J'avais noté avant de partir qu'il y avait une exposition de Louise Bourgeois, à voir absolument, la dernière qu'elle ait proposée avant son décès.
Quel plaisir de me retrouver sur les Zaterre, il faisait beau, la promenade agréable, une chaleur douce, quelle chance ! Je ne remarquais presque pas qu'il y avait du monde, là ou d'habitude il n'y avait personne, plus je m'approchais de la Dogana, plus il y avait de monde...
L’exposition de Louise avait lieu dans un de ces sublimes bâtiments faits entièrement en briques, les entrepôts à sel (du 18e siècle), un peu avant l'espace réservé à François Pinault et ses collections, sur la pointe de la Dogana (la douane des mers).
Les œuvres étaient exposées dans une ambiance très tamisée, contrastant brutalement avec la lumière vive du dehors, j'ai dû m'habituer à la pénombre et petit à petit, j'ai vu....Il y avait cinq visiteurs qui chuchotaient, comme dans une église, Louise ne fait pas recette. Il y avait là uniquement des œuvres nouvelles, à part un exemplaire de la grande araignée (que j'avais vue à Beaubourg et à Bilbao), qui met ses pattes un peu partout dans le monde.
Louise Bourgeois à Venise 2010
Trois grandes installations, enfermées dans des cages en verre, ou grillagée, livraient l'enchantement de leurs formes pleines de mystère, l'une avec des tissus suspendus à des crochets et une petite silhouette pendue par les pieds qui tombait dans le vide, dans l'autre cage, trois grosses boules de bois fendillées très belles, disposées à terre, et la troisième formait un grand Totème en tissu blanc tricoté, je vous laisse trouver le sens des représentations...
Louise Bourgeois n'a jamais été avare d'explications, elle a beaucoup parlé de ses sujets d'inspiration, puisés directement dans son enfance, dans sa vie de famille... Puis, en même temps qu'elle, parallèlement à elle, après elle, beaucoup de discours d'historiens de l'art, de spécialistes de l'inconscient, de critiques, viendront s'ajouter... Pour tenter l'impossible déchiffrement...
Au mur, accrochés comme des tableaux, des dizaines d'assemblages de tissus tressés, cousus à petits points, certains rehaussés de perles de verre, et de boutons de nacre, qui formaient de grands escargots, de jolis labyrinthes... Un magnifique travail, presque enfantin, de belles couleurs, les formes et les matières résistent aux explications mais jamais à l'émotion, cette grande dame m'éblouit toujours. Ses oeuvres réservent sans cesse des étonnements pour les spectateurs, Louise n'est jamais là où on l'attend, elle était en perpétuel renouvellement...
Le lieu était pénétré de sérénité, nous allions d'une œuvre à l'autre tranquillement, ignorant le monde extérieur. En sortant, j'ai léché mon doigt et je l'ai passé sur le mur, il était encore salé...
J'étais presque à la sortie, quand je vois un homme tendre son billet à l'accueil. C'est lui, j'en suis certaine, je ne peux me tromper, je le dévisage, il avait beaucoup maigrit, le visage affiné... et la silhouette aussi.
Je vais au devant de lui : Monsieur Boltanski ? (Christian) oui, me dit-il, alors je poursuis, Monsieur Boltanski, comme je suis heureuse de vous voir, j'adore ce que vous faites, j'admire beaucoup vos œuvres, je suis contente de vous rencontrer et de pouvoir vous le dire. Timidement il me dit, merci, merci beaucoup... Voyez, l'exposition de Louise Bourgeois, sa dernière, c'est formidable, passez un agréable séjour à Venise, et moi de lui répondre : vous de même, et je suis partie sur un petit nuage.
les battements de mon coeur
Il y a quelques mois, dans un centre culturel où Christian Boltanski exposait des oeuvres, les visiteurs étaient invités à faire enregistrer leurs battements de coeur sur CD, ces battements seront conservés éternellement (?) et feront ainsi partie d'une oeuvre nouvelle (Les archives du coeur), qui consiste à stocker et conserver les battements de coeurs du plus grand nombre de personnes sur une île au Japon... L'œuvre est déjà achetée en viager par un Japonais... Si monsieur Boltanski meurt jeune (ce que je ne lui souhaite pas), l'œuvre sera bon marché, c'est le deal qu'ils ont passé tous les deux...
Ainsi, ne trouvez-vous pas réconfortant de penser qu'un jour, vos descendants pourront sur simple demande, peut-être même par Internet, demander l'écoute de votre cœur, en direct de cette île des cœurs ? Si ce jeu ne me réconforte pas, il m'amuse, et la seule idée de faire partie de l'île aux cœurs, inventée par cet artiste, m'enchante.
Chritian Boltanski fait feu de tout bois pour créer de la présence : les photos, les mots, les objets, les lumières, des traces... Aujourd'hui les battements de coeurs, sont pour lui des matières premières, avec lesquelles il crée des espaces, des installations, des formes, toujours empreintes de très grande émotion... Des lieux de mémoire, sensibles, passionnants, qui convoquent et ressuscitent les absents.
Un beau moment à Venise, avec dans la même journée la rencontre de deux artistes que j'adore : Louise, décédée il y a quelques mois à 99 ans, dans les fleurs de son âge, et Christian, en chair et en os.
8 commentaires:
La fameuse araignée réparatrice de Louise Bourgeois.
Je ne suis pas très portée sur l'art contemporain ce n'est pas un secret mais je dois reconnaître que certaines de ses sculptures m'interpellent
Boltanski j'ai un peu plus de mal!!
Bravo Françoise, voilà un beau début, si ça t'interpelle nous sommes sauvés :)))
Boltanski, il faut lui faire confiance, il montre des choses très simples qui fondent l'émotion profonde...
Surtout merci d'être passée, passe une belle fin de journée.
Moi non plus je ne suis pas très portée sur l'art contemporain.( bizarre non :-)?...C'est très rare quand une oeuvre m'interpelle.En fait, j'ai besoin
d'explications, beaucoup d'explications même. Je ne connaissais pas Boltanski, tu en parles, je vais voir.. .Je respecte la démarche mais...j'ai besoin de comprendre.Je suis heureuse que ses oeuvres te plaisent.
Belle fin de journée à toi
Danielle
J'aime pas les araignées mais par contre j'aime bien les Zattere!!!
J'admire ta façon d'interpréter les oeuvres aussi bien le classique que le contemporain, bravo! Ceci dit j'ai un peu de mal avec ces deux artistes mais je ne doit pas avoir toutes les clés! Pour moi, l'art c'est avant tout l'émotion, après, faut voir!!!!
Bonne soirée Danielle
Danielle, quand les impressionnistes ont renversé et allongé les ombres et les lumières, laissé palpiter leur coeur, sorti leur chevalet sur l'herbe, dégradé la perspective de la renaissance, fragmenté l'espace visible par des milliers de touches de couleurs, tout le monde trouvait ça à hurler !!
Il a fallu du temps pour se laisser impressionner !!
Les artistes contemporains, nous proposent encore autre chose, souvent pas de lisibilité immédiate
mais des formes à découvrir, des émotions à fleur de peau, des gammes picturales qui ajoutent forcément du langage artistique, des "explications" oui, pourquoi pas, ça aide à mieux aimer...
Il n'y a pourtant pas de hiérarchie dans l'art, j'aime bien ça, passer d'un siècle à l'autre avec le même bonheur.
Merci Danielle d'être passée et de chercher, merci.
Bises du soir.
Enitram, j'ai bien ri avec les araignées et les Zaterre :)))
Tu as du mal avec ses deux artistes, essaye encore... Ils ont mille cordes à leur arc... et de la sensibilité à nous communiquer.
Merci Enitram d'être là à préférer les Zaterre à l'araignée.
A bientôt, très bientôt.
Je reviens avec plaisir visiter votre blog .Louise Bourgeois me semble être une des rares grandes artistes du XXème siècle.J'ai vu son exposition au CAPC de Bordeaux il y a quelques années déjà.Impressionnant.Le discours qu'elle tient est toujours lié de façon très intime à ses réalisations,il en est la trame émouvante et éprouvante.Femme exceptionnelle,artiste exceptionnelle.
Versus, merci pour votre commentaire, je suis totalement d'accord avec vous.
J'ai vu beaucoup d'expositions de Louise Bourgeois et chaque fois ce fut la découverte d'un univers exceptionnellement riche en effet.
Oui Versus, une grande dame cette Louise.
A bientôt pour une prochaine visite.
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