La galerie des beaux arts Accademia est incroyable, fantastique, exceptionnelle, elle renferme des œuvres sublimes... On peut y passer des heures, sans jamais se fatiguer. Il n'y a pas la foule...
Vous pensez bien que j'y suis allée plusieurs fois dans le mois, le cœur joyeux, mais comment peut-on faire le tour de la question même en plusieurs fois ?
La chapelle intérieure du musée (ancien couvent), la salle n°23, est entièrement restaurée, superbe, pleine de chefs-d’œuvre qui me tirent des Ah ! Des Oh ! (avec discrétion) : beaucoup de Giovanni Bellini, de splendides retables réunissant également le père et les fils, Vivarini, Mantegna, Mansuetti, Veneziano, Carpaccio... Giorgione avec deux tableaux, la Vieille et la Tempesta : ces deux toiles tranchent avec toutes les œuvres exposées dans la salle (Madone, Saints, retables... des œuvres religieuses) et, sachant quel vacarme ce tableau fait depuis 500 ans, je suis allée jeter un coup d'œil appliqué. Voilà donc comment je l'ai vu :
Une nature luxuriante, remplit presque tout le tableau, qui n'est pas grand. Il n'y a pas un souffle de vent, car aucun mouvement ne l'indique, les arbres s'élancent droits, sous un ciel bleu sombre très ennuagé, où l'on voit luire un éclair, juste au dessus de la ville dont on aperçoit les architectures et les belles cheminées vénitiennes.
Sur le toit, le plus haut du paysage urbain, se tient un échassier, immobile, blanc, avec un long bec, il semble regarder du côté de l'éclair, sans bouger sur sa longue patte. Une rivière, qui partage exactement le tableau en deux, coule tranquille sous un beau pont de bois. Son cours aboutit entre les deux magnifiques personnages, un homme à gauche, une femme à droite, donnant le sein à son enfant. Une petite construction, surmontée de deux colonnes, sépare la rivière en amont et en aval...
La belle jeune femme, presque nue, est assise dans l'herbe... Une étoffe blanche, le haut d'une robe dénouée, entoure ses épaules, et protège le bébé qui est assis tout près d'elle. On voit le petit derrière de l'enfant sur les vagues de l'étoffe blanche.
La pose n'est pas facile pour allaiter un enfant... Mais au diable la réalité, je ne suis pas de celles qui comptent les vertèbres, les distorsions des corps, les perspectives bien mesurées, les points de fuite bien distribués, pour vérifier si la reproduction du réel est au rendez-vous, non, la pose de la dame est gracieuse, aimante, douce et raffinée, l'atmosphère est émouvante, l'artiste l'a placée là, pour notre plus grand plaisir.
La jeune femme dirige son regard vers l'extérieur du tableau, sans toutefois regarder le spectateur, ses yeux sont noirs et doux, ses bras protecteurs entourent son enfant, elle est tout à fait à l'aise sous notre regard.
Juste devant elle, le peintre a fait grimper les branches d'un petit buisson, écran de dentelle fine, tatouage léger, sur le bas de son corps.
Un homme, jeune aussi, à l'extrême gauche du tableau, tient son bras droit appuyé sur un long bâton de bois, planté dans le sol, il a le bras gauche souplement replié dans le dos, les deux pieds bien plantés en terre, en équilibre parfait. Il est habillé de façon modeste, sandales et culotte courte à crevés, rose, une chemise blanche à manches longues, jambes nues. Il a belle allure.
Il sourit en regardant, sur sa gauche, la jeune femme et son bébé.
La chemise blanche et la robe dénouée se font écho avec leur couleur blanche, si fait que mon regard va de l'un à l'autre des personnages, réduisant la distance qui les sépare.
L'orage est loin d'eux, sur la ville, et pourtant, rien ne semble les presser, lui attend tranquillement, elle, s'est déshabillée presque entièrement, pour nourrir leur (?) enfant, dans cette proximité délicate. L'oiseau sur le toit (un héron ?), n'est pas dérangé non plus, il se tient bien droit sur ses deux pattes.
Le paysage est calme et paisible, la nature est partout présente, la lumière dorée est magnifique de douceur et donne à l'ensemble une grande sérénité.
Il y a juste un éclair dans le ciel...
Quel beau moment on passe devant cette œuvre ! Merci Giorgione.
Je sais que bien des interprétations multiples existent à propos de ce tableau (allégoriques, mythologiques, politiques, familiale : origine de la famille Vendramin ?) personne n'est d'accord, plus de 500 ans après... Alors j'en profite pour vous faire partager mon regard naïf et enthousiaste.
Je sais aussi, pour l'avoir lu quelque part, que Giorgione était très amateur des choses de l'amour... Et qu'en fait, on sait peu de chose sur ce peintre (il est mort à 34 ans), bien des mystères pèsent sur son œuvre, extrêmement réduite.
Je suis allée bien sûr prendre la photo de la maison où il est mort, campo San Silvestro, au n° 1022, juste en face de la magnifique église du même nom, en travaux, que je n'ai pas pu visiter, hélas !
La maison est superbe, énorme à plusieurs entrées, un café porte son nom, juste à l'angle (je ne retrouve plus les photos que j'avais prises, j'enrage !)
J'ai repris le vaporetto, après avoir fait le tour des petites rues alentour, avec bonheur, absolument seule...
14 commentaires:
Quand commences-ru ton nouvel emploi?
Avec un guide comme toi les musées seraient plein à craquer
C'est vrai que chacun à sa propre interprétation des tableaux mais j'aime ton oeil
Lorsque l'on reste longtemps quelque part cela laisse la possibilité de s'attarder dans les musées chose que je fais peu regrettant de m'enfermer lorsqu'il y a tant de belles choses à voir à l'extérieur
Quant à Venise n'est-elle pas un musée à elle seule?
Bonne journée
Bonjour Danielle et merci de me faire à nouveau admirer ce tableau que j'aime énormément. Cet orage est magnifique et amène une ambiance trés particulière et mystérieuse. Personnellement je laisse aux experts son interprétation. Je m'en remets à l'émotion qu'on éprouve devant cette scène ...
Merci pour cette très belle description du tableau de Giorgione. Toujours intéressant de suivre le regard des autres!
Bonne journée Danielle!
Danielle, j'ai vu " La tempête" début septembre quand le tableau était exposé au palais Grimani. Je n'ai rien ressenti et j'en suis vraiment navrée car je m'attendais à mieux ressentir ce tableau que j'aime par ailleurs beaucoup. Je ne le connaissais que par le biais des reproductions , je ne peux m'empêcher de chaque fois le caresser du doigt, je m'attendais à un tableau plus lumineux mais il n'était pas mis en valeur et c'est ça , je crois, qui m'a heurtée. Il faut que je le découvre dans un autre environnement. J'ai bien apprécié la description que tu en fais et je veux moi aussi ressentir pareille émotion.
Françoise j'ai bien ri à ta proposition :))
c'est vrai à Venise, il faut rester longtemps pour se permettre le musée... Et puis dans les églises, c'est l'exposition permanente...
Bonne soirée à toi.
Bises du soir.
Artemisia, tu as raison, ce tableau est très beau, et l'émotion fait le travail, laissons aux experts, leur coup d'oeil d'experts...
Moi je dis seulement ce que j'ai vu avec bonheur.
A très bientôt de te voir.
AnnaLivia, merci pour ton intérêt... Moi je suis venue le voir deux fois... Après il était parti pour un autre lieu sur Venise...
A très bientôt, bonne soirée à toi.
Danielle, il ne faut pas te mortifier, un tableau n'et pas ressenti par tout le monde de la même façon, c'est vrai que voir un original dans son format est merveilleux.
A ta prochaine visite à Venise, fais un tour encore à Accademia, tu trouveras peut-être le tonnerre dans le tableau :)))
Passe une bonne soirée Danielle.
Très agréable de suivre ton regard à travers cette toile de beau Giorgio et les descriptions que tu en fais.
J'aurais tendance à dire la même chose que notre autre Danielle, je ne ressens pas grand'chose devant ce tableau, mais l'étude que tu en fais est très intéressante.
Et puis mourir si jeune en ayant fait toutes ces rencontres et avoir aimé la vie comme il l'a fait me touche quand même beaucoup !
Bonne soirée
Merci Danielle de suivre mon regard, surtout si le tien est différent...
Le tableau était bien éclairé, lumineux, tellement différent de tout ce qu'il y avait autour, ce paysage si fort, ces deux personnages si palpables si humains, si tranquilles... J'ai été touchée c'est vrai...
Passe une bonne soirée Danielle à très bientôt de te lire.
Oui je ressens très bien ton regard sur ce tableau que j'ai eu aussi l'occasion de voir au palais Grimani mais à la différence de Danielle je trouve qu'il était mis en valeur seul dans une salle, et bien éclairé puique j'ai aperçu au premier regard l'éclair jaune et dans ce bel écrin qu'est le palais Grimani. Par contre il n'y avait que quatre toiles de Giorgione!
Bonne soirée
Enitram, oui, c'était justement là au palais Grimani qu'il a été déplacé...
Je suis heureuse pour toi que tu l'aies vu en pleine lumière...
Bonne soirée à très bientôt.
Danielle, finalement, je crois que je suis déçue d'avoir été déçue.Depuis toute jeune je collectionne les reproductions de tableaux et bien sûr j'ai mes préférés dont" La tempête".Voilà que l'occasion m'est offerte de le voir pour de vrai et le déclic ne se fait pas..je crois que j'attendais trop
de cette découverte mais j'irai le revoir...si j'en ai la possibilité.
Bien sûr Danielle, ce qui t'arrive avec "La Tempête" arrive tout le temps... je crois que notre souvenir, notre imagination travaillent dans l'ombre de la réalité... Mais quelquefois aussi nous sommes émerveillés par une oeuvre, oubliée, délaissée, ça m'arrive toutes les fois à Venise... Un tableau de Pordedonne que je n'avais jamais vu par exemple !!!
Bonne journée à toi Danielle, à tout bientôt.
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