites histoires :)))
Vive le radiateur, pour les journées froides !!
A bientôt Danielle.
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